Café Géo de Montpellier #1 du 06 Septembre 2015
Avec Pascal Chevalier, Professeur à l’Université Montpellier 3, UMR Art­Dev, et Pierre Girard, chef du service des études et de la diffusion INSEE Languedoc Roussillon

Ce café géo avait la volonté d’éclairer certain­e­s de nos citoyen­ne­s sur la réforme actuelle qui redéfinit le contour de notre région, le Languedoc-­Roussillon, qui deviendra l’une des plus vaste de France lors de sa fusion avec la région Midi­-Pyrénées, effective le 1er janvier 2016. Les intervenants ont pu interroger la cohérence de cette réforme.

Intervention de Pascal Chevalier

Il  faut  dans  un  premier temps rappeler le contexte de la fusion des régions, et interroger cette question de la cohérence. Quelle est la meilleure échelle à prendre depuis les lois sur la décentralisation ? Le modèle français est unique car il est fragmenté, et cela même à grande échelle puisque le territoire national est composé de 36 000 communes.

L’idée de rassembler ces dernières en des ensembles plus vastes n’est pas neuve. En effet,  une  réforme  a  déjà  pu  voir le jour dès le XIX° siècle :  les SIVU, ou Syndicat Intercommunal à Vocation Unique, qui exprimaient déjà la volonté de regrouper des communes  entre elles. C’est alors un leitmotiv puisque cette question du regroupement reparut dans les années 1960, période durant laquelle on réfléchit sur un maillage territorial dans une France pourtant centralisée. Les lois sur la décentralisation font des territoires français des collectivités. La dernière de ces collectivités nous est connue : il s’agit de la Région.
La loi ATR ­ Administration Territoriale de la République, est à l’origine des communautés de communes, en zones rurales, et des communautés de villes, en zones urbaines. Plus tard, en 1996 et 1999, la LOADDT instaurera de nouveaux échelons avec la création des Pays.

Il est donc un problème majeur en France, celui de la redéfinition optimale des territoires de gestion.

Plus récemment, sous le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy, un comité présidé par Edouard Balladur voit le jour en 2007 et 2008 : le Comité Balladur qui en regroupe en réalité deux ­ le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, et le Comité des collectivités locales. On y mène cette réflexion : quels effets d’une fusion du maillage territorial et régional ?

Dans un premier projet de découpage, on ne “redécoupe” pas mais on fusionne. Ces fusions devaient faire passer de vingt­deux à quinze le nombre de Régions, élargies et leur donnant plus de place. Le Languedoc­-Roussillon est, comme nous pouvons le constater sur la carte, seul. Mais on peut y voir un regroupement du grand ouest français. Le reproche qui fut néanmoins fait dans ce premier découpage fut que ce dernier confortait certaines disparités régionales : fusion de deux régions telles que le Limousin et l’Auvergne.

Un second projet de découpage fut proposé par le gouvernement Ayrault : non plus quinze grandes régions mais quatorze, tout en conservant quelques réflexions de la Commission Balladur.  Dans  ce  projet,  le  regroupement cherchait davantage à nuancer les disparités régionales.

Enfin, un troisième projet vit le jour sur proposition de la commission sénatoriale. On y remarque que le Languedoc­-Roussillon est toujours seul.

Néanmoins, dans la réforme actuelle, la France est divisée en treize grandes régions et dans laquelle Midi-­Pyrénées et Languedoc­-Roussillon fusionnent pour devenir une seule et même grande région, l’équivalent de l’Irlande de par sa superficie. Après les avoir définit, il ne reste finalement qu’un nom à trouver. Par ailleurs, il est à remarquer qu’aucun démantèlement n’a été fait mais qu’il s’agit bien d’une fusion des Régions. Car la fusion est une simplification. Deux problèmes sont toutefois posés à l’heure actuelle :

  • ­    la question des capitales régionales.
  • ­   la place des institutions et la fusion des établissements d’État dans ces nouvelles Régions (exemple, le rectorat), ou d’autres (exemples, les Safer ­ Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural ­ ).

