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Les ressources territoriales de l’entreprise. Géo-histoire de l’ancrage Michelin à Clermont-Ferrand

Pour le premier Café Géo de Lyon de l’année 2016, nous accueillons Thomas Zanetti, maître de conférences à l’Université Lyon III Jean Moulin et chercheur au CRGA de l’UMR 5600. Il a soutenu une thèse en géographie intitulée « Une ville et sa multinationale, une multinationale et sa ville : emprise spatiale, organisation sociale, fonction économique et régulation politique du « territoire Michelin » à Clermont-Ferrand (fin XIXème à nos jours) » en 2012.

Il propose une étude du système productif de Michelin ; la présentation est avant tout centrée sur la dimension locale de ce système productif et son ancrage à Clermont-Ferrand. Le cas de Michelin à Clermont-Ferrand est emblématique de la manière dont les systèmes productifs évoluent dans le temps et s’articulent en fonction des échelles.

On peut tout d’abord souligner les liens affectifs qui lient Michelin à la ville de Clermont-Ferrand. Pour débuter, T. Zanetti nous propose des photographies qui montrent les obsèques d’Edouard et de François Michelin. Près de 10 000 personnes étaient présentes lors des funérailles d’Edouard Michelin, et beaucoup de Clermontois ont également assisté aux funérailles de François Michelin décédé en 2015. Michelin reste donc très lié à la ville qui l’a vu naître. Clermont-Ferrand a d’ailleurs été surnommée « Michelin-ville ». Pourtant, Michelin est une multinationale implantée dans de nombreux pays. Quelles sont donc les stratégies spatiales de cette multinationale ? Si elle recherche une certaine indépendance vis-à-vis des territoires, sa stratégie n’est pas pour autant aspatiale.

La présentation reviendra d’abord sur les ressources locales mobilisées par l’entreprise pour construire un système productif dans le temps long. Quelles sont les ressources économiques, sociales, spatiales et politiques du système productif Michelin à Clermont-Ferrand ? La présentation abordera ensuite les évolutions spatiales et temporelles de ce système productif pour enfin s’intéresser aux mutations contemporaines et aux caractéristiques actuelles de la stratégie spatiale de Michelin.

1. Les ressources au fondement du système productif Michelin

a. Des ressources économiques

A la fin du XIXème siècle, le tissu d’activités de Clermont était marqué par l’activité viticole. La branche industrielle était encore peu développée à cette époque. La naissance de Michelin est en fait liée à un certain nombre de hasards. Deux cousins, Aristide Barbier et Edouard Daubrée, créent en 1832 une usine liée à l’activité sucrière, qui sera ensuite inondée. La femme d’un des deux associés joue un rôle dans le changement d’orientation de l’entreprise qui commence alors à produire des pièces en caoutchouc. Enfin, la matière première vient de pays tropicaux : quel est donc l’intérêt économique de s’implanter à Clermont-Ferrand ?

Le choix de Clermont-Ferrand s’explique par la main d’œuvre disponible liée à l’effondrement de l’activité viticole. La société Barbier-Daubrée, qui est alors une des rares entreprises industrielles de la région clermontoise, connaît ensuite des difficultés financières. En 1886, la société est reprise par Edouard et André Michelin, les petits-fils des Barbier-Daubrée qui sont appelés par la famille pour sauver l’entreprise. André est un ingénieur, tandis qu’Edouard est un ancien élève des Beaux-Arts. C’est pourtant lui qui deviendra l’unique gérant de la nouvelle société pendant près de cinquante ans.

Mais Michelin n’est pas la seule entreprise clermontoise du secteur du caoutchouc. On se rapproche en fait alors à Clermont-Ferrand du modèle du district industriel d’Alfred Marshall (Marshall, A. 1890. Principles of Economics). Il existe des relations de coopération entre les différentes entreprises du caoutchouc, dans lesquelles circulent les techniciens et les ingénieurs. Une « atmosphère industrielle » (A. Marshall) se met en place.

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Cependant, dès les années 1920, Michelin « écrase » le district industriel puis domine l’ensemble de l’industrie locale. En plus de la main-d’œuvre, Michelin mobilise d’autres ressources économiques : celles liées à l’innovation et aux savoir-faire, et des ressources financières avec le soutien des banques locales. Petit à petit, Michelin ancre donc son système productif dans le territoire clermontois, en tirant profit d’autres registres de ressources (sociales, politiques…).

b. Des ressources sociales

A la fin du XIXème siècle, Clermont-Ferrand est une petite ville bicéphale. Une distance de deux kilomètres sépare les deux noyaux urbains de Clermont et de Montferrand. C’est au sein de cette espace peu urbanisé que Michelin installe ses premières unités industrielles.

