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De “yak-driver” à “taxi-driver” : les pratiques de mobilité des Sherpa du Khumbu (Népal) à New York

Changement de lieu et d’ambiance pour le Café Géo du mercredi 12 octobre à Chambéry : c’est dans la petite salle comble du bar-restaurant Le Bruit Qui Court qu’Ornella Puschiasis guide le public d’Himalaya aux États-Unis, sur les traces des Sherpa. Postdoctorante au Centre d’Études himalayennes, la géographe évoque ses recherches actuelles avec enthousiasme et pédagogie. Dans le texte qui suit, elle livre les grandes lignes de ses travaux.

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Quelques mots à propos de mes recherches conduites en thèse sont nécessaires pour mieux comprendre la problématique migratoire que j’étudie aujourd’hui. Avant de s’intéresser à la diaspora des Sherpa, il convient donc d’évoquer quelques éléments concernant le Khumbu (Népal) qui est leur territoire d’origine.

Ma thèse, soutenue en 2015, s’inscrivait dans un projet interdisciplinaire regroupant géographes, glaciologues, hydrologues, et modélisateurs du climat autour de l’analyse des conséquences des variations climatiques sur l’évolution du couvert neigeux, sur le retrait des glaciers et sur la disponibilité en eau en Himalaya. J’ai plus particulièrement mené mes recherches dans la région de l’Everest, appelée localement Khumbu, un site de haute montagne qui s’étage entre 2835 m et 8848 m d’altitude au nord-est du Népal. Cette région est incisée par trois vallées qui drainent les apports en eau et dont la confluence marque la limite sud avec la vallée du Pharak. Le Khumbu est une vallée internationalement connue et reconnue, tout d’abord grâce au plus haut sommet du monde qui la surplombe, l’Everest objet de conquête et de convoitise, qui a largement contribué à la mise en lumière de la région. Sa population est un autre élément de fascination : en effet, les trois quarts des 3 500 habitants du Khumbu appartiennent au groupe ethnolinguistique sherpa, dont le nom participe à la construction d’un mythe.

Carte topographique du Khumbu (Puschiasis, 2015)[1]

Par ailleurs la vallée est inscrite dans la zone cœur d’un parc national : le Parc national de Sagarmatha.  Au sein de ce dernier, j’ai plus spécifiquement travaillé sur le territoire réticulé de Pangboche au sein de la vallée de l’Imja, un des derniers villages d’habitat permanent sur le sentier qui mène à l’Everest.

Le Khumbu est un lieu emblématique pour étudier les variations climatiques puisque les scientifiques le considèrent souvent comme un « hot spot » du changement climatique, notamment depuis le quatrième rapport du GIEC en 2007. C’est ainsi un espace au cœur des débats et des enjeux contemporains en raison de la hausse des températures plus élevée que la moyenne mondiale qu’il connaît. En outre, cette vallée est aussi un espace historique de migration.

Des fortes et anciennes pratiques de mobilité interne au Khumbu

L’organisation territoriale de Pangboche est ancienne et relève en grande partie d’un gradient altitudinal. Son observation détaillée démontre l’importance des mobilités internes à la région. Pangboche est d’abord un village situé à plus de 4 000 mètres d’altitude et qui s’étend sur une vaste superficie ; il comprend plusieurs hameaux satellites jusqu’à 5 000 mètres d’altitude. L’étagement de la végétation et la topographie très découpée influencent fortement la répartition des activités et des hommes. La densité de population de cette région est très faible avec à peine plus de 3 habitants par km². Les quelque 3 500 personnes qui habitent dans le Khumbu se répartissent en 63 villages allant de Monjo (2 835 m) à Gorakshep (5 200 m). La logique de répartition de la population dans cet environnement de haute montagne veut que les villages sherpas se trouvent principalement sur les versants Sud, abrités du vent, ainsi que sur les rares terrasses alluviales ou vallées suspendues situées près des sources d’eau et à proximité des forêts. Les villages sont dispersés entre différentes altitudes et à première vue, ils semblent isolés. Ils sont en fait reliés entre eux par des sentiers, et possèdent des « satellites » qui sont des stations saisonnières. Il existe ainsi un système mobilitaire familial ancien. L’organisation territoriale repose donc historiquement sur des échanges et des circulations entre les différents lieux grâce à une logique de complémentarité entre les étages écologiques et les ressources disponibles.

