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Israël, l’obsession du territoire

Julieta Fuentes-Carrera, Philippe Subra

Tout droit venue de Mexico où elle enseigne, Julieta Fuentes-Carrera est accueillie par Daniel Oster, qui, en guise de présentation, brandit haut son livre, qui donne son titre au Café de ce mardi 18 décembre : Israël, l’obsession du territoire, publié chez Armand Colin en 2018. Sous-titré Aménagement et géopolitique en Israël et en Cisjordanie, il s’agit de la version grand public de sa thèse préparée et soutenue en 2013 à l’Institut Français de Géopolitique de l’Université Paris 8. Philippe Subra, qui a collaboré à l’ouvrage, y travaille également. Spécialiste de la géopolitique de l’aménagement du territoire, il apportera à l’intervention un regard nourri de ses propres exemples français et européens, et une mise en perspective de cette somme à la fois récente et colossale.

Daniel Oster interroge Julieta Fuentes-Carrera sur ce qui a motivé le choix d’un tel sujet de thèse et la manière dont elle a conduit son travail de terrain. Réflexive, elle précise d’abord qu’elle n’est aucunement juive, ni arabe, ni n’a de lien affectif particulier aux territoires étudiés ; mais que sa première visite, en 1999, lui a montré une organisation spatiale inversée par rapport à celle du Mexique, et que cela l’a intriguée. Alors que dans son pays d’origine les populations précédaient les aménagements, en Israël, l’aménagement était réalisé avant l’arrivée de l’essentiel de la population actuelle (juive). D’où ces grandes autoroutes n’arrivant nulle part, ces HLM vides, attendant qu’on les peuple. Julieta Fuentes-Carrera fait alors quelques recherches sur Internet. Le site de l’IFG et une offre de thèse apparaissent parmi les résultats ; la bourse du gouvernement français tombe. Elle conduit alors son Master et son Doctorat à ce sujet.

Philippe Subra prend la parole : il s’agit, pour lui, de la mise en forme d’un travail entrepris pendant plusieurs années, où il dit n’avoir joué qu’un rôle mineur. La thèse est « remarquable » : elle explore une dimension du conflit israélo-palestinien totalement négligée. Elle a l’audace de montrer qu’un conflit qui « passionne », peut être abordé, au même titre que les territoires « calmes » que lui travaille, du point de vue de l’aménagement, et plus encore : que l’importance des politiques d’aménagement dans le conflit et dans la prise de contrôle du territoire est cruciale. L’intérêt de ce livre réside donc ici : dans l’explication du processus par lequel une stratégie d’Etat remarquablement intelligente, menée dans des contextes différents, aboutit à un constat sans appel : Israël contrôle aujourd’hui 90% du territoire de l’ancienne Palestine. Il ajoute qu’on a bien ici affaire à un livre de chercheur, et non de militant : l’ouvrage est documenté de références consultables, d’articles, d’entretiens, de très nombreuses cartes originales, etc.

Julieta Fuentes-Carrera répond au second temps de la question de Daniel Oster : le travail de terrain. Elle a voyagé en Israël une première fois en 1999, mais n’a démarré les travaux qu’en 2004, pour les conclure en 2016. Au bout d’un mois passé là-bas en moyenne chaque année, la chercheuse a parcouru presque tout le territoire.

Avant Israël, une politique en germe : l’aménagement et ses fins au temps du Yichouv (1890-1948)

Daniel Oster reprend le fil de Philippe Subra : il est en effet étonnant, selon lui, qu’on n’évoque pas, dans le conflit, cette politique d’aménagement. Philippe Subra a contribué, pour d’autres terrains, à mettre en lumière les liens entre aménagement et géopolitique ; Daniel Oster invite les intervenants à faire un peu « d’histoire et de géographie » pour comprendre leurs rapports en Israël, rapports qui s’échelonnent, puisque nous commencerons l’étude à partir de 1890, sur plus d’un siècle.

Philippe Subra donne alors quelques renseignements géographiques élémentaires sur ces territoires : la Cisjordanie, qui domine la plaine littorale, correspond, en taille, à un département français moyen – la Seine-et-Marne, par exemple. Au total, l’espace étudié, bien que fractionné, est fait de distances faibles : dix-sept kilomètres entre Tel Aviv et Ramallah. A cela s’ajoute une population importante et diverse dans un périmètre comparable à celui de la Bretagne : treize millions d’habitants y vivent, Juifs et Arabes à parité.

