- Les Cafés Géo - https://cafe-geo.net -

Malaga, ville d’art andalouse sur la Costa del Sol

Le cube de Daniel Buren, partie émergée du Centre Pompidou Malaga © Maryse Verfaillie

 

Cette photo résume la cité andalouse d’aujourd’hui : face à la mer, avec un décor de palmiers et au milieu des tours issues d’un tourisme de masse, la ville vient d’effectuer une reconversion spectaculaire. Cité balnéaire de la célébrissime Costa del sol, elle s’affirme à présent haut et fort comme « cité où l’art habite ».

■ Un port, puis une station balnéaire sur la méditerranée  

          

 

Depuis la nuit des temps, la situation de Malaga, au plus près du détroit de Gibraltar, fut recherchée. Positionnée à l’extrémité ouest de la mer Méditerranée, dans la péninsule ibérique, elle fait face à l’Afrique du Nord. Cent km seulement la séparent  du détroit qui ouvre l’entrée sur l’océan Atlantique. Au carrefour de deux mers et de deux continents, elle sut, avec une grande constance, mettre en valeur aussi bien sa situation que son site.

 

Plan de Malaga, affiché par  l’office du tourisme © Maryse Verfaillie

 

La ville s’est implantée au centre d’une baie entourée de chaînes de montagnes, au débouché du fleuve Guadalmedina et sur sa rive gauche. La colline du Gibralfaro, à l’est,  domine la mer et fut très vite fortifiée pour assurer la défense du port. Les pentes des collines, transformées en terrasses ont été parsemées d’oliviers et d’orangers depuis l’antiquité. Puis l’homme a gagné de vastes espaces sur la mer pour développer ses activités commerciales puis industrielles. La coulée verte du paseo sépare la ville du port.

Actuellement, un million d’habitants occupent l’agglomération qui profite d’un doux climat, chaud et sec en été, doux et humide en hiver.

 

►Le port de Malaga

 

Le port vu du Gibralfaro © Maryse Verfaillie

 

Les fonctions portuaires ont varié avec le temps. Port d’un comptoir Phénicien, il exporte des amphores pleines d’huile ou de garum (concentré de poisson séché) sous l’empire Romain. Il fut ensuite l’un des  débouchés maritimes du royaume de Grenade jusqu’au XV ème siècle. Il fut aussi un port de pêche à la sardine réputé.

Il se transforme – en gagnant des terres sur la mer – en zone industrialo-portuaire au début du XIX ème. Malaga est alors une ville pionnière de la Révolution industrielle en Espagne (avant d’être dépassée par Barcelone). La richesse en minerais a attiré les convoitises, depuis les Phéniciens jusqu’aux capitaines d’industrie britanniques. La sidérurgie était l’une des spécialités, à côté des industries agroalimentaires : raffineries pour la canne à sucre, manufacture de tabac.

L’industrie est aujourd’hui une activité très secondaire et au XX ème siècle la région s’appauvrit considérablement, devenant exportatrice de populations misérables. L’agriculture restant aux mains des héritiers des latifundia romains, elle n’offrait aux paysans que de maigres revenus. Mais la situation change du tout au tout dans le deuxième vingtième siècle avec l’arrivée du tourisme de masse.

 

►Une  station balnéaire sur la Costa del Sol

 

Palmes et cactées © Maryse Verfaillie

            

Une végétation luxuriante contribue aux charmes de la région. Cactées, palmiers, caroubiers, grenadiers occupent l’espace, ainsi que des orangers et des figuiers.

La vigne fait partie de la trilogie méditerranéenne et « le vin de malaga » est célèbre dans le monde entier. Ce « vin des dames » fut apprécié des Romaines, puis des Anglaises à l’époque victorienne. Ce divin nectar andalou, liquoreux mais corsé (dont la robe, selon l’âge varie du jaune pâle au rouge foncé), peut se boire en dessert comme en apéritif…avec modération, cela va de soi.