Selon l’époque de l’année, la position géographique des terres, les familles ou les individus circulent donc entre les différents villages, hameaux et stations touristiques. Les saisons régissent la conduite de l’ensemble des activités agricoles, pastorales, rituelles et touristiques. À de nombreux égards, ce système rappelle les modèles de complémentarité écologique qui caractérisent les sociétés montagnardes (Dobremez, 1989)[2].

Le Khumbu : un espace historiquement ouvert et l’importance des déplacements en dehors de la région

© Puschiasis, 2015

Le commerce de sel, de grains et de bétail entre le Tibet et le Népal participait également à l’économie locale. Les commerçants se déplaçaient en marchant sur des sentiers, constituant de véritables réseaux empruntés aussi bien par les caravanes conduites par des éleveurs de yak – les seuls animaux assez résistants pour traverser les cols de haute altitude – que par les bergers au moment de la transhumance. Au tournant des XIXe et XXe siècles, les Sherpa ont prospéré grâce à leur participation croissante dans le commerce international : ils se déplaçaient librement entre le Népal, le Tibet et le Sikkim (Inde).À première vue région fermée et isolée, le Khumbu est pourtant à l’entrée d’une route commerciale transhimalayenne majeure reliant le Népal et le nord de l’Inde avec le Tibet. Les yaks-drivers illustrent et traduisent la géographie de cet espace d’échanges et de mobilités. En effet, pour répondre au défi de cultiver sur les hauteurs de l’Himalaya, l’élevage du yak s’est imposé comme complément économique aux activités agricoles pratiquées localement. L’agriculture est ainsi très dépendante de l’élevage, notamment pour la production d’engrais naturels. La pratique d’un élevage transhumant implique des modalités de déplacement qui sont un facteur supplémentaire d’explication de l’organisation territoriale multi-altitudinale.

La fermeture de la frontière tibétaine suite à l’invasion par l’armée chinoise en 1950 entraîne alors une reconfiguration importante de la structure sociale et des pratiques économiques caractéristiques du Khumbu : l’arrivée en masse de réfugiés tibétains et l’effondrement du commerce transhimalayen est non seulement le synonyme de la disparition d’une activité économique complémentaire pour les familles du Khumbu, mais également de tout « un mode de vivre » et un « mode d’habiter le paysage » (Paquet, 2011)[3].

Les liens commerciaux avec Inde conduisent les yaks-drivers à effectuer des déplacements de plusieurs mois en dehors du Khumbu. Dans la province du Sikkim privilégiée par les Britanniques à l’époque coloniale, Darjeeling, une station d’altitude au nord-est de l’Inde, devient un débouché majeur pour trouver du travail. Ce fut notamment le cas à partir du moment où les grandes expéditions pour gravir l’Everest se sont constituées et passaient par le Tibet, car la frontière népalaise était fermée. Beaucoup de Sherpas du Khumbu sont allés à Darjeeling afin de travailler comme porteur pour les expéditions.

Un réseau d’influence à l’étranger renforcé par la mise en tourisme de la région

Le réseau des itinéraires de transhumance est désormais emprunté par les touristes. L’élevage s’insère aujourd’hui dans d’autres logiques économiques. Les yaks-drivers servent dorénavant plus au portage des affaires des touristes qu’à des activités commerciales transhimalayennes ; ces dernières se sont essoufflées avec le développement d’autres modes de transport et en raison des problèmes géopolitiques entre le Népal, l’Inde et la Chine. Avec la démocratisation de la pratique du trekking dans les années 1980, le secteur touristique a pris une ampleur inattendue en quelques décennies. La fréquentation touristique de la région de l’Everest ne cesse de croître. Le nombre de touristes franchit un cap chaque décennie : d’à peine 80 dans les années 1950, il s’élève à plus de 1 000 dans les années 1970, plus de 10 000 dans les années 1980, plus de 20 000 au début des années 2000, avant d’atteindre les 30 000 en 2010. Cette expansion du tourisme de randonnée et d’expédition dans le Khumbu s’appuie sur la présence de sentiers et d’infrastructures déjà disponibles dans la région (Beillevaire, 2012)[4] et se comprend par la structuration d’un réseau de lieux basé sur l’étagement. Elle s’est aussi appuyée sur les réseaux familiaux qui sont activés avec la revalorisation du foncier dans les villages d’étape des chemins de randonnée. De nouveaux pôles d’attraction s’affirment : les flux touristiques participent à une nouvelle lecture de l’espace et certains lieux d’estive sont devenus de véritables stations touristiques. Parallèlement, le nombre d’infrastructures se multiplie permettant une nette amélioration de la capacité d’accueil des touristes : il existait un seul lodge à Namche en 1971 contre 17 en 1978, et on en compte plus de 45 en 2011, entraînant une forme de concurrence entre les établissements. En quelques années, certaines familles qui dégagent des revenus issus du tourisme ont pu modifier leurs maisons traditionnelles pour accueillir des touristes jusqu’à ce que les premiers teashop et les espaces de camping deviennent de véritables hôtels communément appelés lodges.