A la demande de Daniel Oster, Julieta Fuentes-Carrera met en perspective historique les relations entre aménagement et géopolitique en Israël, plus anciennes qu’il n’y paraît. 1967 et 2002, respectivement date du début de la construction des colonies en territoires occupés et date d’édification du mur de séparation entre Israël et Cisjordanie, sont certes des dates charnières, mais la stratégie territoriale poursuit les mêmes objectifs principaux depuis le Yichouv (l’implantation juive en Palestine avant la création de l’Etat d’Israël, entre 1890 et 1948). L’aménagement a commencé là : lors de l’établissement de points d’ancrage dans des terres qui, au départ, ne pouvaient être ni peuplées ni travaillées, car marécageuses, puis qui, avec l’import des savoir-faire européens et la découverte de la quinine, ont été drainées, asséchées, pour y développer une agriculture. L’organisation spatiale du peuplement y devient stratégique : les foyers juifs s’établissent aussi le long des voies de communication malgré une continuité territoriale encore inachevée. C’est la naissance des kibboutz, et, plus largement, l’origine de la densification du peuplement juif en Palestine où les relations se crispent avec les populations locales jusqu’ici peu intéressées par les entreprises juives dans ces terres inhospitalières. En 1936, une première révolte palestinienne a lieu : la puissance mandataire sépare les deux groupes. Mais les sionistes s’adaptent rapidement à ce nouvel ordre et créent des structures à la fois défensives et offensives : l’Homa Oumigdal, littéralement La Tour et l’Enceinte, permet par exemple l’implantation et en même temps la mobilité et le contrôle des axes par les sionistes.

Daniel Oster interroge les rapports de pouvoir entre Juifs et Arabes auxquels nous parvenons peu à peu : l’aménagement poursuivait-il d’autres objectifs que la judaïsation du territoire ? Il évoque à titre d’exemple d’autres dynamiques comme les dissensions au sein de la population juive et la marginalisation de la population arabe. La judaïsation n’interviendra comme objectif que « plus tard dans l’histoire », dit Philippe Subra. Pour Julieta Fuentes-Carrera, il s’agit de la conséquence du projet sioniste, mais ni de l’objectif premier, ni de l’actuel. Secondaire, en fait, développe Philippe Subra, mais nécessaire à la réalisation des premiers, qui convergent vers celui-ci : créer un Etat ex nihilo. Une fois l’Etat délimité, il faut inclure le maximum de territoires et de populations sionistes. La marginalisation des populations arabes résulte de l’application de ce projet dans ce contexte. La question de la judaïsation ne se pose que dès lors que le peuple juif a atteint la supériorité numérique.

Murs, routes, limites : les traductions spatiales de la politique d’aménagement israélienne

Cette stratégie efficace s’est consolidée dans le temps. Le mur des séparations, dispositif le plus médiatisé de la mise en relation des Juifs et des Arabes, en est l’incarnation. Daniel Oster le nuance néanmoins, à la lumière de sa lecture du livre : non seulement il n’est qu’une composante d’une stratégie bien plus large de frontière, mais en plus il ne fait pas que séparer. Julieta Fuentes-Carrera confirme : il existe des murs avant ce mur, à l’intérieur même d’Israël. Avant 2002, des murs plus petits sont érigés. L’idée est là : séparer, mais aussi sauvegarder des démographies. A Ramla, en 2012, un mur de quatre kilomètres de longueur a été construit entre un quartier arabe et un quartier juif, forçant les arabes à en faire le tour pour se rendre au centre-ville. L’argument sécuritaire donné pour justifier le mur s’appuie, en fait, sur une articulation entre système d’aménagement et système juridique. Des zones prioritaires de développement sont déterminées par un plan national, correspondant le plus souvent aux terres israéliennes. Or, les permis de construction sont délivrés en fonction d’elles : les Arabes peinent de ce fait à en obtenir. Les constructions illégales se multiplient alors, et leurs auteurs arabes se voient sanctionnés pour ce délit grave. Le taux de criminalité explose, et la sécurité se voit brandie comme une nécessité.