Les rivages méditerranéens de l’Andalousie, avec plus de 300 jours de soleil /an et de belles plages de sable, sont devenus, à partir des années 1960, un haut lieu du tourisme estival. Les complexes hôteliers ont poussé comme des champignons le long du littoral, avec leur cortège de restaurants, night-clubs, parcs d’attraction, mis au service d’une foule colorée à la recherche des 3 « s » : sea, sun, sexe…

Marbella, très proche, est certainement la plus célèbre et la plus luxueuse des stations de la Costa. Un aéroport, dessiné par Ricardo Bofill, peut enregistrer des flux de 13 millions de passagers / an. Des trains à grande vitesse arrivent de Madrid et de Barcelone. Le réseau routier et autoroutier est de qualité et enfin le port a trouvé de nouvelles vocations.

Des ferries relient quotidiennement Malaga à Melilla (sur la côte africaine). Les bateaux de croisières ont remplacé les cargos. Onze ports de plaisance s’alignent sur la Costa del Sol.

La province de Malaga accueille près de la moitié du tourisme de la région, avec des clients de plus en plus riches et exigeants. On a construit quelques 70 terrains de golf, ce qui fait parfois dire qu’à présent il faut parler de Costa del Golf !

Cependant, l’Andalousie, comme bien d’autres régions, se veut attractive en toutes saisons. Il lui faut donc valoriser son patrimoine historique.

 

■ Malaga, ville d’histoires et de fécondes confrontations

 

Malaga n’a pas la réputation de Séville, grenade ou Cordoue. Ville de négoce plus ancienne que Marseille la phocéenne, elle fut dominée par une bourgeoisie affairiste qui pendant longtemps n’a pas pris soin du passé. Son histoire d’ailleurs est faite de gens venus d’ailleurs : Romains, Byzantins, Goths, Berbères, Arabes, Gitans…drôle de « melting pot » !

 

► Le temps des Ibères

 

 L’Homo sapiens arrive vers 25 000 av J-C  au sud de l’Espagne. En témoignent des dolmens dont une gravure est visible au Musée de Malaga (section archéologie).

Vers 6000 av J-C  l’Andalousie est la première région d’Espagne à voir apparaître la poterie et l’agriculture, puis la diffusion du cuivre. Vers 3200 av J-C les premiers établissements sédentaires sont attestés. De petits villages fortifiés  prospèrent grâce au commerce. La culture ibérique est née.

 

► Le temps des Phéniciens

 

Les mines finissent par attirer la convoitise des Phéniciens, qui implantent des comptoirs le long des côtes, le premier étant Cadix vers 1100 avJ6C

 

Cliché pris dans le Musée de Malaga © Maryse Verfaillie

                           

Sur la photo, la tâche rouge sombre, correspond à la cité phénicienne, sise sur la rive gauche du Guadalmedina, au VII ème av J-C. Elle est ceinte de murailles. Son nom, Malaka, est celui d’un port de 7 ha, dont l’existence est attestée par Strabon le géographe et par Marcus Agrippa. Les comptoirs étaient en étroite relation avec les habitants de l’arrière-pays. La rencontre entre Phéniciens et Ibères, entre Orient et Occident, fit éclore une culture ibérique célèbre pour ses poteries, et ses bijoux d’or et d’argent, exportés dans tout le bassin méditerranéen.

La Phénicie, soumise à Babylone, à partir de 573, dut laisser ses comptoirs à la puissance montante de Carthage, jusqu’aux guerres puniques.

En 206 av J-C, la puissance romaine prend le relais des Puniques.

 

► La Bétique Romaine  206 av J-C _ 406 ap J-C – Un premier âge d’or

 

Scipion l’Africain s’empare de l’Andalousie en 206. Elle devient la province Bétique, avec Cordoue pour capitale. Les Romains vont dominer le sud de l’Espagne pendant 7 siècles. Pline l’ancien, dans son Histoire naturelle achevée en 77 écrit ceci :

«  La Bétique, ainsi nommée du fleuve qui la traverse en son milieu, surpasse toutes les autres provinces par la richesse de sa culture et par un certain éclat de fertilité qui lui est particulier ». La province recouvre à peu près l’actuelle Andalousie.

On y exploite l’or, l’argent, le cuivre et le fer. On exporte vers Rome du blé, du vin, des huiles, etc. La pêche fournit des salaisons et le fameux « garum » condiment fort prisé à l’époque…beaucoup moins aujourd’hui.

 

La naissance de Vénus,  mosaïque romaine – Musée de Malaga © Maryse Verfaillie

 

Les villes de la Bétique sont presque aussi belles que Rome, les arts aussi variés que somptueux : littérature en langue ibéro-romaine, théâtres, aqueducs, thermes.

