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Carte postale de Vercelli (Italie)

La cascina Darola, commune de Trino, province de Vercelli Photo : Roland Courtot (17/09/08)

La cascina Darola, commune de Trino, province de Vercelli
Photo : Roland Courtot (17/09/08)

A la mi-septembre, sur la route provinciale des grange entre Vercelli et Trino, au nord du Pô. C’est la route des grands domaines dont les greniers à riz ont fait la fortune de leurs propriétaires, et la géométrie des grandes parcelles y déploie les couleurs jaunes du riz mûr. De loin en loin, les constructions de brique, longues et basses, des cascine étalent leurs constructions de brique rouge, et les neiges du massif du Mont Blanc semblent flotter à l’horizon nord-ouest comme un nuage immobile au dessus de la brume du matin. Les premières moissonneuses commencent à apparaître au bord des champs, mais pour l’instant ce sont seulement de grands tracteurs qui vont par deux, avec des bras articulés armés de disques, pour désherber les digues et les bords des rizières afin de préparer l’entrée des engins de récolte en action.

Voici la façade de la cascina Darola : elle est tellement longue qu’elle a du mal à entrer dans le cadre de l’objectif. Les bâtiments datent de 1905 et entourent deux vastes cours carrées : ils ont été taillés pour abriter les greniers à riz et les équipes de travailleurs agricoles, dont lesmundine qui désherbaient les rizières de l’exploitation. Pour la Darola, on n’en saura pas plus, car il faudrait prendre rendez-vous par téléphone pour visiter le domaine. Par contre, un peu plus loin, un autre domaine, le principato de Lucedio attire l’attention par la présence de deux églises parmi les bâtiments d’un véritable hameau. Cette fois, on peut entrer car la vente des produits du domaine y est organisée sur place dans un magasin tenu par une hôtesse polyglotte, et l’achat de « souvenirs » gustatifs se double sans difficulté d’une petite « enquête » de géographie rurale pour laquelle je n’ai aucun mérite, car la communication agrotouristique est bien faite.

Le « terroir » est systématiquement mis en avant pour vendre les produits « rois » de la région, le carnaroli et l’arborio, absolument nécessaires pour réussir un rizzotto : ils sont aussi présentés avec des épices et des condiments qui les rendront encore plus savoureux. On nous propose aussi des riz noirs, rouges, sauvages, d’Asie même…

On y apprend ainsi que ce domaine est issu de l’installation de moines cisterciens dans ce qui était encore des marécages au Moyen-âge, et que ce sont eux qui auraient développé les premières cultures du riz sur des terres octroyées par la marquis de Montferrat. D’où le nom du domaine (principato) et la présence de deux églises, l’une (avec une façade baroque) pour le monastère, et l’autre pour les habitants-employés du domaine, véritable hameau vivant autour de l’économie de ce dernier. C’est une propriété nobiliaire depuis la sécularisation du domaine (1784) dont les mundine ont déserté les grange lorsque les machines ont occupé le terrain (une cascina voisine, la Veneria de Lignana a été le lieu de tournage de « Riz amer » par G. de Santis, avec Silvana Mangano, en 1949)

On peut continuer l’enquête sur l’économie du riz en se rendant à Vercellli, mais là, pas de chance ! la bourse du riz se tient le mardi et le vendredi matin. Cela se passe dans la Casa dell’ agricoltore, grande construction mussolinienne de 1940 qui fait partie d’un ensemble architectural pompeux et monumental dans la partie sud du centre historique de la ville. Le mercredi donc je n’y ai vu que la grande salle du mercato vide, où s’alignent les petites tables qu’occupent les acheteurs pour tenir les enchères. C’est la seule bourse du riz en Europe, dont les cotations n’ont cessé de grimper depuis le début de l’année (les prix à la production ont doublé). En mai dernier, un article du journal « la Provence » (L.R.) nous apprenait que les riziculteurs de Vercelli, qui sont souvent producteurs et transformateurs, ont profité pleinement de cette hausse, car ils restent propriétaires de leur récolte jusqu’à la mise en marché, tandis que les agriculteurs camarguais, qui ne stockent pas et livrent immédiatement leur récolte aux industriels transformateurs, n’ont pas eu cette chance.

Roland Courtot