Mais l’expansion spatiale de la firme a aussi une dimension résidentielle, avec la création d’un grand nombre de logements patronaux. Au total, 180 hectares de cités et d’usines sont construits dans l’entre-deux villes. L’entreprise devient donc le principal aménageur clermontois. Les premières cités se trouvent à proximité directe des usines. Toute la vie ouvrière tourne donc autour de la production et de l’usine. Puis, petit à petit, Michelin sort de l’entre-deux villes et construit en banlieue (cité de la Plaine par exemple). La cité de la Plaine assez connue car il s’agit de la vitrine sociale de la ville (avec l’église du Jésus-Ouvrier, les rues de la foi, du devoir, du courage …). L’inscription des salariés dans l’espace des cités reflète aussi la hiérarchie de l’usine.

Michelin qualifie donc socialement l’espace et l’entreprise crée un « monde Michelin », un monde clos sur lui-même et extérieur au reste de la ville de Clermont-Ferrand. Ce monde est composé par l’ensemble des usines, des cités et des équipements collectifs. Une fois les salariés attirés dans l’entreprise, il faut les fixer sur place. Michelin investit donc particulièrement le domaine du logement. Le modèle dominant est celui des maisons plurifamiliales qui comptent entre deux et quatre logements et sont entourées par des jardins. Le contrôle patronal s’introduit même dans l’espace domestique. En effet, les maisons ne comportaient pas de pièce de réception. Michelin cherche ainsi à déterminer les pratiques sociales des ouvriers. L’objectif est d’établir une main d’œuvre héréditaire. Au total, Michelin construit 3 500 logements à Clermont en trente ans.

En plus du logement, Michelin investit dans les champs de la reproduction sociale, comme les domaines du transport, de la culture et des sports. L’association sportive Michelin dispose par exemple de nombreuses installations, comme la première piscine de la ville. Il s’agit véritablement d’un système paternaliste, mais d’un paternalisme tardif. Un service médical est assuré par le biais d’un sanatorium, d’une maternité et d’un dispensaire pour les tuberculeux. Un hôpital temporaire est même mis en place pendant la première Guerre Mondiale. Michelin prend aussi en main l’éducation des enfants. L’enfant Michelin est pris en charge dès l’âge de deux ans. Plus de 4000 élèves sont scolarisés par Michelin en 1930. Le but est de former des bons ouvriers à travers une éducation civique, religieuse et technique ; et de construire, de consolider cette main d’œuvre héréditaire.

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Les enfants du personnel sont pour la direction de futurs ouvriers. Au début des années 1920, ce système paternaliste semble achevé. La prise en charge est « universelle » et se fait du berceau à la tombe. Elle permet un contrôle efficace des salariés en dehors de leur temps de travail. Il s’agit de fidéliser et de discipliner une main d’œuvre pour assurer la réussite économique de l’entreprise.

c. Les ressources politiques

Contrairement à d’autres grands industriels français (Peugeot, par exemple), les dirigeants de Michelin ne se présentent pas aux élections municipales. Les pouvoirs publics les laissent aussi très libres, car ils sont généralement satisfaits des initiatives de Michelin qui ont notamment permis de résoudre la crise du logement. Mais les relations entre Michelin et les pouvoirs publics ont toutefois été marquées par quelques tensions. A la fin des années 1910, Michelin souhaitait annexer un chemin qui sépare son usine-mère. La mairie refuse cette annexion car des habitants se plaignent : c’est en effet le seul chemin qui leur permet d’accéder au centre-ville. Michelin menace alors de délocaliser ses activités mais la mairie ne cède pas. Un an plus tard, Michelin revient à la charge et propose de construire un boulevard en échange du chemin. L’influence de Michelin est donc assez importante pour faire converger la décision publique avec ses intérêts économiques, qui déterminent en partie la politique locale. On peut parler d’une certaine soumission des institutions politiques locales aux intérêts économiques de l’entreprise.