Les villas sont  décorées de sculptures et de mosaïques. La romanisation est très rapide car les vétérans laissés par Scipion épousent des femmes indigènes. Ici naissent Trajan et Hadrien. Ici brillent Lucain et Sénèque.

Le judaïsme et le christianisme se diffusent dans la péninsule au II ème siècle.

Puis l’effondrement de l’empire romain d’Occident, permet l’arrivée des envahisseurs « barbares ».

 

► Vandales et Wisigoths

Carte régionale wisigothique au VI ème (Musée de Malaga) © Maryse Verfaillie

 

En 406, les Vandales, qui ont laissé leur nom à la (V) andalousie,  puis les Suèves et autres Alamans déferlent dans la péninsule ibérique.

Les Wisigoths arrivent depuis le nord de l’Europe germanique. Ils traversent la Gaule et en 476, contrôlent toute l’Espagne. En 589, le roi wisigoth Reccared (ou Richard) se convertit au catholicisme. Les Byzantins, qui avaient occupé une partie du littoral en 551, sous l’empereur Justinien, en sont définitivement chassés en 624.

C’est la première unification de l’Espagne, christianisée et romanisée linguistiquement et juridiquement. Eglises et monastères sont érigés dans les villes. On adopte l’arc outrepassé, (ou en fer à cheval), et un répertoire végétal de feuilles de vigne, de laurier et d’acanthes qui orneront les bâtiments civils et religieux.

La région conserve tout l’héritage romain, qu’elle transmet à l’Occident médiéval grâce au métropolitain Isidore (560-636), auteur des Etymologies, l’encyclopédie la plus lue jusqu’au XVI ème siècle.

Mais les querelles de succession qui agitent le royaume vont causer sa perte.

 

► L’âge d’or d’Al Andalus 711 – 1492

 

Moins d’un siècle s’écoule entre la mort du  prophète Mahomet en 632, et l’arrivée de populations arabes et musulmanes. Leurs conquêtes vont des confins de l’Iran, jusqu’au Maroc actuel, où ils viennent à bout de la résistance des Berbères.  La conquête s’étend même au-delà des Pyrénées, jusqu’à Poitiers, dit-on, en 732 !

 

Plan du Malaga arabe, Bibliothèque nationale d’Espagne, Musée de Malaga © Maryse Verfaillie

 

Cités et grands propriétaires terriens de la région capitulent et deviennent des « dhimmis », c’est-à-dire « des protégés », en échange d’un impôt supplémentaire.

Les paysans asservis peuvent, sous réserve de conversion, accéder au statut d’hommes libres. Chrétiens et juifs (ces derniers, brimés par les ordonnances de Tolède) peuvent garder leurs lois et leur religion.

Jusqu’en 756, le nouvel émirat est sous la dépendance de Damas. Mais en 756, tous les Omeyyades de Damas  sont massacrés, sauf un, le jeune prince Abd er-Rahman, qui réussit à s’enfuir et à prendre Cordoue, dont il fait sa capitale.

L’arabe devient la langue du quotidien et du savoir dans l’émirat  d’al-Andalus –ainsi se nomme la région à présent – qui  s’ouvre sur l’Orient musulman.

Les mosquées, construites avec des matériaux de remploi romains, se couvrent de claustras en marbre, de coupoles et de colonnades.

Pour décorer les palais on fait venir des mosaïstes grecs de Constantinople. L’art hispano-mauresque atteint le sublime dans une multitude de pavillons, cours intérieures, jardins  et bassins.

A retenir, l’importance sans précédent des jardins, qui devaient correspondre au Paradis promis par les sourates du Coran. Dans ces jardins murés, les parois superposent des carreaux de céramiques, des stucs décorés de motifs végétaux stylisés et des bandeaux épigraphiques.

La maîtrise de l’irrigation permet la réalisation de bassins alimentés par des eaux vives.

Elle permet aussi de créer des huertas et d’introduire la culture du riz et de la canne à sucre. On fait pousser des orangers, des abricotiers, des amandiers, des palmiers et des oliviers. Dès le X ème, on fabrique du papier, on travaille le cuir et on sait produire de la soie et des brocards.