Nous sommes aujourd’hui, de manière indirecte, dans la fusion des régions, fusions qui  auront pour objectifs finaux de réduire les coûts et d’accroître la compétitivité des Régions françaises face à d’autres européennes. Se pose donc le problème d’un fonctionnement  régional différent puisque les régions ont eu environ vingt ans pour se construire séparément. La question se pose : comment va se mettre en place cette nouvelle synergie au sein d’une nouvelle Région ?

Intervention de Pierre Girard

C’est  entre  l’Assemblée  Nationale  et  le  Sénat  que  s’est  joué l’actuelle réforme territoriale, votée sous le nom de loi NOTRe ­ Nouvelle Organisation Territoriale de la République ­. Elle institue les nouvelles compétences des institutions qui régissent les treize Régions. Ce n’est pas la fusion au sens de redécoupage qui importe réellement, mais bien la fusion au sens de répartition des compétences (exemple : les agglomérations, les EPCI ­ Etablissement public de coopération intercommunale ­), car en effet toutes les collectivités voient leurs missions évoluer. La question n’est pas seulement géographique mais institutionnelle. Nous allons donc tenter d’expliquer comment va fonctionner cette future grande Région au niveau économique. Et il ne s’agira pas de voir cette nouvelle grande Région Midi-­Pyrénées/ Languedoc­-Roussillon comme un bloc mais comme un ensemble de territoires.

La nouvelle région Languedoc­-Roussillon/ Midi-­Pyrénées sera l’équivalent de par sa taille à l’Irlande, et au Danemark de par sa population. Cette nouvelle région ne sera pas dans le classement des catégories 3 mais jouera dans la catégorie 2 ­ la catégorie 1 étant celle des grandes métropoles comme Paris et Londres. En cela, elle sera classée 18° région européenne et 5° française en terme de population. Elle regroupera treize départements. C’est sur la démographie que nous nous arrêterons avant de parler d’économie.

Grâce à cette carte des densités de population en 1962, nous pouvons dégager deux choses. D’une part, l’implantation des personnes et des activités suit le relief et les axes de communications.  Il  y  a  l’axe  Bordeaux­-Toulouse, par exemple. De l’autre, les massifs, Pyrénées et Massif central, expliquent la faible densité dans certaines parties de ce territoire. Mais la géographie physique n’explique pas tout de la répartition des hommes sur un territoire selon Paul Krugman, économiste américain, ce sont également les avantages de seconde nature.

La période de très forte croissance des grandes villes a dépeuplé les campagnes. Cinquante ans après, on peut le remarquer sur cette carte, Toulouse s’est développée en étoile tandis que le pourtour méditerranéen a gardé sa forme de corridor avec un phénomène d’étalement urbain. Le monde rural en 2012 a finit de perdre de la population mais en a gagné avec le phénomène de périurbanisation. De ce fait, on peut parler d’un accroissement de population dans certains espaces ruraux quand d’autres sont en grande partie vide.

Deux principales composantes de la croissance de la population sont le solde naturel et le solde migratoire. Ce dernier explique 80% de l’accroissement de la population. Il y a un lien très fort entre l’économie et le nombre personnes arrivant dans la région Languedoc-­Roussillon/ Midi-­Pyrénées entre 2003 et 2008. L’essentiel de l’excédent qui arrive est dû aux personnes qui ont trouvé un emploi ou qui en cherchent un. C’est l’activité économique qui attire ; majoritairement ce sont des personnes qui viennent en couple, puis une population estudiantine comme cela se vérifie à Montpellier et à Toulouse, et enfin de nombreux retraités. Ce phénomène ne touche pas seulement la région Languedoc­- Roussillon/ Midi-­Pyrénées et se retrouve un peu partout. L’impact de cet apport migratoire est double : profusion de services, mais une situation de sur­chômage. La question économique est donc primordiale. La carte sur les mobilités nous permet de retrouver les deux systèmes d’occupation spatiale, soit en étoile pour Toulouse et le long du corridor pour le Languedoc-­Roussillon.   L’autre carte représente le relief, la démographie et les mobilités. L’INSEE parle d’un modèle mono­centré pour le cas de Toulouse et d’un modèle poly­centré pour Montpellier. Seul le canal du Midi relie Toulouse et Montpellier. Hormis ce seul lien, les flux sont peu nombreux et la complémentarité n’existe pas. Comment créer cette synergie entre ces deux territoires ?