2. Comment le système productif Michelin se décline-t-il dans le temps ?

a. Les premières évolutions du système productif (1900-1950)

L’entreprise possède une dimension internationale dès le début du XXème siècle. Les plantations d’hévéa, à partir duquel le caoutchouc est produit, se situent au Brésil ou en Indochine. Dès 1907, Michelin s’implante en Europe : en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Allemagne… Des usines mais aussi des agences commerciales sont créées. Michelin cherche aussi à s’implanter aux Etats-Unis mais la première aventure américaine de l’entreprise se termine avec la crise de 1929. A partir des années 1950, beaucoup de sites sont créés en France, notamment dans les villes moyennes de l’Ouest français. Ce choix s’explique par une main d’œuvre disponible importante et un faible taux de syndicalisation. Il y a donc une certaine division de l’espace productif Michelin à l’échelle de la France. Les étapes les plus déqualifiées du processus de production sont délocalisées mais le siège social et les activités de recherche sont maintenus à Clermont.

b. Deuxième étape de la délocalisation du système productif Michelin (1960-1970)

Au cours des années 1960-1970 une vingtaine de sites sont implantés dans les principaux pays européens et plus spécifiquement dans la partie occidentale de l’Europe. Mais l’expansion passe alors en priorité par la conquête de l’Amérique du Nord. Entre 1970 et 1980 Michelin concentre ses investissements dans cette région. L’entreprise ouvre deux usines par an au cours de cette période au Canada et aux Etats-Unis. Michelin devient alors une vraie firme internationale.

c. Malgré l’expansion spatiale du système productif, Michelin reste à Clermont (1960-1980)

La localisation clermontoise du siège social n’est pas remise en cause pendant cette phase de mondialisation. Tout au long de cette période, les effectifs à Clermont ne cessent même d’augmenter. L’emprise économique de l’entreprise sur la ville continue donc d’être très importante. Michelin compte environ 20 000 employés à Clermont en 1980. Le rôle attribué à Clermont est avant tout celui de commandement et de recherche. Cependant, après la crise économique et les chocs pétroliers, les effectifs diminuent ; près de 10 000 emplois sont supprimés dans les années 1980 et 1990. Michelin continue toutefois à mobiliser des ressources locales pour se développer à l’échelle globale. L’entreprise cherche à concilier nomadisme et ancrage.

A partir des années 1960, Michelin a encore besoin d’espace à Clermont-Ferrand. L’entreprise s’éloigne du centre géographique de la ville et s’implante au-delà de Monferrand. Une nouvelle structure spatiale, plus complexe et éclatée, formée de 7 sites, se dessine. Après-guerre, Michelin continue aussi à créer des logements. Ainsi, l’entreprise contribue à la périurbanisation autour de l’agglomération clermontoise.

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Après avoir été maintenu voire développé dans les années 1940 et 1950, le système paternaliste commence à être remis en cause. Le comité de l’entreprise demande une gestion paritaire du social dans l’entreprise. Mais la direction cherche à préserver son modèle et ne souhaite pas qu’il soit géré par les syndicats qu’elle considère comme un ennemi au sein de l’entreprise. Une série de procès et de manifestations suivent se désaccord entre la direction et le comité d’entreprise. En 1968, un accord sur une gestion paritaire est trouvé. Les écoles Michelin deviennent publiques, la clinique est reprise par des médecins libéraux, certaines activités deviennent gérées par le comité d’entreprise, mais Michelin continue à gérer le logement.

Puis, Progressivement, les pouvoirs publics s’emparent de l’organisation socio-spatiale créée par Michelin : des grandes ZUP sont construites en liaison avec les usines Michelin. Les logiques des pouvoirs publics sont les mêmes que celles de l’entreprise ; il s’agit de permettre un processus industriel efficace. Tout est conçu pour que les intérêts du capital soient maintenus.

Avec la crise, Michelin va être associé aux collectivités locales pour définir le développement local en apportant son savoir-faire. L’entreprise cherche ainsi à minimiser son repli productif et à ne pas trop ternir son image dans les médias. Les collectivités cherchent quant à elles à favoriser les investissements locaux car elles craignent le départ de Michelin. La crise économique a donc offert un contexte favorable au resserrement des liens entre l’entreprise et les acteurs publics. On assiste à intégration de plus en plus aboutie des intérêts privés à l’action publique. Le partenariat privé-public, de plus en plus assumé, vise à concilier les intérêts des collectivités locales et de l’entreprise. Mais cela atteste aussi d’une certaine dépendance du politique à l’égard de l’entreprise.

3. Les mutations contemporaines du système productif Michelin et l’intégration de la variable spatiale à la stratégie de la firme multinationale

Michelin compte aujourd’hui 110 000 salariés à l’échelle mondiale. L’organisation du système productif est réticulaire et la division du travail est internationale. Une concurrence entre les différentes implantations s’est développée, plus particulièrement entre les implantations européennes et nord-américaines et les implantations asiatiques. Toutefois, l’Europe reste le cœur productif de Michelin. Dans les années 1990, Michelin s’est implanté dans la périphérie Est de l’Europe tandis que les fermetures en Europe occidentale se sont succédées. Mais c’est surtout l’Asie qui est identifiée comme la zone géographique qui doit soutenir Michelin ; la Chine est aujourd’hui la zone prioritaire du développement de Michelin. Une usine à été ouverte à Shenzhen en 1996 et elle est aujourd’hui la plus grande unité productive du groupe au monde. La présence de Michelin en Chine correspond initialement à une stratégie de marché : pour vendre en Chine il est nécessaire de produire en Chine. Mais progressivement, les produits Michelin manufacturés en Chine sont aussi vendus dans le reste du monde, ce qui accroît la concurrence entre les sites.