 

Église Saint-Jacques. © Maryse Verfaillie

 

L’église Saint-Jacques est devenue mosquée et dotée d’un minaret, comme bien d’autres, l’exemple le plus célèbre étant celui de la mosquée-cathédrale de Cordoue. Elle redevint église avec la Reconquête et Picasso y fut baptisé.

 

L’Alcabaza, de Malaga © Maryse Verfaillie

 

Forteresse ébauchée par les Romains, elle est consolidée au XI ème sous les Maures, ornée de colonnes et chapiteaux provenant des ruines d’un théâtre romain (découvert seulement dans les années 1950 et construit sous Auguste (27 av J-C -14 ap J-C). elle a servi de résidence aux gouverneurs musulmans.

 

Palais arabe du Gibralfaro © Maryse Verfaillie

 

Le palais arabe du Gibralfaro est édifié à partir du XIV ème. Construit dans la deuxième enceinte de l’Alcabaza et sur une deuxième colline, cet ancien palais est aujourd’hui devenu un musée d’art arabe, avec ses patios et ses bassins. Une partie est devenue un Parador, hôtel 5 * d’Espagne ! Du haut du Gibralfaro, la vue sur Malaga est « imprenable ».

 

Bassin du palais © Maryse Verfaillie

 

L’eau, les jardins, le vin et les éphèbes, amplement chantés par les poètes de langue arabe, ne doivent pas faire oublier l’importance de la philosophie et des sciences et  l’on vient de loin pour étudier.

L’encyclopédie médicale d’Abu al-Qasim fait autorité pour des siècles.

Ibn Rushd (Averroès) est un musulman tout à la fois médecin, astronome, juriste et surtout grand commentateur des écrits et de la pensée d’Aristote. Est-il athée ou incrédule lorsqu’il écrit « Dieu est au ciel et nulle part », toujours est-il qu’il a du s’exiler à Marrakech où il décède en 1198.

On n’oubliera pas non plus le grand penseur juif Maimonide. Né à Cordoue, il a vécu à Fès, au Caire puis à Jérusalem où il meurt en 1204. Il a écrit en arabe puis en hébreu, il a été le médecin de Saladin. Dans son ouvrage « Le livre des égarés » il veut réconcilier la pensée d’Aristote et la philosophie juive.

Le califat entretient des relations politiques et commerciales intenses, aussi bien avec le Moyen Orient qu’avec l’empire byzantin ou l’empire romano-germanique et les chrétiens du nord de l’Espagne. Le calife traite d’égal à égal avec le pape.

Dès le XI ème, les guerres se multiplient et ruinent le califat qui se divise en petites principautés rivales. Venus du Maroc, les Almoravides puis les Almohades prennent le pouvoir. Chrétiens et juifs qui refusent de se convertir sont massacrés ou déportés.

Néanmoins les arts restent d’une grande qualité.

 

 ►  La Reconquête

 

Le palais épiscopal, devenu musée © Maryse Verfaillie

             

La guerre opposant les Maures aux Chrétiens débute dans le nord de l’Espagne.

La prise de Tolède en 1085 marque la perte du contrôle du nord de l’Espagne pour les musulmans, avant que n’advienne la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212. Cordoue, en 1236, Séville en 1248, puis Malaga en 1487 – après un siège meurtrier- tombent aux mains des Rois Très Catholiques. Le royaume de Grenade reste fief des Maures jusqu’en 1492, sous la férule éclairée de la dynastie des Nasrides, avant de tomber dans l’escarcelle de Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille.

Les terres andalouses sont données en fief à une nouvelle noblesse et exploitées selon un système latifundiaire qui asservit progressivement les paysans.

Les musulmans qui choisirent de rester furent tolérés en échange d’un impôt spécifique, on les appelle les mudéjars : ils disposent de leur propre quartier et conservent leur juridiction. A partir du XIII ème, ils abandonnent l’arabe pour parler espagnol. Les Juifs sont rapidement chassés. En 1480 est créé à Séville le premier tribunal de l’Inquisition, de sinistre mémoire et qui durera jusqu’en 1821.

Au même moment, Christophe Colomb, membre de la colonie génoise,  réunit des fonds pour son voyage vers l’Amérique en 1492.

L’art hispano-mauresque laisse des chefs d’œuvre, images du paradis tel que le concevaient les musulmans au XV ème.