D’autres dispositifs comme les routes constituent des éléments de cette stratégie de frontière, rappelle Daniel Oster. Elles connectent en effet tout en séparant, explique Julieta Fuentes-Carrera. Villes et villages arabes ne profitent que d’un réseau secondaire, tandis que les villes à dominante juive sont reliées par des autoroutes. Pour les premiers, trois kilomètres peuvent vite en devenir dix-sept. Les autoroutes encerclent parfois des villages entiers sans qu’ils puissent y avoir accès. Et ce dispositif fonctionne plus efficacement encore que le mur : à la différence de ce dernier, on ne peut pas détruire un réseau routier. Philippe Subra insiste bien sur ce point : des actions d’aménagement qu’on trouve partout dans le monde servent, en Israël, à prendre le contrôle du territoire au dépens de la population palestinienne, si bien que ce qui revêt, ailleurs, un caractère banal prend ici une importance géopolitique forte : en ajoutant de la mobilité à une population, on en retire à une autre. Pour lui, tel est le résultat de l’alternance entre les moments de conflits armés et les moments, plus apaisés, d’aménagement (dont les Palestiniens sont souvent les ouvriers par ailleurs) : « l’aménagement du territoire n’est qu’une prolongation de la guerre », disait l’Israélien Sharon Rotbard.

Quant à la redéfinition des limites administratives, la question est plus technique : on peut l’étudier à travers le cas des expropriations, par exemple. A Jérusalem, on redéfinit les limites pour inclure des colonies et en faire des quartiers ; on les redéfinit aussi pour autoriser ou refuser plus facilement des permis de construire, ou pour agrandir le réseau routier. Il faut voir l’ampleur de celui de la ville : au sud de Jérusalem, en six kilomètres en tout, on compte trois tunnels, un pont et un échangeur, reliant Jérusalem aux colonies illégales… juste au-dessus des villages arabes et les routes délabrées qui les relient. Leurs habitants n’ont de toute façon pas d’autre option, dit Philippe Subra. Les checkpoints situés sur le réseau principal interdisent aux Palestiniens de l’utiliser. Le réseau secondaire n’y est pas soumis. Deux organisations territoriales se superposent donc : les petites distances n’empêchent pas de vivre séparé.

Israël et ses défis : perspectives d’aménagement d’une société complexe

Daniel Oster demande aux intervenants si l’aménagement contribue à rendre invisibles les Palestiniens, les stratégies d’aménagement ayant suscité des vagues migratoires juives et augmenté le poids de la population se réclamant de cette identité – aussi plurielle et fracturée soit-elle. Après la guerre de 1949, raconte Julieta Fuentes-Carrera, beaucoup de territoires furent conquis. Tout le problème fut de les peupler : les frontières restaient vulnérables, et le désert du Néguev, par exemple, vide. Après la Seconde Guerre, les rescapés de la Shoah n’ont choisi Israël qu’en troisième option. Ariel Sharon (un autre Ariel Sharon que celui, plus connu, qui est devenu Premier ministre par la suite), alors à la tête du ministère de l’aménagement du pays, conçoit un plan de répartition de la population, appuyé sur des villes de secteur inspirées des villes européennes. S’ensuivirent un boom démographique et une diversification de la population : en 1948, la majorité des migrants étaient européens. Mais en 1953, ce sont les Juifs orientaux, principalement irakiens et yéménites qui dominent. Contrairement aux premiers, ils sont pour la plupart pauvres, démunis, sans éducation. La différence est donc nette entre les européens et ceux qu’on appelle encore aujourd’hui les Mizrahim (les orientaux).

