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Sur les traces de la Mission Foureau – Lamy : la découverte du puits « Flatters »

La découverte et la conquête du Sahara ont été l’occasion, à partir de 1850, de lancer de nombreuses expéditions, dont certaines échouèrent de manière sanglante, comme les Missions Flatters en 1880-81. Il revint à Foureau et Lamy de réussir la 1ère traversée du Sahara en 1898-1900. Le présent article évoque un point particulier de cette Mission.

L’arche du massif Obbazer peinte par Maryvonne Haumesser

            La Mission Foureau-Lamy (1898 – 1900) a été largement décrite et commentée dans de nombreux ouvrages. Je l’ai moi-même abordée dans un exposé à La Rahla (Amicale des Sahariens) en 2010.

            Lancée 17 ans après l’échec de la seconde Mission Flatters, attaquée par les Touaregs Hoggar le 16 Février 1881, cette Mission quitta Biskra le 27 septembre 1898 et arriva à Zinder le 2 novembre 1899. Elle était lourde et fortement armée : 306 hommes de troupe et leur encadrement, avec un convoi de 1 000 chameaux.

            Cet article n’a pas pour but de réécrire l’histoire. Ceux qui s’y intéressent liront avec intérêt le Carnet de route rédigé par le Général Reibell, qui commandait l’escorte de la Mission, et publié chez Plon en 1934.

            Des indications très intéressantes sont aussi disponibles dans le n°171 du Saharien (décembre 2004), sous la plume de Jean-Pierre Duhard.

            La Mission avait pour but de traverser le Sahara, ce qu’elle fit. Mais, en cours de route, le Commandant Lamy voulut aller reconnaitre l’endroit où le Colonel Flatters avait été tué le 16 février 1881. Avec beaucoup de mal il trouva, dans un campement près du puits de Tadent, un Touareg, trop jeune pour avoir participé au massacre, mais qui connaissait le lieu.

            Avec 26 soldats et 2 civils (MM Dorian et le photographe Leroy), Foureau et Lamy, au cours d’un raid de 5 jours, allèrent découvrir le puits. Le rapport officiel du Commandant Lamy a été publié dans le n° 60 du Saharien en 1973. Si les lieux sont bien situés, ce rapport ne comporte qu’une petite carte servant à illustrer le lieu de l’attaque.

            Dans les archives de Foureau, on ne trouve pas non plus l’itinéraire suivi au cours du raid. Avec son baromètre Foureau a simplement noté le relief suivi, complétant son relevé par des commentaires sur la difficulté du trajet.

            Après m’être intéressé aux deux Missions Flatters (1880-81) et m’être rendu plusieurs fois sur place, j’avais étudié la Mission Foureau-Lamy et suivi, en 2004, une partie de son itinéraire entre les puits de Témassint et Tadent.

            Le trajet de Foureau-Lamy pour le raid évoqué ci-dessus comporte 2 parties très différentes :

1/ la traversée du Massif Obbazer (environ 30 km) jusqu’aux magnifiques gorges d’Obboden

2/ une succession de plateaux totalement désertiques (environ 115 km) jusqu’au puits « Flatters »

            Après avoir découvert les gorges d’Obboden, j’ai décidé de refaire le raid de 1899. Le peu de documentation disponible m’a poussé à constituer une équipe réduite. Nous étions 9 : 5 participants[1] et 4 membres de l’Agence Tarakeft de Tamanrasset (2 chauffeurs, 1 guide et 1 cuisinier). J’avais choisi les participants en fonction de différents critères, en particulier une pratique minimale mais effective du Sahara.

            Arrivés le 28/11/2009 à Tamanrasset, nous en sommes partis dès le 29 pour l’Assekrem et ensuite en direction de Tin Tarabine en prenant une nouvelle piste ouverte en 2009 et passant par Tahifet.

