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Repas italien

 Cafés Géographques de Paris
Repas italien du 6 mars 2012
commenté par Fabrizio Maccaglia

Gilles Fumey introduit la soirée en rappelant que les repas géographiques sont venus d’une idée de Michel Sivignon : le premier repas, un repas grec, date de plus de 10 ans, et nous avons pris goût à la géographie de la cuisine !

Le repas est commenté par Fabrizio Maccaglia, maître de conférences en géographie à l’Université François Rabelais de Tours, dont les travaux portent sur l’aménagement du territoire en Sicile et plus spécifiquement sur les pratiques informelles dans l’action publique territoriale.

Nous sommes ici dans un restaurant toscan, I DIAVOLETTI, Trattoria Toscana 73 rue Claude-Bernard Paris 5ème .

La cuisine italienne est devenue très visible dans le monde : non seulement de nombreux restaurants italiens se sont ouverts en Chine, aux Etats-Unis ou dans les pays du Golfe, mais c’est également une cuisine qui a largement pénétré dans les foyers. Cette mondialisation de la gastronomie italienne s’est accompagnée, comme dans le cas de la cuisine chinoise ou vietnamienne, d’une adaptation aux cultures, usages et goûts locaux. La communauté émigrée italienne a largement contribué à rendre populaire certains plats à l’échelle mondiale comme les pâtes ou la pizza : la pizza, autrefois peu consommée en dehors de Naples, s’est répandue dans la seconde moitié du XXe siècle à partir des Etats-Unis.

La vitalité et l’innovation de la gastronomie italienne s’observent aujourd’hui dans le mouvement slow food qui s’inscrit en rupture de la culture du fast food. Le mouvement, dont la devise est « Bon, propre et juste », promeut un art de manger et de vivre qui valorise les produits locaux et de qualité, soutient une agriculture respectueuse de l’environnement, des territoires et des traditions locales. Ce mouvement, créé voici 15 ans à Turin par Carlo Petrini, est devenu une association internationale qui compte 100 000 membres répartis dans 150 pays.

La cuisine italienne est très différente de la cuisine française du fait de ses origines spécifiques. L’Italie est longtemps restée un pays de royaumes, de duchés et de souverainetés concurrentes dans lequel les villes ont joué un rôle majeur non seulement dans l’organisation du territoire mais également dans la production de codes culturels dont les codes gastronomiques. L’Italie n’a pas connu, à l’image de la France, une cuisine de cour liée au processus de centralisation monarchique. La cuisine italienne est une cuisine bourgeoise et citadine.

La structure du repas

L’antipasto est un hors-d’œuvre, ensuite viennent le primo piatto : les pâtes, secondo piatto : la viande ou le poisson, les légumes : contorni puis le dolce : le dessert. Cette structure s’est mise en place au XXe siècle et surtout dans la deuxième moitié du XXe siècle, avec l’uniformisation des comportements et des pratiques alimentaires.

Premier plat

Des légumes grillés : courgettes, aubergines, accompagnée de pain aux olives. Historiquement, la cuisine italienne se caractérise par l’importance et la diversité des légumes, et l’originalité de leur accommodement, aussi bien dans la cuisine nobiliaire que populaire, c’est pourquoi ils sont aussi présents lors des repas. Le Liber de coquina, aux XIIIe-XIVe siècles, un livre de cuisine qui s’adresse à la noblesse et constitue une référence à son époque, s’ouvre par exemple sur la présentation des légumes. Si le climat est propice à la culture des légumes et des herbes, la pauvreté est une contrainte qui a permis le développement d’un savoir faire dans l’accommodement des légumes. Il est d’usage de relever le goût des légumes avec de fines herbes comme la marjolaine, la sauge ou le romarin. Si les légumes sont largement présents dans toutes la cuisine sans distinction de classes sociales, certains comme l’aubergine (mela insana : pomme non comestible) ont néanmoins longtemps été consommés exclusivement dans les couches populaires :  l’aubergine, soit frite dans l’huile soit grillée, était peu considérée car présente dans la cuisine juive. La bruschetta, tranche de pain recouverte d’huile d’olive ou de tomate, est désormais inscrite dans tous les menus. C’est un repas de pauvres au XIXe siècle et pendant une bonne partie de XXe siècle.