Philippe Subra cite Ben Gourion pour évoquer l’enjeu majeur des années 1948-1949 en Israël : « nous courons le risque d’être un Etat sans peuple », disait celui à qui l’on attribue la fondation de l’Etat. Les Juifs orientaux constituent alors la majeure partie de cette population. Mais comment les accueillir, les prendre en charge, les guider, tout en répondant aux orientations stratégiques, comme peupler le Néguev ? Comment transformer, pendant ce temps, une population sioniste en population israélienne, et ainsi gommer les nombreuses divisions ethniques au sein même de la population juive, unie tant que tient la menace arabe extérieure ? Daniel Oster glisse l’exemple du clivage entre laïcs et ultra religieux ou Haredim, qu’explicite Philippe Subra. Il s’agit d’une composante de la population israélienne qui, au départ, est antisioniste. Elle se perçoit comme un mouvement de libération contre l’oppresseur extérieur et intérieur, le rabbin, et sa loi oppressive, la Torah, qu’elle rejette. La population Haredim connaît une pleine croissance démographique, supérieure à celle des juifs laïcs et même à celle des palestiniens musulmans : eux qui ne constituaient que 3% des juifs au départ représentent aujourd’hui 25% des naissances et, d’après les perspectives, 25% de la population juive en 2040. Ils investissent des quartiers entiers, des villes, des colonies ; mais ils partagent davantage, du point de vue de leur conception de la société, avec les islamistes qu’avec les israéliens. Les plus laïques d’entre eux s’en méfient, ajoute Julieta Fuentes-Carrera, au point de ne pas fréquenter leurs quartiers, où les agressions sont fréquentes.

Un peu de prospective pour terminer : la croissance démographique étant tout aussi forte dans les camps palestinien et Haredim, quelles perspectives géopolitiques ? Philippe Subra répond ainsi à Daniel Oster : jusqu’à maintenant, la politique a pleinement atteint ses objectifs : accueillir les populations arrivantes, combler les faiblesses stratégiques, peupler les frontières, sont choses faite. Mais Israël se heurte à des problèmes importants, dont les impacts de la colonisation et de la domination par la population juive des arabes, menant ainsi, d’après lui, à un « quasi apartheid. » Mais on peut poser la question démographique ainsi : comment ce territoire pourra, vers 2050, accueillir 25 millions d’habitants ? Passer d’une densité de 400 à 700 habitants au kilomètre carré, avec la pression sur les ressources naturelles qu’une telle transition implique ? Les chercheurs disent que la porte est ouverte à une catastrophe socio-économique et écologique majeure en Israël. Si l’on suit cette logique, ce serait alors une aberration de poursuivre cette politique d’appel à l’immigration juive, et ce d’autant plus que les Haredim sont appelés à devenir majoritaires. Qu’en sera-t-il de la coexistence future ? Le départ d’une partie de la population arabe peut être une solution. Mais alors la politique d’aménagement aurait atteint tous ses buts, et la coexistence sa fin partielle.

