Mercredi 5 février 2020, Café « Boulang’ et Pâtiss’ », Lyon

Analyse des projets français et mise en perspective internationale    

par Delphine GINEY, docteure en géographie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Laboratoire LADYSS – UMR 7533 du CNRS, Paris. Séance co-organisée par la Géothèque et l’APHG – Régionale de Lyon, et animée par Martin CHARLET, APHG de Lyon.

Cette première séance de l’année marque la reprise des Cafés géographiques de Lyon, désormais portés par l’engagement de deux associations lyonnaises, la Géothèque et l’APHG, qui souhaitent ainsi maintenir le lien entre l’actualité de la recherche en géographie et le grand public lyonnais.

Pour cette occasion, nous avons le plaisir d’accueillir Delphine GINEY, qui a récemment soutenu une thèse de doctorat sur l’acceptabilité sociale des projets de transport en commun par téléphériques urbains, à l’Université Paris 1, sous la direction du Pr. Pierre PECH. Il s’agit d’une thèse au format peu commun, puisqu’elle s’est inscrite dans le cadre d’un partenariat industriel en R&D (programme I2TC, comprenant notamment le transporteur Poma, le constructeur Eiffage, la recherche appliquée de l’Ecole centrale et la RATP) pour développer cette technologie en milieu urbain. On parlera bien ici d’un mode de transport qui n’est pas à finalité touristique, mais bien à considérer comme une solution de transport en commun à part entière. En cela, il s’agit d’une solution nouvelle, puisqu’elle n’existait pas dans les villes françaises avant 2016 avec la première réalisation de ce type, à Brest.

 

Aspects techniques et émergence de ce mode de transport

La notion de transport par câble recouvre des solutions techniques très variées (nombre de câbles, répartition câbles tracteurs / câbles porteurs, etc.), mais son principe est simple et très ancien : l’idée est visible en Chine dès -250 av. JC, mais elle se développe surtout à partir de la révolution industrielle avec les câbles en acier. Réservée d’abord au transport de matériaux, elle s’ouvre au transport de personnes à la fin du XIXe siècle, d’abord au sol (funiculaires tractés), puis en mode aérien lors des expositions universelles en 1900, avant des réalisations majeures, principalement touristiques (ex : Aiguille du Midi, 1924 ; Grenoble en 1934) ; elle se généralise avec les sports d’hiver.

Pourquoi cependant une réorientation récente vers le contexte urbain ? On constate d’abord une saturation du marché des sports d’hiver, ce qui pousse les constructeurs à se tourner vers un nouveau marché. Le contexte du Grenelle de l’environnement a pu également jouer : ce mode de transport a été promu pour son aspect peu coûteux, peu impactant (faibles infrastructures au sol) et très pratique pour surmonter les coupures urbaines (ex : autoroutes, trémies de chemin de fer). Il a d’ailleurs bénéficié d’un portage politique depuis lors (Ségolène Royal au Ministère de l’environnement, Valérie Pécresse en Île-de-France) et a bénéficié de la levée récente d’un verrou réglementaire qui interdisait, jusqu’en 2016, le survol des habitations privées.

En termes de capacité et de vitesse, le transport aérien par câble est équivalent à un tramway, soit environ 5000 passagers par heure. Mais la nouveauté de ce mode de transport pose d’autres questions : quel accueil par les citadins ? Quelle insertion en milieu urbain dense ? Quelle capacité à être intégré à l’offre de TC habituelle ? En France, on n’a pas l’habitude du transport aérien en ville, si ce n’est dans le cas du métro aérien de Paris. Ce dernier résulte d’une contrainte technique avant tout – des problèmes de forage – et non d’un choix. Par contre, l’idée d’un transport aérien nourrit des imaginaires urbains fertiles (ex : dirigeables, engins volants dans les villes), surtout dans le registre de la science-fiction.

Dans l’absolu, il y a peu d’exemples de transport par câble en ville jusqu’à présent, sauf en Géorgie (Tbilissi, Chiatura : 10 lignes), en Algérie (Alger : 6 lignes), un peu en Russie… et un essor très récent en Amérique du Sud (2004 pour le premier à Medellin, Colombie). En France, on ne compte qu’une seule réalisation (Brest), mais beaucoup de projets, notamment en Île-de-France, sinon à Toulouse ou bien à Saint-Denis de la Réunion. (suite…)