Le Khumbu a toujours été un espace ouvert en raison des circulations liées au commerce et à la transhumance, mais cette ouverture s’est récemment élargie à une sphère plus mondiale par l’investissement dans le secteur touristique.

Le Khumbu, un espace interconnecté et en pleine mutation

Lorsque l’on s’intéresse à l’histoire économique régionale, on observe combien les Sherpa sont passés d’une relative autonomie et autosuffisance à un système plus complexe basé sur un ancrage dans les flux de la mondialisation. Les résultats de mon travail de thèse sur les savoirs autour de l’eau et du climat montrent combien il est important de penser cette société à plusieurs échelles, en considérant les échanges et les mises en réseaux. Ce qui semble une caractéristique locale peut alors être un construit d’ailleurs. Les différentes sources de connaissances s’entremêlent et les discours se chevauchent pour reconfigurer le local. La circulation des personnes, des connaissances, de l’argent, de la technologie et surtout des idées font du Khumbu une société en mouvement et interconnectée. Les télécommunications, notamment via les réseaux sociaux, facilitent le partage de l’information. Ainsi le processus de diffusion des connaissances relatives au changement climatique et à la gestion de l’eau renvoie directement au fait migratoire : plus de la moitié des familles se déplacent à Katmandou pour passer l’hiver, il y a dix fois plus de personnes dans le Khumbu au cours de la saison touristique, et environ un quart des familles ont un membre dans un pays étranger, en particulier aux États-Unis.

La diaspora sherpa dans le monde

La nature des rapports sociaux a profondément évolué depuis les années 1950, marquées par l’ouverture du pays et l’ascension de l’Everest. De solides réseaux professionnels puis personnels ont alors été tissés entre les étrangers et les Sherpa. La relation de parrainage instaurée au départ entre un guide et son client a permis à certaines familles une véritable ascension sociale héritée de ces contacts privilégiés et a permis à de nombreuses personnes de migrer : les espaces de migrations semblent hérités de ces contacts privilégiés avec les pays d’accueil qui sont ceux des touristes venant dans la région. On retrouve donc de nombreux Sherpa aux États-Unis, en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande, etc. Les pratiques migratoires des Sherpa sont donc très différentes de celle des autres népalais qui se dirigent plus vers les pays du Golfe par exemple. De plus, même si l’émigration vers l’Inde est historique, elle s’estompe au profit de ces autres destinations qui sont privilégiées.

La diaspora sherpa dans le monde (Puschiasis, 2016)

Les Sherpa dans le monde forment une véritable diaspora, c’est-à-dire un ensemble de communautés dispersées et séparées par la distance, mais qui gardent une même identité et qui sont liées par l’échange d’informations, de personnes, de capitaux, de marchandises, d’idées et de pouvoirs. La survie d’une diaspora est liée à la capacité de ses membres de préserver leur culture au sein d’une autre culture, celle du pays d’accueil. Cette capacité s’appuie sur les institutions communautaires et sur l’organisation en réseau : il s’agit pour les membres d’une diaspora de dépasser la discontinuité spatiale par l’usage de la communication et les échanges. Plusieurs études comptabilisent 4 000 à 5 000 Sherpa à New York, constituant ainsi la plus forte communauté sherpa dans le monde. Ses membres ne sont pas seulement des Sherpa du Khumbu, mais aussi d’autres régions du Népal comme le Solu, l’Helambu, de Dolakha, de Tapeljung etc. Il faut aussi noter que l’envoi de devises étrangères par la diaspora est un pilier essentiel de l’économie du Népal.

