La ville s’est d’abord déployée sur un coude du Grand Rhône puis très vite sur celui du petit Rhône avec le faubourg de Trinquetaille. Au nord de la ville, il y a deux confluences, celle du Gard et celle de la Durance, et au sud on entre dans la Camargue. Ici commencent « les bouches du Rhône », c’est-à-dire un delta. Arles fut nommée Arelate, mot d’origine celtique qui signifie « située près d’un étang. Dans l’intérieur des terres, au-delà de la plaine de la Crau, s’étend le massif des Alpilles.

 

Le fleuve a fait la richesse de la ville, qui commerce dès l’Antiquité, avec le centre de la Gaule et la Méditerranée. La cité abrite toute une population de bateliers Le tout premier pont d’Arles traversant le Rhône était probablement un pont de bateaux romain. Il y avait aussi un bac. C’est finalement en 1875 que le premier pont moderne en dur est construit. Il s’agit du pont de Trinquetaille peint par Van Gogh en 1888. Détruit en août 1944 par les bombardements alliés il est reconstruit au même emplacement en 1951. Un second pont, plus récent est mis en place en 1969, pour l’autoroute.

 

Avant l’arrivée du chemin de fer, Arles avait une sorte de monopole sur la navigation. Le pont de bateaux, qui jusqu’en 1875 barrait le fleuve, obligeait à débarquer les marchandises : grains, bois, fourrages venant du nord et sel de Camargue remontant le Rhône et la Saône. La flotte de la ville a compté jusqu’à 150 navires et faisait vivre 4 000 personnes. Mais le Rhône est aussi un voisin dangereux avec lequel les Arlésiens doivent compter.  En décembre 2003, une importante inondation, de type centenaire, touche la commune, à la suite d’une rupture de digues. Près de 7 000 habitants sont évacués et plus de 3 800 logements et 353 entreprises inondés. Le sud de la commune est le point de jonction du canal de navigation d’Arles à Bouc au Rhône, relié par une écluse. L’activité fluvio-maritime déclina fortement avec l’arrivée du chemin de fer en 1848. C’est l’écrivain-député Lamartine qui impose le passage de la ligne du PLM par Arles et un nouveau quartier surgit autour de la gare, au nord de la ville et de ses remparts. Plus tard des Ateliers de réparation du matériel ferroviaire s’implantent au sud-est des remparts. Arles est déjà un carrefour de routes à l’époque des Romains. Le chemin d’Arles appelé « via Tolosana ou « Route de Provence, ou encore Via Arelatensis prolonge les chemins venus d’Italie ou d’Espagne. Un nouveau réseau dessert aujourd’hui la ville, qui reprend sensiblement les mêmes axes.

 

Arles appartient administrativement à la région PACA, mais elle est frontalière avec la région Occitanie. Elle se situe dans le département des Bouches du Rhône et en Provence. Mais elle est plus proche d’Avignon (Vaucluse, Comtat Venaissin) ou de Nîmes (Gard) ou de Montpellier (Hérault) que de Marseille, préfecture des Bouches du Rhône. Arles, la plus vaste commune de France n’est que sous-préfecture et ne compte que 50 00 habitants aujourd’hui, alors qu’à son apogée, elle en abritait environ le double !

 

Arles a assimilé bien des cultures : camarguaise, provençale, gitane, puis espagnole lorsque sont arrivés les ouvriers agricoles suivis par les Marocains qui ont aujourd’hui remplacé les Hispaniques dans les jardins maraîchers et les rizières. « Carrefour des Suds », plus qu’une ville, Arles est un état d’esprit.

Gloires et déboires de la cité arlésienne

 

  • « Petite Rome des gaules » et première apogée.

Plan d’Arles au IVe siècle © Maryse Verfaillie

 

D’abord colonie grecque au VIe av. J.-C, puis oppidum celto-ligure, c’est un comptoir commercial prospère. En 46 av J.-C, la cité prend le parti de César contre Pompée. En remerciement, César lui accorde le statut de colonie romaine et y installe ses vétérans. Elle accueille ensuite plusieurs empereurs, dont Constantin qui en fit une de ses résidences (les colonnes de son palais sont visibles dans l’excellent restaurant, l’Arlatan,) Le colonisateur dote Arlata (le nom romain) de riches monuments : arènes, théâtre, cirque, obélisque, temples, etc. Auguste puis Constantin établirent de véritables plans d’urbanisme pour la cité ceinte de remparts et reliée à Trinquetaille par le fameux pont de bateaux cité plus haut. Lors des invasions barbares, Burgondes, Ostrogoths et Wisigoths, les Arlésiens se replient à l’intérieur des arènes, transformées en forteresse. Durant 5 siècles la ville se calfeutre.

