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Phnom Penh, la ville résiliente [1]

Vue de Phnom Penh depuis le Mékong https://freedomdestinations.co.uk/wp-content/uploads/Image-2-Phnom-Penh-City.jpg

 

Nous voilà à présent installés à Phnom Penh, la colline de Madame Penh. Le déménagement est arrivé plus tard que prévu. A temps, certes, au port de Sihanoukville, mais coincé dans les procédures douanières et les multiples jours fériés de cette fin d’année et notamment le festival de l’Eau.

Nous sommes ravis et enchantés !

Nous sommes aussi dans cette belle période qu’est la découverte d’une nouvelle aventure et d’une culture étrangère, et également dans les souvenirs de nos mamans respectives qui ont vécu au Vietnam. La toute proche Hô Chi Minh-Ville, ex-Saïgon, n’est qu’à 250 km environ de Phnom Penh.

 

Début décembre, nous sommes montés à Siem Reap vers le nord en voiture pour participer au marathon d’Angkor Vat (dix km pour moi seulement). Il faisait 16 degrés le matin. Royal. Les parcours des 10 et 21 km étaient tracés à travers les temples, ce fut merveilleux. Prendre le départ à l’aube et admirer en courant le soleil qui monte timidement derrière les temples…et le silence dans la forêt. Nous n’avons pas eu le temps durant ce court week-end de visiter en détail ces superbes architectures, qui méritent au moins deux jours pleins tant il y a de temples, ce sera l’objet de prochaines balades dans l’année.

Aujourd’hui à Phnom Penh, il fait chaud, entre 24 et 33 degrés, le temps est un peu lourd, alors qu’en décembre les températures étaient plus fraîches, oscillant entre 22 le matin et 28 en fin de journée. Notre appartement est très sympa. La résidence comprend deux bâtiments et, au dernier étage du deuxième bâtiment, il y a une belle salle de sport avec vue sur la ville et la piscine. C’est très pratique. Ce sont des serviced apartments, ou condominiums, ils constituent l’essentiel des logements à présent. Car Phnom Penh poursuit son expansion anarchique, à la verticale comme en surface. Les prix de l’immobilier flambent. Une maison dans le quartier se louait 500 USD par mois il y a 15 ans, le montant est passé à 4 000 ou 5000 USD aujourd’hui. La ville tente de rattraper ses grandes voisines. Malheureusement toutes ces belles maisons disparaissent chaque jour au profit des tours d’habitations et de bureaux. C’est la loi du marché …et des Chinois qui sont fort implantés ici, économiquement, et pas uniquement. Les points négatifs de la ville apparaissent clairement : partout des travaux, le manque d’espaces vert, le bruit et la poussière, et… les Chinois, guère appréciés ici.

Les Khmers sont adorables et extrêmement gentils. Oui, le pays du sourire, c’est vrai. La communication n’est certes pas aisée car la nouvelle génération parle très peu l’anglais, essentiellement des mots de vocabulaires liés à leurs tâches (vente, ménage, taxi, etc.) et plus du tout le français. Mais que de gentillesse et de bienveillance dans ces regards ! Cela est d’autant plus surprenant quand on pense aux terribles souffrances et guerres encore très récentes que ce pays a traversé. Et cette énergie, incroyable.

Alors, il nous reste les mains et le traducteur Google. On s’arme de patience pour se faire comprendre ou les comprendre. J’envisage de prendre des cours rapidement pour être plus à l’aise, ne serait-ce qu’au marché où, là, rares sont ceux qui parlent anglais.

Nous avons passé deux mois à l’hôtel situé sur le bord du Mékong près du confluent avec le Tonlé Sap qui mène au grand réservoir d’eau douce. Nous avons sillonné la ville à pied et en tuk-tuk (tricycle motorisé cambodgien) pour gagner notre logement et comprendre la ville. Phnom Penh a un plan quadrillé et les noms s’effacent au profit de numéros. Nous habitons sur la 434, la boulangerie est sur la 63, le kiné sur la 306… Les plans urbains datent de l’époque de l’Indochine française. Un Français a récemment mis en place the Heritage Tour. Chouette et intelligente idée que de se balader dans un petit bus électrique et visiter 22 sites datant de l’époque française et toujours d’actualité. Très intéressant et original avec chacun sa tablette et ses écouteurs (audioguide) pour servir de guide dans une vingtaine de langues.