La reconfiguration des modalités de gestion des ressources par les mobilités spatiales des Sherpa : approche et méthode

C’est ce rapport des habitants du Khumbu avec l’extérieur, sous-jacent dans le travail de doctorat, qu’il convient à présent d’approfondir en insistant sur les imbrications et les relations d’interdépendances entre ce territoire et les Sherpa qui évoluent à l’extérieur. En effet, la région de l’Everest doit être appréhendée comme un espace de connexion entre des lieux distants, une connexion qui influence énormément les modalités de gestion du territoire et de ses ressources, ainsi que ses représentations.

Nous avons vu que les notions de complémentarité, de réseau, et de flux sont les principes fondateurs de l’organisation territoriale du Khumbu, une vallée très ouverte alors même que le pays a été fermé pendant un siècle et demi à toute influence étrangère (jusqu’à 1951). C’est sur ce modèle que fonctionne Pangboche, un espace multiple, étendu et réticulé. C’est une structure gigogne, c’est-à-dire emboitée dans différentes réalités.  L’objectif de mes recherches postdoctorales est donc de savoir dans quelle mesure les mobilités spatiales participent à reconfigurer les modalités de gestion des ressources en eau et en sol. Quels sont les apports (financiers, matériels et idéels) des diasporas sur les modalités de gestion du foncier et de l’eau ? Quels sont les savoirs et les idées assimilés à l’extérieur du Khumbu que les Sherpa mobilisent ensuite au retour ? Comment les Sherpa vivant à l’extérieur façonnent-ils le Khumbu par la diffusion de nouvelles pratiques et de nouvelles idées ?

La multilocalisation élargit ici l’approche de la migration – généralement comprise comme l’ensemble des déplacements internes et internationaux d’individus impliquant un changement de résidence de plus ou moins longue durée – pour parler plutôt de mobilité, qui couvre l’ensemble de toutes les formes de déplacements, y compris ponctuels, parfois récurrents, liés au développement d’activités.

Pour mener mes travaux, j’adopte une approche qualitative inspirée d’une ethnographie « multi-située », ou d’une ethnographie mobile, citant plusieurs exemples de recherches empiriques ayant pris pour objet une même population appréhendée dans différents lieux. En somme, il s’agit aussi d’une approche transnationale. J’ai ainsi réalisé un premier terrain au Népal (Katmandou et Khumbu) d’avril à juillet 2016 et je pars bientôt pour une seconde mission aux États-Unis (New York) de mi-octobre à mi-décembre 2016. Ma démarche est de travailler par le biais d’entretiens permettent d’aborder les itinéraires de vie des personnes interrogées (parcours personnel et professionnel, accès et niveau d’éducation, liens familiaux) et ainsi de revenir sur leurs parcours de migration et les différentes pratiques de mobilité (où, pourquoi, quand, dans quel cadre, comment, quels échanges avec la région natale, ressenti, attachement au territoire). J’aborde également les modalités de gestion des terres et de l’eau (changements, acquisition du savoir, rapport avec l’environnement, etc.) et cherche à savoir dans quelle mesure elles reposent sur des échanges avec l’extérieur du Khumbu.

Premiers résultats : le poids des relations de parrainage

Les premiers résultats de ce travail en cours montrent que le plus souvent des “personnes clés”, natives du Khumbu et occupant des postes de responsabilité dans la capitale, entretiennent des liens étroits avec l’étranger à travers leur travail. On peut citer en exemple le directeur du magasin Sherpa, celui de l’ONG autrichienne Eco-Himal, l’ancien directeur népalais de la fondation Himalayan Trust, le fondateur de l’ONG Partner’s Nepal, le Président du Water user committee de Namche, le manager de l’agence de trek Asian Trekking, ou encore le fondateur de l’association Hello Himalaya. Ces connexions entre le Khumbu et l’étranger passent par les touristes, notamment au travers des expéditions durant lesquelles les relations guide-client ont été créatrices de liens personnels. De véritables réseaux professionnels et personnels se sont établis entre les étrangers et les Sherpa, se traduisant par une « relation de parrainage ». Ce terme est entendu comme une transformation durable de la vie du parrainé par une relation construite avec le touriste de passage. Il existe différentes formes de parrainage, mais le plus souvent celui-ci se matérialise par le don d’argent, de biens divers (vêtements, chaussures, appareils électroniques, etc.), une bourse d’études, ou encore une invitation à l’étranger. Les sponsors deviennent alors des jindak, un terme tibétain utilisé par les Sherpa pour décrire à l’origine une personne qui fait des dons à un monastère, et qui peut désigner maintenant une personne (généralement un étranger) devenue le sponsor personnel d’un individu ou d’une famille. L’idée du don est associée à celle du mérite, et à un acte de compassion qui conduit à une relation d’amitié entre les deux personnes. Ces formes de parrainage ont conduit à des associations professionnelles permettant par exemple la création d’une agence de trekking, la construction d’un lodge, ou encore l’ouverture de commerces. Dans certains cas, ceci a contribué à transformer le guide en un véritable entrepreneur local. Au-delà de cette relation de parrainage, de nombreux touristes ont cherché à dépasser l’échange individuel pour s’investir dans des projets de développement bénéficiant à tout le village. Certains jindak ont contribué au financement du réseau d’eau comme c’est le cas à Phortse avec Tony Freake, à Pangboche avec « Seppi » pour l’eau potable et Henri Sigayret pour la centrale hydroélectrique. À une autre échelle, au-delà du titre de « parrain » et de « sponsor » ou « donateur », un ancien alpiniste est devenu un véritable mythe pour les Sherpa : Sir Edmund Hillary. Ces jindak constituent donc une base essentielle dans la mise en œuvre d’un réseau de migration transnational.