La réponse pourrait être au col de Naurouze, non loin de Montferrand. Il peut représenter un atout pour relier ces deux territoires car situé sur le canal du Midi.

Il est aussi à se demander où se localisent les grands employeurs ? Toulouse est forte de la présence d’agents agro­alimentaires et d’une industrie aéronautique, ce qui présage une bonne place de cette nouvelle Région dans les secteurs de la recherche et du développement. A cela s’ajoute la forte concentration dans la recherche publique à Montpellier quand celle de Toulouse est privée.

L’économie présentielle (les deux tiers des emplois) est une économie qui satisfait les besoins locaux des personnes présentes comme la santé, la construction, ou les commerces de détail. L’économie présentielle c’est aussi le tourisme. L’économie productive est quand à elle la production de biens et de services aux entreprises pour une demande extérieure à la Région. Elle  regroupe  ⅓  de  l’emploi.  Lorsque  l’on  rapporte  tous  ces  emplois,  nous  pouvons remarquer qu’il y a des écarts entre les territoires, qui se font plus particulièrement dans l’économie productive. Nous pouvons en conclure que cette future grande Région sera forte sur le plan agricole (vignobles du Languedoc­Roussillon dont les vins s’exportent bien, élevage  ovin  et  bovins  dans  les  deux régions actuelles). Néanmoins le point faible en comparant ces deux économies reste l’emploi : la population ne cesse d’augmenter surtout dans le Languedoc­-Roussillon, soit une augmentation de la population active de 1% chaque année. Ces deux régions ­ et plus particulièrement le Languedoc-­Rousillon ­ sont victimes de leur attractivité malgré la crise actuelle.

La question de cette nouvelle Région est en réalité son développement économique, afin de conclure il est possible d’imaginer plusieurs opportunités comme par exemple la mise en relation des différents centres de recherches. Le canal du Midi ­ véritable symbole identitaire pourrait sans doute être un moyen de relier ces deux régions. Par ailleurs le potentiel agricole et notamment viticole représente aujourd’hui une force pour cette future région dans un contexte de mondialisation et de multiplication des échanges dans l’Union Européenne mais aussi à travers le globe.

En bibliographie, quelques travaux de l’INSEE :

­ Atlas géographique de la grande région Languedoc­-Roussillon-­Midi-­Pyrénées accessible en ligne depuis le site MipyGeo de la préfecture de Midi-­Pyrénées

­ Insee Flash Languedoc­-Roussillon n°9 de janvier 2015

“Union des régions Languedoc­-Roussillon et Midi­Pyrénées : 5,6 millions d’habitants”

­ Insee Analyse Languedoc-­Roussillon n°10 d’avril 2015 “Languedoc­-Roussillon­-Midi­Pyrénées : Le grand sud attractif”

­ Insee Référence d’avril 2015 intitulé La France et ses territoires, cf. article “Panorama des nouvelles régions françaises”

Notes prises par Geoffrey Nail­-Baud,
Étudiant en L3 Aménagement à l’Université Paul Valéry
et trésorier du Globe, l’association des étudiants en Géographie-­Aménagement

Rédaction par Guillaume Poinsignon
Étudiant en préparation du CAPES Histoire­Géographie
et président de l’Association Fédérative Nationale des Étudiants en Géographie