Malgré la concurrence des pays à bas salaires, l’entrée dans l’ère du capitalisme cognitif ouvre un nouvel horizon aux anciens espaces industriels. Cela dessine une géographie des compétences et non pas seulement une géographie des coûts. Les fonctions de recherche ont ainsi un ancrage très fort en Europe et au Japon où elles se concentrent. Et l’innovation est encore très ancrée dans les territoires et notamment à Clermont-Ferrand. Michelin a par exemple participé à la création d’un pôle de compétitivité et à la création d’une école d’ingénieurs. Il s’agit aujourd’hui de la seule entreprise du CAC40 à avoir maintenu son siège social en province.

Depuis deux décennies, la firme a engagé une forte recomposition de son emprise spatiale à Clermont-Ferrand. En effet, Michelin a aujourd’hui besoin d’une surface bien moins importante pour ses ateliers de production. L’entreprise a d’ailleurs abandonné son deuxième site historique et un autre va être progressivement et partiellement délaissé. L’abandon du système paternaliste a libéré de nombreux espaces retombés dans le domaine public. Michelin a également restructuré et modernisé son siège social, afin de disposer d’un environnement « efficace et moderne », selon les mots de la direction, pour le bien-être des salariés. Un projet de modernisation de l’espace de travail est aussi en cours au Centre de Recherche de Ladoux pour in fine favoriser l’innovation.

Michelin fonde aujourd’hui sa croissance à Clermont-Ferrand sur une main d’œuvre composée essentiellement de cadres. De la même manière que le système paternaliste cherchait à produire un cadre moral pour encadrer les ouvriers, la firme cherche aujourd’hui à attirer des jeunes cadres dynamiques. Cette problématique de l’attraction des cadres a conduit Michelin à être beaucoup plus attentif au cadre de vie de ses salariés. La firme a pris des initiatives en ce sens : création d’une école internationale, ouverture d’un musée appelé l’« Aventure Michelin » (http://www.laventuremichelin.com/), installation dans les sites de services et commerces de proximité et de salles de sport. A travers ces services et équipements, il s’agit de favoriser l’efficacité des cadres. La firme aide les conjoints de leurs cadres à trouver un emploi. Une véritable stratégie sociale et urbaine destinée aux cadres supérieurs est donc mise en place. Michelin profite aussi de l’apparition d’un certain nombre d’équipements dans l’agglomération, comme le Polydome. Le Polydome de Clermont-Ferrand est un centre de congrès installé dans une ancienne coopérative d’approvisionnement Michelin. Il s’agit aujourd’hui d’un équipement public culturel attractif. Cela fait partie des équipements déterminants pour les cadres qui postulent à des emplois au sein de l’entreprise. L’abandon du système paternaliste a donc laissé place à une nouvelle stratégie sociale et urbaine.

Les mutations économiques sont naturellement liées à l’évolution des rapports politiques. Ces dernières années ont vu la multiplication de partenariats entre Michelin et les acteurs politiques avec par exemple la création d’un hôpital et d’un Ikea sur des anciens terrains Michelin. Ce partenariat privé-public est dominé par les impératifs capitalistiques de compétitivité économique mais on recense aussi des objectifs de cohésion et de mixité sociale. Un partenariat a ainsi accompagné l’abandon des cités Michelin par la firme. La mairie a repris les logements patronaux pour en faire du logement social, en maintenant les salariés Michelin dans leurs cités à la demande de l’entreprise. Des partenariats sont mis en place pour favoriser l’attractivité urbaine. Ils visent notamment à reconvertir des friches industrielles, en y implantant des équipements collectifs devant renforcer l’attractivité du territoire. Dans le domaine du sport, Michelin a demandé aux collectivités d’investir dans l’ASM qui a été renommée Association Sportive Clermont-Auvergne.

