- Les Cafés Géo - https://cafe-geo.net -

La crise du Golfe 2017, un point névralgique de rivalités géopolitiques et multiscalaires

La crise du Golfe débute officiellement le 5 Juin 2017. L’Arabie Saoudite, l’Egypte, les Emirats-Arabes-Unis, le Bahreïn et le Yémen décident conjointement de rompre leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Ce petit pays, au rayonnement important sur la scène internationale, est accusé d’entretenir des relations trop étroites avec l’Iran, grande rivale de l’Arabie Saoudite pour le leadership régional, et de soutenir des groupes politiques d’obédience religieuse comme les Frères Musulmans, bête noire de l’Egypte du maréchal Sissi. Des Etats comme le Koweït ou Oman, restés neutres dans cette affaire, candidatent au rôle de médiateur, sans résultat probant.

Cette crise a pour conséquence directe la mise sous embargo de l’émirat qatari, avec entre autres la fermeture de son unique frontière terrestre avec un pays voisin, l’Arabie Saoudite. Doha parvient à contourner le blocus, qui frappe notamment de plein fouet le secteur alimentaire, grâce à l’aide de l’Iran et de la Turquie. Le Qatar n’a jamais été réellement proche du voisin iranien. Dans une politique d’ouverture générale, les qataris ont toujours prôné le dialogue et l’apaisement des relations avec Téhéran. L’Iran reste cependant un allié de circonstance pour le Qatar qui cherche à s’extirper de l’isolement diplomatique dans lequel il est englué. Pour ce qui est de la Turquie, les relations remontent aux années 1970 et sont plus solides.

L’Arabie Saoudite souhaite s’imposer comme la première puissance de la région. Elle s’appuie sur sa centralité, ses importantes ressources en matière première et son influence internationale sur le plan religieux. Le Conseil de Coopération du Golfe, créé initialement pour se prémunir de l’instabilité courante au Moyen-Orient, est aujourd’hui utilisé par l’Arabie Saoudite pour assoir sa domination sur ses « petits » voisins. La concurrence de l’Iran incite l’état saoudien à se doter d’un important arsenal militaire et à soutenir en sous-main des groupes djihadistes sunnites comme l’Etat-Islamique. L’Iran soupçonne d’ailleurs très fortement son voisin saoudien pour l’attentat qui a touché sa capitale et fait 23 morts le 7 Juin 2017. Téhéran s’appuie également sur un arsenal militaire conséquent, notamment des armes nucléaires. L’Iran ne cache pas son ambition d’étendre son modèle d’islam politique à tout le Moyen-Orient. Elle peut se targuer d’être la figure de proue de nombreuses communautés chiites au Liban, en Syrie, en Irak ou à Bahreïn. Ce qu’on nomme souvent le « croissant chiite » est une invention, plutôt exagérée, du roi jordanien utilisé par ce dernier et l’Arabie Saoudite pour justifier la menace chiite.

La Turquie tourne depuis peu son regard vers le Moyen-Orient. Ses prétentions d’intégration à la politique européenne sont au point mort. Cet attrait pour l’Europe est sans doute ce qui explique, pour l’instant, les bonnes relations qu’elle entretient avec l’Arabie Saoudite et l’Iran, à qui visiblement elle ne fait pas d’ombre malgré sa force économique.

La crise du Golfe est aussi au cœur des préoccupations internationales. Les Etats-Unis, acteur stratégique de la région, voguent en eaux troubles. Tout en restant un allié de l’Arabie Saoudite, Barack Obama avait œuvré en faveur d’un rapprochement avec l’Iran, et non sans résultat, puisqu’un accord sur le nucléaire iranien avait été signé en 2015. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a chamboulé cette donne mais sans y apporter de clarté. Les Etats-Unis, sans doute à l’origine du déclenchement de cette crise (visite de Trump le 21 Mai à Riyad), diabolisent de nouveau l’Iran. Après que le président Trump a condamné sur Twitter les agissements du Qatar vis-à-vis du terrorisme islamique dans la région, le secrétaire d’Etat à la maison Blanche, Rex Tillerson a finalement réaffirmé le soutien américain au Qatar.

La Russie, de son côté, cherche en se rapprochant notamment de la Turquie et de l’Iran à affaiblir les Etats-Unis dans la région. La prise de Raqqa en octobre 2017 et la chute du projet djihadiste ravive les tensions. Pour Israël, l’occasion est trop belle d’échapper au regard de l’international sur le conflit qui l’oppose à la Palestine, et voir des pays arabes se diviser entre eux. Deux camps semblent alors se dessiner : d’un côté un trio Etats-Unis, Israël, Arabie Saoudite et de l’autre un rapprochement Russie, Iran, Turquie. Prudence toutefois car des contentieux existent au sein de ces ententes comme entre la Russie et la Turquie.

Bibliographie : La Crise du Golfe

Articles du journal Le Monde

 

Articles d’autres journaux

 

Articles scientifiques

Chaker, Rachid. « Retour sur la crise du Golfe de 2017 ». Politique étrangère Automne, no 3 (2017): 73‑83. https://doi.org/10.3917/pe.173.0073.

Universalis‎, Encyclopædia. « ARABIE SAOUDITE ». Encyclopædia Universalis. Consulté le 23 novembre 2017. http://www.universalis.fr/encyclopedie/arabie-saoudite/.

Grégoire Durif, janvier 2017