Les pâtes

La tradition de pétrir de l’eau avec de la farine date de l’antiquité romaine. Elles sont cuites au four. Le Moyen Age voit apparaître différentes formes de pâtes : longues, fourrées ou non, épaisses. Elles sont cuites à l’eau ou au court-bouillon. La présence de pâtes dans le premier plat est un usage napolitain : l’usage de les manger al dente, c’est-à-dire légèrement dure, vient de Naples. De même que de les agrémenter de sauce tomate : accompagner les pâtes avec de la sauce tomate, avec du sel, de l’oignon, de l’huile, est une invention espagnole, introduite à Naples à la fin du XVIIIe siècle. Chaque région possède son art d’accommoder les pâtes et plus particulièrement en sauce. L’introduction des pâtes sèches est vraisemblablement le fait des Arabes établis en Sicile (cette innovation est sans doute liée à la nécessité de transporter de la nourriture sur de longues distance) ; jusque-là les pâtes se consommaient fraîches. Les pâtes deviennent alors exportables, un produit qui s’échange. Leur usage variait selon la classe sociale. Les cours princières et les aristocrates les prenaient en accompagnement, la bourgeoisie en plat principal, tandis que le peuple en consommait peu car il s’agissait d’un plat cher. La démocratisation des pâtes arrive au XVIIIe siècle, avec le pétrin mécanique et la presse mécanique. La deuxième moitié du XXe siècle voit l’arrivée des pâtes industrielles.

 

La polenta

Le deuxième plat est un lapin à la polenta. La polenta est une galette préparée avec de la bouillie de farine de maïs. Ce plat en usage dès l’époque romaine n’était alors pas élaboré avec du maïs (qui vient des Amériques) mais avec différentes céréales : froment, orge, millet, sorgho. En Amérique, le maïs est consommé bouilli, cru, en grain. En farine, il n’a pas la même valeur alimentaire. La polenta de maïs s’impose au XVIIIe siècle. Typique de l’Italie du nord, le maïs est la céréale qui possède le meilleur rendement et elle est de plus en plus cultivée. La polenta a été longtemps considérée comme le plat du pauvre, mais cette alimentation exclusive donnait la pellagre (une carence en vitamines S), les enfants étaient rachitiques. La raison en était la manière particulière dont le grain était traité. On ne trouva que vers 1930 qu’il fallait ramollir le maïs dans une solution alcaline, de l’eau de chaux pour le rendre consommable. Plat du pauvre par excellence, la consommation de la polenta s’est généralisée dans la seconde moitié du  XX ème siècle et est aujourd’hui un incontournable de la gastronomie italienne.

 

L’huile d’olive, marque de fabrique de la cuisine italienne et de la diététique, s’est diffusé tardivement dans la péninsule. Pendant longtemps, son usage était limité aux régions méridionales car le climat des régions septentrionales limitaient la culture de l’olivier. Dans ces régions, les populations avaient l’habitude de consommer du beurre ou d’autres huiles comme l’huile de noix. Ici comme ailleurs, l’usage des graisses était déterminé par le calendrier liturgique : le lard correspond aux jours maigres, le beurre aux jours non maigres.

 

En dessert, il nous est servi un tiramisu et de la pannacotta.

 

Le restaurant

I DIAVOLETTI, Trattoria Toscana 73 rue Claude-Bernard 75005 Paris.

 

Bibliographie

CARPATTI Alberto et MONTANARI Massimo, La cucina italiana : storia di una cultura, Bari/Rome, Laterza, 1999 ; trad. fr.,, La Cuisine italienne : histoire d’une culture, préface de Jacques Le Goff, trad. de l’italien par Anna Colao, Paris, Seuil, 2002.

Le Liber de coquina.

 

Quelques ouvrages de Fabrizio Maccaglia :

MACCAGLIA Fabrizio, Palerme, illégalismes et gouvernement urbain d’exception, Lyon, ENS Editeur, 2009, 260 p.

Les cafés géo ont fait un compte-rendu de ce livre (http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1978)

MACCAGLIA Fabrizio (en coll.), Atlas des mafias : acteurs, trafics et marchés de la criminalité organisée, Paris, Autrement, 2009, 80 p.

Les cafés géo ont fait un compte-rendu de ce livre (http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1799)

Fabrizio Maccaglia a co-animé un Café géo en 2002 (http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=59)

 

 

Compte rendu : Michel Giraud, relu et amendé par Fabrizio Maccaglia.