- Les Cafés Géo - https://cafe-geo.net -

Dessin du géographe n°83 : Le dessin du géographe au Festival international de Géographie 2020 de Saint-Dié-des-Vosges

Photo R. Courtot

Quelques visiteurs attentifs devant « les dix ans du dessin du géographe »

 

Photo R. Courtot

Le Portugal, initialement prévu comme pays invité puis déclaré forfait, était quand même présent par quelques dessins de Pierre Deffontaines, Roland Courtot et Simon Estrangin (de gauche à droite)

 

L’exposition des dessins du géographe s’est tenue à l’étage de la librairie Le Neuf * (5 quai Leclerc, 88100 Saint-Dié-des-Vosges) lors du FIG 2020 (2-4 octobre).  Elle présentait une cinquantaine de dessins de géographes qui célébraient les 10 ans de la rubrique présente sur le site de l’Association des Cafés Géographiques, avec également des dessins sur le thème du climat(s) et du Portugal.

Les visiteurs n’ont pas été nombreux, mais la salle a été rarement vide, et le calme permettait d’engager la conversation avec des personnes qui se sont montrées très intéressées : géographes et plus généralement figures du monde universitaire (climatologie, sociologie, arts plastiques…), membres de l’association des cafés géo, professeurs d’histoire-géographie dans le secondaire (dont certains pratiquaient le dessin sur le terrain avec leurs élèves), professeur des écoles, étudiants en urbanisme et en cartographie, mais aussi journalistes (Libération, Radio France Internationale), et  un public varié qui a beaucoup apprécié cette exposition, pour certaines images qui sont belles, d’autres drôles… L’exposition a été aussi l’occasion de discuter avec des géographes qui dessinent et le contact a ainsi été pris pour nourrir sans doute la rubrique de prochains articles qui s’annoncent passionnants.

La conférence a attiré une quinzaine de personnes et stimulé les échanges avec la salle. Après une courte introduction, rappel de ce que fut l’aventure du Dessin du Géographe par Simon Estrangin, Roland Courtot a illustré les finalités géographiques du dessin, et évoqué au final un parallèle entre le paysage du géographe et celui de l’artiste, en s’appuyant sur quelques images inédites :

R. Courtot, pastel, voyage d’étude de la Commission française de géographie rurale, septembre 2007

Une composition de paysage géographique faite des œuvres de deux systèmes superposés, celui des pitons de l’érosion karstique en milieu tropical dans les calcaires de la région de Libo, et celui de la riziculture des paysans Mong au moment de la moisson(Chine, province du Guizou) .

 

R.Courtot, dessin encre et lavis, voyage d’étude de la Commission française de géographie rurale en pays de Donjon, Bourbonnais, mai 2006

 

Une composition paysagère avec personnages : la géométrie des haies taillées du bocage autour des prairies de l’élevage d’embouche (le décor) est ponctuée de grands arbres feuillus ébranchés autrefois pour la nourriture animale dont la forme subliminale en fait des personnages dans un décor.

 

R.Courtot, dessin encre et pastel, voyage d’étude de la Commission française de géographie rurale au Kenya, 1998

 

 

Lorsque deux systèmes s’affrontent dans des milieux voisins : Les parcelles du bocage cultivé des agriculteurs Kisii (à droite de l’image) mordent progressivement sur les terrains de parcours des éleveurs Masaï (à gauche)dans la région de Magena (Kenya).

 

 

En schématisant, on peut dire que le peintre compose l’image du paysage en retenant les formes et les objets qui lui semblent les plus caractéristiques, les plus aptes à rendre les impressions et les ressentis qu’il a enregistrés : voir par exemple l’analyse d’un tableau des collines d’Hollywood par David Hockney, in : https://cafe-geo.net/art-et-geographie-dans-deux-paysages-de-david-hockney/.

Dans une démarche voisine, le géographe enregistre sur le terrain, dans le paysage, les éléments du puzzle qu’il aura à reconstituer pour comprendre le système spatial, organisé par la nature et l’homme, qui se présente à ses yeux : sa composition géographique bénéficie de la composante esthétique présente, de façon latente, dans le paysage. Les monuments naturels comme les monuments des hommes lui procurent un cadre, une structure sensible, à lui de l’éprouver et de la « projeter » (au sens géométrique du terme) sur son papier.

 

Simon Estrangin s’est exprimé ensuite en rappelant qu’il s’était intéressé à la question du dessin en géographie à partir d’une interrogation sur ce que signifie se trouver quelque part, être attentif à ce qui a lieu, et qu’il avait pris lui-même les pinceaux pour creuser cette perspective. Il a raconté à partir de là deux anecdotes à partir desquelles entamer une réflexion sur la puissance du dessin en géographie. La première portait sur l’attrait fort qui nous conduit à aller voir un peintre quand nous en croisons un à l’œuvre (et non pas un photographe, un géomètre…). La deuxième portait sur une exclamation : « c’est ça ! » lancée, une fois l’aquarelle terminée, par quelqu’un qui l’avait regardé peindre. Ces mots précis ont surpris une auditrice de la conférence qui a témoigné d’une expérience presque identique. Cela permettait de rappeler que le peintre, sculpteur, savant Robert Hainard parlait du dessin naturaliste comme d’une « connaissance comparée », car la représentation livrée peut être comparée dans sa fidélité, sa vivacité, sa virtuosité, à l’expérience de la rencontre. Ce travail n’entre pas dans la dualité objectivité/subjectivité dans laquelle on serait tenter de le ranger, mais en épousant le rythme de ce qui se présente il s’agit d’épouser  (éprouver ?) une poétique du monde, de l’observer, c’est-à-dire d’en avoir observation et observance.

 

S. Estrangin, Vue de Porto, 2013 (aquarelle)

 

 

S. Estrangin, Vue de la rivière des Marsouins, à Bethléem, La Réunion, 2019 (aquarelle)

 

L’événement de cette exposition, modeste dans ses ambitions, a été réussi :  il a été l’occasion, pour la rubrique et pour l’Association des Cafés Géographiques, d’élargir son public, de témoigner de la diversité et de la richesse toujours actuelle des dessins et de ses approches en géographie, et de s’ouvrir de nouvelles perspectives.

 

Simon Estrangin, Roland Courtot

 

(* Nos remerciements vont à la librairie le Neuf, à son Libraire et à son Personnel pour avoir accueilli cet événement avec sourire et disponibilité)