            Le 1/12, après avoir évité Tin Tarabine, nous avons continué vers les sud-est. Nous sommes passés d’oued en oued. Aucune trace de véhicule. Nos chauffeurs ne connaissaient pas cette zone où ils ne viennent jamais. Avec mes cartes et mon Gps, j’ai fixé alors un point dans l’oued Takalous, à environ 25 km de notre position.

 

 

Nous y arrivons vers 15 h. Notre guide reconnait alors la zone. Nous contournons le Massif d’Obbazer par le nord et à 18h30 nous sommes au puits de Tadent, après avoir repéré un petit village de quelques zerribas.

            Pour tracer notre itinéraire à travers la massif d’Obbazer, j’avais utilisé, en l’absence de toute carte, le programme Google Earth. J’ai choisi plusieurs oueds qui, en s’enchaînant, permettaient d’arriver aux Gorges d’Obboden. Le 2/12 notre guide Abderrahmane nous emmena au petit village aperçu la veille au soir. Il y discuta longuement et avec force gestes. A 8h20 nous nous sommes mis en route.

            La carte jointe montre les 2 itinéraires : celui que j’avais dessiné et celui que nous avons finalement suivi. Ce dernier est celui choisi par Foureau-Lamy et leur guide local Thaleb. En effet, dans son livre, Foureau mentionne un chemin très pierreux où les chameaux avaient du mal à avancer.

Arrivés au col n°2 nous avons eu une vue magnifique sur le cirque Obbazer. J’ai parfaitement distingué la grande arche de pierre signalée par Foureau. Nous étions donc sur la bonne voie.

Au pied de l’arche, et sur la droite, une trouée de 8 m de large nous permet de sortir du cirque. Encombrée de gros rochers, elle est impraticable pour les voitures. Elle fait une cinquantaine de mètres de long. Les parois ont une centaine de mètres de haut et non 300 m, comme l’a écrit Foureau Au bout nous retrouvons nos voitures et notre équipe locale. Il est 17h30. Il nous a fallu 9 h pour ce raid. Il fait 18°. Pas un souffle de vent. La nuit s’annonce super !

            Le lendemain, à 6h30, nous assistons au lever du soleil sur le cirque, que nous avons parcouru. Vue et lumière fabuleuses !

            En route maintenant vers le puits « Flatters ». A la sortie des gorges on trouve des habitations troglodytes, désormais « réservées » aux mouflons.

Nous gagnons l’oued Takalous. Aucune piste. Pas de traces. Nous sommes sur un plateau désertique mais très roulant. A 16h nous arrivons au puits en venant du nord-est alors que Foureau et Lamy y sont arrivés en venant du sud.

            De nombreux livres appellent ce puits « Bir el Gharama », nom complètement inconnu dans la région, même à l’époque de la Mission Flatters. Certains disent que cette appellation signifierait « le puits du tribut » et c’est là que les caravaniers payaient un « péage » aux Touaregs Hoggar pour voyager en sécurité.

            Aujourd’hui on ne parle que du « Tadjenout tan Koufar » (le puits des infidèles ou des mécréants).

            Flatters y avait découvert un puits profond de 8 m, mais à sec. J’y ai fait construire un puits busé de 19 m de profondeur, où l’eau est permanente, pour la grande joie des nomades et de leurs troupeaux de chèvres.

            L’équipe des 5 participants comprenait Michel Vallet. Il m’avait dit n’être jamais allé dans le Massif d’Obbazer, qui ne dépendait pas de sa compagnie méhariste. Et, selon lui, aucun militaire de Tam n’y allait. Ce fut pour lui, malheureusement, son dernier voyage au Hoggar.

            Convaincu de la faisabilité de ce raid, je l’ai réorganisé en 2011 pour l’Association des Cafés géographiques. Un compte rendu illustré est disponible sur leur site www.cafe-geo.net

                                                                                             Marcel Cassou (septembre 2019)

 

[1] Michel Vallet, Maryvonne Haumesser, Gilles d’Evry, Marcel et Stéphane Cassou