 

Les trottoirs ne sont trottoirs que lorsqu’ils ne sont pas pris d’assaut par les scooteurs, les tuk-tuk, ou les bâches tendues à l’occasion d’une fête de mariage. C’est moins cher qu’une location de salle, sûrement… Et donc rien de mieux qu’une bonne paire de baskets pour arpenter cette ville, ou rentrer du bureau en fin d’après-midi. Je savoure de loger à seulement 1 km du bureau. Exit la voiture, en tuk-tuk le matin et à pied le soir, tranquillement, en passant par différentes rues où j’apprécie de voir les Cambodgiens dans leur quotidien, de marchands ambulants, de vendeurs de jus, de joueurs de cartes, de sportifs… et en jonglant également avec la circulation, infernale pour certains, un peu brouillonne pour nous, mais tellement plus douce et calme par rapport à Tunis (nous sommes encore un peu dans les comparatifs…). Heureusement, la ville qui ne compte qu’environ 2 millions d’habitants n’est pas aussi infernale que Hanoi ou Bangkok. Beaucoup de trafic donc, mais avec la particularité de rouler n’importe comment… très doucement, ainsi ils peuvent tous s’éviter. Alors on roule, on traverse, on marche n’importe où… et tout le monde anticipe et ralentit.  Aucun klaxon, aucun énervement…. Les conducteurs sont trop lents au gré de certains (surtout trop au téléphone en conduisant). Une conduite sportive donc, mais on s’y fait très vite. Le scooter a une fonction très importante pour les familles au faible revenu et permet de transporter tout le monde, en même temps : papa, enfant, enfant et maman…. Le casque est obligatoire de temps en temps ! Un seul scooter transporte souvent quatre personnes. Oui, oui, incroyable ! Les femmes montent souvent en amazone, sans se tenir…très à l’aise. Très joli à voir. Il faut donc changer ses paramètres et retenir son cœur pour ne pas s’étonner de voir un enfant de vingt mois debout à l’avant du scooter, en train de boire son bion entre berle guidon pendant que papa roule et que maman téléphone derrière…

 

Beaucoup de couleurs, de saveurs et tous les fruits et légumes à tous les prix selon la provenance, locale (USA, Japon, Australie, Vietnam, etc.). L’offre de choix est importante. Les prix aussi. Des restaurants, de grands malls, des chaînes de magasins, japonais, américains, beaucoup de choix de restaurants français. On trouve aussi beaucoup de produits français, du fromage, des vins, de la charcuterie, faits sur place ou importés. Impossible d’être en manque. Mais nous nous régalons principalement des Fish Amok ou Loc lac, plat typique à base de poisson et lait de coco ou viande et curry. De fruits de la passion, des mangues…

Les courses se font, au marché, en commande en ligne avec livraison ou dans les supermarchés ! et le tout en dollar US ou en Riel (Unité monétaire du Cambodge. Les deux se côtoient officiellement et souvent la monnaie en dollar est rendue en Riel, exit les pièces. Tout plein de billets !

 

Nous n’avons encore visité ni le Palais royal, ni les musées, ni le Musée du génocide.

Les domaines de coopération avec le Cambodge restent essentiellement l’éducation, la participation de la société civile, la préservation de la forêt, la participation au tribunal des Khmers rouges, la préservation du bassin du Mékong, le respect des droits de l’homme et des libertés …. Avec une particularité depuis trois ans et la forte répression politique qui a poussé les principaux opposants au régime (le Premier Ministre est en place depuis 1985) à fuir le pays. Tout récemment, Sam Rainsy a tenté de revenir ce qui a provoqué une assez forte tension dans le pays. Le parti au pouvoir reste donc seul. Cette situation génère depuis une forte tension avec l’Union Européenne et l’accord préférentiel EBA (Everything But Arms), obtenu par le Cambodge depuis 2001 et qui permet l’accès au marché de l’UE sans payer de droits de douane (armes exceptées), est actuellement sous les projecteurs de l’UE qui doit décider, en termes de réponse à cette détérioration des droits de l’homme, dans les prochaines semaines, de suspendre, partiellement ou pas, cet accord. Un probable désastre économique, dénoncé entre autres par les organisations syndicales, le secteur privé, etc., pour le pays et pour une grande partie des emplois dans les secteurs visés par cet accord (textile, chaussures, etc.).

 

Fabienne PARENT, Coopération pour le développement, Janvier 2020.

 

[1] Ville résiliente : terme utilisé par l’AIMF (Association internationale des Maires francophones). On entend par « ville résiliente », une ville qui prend en compte dans son développement différentes formes de vulnérabilité qu’elle cherche à limiter et qui développe des capacités d’adaptation à de possibles événements soudains.