Les églises primitives, devenues mosquées changèrent une nouvelle fois d’affectation. Charles Quint sut conserver à Cordoue une mosquée-cathédrale mondialement connue. Partout, dans les églises, dans les couvents, dans les palais, l’art de la Renaissance s’épanouit à côté de l’art mauresque : curieuses juxtapositions !

 

Cathédrale de Malaga © Maryse Verfaillie

 

Édifiée sur une ancienne mosquée entre le XVI è et le XVIII ème, elle reste inachevée. Sa tour unique lui vaut le surnom de La Manquita (la mutilée, ou la manchote). Commencée par Diego de Siloé, elle présente un curieux mélange de styles : gothique, Renaissance, baroque. En 1680 un tremblement de terre l’affecte, en 1765, le manque d’argent la laisse inachevée. En 1931, les terribles émeutes de Malaga provoquent d’autres destructions.

 

Les coupoles de la cathédrale de Malaga © Maryse Verfaillie

 

Vaste église-halle à 3 nefs, elle est ornée d’un plafond voûté en coupoles sculptées, qui s’élève à 40 m de hauteur. Elle est aussi admirable pour ses stalles de bois et ses orgues.

 

Cathédrale de Malaga, clichés de Maryse Verfaillie

 

De nombreuses chapelles surchargées de décorations baroques témoignent de la richesse accumulée après la reconquête.

 

► Andalousie et découverte du nouveau monde : un nouveau siècle d’or 

 

Dès le XVII ème siècle, les ports de Cadix, Séville et Malaga deviennent la plaque tournante du commerce avec les colonies américaines.  Les richesses du Nouveau Monde y affluent.

Les palais mêlent les motifs mudéjars, gothiques et Renaissance et les décorent de statues et de mosaïques romaines provenant des anciennes villas alentour. On peut citer ceux des comtes de Buenavista à Malaga ou de Charles Quint dans l’Alhambra.

Les peintres les plus renommés s’y installent : Francisco Pacheco, Diego Vélasquez, Valdés Leal, Murillo ou encore Zurbaran.

Mais tout change en 1609, lorsque les Maures (ou morisques) furent sommés de choisir entre conversion au christianisme ou exil. En 1614, le dernier musulman d’Espagne est expulsé.

Les villes andalouses perdent alors le monopole du commerce avec les Amériques, au profit de la Castille et de la Catalogne.

La guerre de Succession d’Espagne (1701-1713) accompagne l’accession des Bourbons au trône, prive également l’Andalousie du rocher de Gibraltar pris par les Anglais par le traité d’Utrecht…qui le détiennent encore aujourd’hui.

 

► Malaga  aux XIX ème et XX ème siècles

 

Maquette de la ville, Musée de Malaga © Maryse Verfaillie

 

Le plan relief ci-dessus montre l’ampleur des agrandissements de la ville depuis 1487.

En gagnant toujours sur la mer, de vastes espaces plats sont dégagés. La rive droite du fleuve Guadalmedina reste peu prisée.

 

En 1805, les espagnols, alliés à Bonaparte, perdent leur flotte face à l’amiral Nelson, à Trafalgar. La ville de Malaga est occupée par les troupes napoléoniennes de 1810 à 1812. Elles font beaucoup de dégâts.

En 1814, les Bourbons retrouvent leur couronne et suppriment la Constitution libérale de Cadix, favorable aux paysans qui s’engagent alors (1882-1912)  dans la contestation sociale, aux côtés des anarchistes.

Les années 1920 portent au pouvoir le dictateur Primo de Rivera (1923-30). Les années 1930 voient le général Franco envahir l’Espagne à partir du sud : les nationalistes prennent Séville, puis Cadix, puis Malaga en 1937. Des milliers de républicains sont exécutés. A Grenade (sa ville natale), Federico Garcia Lorca est assassiné en 1936.

Le XIX ème est synonyme d’appauvrissement des grands domaines agricoles, toujours organisés en latifundia. La  Révolution industrielle, ne fait qu’une brève apparition.. Le vin de Malaga reste célèbre jusqu’à l’arrivée du phylloxera.