En dépit de tous ces partenariats, des conflits ont aussi marqué les relations entre Michelin et la municipalité, comme au sujet du tramway clermontois prévu dans les années 1990. François Michelin exige un tramway sur pneus. Des divergences apparaissent donc ponctuellement, mais globalement l’action négociée domine. Pour les pouvoirs publics, il s’agit, par ces partenariats, d’affaiblir le degré d’indépendance de la firme multinationale vis-à-vis de son territoire ; les pouvoirs publics essaient de rendre Michelin dépendant du territoire.

A travers cette présentation, il s’agissait de livrer un rapide portrait du système productif d’une firme multinationale, de préciser son accès à la ressource politique et la décision publique. Cet accès à la ressource publique et la décision politique peut d’ailleurs expliquer le maintien et l’ancrage de Michelin à Clermont-Ferrand.

Le débat avec la salle commence alors.

Quelle est la structure de l’emploi « Michelin » à Clermont aujourd’hui ?

T.Z. Près de 12 000 salariés travaillent pour Michelin à Clermont. Plus de deux tiers sont des « cols blancs ». La production est de moins en moins importante à Clermont.

L’entreprise cherche à recruter, à faire venir des cadres dans cette ville. Toutefois il n’y a pas de hub aéroportuaire à Clermont. Comment cela fonctionne-t-il ?

T.Z. Air France a déplacé le hub, qui était auparavant à Clermont-Ferrand, à Lyon. Cette absence de hub aéroportuaire est problématique pour l’entreprise. Michelin a participé à la gestion de l’aéroport via la Chambre de Commerce et de l’Industrie. Les collectivités essaient de soutenir l’aéroport car cela fait partie des raisons pour lesquelles Michelin pourrait quitter Clermont. L’absence de ligne TGV est aussi problématique pour eux. Ils font pression pour que la nouvelle ligne Paris-Lyon passe à proximité de Clermont-Ferrand.

Comment la matière première était-elle acheminée jusqu’à Clermont ?

T.Z. L’hévéa est acheminé par voie fluviale. Un caoutchouc synthétique est aussi fabriqué à Bordeaux. Les caoutchoucs naturels et synthétiques sont aujourd’hui mélangés en fonction de leurs usages.

Du point de vue de la collectivité, du marketing territorial, le partenariat entre Michelin et les collectivités peut-il être généralisé à d’autres villes ?

T.Z. La question du partenariat entre les acteurs publics et Michelin était un sujet difficile au début de cette recherche. Au fur et à mesure, ce partenariat a été de plus en plus valorisé par les deux parties. Il est très affiché maintenant alors que ce n’était pas le cas auparavant. C’est une situation que l’on peut retrouver dans d’autres villes.

Vous parliez d’usines délaissées, une en 2005 et une autre bientôt, quel est l’avenir de ces sites, comment la ville perçoit-elle cet abandon ?

T.Z. Le premier site en friche a été vendu à la mairie qui a réalisé un hôpital. Pour le deuxième site, c’est en cours de réflexion. La mairie envisage un projet culturel ou commercial. C’est finalement uniquement la mairie et Michelin qui gèrent ce projet (et non plus l’ensemble des collectivités locales comme au départ).

Que pouvez-vous dire sur le district industriel ? Etait-il uniquement dominé par Michelin ?

T.Z. Pour le district, il y a aussi Bergougnan qui devient une grande entreprise au cours du XXème siècle. Mais Bergougnan finit pas être absorbée par Michelin. Michelin a connue une croissance beaucoup plus importante et rapide que les autres entreprises du district.

Michelin est-elle une usine fermée au chercheur ?

T.Z. Au début de cette recherche, le responsable de la communication de la firme à Michelin a été surpris de cet intérêt. Il a par la suite été assez simple de rencontrer des cadres de la firme, avec lesquels le dialogue était aisé. Avec la mairie en revanche cela a été un peu compliqué, mais plusieurs entretiens ont également été réalisés. Par ailleurs, les archives de l’entreprise Michelin ne sont pas consultables à l’exception des documents qui ont été sortis et reversés à d’autres archives. Edouard Michelin a contribué à l’ouverture de la firme, il en a rénové le modèle. Avec lui, elle est devenue moins secrète et moins fermée. Depuis les années 2000, des visites des usines sont possibles, notamment dans le cadre des journées du patrimoine.

Que dire du lien entre Michelin et la sous-traitance ?

T.Z. Pendant longtemps, Michelin a eu énormément de sous-traitants. Après la crise de 1980, on note une diminution des relations avec les petites et moyennes entreprises sous-traitantes ; Michelin a ensuite cherché à aider ces PME à être plus indépendantes. Ils souhaitaient avoir moins de sous-traitants techniques très dépendants.

Compte-rendu réalisé par Silvia Flaminio relu et amendé par l’intervenant.