Questions

  1. Sur le plan de partage de l’ONU, « difficile à cerner » : il fut refusé par les Etats arabes, dit Philippe Subra. Cette image de deux Etats se croisant résulte d’une construction intellectuelle extraordinaire qui ne peut fonctionner. Des opérations militaires ont donc été menées pour construire un territoire cohérent. L’important, Philippe Subra le précise bien, fut de créer un Etat ; qu’importe encore le religieux.
  2. Les résistances aux politiques d’aménagement sont peu nombreuses, voire inexistantes. Julieta Fuentes-Carrera prend l’exemple de Rawabi, première ville palestinienne depuis l’Empire Ottoman, en construction pour devenir une smart city. Prévue pour accueillir 40000 habitants, elle est actuellement presque vide, faute d’approvisionnement fonctionnel en eau. En fait, poursuit Philippe Subra, Rawabi est calqué sur le modèle de la colonie israélienne : on peut y lire, reprend Julieta Fuentes-Carrera, un véritable « syndrome de Stockholm du point de vue de l’urbanisme », qui contribue à la colonisation du paysage. Les Juifs ont tenté de s’opposer au projet, de faire mourir le projet de ville : difficile dans le droit, puisque la ville est située en zone 1, contrôlée par l’Autorité palestinienne, mais facile pour les Juifs qui conditionnent leur accès à l’eau. Des oppositions ont lieu côté juif, donc, mais la ville leur est proche : il suffit d’observer les signaux faibles du paysage (signalisation routière, banalisation des checkpoints qui finissent par ressembler à de simples barrières de péage…) pour constater la victoire de la stratégie israélienne de conquête du territoire, puisqu’on a l’impression, en fin de compte, d’un territoire parfaitement unifié, sans l’ombre d’une résistance.
  3. L’une des préoccupations de l’aménagement du territoire en Israël est aussi liée aux espaces verts, pour couper avec le béton, matériau de colonisation ; mais il ne faut pas oublier, rappelle Julieta Fuentes-Carrera, que l’aménagement écologique est toujours stratégique. Autrement dit, la politique israélienne prend de plus en plus en compte le développement durable, mais s’en sert pour poursuivre sa prise de contrôle du territoire.
  4. Haïfa est décrite, dans le livre, comme « métaphore géographique des judaïsations. » La judaïsation de la ville, l’une des cinq mixtes, se poursuit en effet à travers une gentrification soutenue, visant à marginaliser les populations arabes. Haïfa est située, montre Julieta Fuentes-Carrera, sur la place du Mont Carmel. La position des communautés sur le mont est intéressante : les Ashkénazes surplombent les Arabes israéliens, situés dans la ville basse, en cours de judaïsation par une politique visant le remplacement des Arabes par des Orientaux ou des Juifs orthodoxes.
  5. La différence entre camps et villes n’est pas claire : les camps palestiniens ressemblent de très près à des villes avec des minarets ! Julieta Fuentes-Carrera répond que ces « villes » ne sont pas aménagées, à la différence des colonies : cela se voit dans le paysage. Quant à savoir si les chrétiens possèdent encore leurs propres villes, comme à Haïfa au temps de l’immigration allemande, elle dit que ce sont les premiers à partir, ou bien, dans quelques cas, à se concentrer dans quelques lieux saints. L’absence de dynamique démographique pour eux interdit cependant de voir dans les chrétiens un « bloc » de population notable en Israël.
  6. Les immigrés éthiopiens comptent parmi ces chrétiens, mais aussi et surtout parmi les militaires. Entrer dans l’armée est une chance pour eux de s’en sortir. C’est l’occasion pour Julieta Fuentes-Carrera d’ajouter que la plupart des chrétiens, hors de la vieille ville, sont des chrétiens franciscains, grecs, russes… mais très rarement arabes ou levantins.
  7. Au sujet des migrations d’Asie du sud-est et de Russie vers Israël, Philippe Subra répond, pour les Russes non juifs, qu’ils viennent en général en tant que conjoints de Russes juifs. Avec des faux papiers, le plus souvent, selon Julieta Fuentes-Carrera, ce qui ne leur empêche pas d’être plutôt bien acceptés, eux qui sont diplômés.
  8. Le traitement de la question à travers le prisme de la justice spatiale n’est pas évident selon Philippe Subra. Le sentiment d’injustice spatiale peut certes être un facteur de mobilisation fort, mais il est abordé ici du point de vue des représentations. Aussi les auteurs se refusent-ils à prendre position pour des raisons éthiques : ce n’est pas leur rôle, dit-il, que de dire ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Mais la justice joue un rôle dans le conflit : le but est simplement de comprendre pourquoi le conflit se déroule de cette façon-là, sans émettre un point de vue moral à ce sujet.
  9. La question des droits des arabes en Israël est, d’après Philippe Subra, une question démographique essentielle, puisque pour le Sionisme le fait que les Juifs soient majoritaires dans le nouvel Etat est essentiel. Les citoyens y ont tous les mêmes droits et devoirs, service militaire excepté, sauf pour les Druzes qui doivent l’accomplir. Tous et toutes votent et peuvent être élu.e.s. Si les discriminations existent, la situation des Arabes d’Israël reste meilleure que celle des Arabes palestiniens.
  10. Quant à savoir pourquoi Berlin est devenue une ville « pèlerinage » pour les jeunes israéliens, Julieta Fuentes-Carrera indique que cela n’a rien à voir a priori avec l’Allemagne ou la Shoah. Le voyage à Berlin est davantage un cadeau qu’on se fait avant ou après le service militaire, comme on partait avant en Inde avec les sous alloués par l’Etat aux jeunes soldats. Pour Philippe Subra, ce phénomène en dit long sur Berlin, sa vie culturelle, sa création fertile, mais aussi sur les jeunes israéliens, mondialisés comme les autres.

Compte rendu réalisé par Mélanie Le Guen