Les traditions persistent, hautes en couleurs et qui vont attirer les premiers touristes en quête d’exotisme : corridas, Tziganes et flamenco, légende de Carmen reprise par Bizet, maisons blanches sous un ciel d’azur, etc.

Dans les « Contes de l’Alhambra (1832) le diplomate américain Washington Irving perpétue une vision romantique de la région. Chateaubriand fera de même.

Mais si vous voulez en « découdre » avec l’histoire, lisez le tout récent ouvrage de Laurent Binet, « Civilizations » qui parle avec autant d’érudition que de fantaisie de cette Andalousie.

Le déclin, la pauvreté, le chômage et l’émigration rongent le sud de l’Espagne jusque dans les années 1970. L’Exposition universelle de Séville en 1929, destinée à relancer l’économie de l’Andalousie, coïncide avec le krach boursier de Wall Street. C’est raté !

Mais il subsiste quelques témoins de cette période.

 

La mairie © Maryse Verfaillie

 

Édifié en 1919 sur des terrains gagnés sur la mer, par les architectes Guerrero Strachan et Rivera Vera, l’hôtel de ville est imposant.

 

La Poste © Maryse Verfaillie

 

Ce bâtiment qui allie plusieurs styles, conçu comme poste est devenue l’université

 

Les années 1930 sont terribles. Les anarchistes de « Malaga la rouge » voulurent en faire table rase. Ils détruisent églises, couvents, villas et hôtels des riches. Puis les bombardements des italiens et des franquistes défigurent encore une ville devenue « invertébrée ».

La guerre civile (1936-39) déborde d’horreurs dont rend compte le tableau Guernica de Picasso, enfant de Malaga. En 1975, à la mort de Franco, un Bourbon monte à nouveau sur le trône, il s’agit de Juan Carlos.

Désormais, l’Espagne peut rejoindre l’Union européenne. La reconversion est spectaculaire.

Toutes les villes andalouses, Séville, Grenade, Cordoue, mais aussi Malaga vont s’affranchir des friches industrielles, récupérer le patrimoine laissé par une histoire longue et multiculturelle et ajouter au tourisme de masse un tourisme culturel. L’Exposition universelle de Séville en 1992 en est le symbole.

 

 

■ Malaga en 2020 : la ville où l’art habite

 

Malaga, Ciudad de museos donde habita el arte

 

Héritière de trois âges d’or : romain, musulman et Renaissance, Malaga peut aujourd’hui décréter qu’elle là où l’art habite.

Pourtant il a fallu du temps pour qu’elle reconnaisse le plus génial de ses fils, comme si elle lui en voulait d’être parti vivre à Barcelone puis en France. Jusqu’en 2003, la ville n’avait aucun musée consacré à Picasso, l’enfant du pays.

Aujourd’hui, elle est devenue un poids lourd artistique capable de rivaliser avec Madrid ou Barcelone. Belle performance ! Entre les 36 musées proposés aux touristes la sélection est difficile.

 

► Le musée Picasso de Malaga

 

Le patio du musée Picasso © Maryse Verfaillie

                   

Le premier coup de théâtre a lieu en 2003, lorsque après 50 ans de discussion, la ville rend enfin hommage à son plus célèbre citoyen. Plus de 200 œuvres ornent les murs blancs de ce musée, installé dans l’ancien palais, le Buenavista Palace et ont été léguées ou prêtées par Christine Ruiz Picasso (épouse de Paul Picasso, son fils) et par Bernard Ruiz Picasso, son petit-fils. Toutes les œuvres étaient chez lui jusqu’à sa mort. Il travaille jusqu’à ses 91 ans. Le musée présente presque toutes les facettes de son art.

www.museopicassomalaga.org

 

On peut aussi découvrir le musée installé dans la maison natale de Picasso, qu’il dut quitter lors d’un tremblement de terre. Actuellement transformée en Fondation, elle abrite plus de 4000 œuvres de plus de 200 artistes différents. On y découvre l’esquisse des Demoiselles d’Avignon

 

►Le musée  de Malaga

 

Façade du palais de la Douane © Maryse Verfaillie

         

Ré ouvert en décembre 2016 dans le palais de la douane, bâtiment de style néoclassique,  il abrite plusieurs sections dont celle, très impressionnante de la collection archéologique léguée par la famille Loring-Heredia. On s’émerveille devant des objets phéniciens, romains, maures et en particulier de superbes céramiques, qui furent objet d’exportations et de richesses locales. Une section beaux-arts est aussi richement dotée en peinture de genre et de paysages andalous du XIX ème siècle. Il s’y ajoute des œuvres de la Génération des 27, c’est-à-dire des années 1920.

