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Repas indien

Association Café Géo de Paris
Repas indien du 26 novembre 2012
Commenté par Michael Bruckert

Michaël Bruckert nous commente un repas indien pris au
Saravanaa Bhavan 170, Rue du Faubourg Saint- Denis. 75010 Paris

Plus qu’un repas indien il s’agit d’un repas tamoul. L’aire linguistique tamoule correspond dans ses grandes lignes à l’Etat indien du Tamil Nadu. Mais la langue tamoule couvre aussi une partie du Sri Lanka voisin. La majorité des Tamouls est de religion hindouiste.

La rue du Faubourg St-Denis est devenue une rue indienne. Plusieurs vagues d’immigration : en 1948 (indépendance de l’Inde), en 1962 (rattachement juridique de Pondichéry à l’Inde), puis à partir de Londres lors de l’ouverture du tunnel sous la Manche et de l’Eurostar. Enfin très récemment à la suite de la guerre civile du Sri Lanka qui a opposé les Tamouls de ce pays aux Cinghalais.

La chaîne de restaurants Saravanaa Bhavan est née à Chennai (Madras). Chaîne haut de gamme qui a diffusé en Malaisie, Singapour, Qatar, Londres, Etats-Unis et depuis deux ans Paris. Ce repas est une manière de découvrir l’Inde du sud par le sens donné à l’alimentation.

Pour les hindous, manger c’est aussi trouver sa place dans le cosmos.

La cuisine est le lieu le plus sacré, là où se reproduit l’ordre social, culturel, cosmologique. Cuisiner c’est reproduire la création et c’est y participer.

Les castes sont endogames à 90% et la cuisine est un élément fort de cette endogamie : « Je veux que ma femme cuisine comme ma mère ».

repas_indien

 Le repas hindou.

On se déchausse en entrant dans une maison.

Le repas est sans convivialité, traditionnellement replié sur la famille ou la caste. Pour les hindous de haute caste et donc très attentifs aux règles de pureté rituelle, manger c’est se mettre en danger devant le monde extérieur. Un étranger pénètre rarement dans la cuisine de ses hôtes. A la maison on est assis par terre. Pas de fourchette, pas de couteau, on mange avec les mains, la cuillère peut servir pour le riz. Les couverts auraient pu être souillés par d’autres alors que votre main vous appartient. Pas d’assiette ou depuis peu, en plastique ou en inox, et à la campagne la feuille de bananier que l’on donne aux animaux après usage. Il était autrefois courant de briser après usage la tasse utilisée par les intouchables (hors castes).

Rôle des castes

Les brahmanes, pour préserver leur pureté rituelle, mangent soit dans des restaurants tenus par des brahmanes, soit chez eux. Le repas cuisiné au sein du foyer est le plus valorisé. A Bombay, de nombreux travailleurs se font apporter leur repas dans une lunchbox par des dabbawallah dont c’est le métier.

NOTRE REPAS

La boisson est un buttermilk (petit lait en anglais) en fait c’est du curd ou lait caillé auquel on a ajouté : feuilles de coriandre, graines de moutarde, piment. On le boit souvent à la fin du repas, il fait partie des aliments qui rafraîchissent le corps «It cools the body » disent de nombreux Indiens.

Dans l’ayurveda, médecine savante de l’Inde passée dans le registre populaire, les aliments sont classés selon leurs effets sur le corps. Il s’agit d’une diététique-thérapeutique à la fois préventive et curative, établissant une connexion entre les caractéristiques propres des aliments et les humeurs (vent, bile et flegme) du patient.

 

Premier plat, sorte d’en-cas ou Tiffin, ce sont des Idli et des Vadai, petits gâteaux cuits à la vapeur et beignets frits à base de riz et de lentilles accompagnés de diverses sauces : chutney à la noix de coco, cacahuètes, tomate. Plus la sauce principale, le sambar, à base de lentilles et de tamarin.

Deuxième plat : le Dosaï plat emblématique du Tamil Nadu. Même appareil que l’Idli (riz et lentille) c’est une large crêpe fine fourrée au massala (mélange) : pommes de terre, gingembre, épices. Les ingrédients de la cuisine indienne ont été enrichis au cours des siècles : pomme de terre, tomate, piment apportés par les Portugais à partir de l’Amérique, thé par les Anglais au 19ème siècle.

Dessert ou sweet. Les Indiens en sont très friands, le sucré adouci et apaise (selon les principes de l’ayurveda). Gulab jamun, un sweet du nord à base de lait concentré passé à la friture avec un sirop à la rose ; Rava kesari : de la semoule sucrée, du beurre clarifié, de la cardamome et une couleur rose soutenue rappelant le safran ; Paruppu payasam : lentilles cuites avec du lait, de la noix de coco, des noix de cajou, de la cardamome et des raisins secs au goût de riz au lait.

Le repas se termine avec un traditionnel thé au lait et aux épices. Le thé, en Inde, se boit toujours avec du lait

La viande et le registre végétarien

L’absence de viande est liée à l’hindouisme. Le végétarisme est né avec le bouddhisme et le jaïnisme (5ème siècle avant JC) qui mettaient en avant l’ahimsa ou non violence (pas de mal aux êtres vivants). Les brahmanes hindouistes ont récupéré ce végétarisme. Actuellement les Indiens consomment 3 à 5kg de viande /pers./an alors que la France en consomme 90kg, et les E.U 120kg. Même les chrétiens, les musulmans et les hindous non brahmanes mangent peu de viande ; elle reste pour beaucoup un accompagnement.

Régime alimentaire et confession religieuse

L’islam s’introduit en trois phases, par les côtes du sud-est aux 1er (selon la légende), 8ème et 9ème siècles, puis au 11ème avec entre autres le sultanat de Delhi et enfin par la domination des Moghols à partir du 16ème siècle. Dans les manières de table l’islam est plus convivial, instaure moins de règles de pureté et valorise la viande. Un des plats emblématiques de l’Inde devient le biryani (riz pilaf, un peu de viande, safran et curd dans sa version tamoule), plat de fête qui unifierait en partie les cuisines indiennes. C’est un plat originaire de l’Asie centrale comme le plov des Ouzbeks.

 

Les chrétiens syro-malabars sont en Inde du sud dès le 4ème et 5ème siècle : mouvement de conversion avec l’arrivée des Portugais. Beaucoup d’intouchables se sont convertis au christianisme. Cependant les pratiques alimentaires transgressent les frontières religieuses, surtout à la campagne. Certains chrétiens mangent peu ou pas de bœuf par maintien  des coutumes hindoues (« Cow is mother, cow is God » disent de nombreux hindous). La structure des castes perdure chez les chrétiens récemment convertis. Il a ainsi longtemps existé des églises où des bancs sont réservés aux intouchables.

Le statut des intouchables (surtout dans l’hindouisme) reste difficile, en dépit des dispositions juridiques égalitaires (discrimination positive ou « reservation »). Dans les campagnes il existe encore des chemins et des quartiers réservés aux intouchables.

Restaurant : Saravanaa Bhavan 170, Rue du Faubourg Saint- Denis. 75010 Paris

C.R : M. & M. Sivignon, revu par Michaël Bruckert.