Du yak-driver au taxi-driver

La connaissance d’un parrain sert alors d’ascenseur social, mais offre aussi la possibilité de partir à l’étranger pour chercher du travail ou étudier. Le village de Khumjung dans le Khumbu fait office de cas particulier car la moitié des foyers que j’ai interrogés comptent au moins un de leur membre à l’étranger, dans la plupart des cas aux États-Unis, et plus de six familles entières ont immigré sur les cent cinquante recensées. J’ai pu remarquer que le phénomène de mobilité internationale s’est multiplié depuis cinq ans, amplifié par les récents séismes de 2015, et motivé par la recherche de nouvelles opportunités économiques.

J’ai utilisé cette image de la transformation du conducteur de yak en conducteur de taxi après avoir interrogée les familles sherpa vivant dans le Khumbu où à Katmandou ayant un de leurs membres à New York, et compris que de très nombreux hommes sherpas immigrés à New York sont taxi-driver. Cette information est même relayée par certains journaux new-yorkais :


1 :  Photo Pema Sherpa extraite d’un article du New York Times du 11 décembre 2009 http://www.nytimes.com/2009/12/13/nyregion/13sherpa.html

 

2 : Extrait d’un article du New York Post du 1er mai 2014 http://nypost.com/2014/05/01/meet-the-sherpas-who-traded-mount-everest-for-nyc/

 

Ma très prochaine mission de terrain à New York me permettra donc de mieux comprendre l’organisation du territoire et de la société du Khumbu depuis l’extérieur, de revenir sur le poids des relations de parrainage et des instances communautaires mais aussi de partir à la rencontre de ces taxi-driver !
Les migrants sherpas du Khumbu aux États-Unis se concentrent dans la ville de New York, notamment dans quartier multiethnique de Jackson Heights dans le Queens où l’on ne dénombre pas moins de 5000 individus. Ils bénéficient d’un important réseau communautaire dont l’association Sherpa kiydug qui représente le principal vecteur de transnationalité. La vie sociale de la diaspora s’organise autour de l’association créée en 1996 qui organise des événements religieux et culturels très fréquents (cf : site internet http://www.sherpakyidug.org/).

Ornella Puschiasis
Postdoctorante en géographie
CNRS – Centre d’Études himalayennes

[1] Puschiasis, O. (2015). Des enjeux planétaires aux perceptions locales du changement climatique : pratiques et discours au fil de l’eau chez les Sherpa du Khumbu (région de l’Everest, Népal). Thèse de doctorat en géographie, sous la dir. de J. Smadja et F. Landy, Université Paris Ouest Nanterre La Défense.

[2] Dobremez, J.-F. (1989). Variétés et complémentarités des milieux de montagne : un exemple en Himalaya, Revue de géographie alpine, vol. 77, n°1, p. 39–55.

[3] Paquet, P.-A. (2011). Vivre l’Everest : La coproduction des corps, du paysage et de l’espace propre au Khumbu népalais. Mémoire en anthropologie, Université de Laval, Canada.

[4] Beillevaire, S. (2012). Mobilité spatiale et territoire. Les travailleurs du Khumbu originaires du village de Bung, Solukhumbu, Népal, Mémoire de Master 2 de géographie, Université de Paris 1-EPHE- Paris 7