 

www.museosdeandalucia.es

 

 

► Le Centre Pompidou Malaga

 

C’est la première antenne du Centre Pompidou de Paris, inauguré à en 1977 par le président Georges Pompidou. L’antenne Malaga est ouverte depuis le 28 mars 2015. D’autres s’ouvrent à Bruxelles et bientôt à Shanghai. Sur le port, on ne voit quelle ! Pour la recevoir on a convoqué l’architecte Daniel Buren qui a réalisé Le Cube multicolore, présenté en introduction. Sorte de Rubik Cube géant, il sert de puits de lumière au musée souterrain.

La collection permanente est consacrée aux utopies modernes. Elle comprend l’extraordinaire Ghost de Kader Attia, installation en papier aluminium représentant des rangées de femmes musulmanes en prière, ainsi que des œuvres de contemporains : Frida Kahlo, Francis Bacon, Antoni Tapies, etc.

 

Grande salle du Centre Pompidou © Maryse Verfaillie

 

Cette seule photo permet de voir 4 œuvres de grande qualité :

– Le  Troupeau de moutons des frères Lalanne

– dans le fond de la salle =  Peter Doig, 100 years ago, 2001, Edinburgh

– puis le tableau de Joan Mitchell, Sylvie’s Sunday, 1976.

– et enfin, le Miro = Personnages et oiseaux de 1974

 

Une exposition annuelle, met aussi à l’honneur des œuvres majeures contemporaines.

Info.centrepompidou@malaga.eu

 

 

Le musée russe, annexe du musée national russe de Saint-Pétersbourg

 

Entrée du musée national russe © Maryse Verfaillie

 

Ouvert en 2015, dans une ancienne manufacture de tabac. Il est consacré à l’art russe du XVI au XX ème siècle. Il présente pour un an  cinq sessions : icônes, portraits, paysages, peinture de genre et avant-garde. Cette année est consacrée aux femmes : Saintes, Reines, Ouvrières. Un hommage particulier est rendu à la poétesse Anna Akhmatova (1889-1966) qui fut persécutée sous Staline. Je ne résiste pas au plaisir de vous montrer aussi cette merveilleuse icône du musée russe.

 

Icône, la présentation, école de Novgorod XVI ème © Maryse Verfaillie

 

www.coleccionmuseoruso.es

 

 

► Le musée Carmen Thyssen Bornemisza

 

Il existe plusieurs antennes de ce musée, initialement créé à Madrid.

Il accueille, depuis 2011 les collections de la baronne Carmen Thyssen Bornemisza, dans l’ancien palais de Villalon, bâtiment du XVI ème siècle, situé dans l’ancien quartier maure de la ville. La pinacothèque effectue un parcours à travers les différents genres de la peinture espagnole de Francisco Goya à Picasso, en passant par Zurbaran et  Sorolla. Y figurent des cènes de flamenco, de corridas, de fêtes, de bandits.

 

www.carmenthyssenmalaga.org

 

Beaucoup d’autres musées attendent votre visite.

 

Cité commerciale tournée vers la mer, Malaga fut longtemps célébrée pour ses corridas (qui ont tant inspiré Picasso,) son vin et son flamenco. Pour beaucoup d’Espagnols, elle était une ville provinciale que l’on regardait avec condescendance.

Malaga a tout connu, confluences et diffluences, situation tour à tour stratégique sur Mare Nostrum, puis pathétique lorsque la Méditerranée est devenue « une flaque d’eau » avec la découverte des Amériques.

Aujourd’hui, elle ressort de l’oubli avec l’avènement d’une nouvelle mondialisation qui attire aussi bien la « jet set » que des millions de simples touristes venus prendre des vacances et parfois aussi se cultiver.

Province d’émigration à la fin du XX ème, elle redevient une terre d’immigration pour des réfugiés venus du sud de la Méditerranée et qui espèrent arriver ici à bon port.

Le futur n’est-il pas que la répétition du passé ?

 

                                                         Maryse Verfaillie – janvier 2020