Arles en 1686 © Maryse Verfaillie

 

Le Haut Moyen Age est une période noire, la ville est investie à plusieurs reprises, elle subit la trilogie : guerres, pestes et disettes. La population se réduit considérablement. Puis la paix permet à l’économie de prospérer. De nouveaux bourgs sont édifiés et une nouvelle enceinte est édifiée, dont on voit encore des traces sur les boulevards cernant la ville.

 

  • Grand centre religieux aux premiers temps de la chrétienté

Hôtel de ville, obélisque, Saint-Trophime © Maryse Verfaillie

La ville juxtapose sur cette place les symboles du pouvoir romain, du pouvoir ecclésiastique puis du pouvoir laïc du XVIIe siècle. Erigée en archevêché en 513, elle devient au IXe siècle la capitale du royaume de Bourgogne, dit aussi « royaume d’Arles ». La splendeur de Saint-Trophime témoigne des richesses accumulées par un clergé qui peut faire appel aux plus grands artistes du moment.

 

 

Saint-Trophime et son cloître © Maryse et Bernard Verfaillie

 

Saint-Trophime, son portail et son cloître roman sont décorés d’admirables statues et chapiteaux (personnages aux visages expressifs et aux vêtements délicatement drapés).

Arles, ville où la culture et la foi se rencontrent est aussi une halte sur les chemins du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle.

Après sa soumission par les comtes catalans de Provence (1251), elle ne joue plus qu’un rôle politique secondaire. Aix lui a ravi le titre de capitale.

En 1306, la ville avait accueilli un grand nombre de juifs, chassés du Languedoc et qui avaient contribué à la prospérité commerciale. Mais en 1484, ils subissent un grand pogrom et sont expulsés de la cité en 1483 lors du rattachement de la ville au Royaume de France.

Les jours sombres reviennent, la ville se replie dans ses murs pendant les guerres de religion des années 1560. Elle doit dès lors se résoudre à vendre une partie de son immense territoire. Ce qui fait apparaître en Camargue de vastes domaines fonciers qui participeront à la reconquête agricole.

 

  • Deuxième apogée aux XVIIe et XVIIIe siècles

 

La paix revenue, Arles s’enrichit grâce à son vaste terroir progressivement remis en culture. C’est de cette époque que datent les premières tentatives modernes d’assèchement des marais et d’irrigation avec notamment le https://fr.wikipedia.org/wiki/Canal_de_CraponneCanal de Craponne creusé dans les années 1550. Cette période de prospérité se traduit par le développement artistique de la cité.

Plusieurs monuments publics sont érigés, dont l’hôtel de ville édifié en 1675 par un disciple de Mansart (photo ci-dessus). Des hôtels particuliers de style Renaissance sont alors construits par une noblesse qui fait un accueil favorable aux modèles parisiens entre cour et jardin.

 

Dans les dernières années de l’Ancien régime la ville se tourne vers l’industrie. L’activité portuaire liée pour l’essentiel au trafic de bois, pierres, charbon, fourrages et blés, assure également la prospérité de la ville. En conséquence la ville s’étend et des travaux communaux significatifs, pour la première fois depuis le début du XIVe siècle, sont réalisés à l’extérieur de l’enceinte médiévale avec notamment en 1775 le comblement des fossés.

En 1788-1789, un rude hiver plonge dans une profonde misère une population accablée par l’impôt. Des émeutes éclatent, et après avoir récusé leurs députés aux États Généraux, les Arlésiens se rendent maîtres de la municipalité. Le 4 août ils déposent leurs consuls et un nouveau conseil est formé, composé de représentants de la noblesse, du clergé, de la bourgeoisie et de diverses corporations. Le 21 mars 1792, Arles est déclarée en état de rébellion contre la République. Une armée de Marseillais se met alors en route et entre le 27 mars dans une ville désertée. En punition des sentiments légitimistes de la cité, la https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_nationale Convention nationale condamne la ville d’Arles à raser ses remparts, ce qui ne sera réalisé que partiellement.

 

Les bouleversements contemporains

En 1944, la ville est bombardée, surtout autour de la gare et des ponts et perd un quart de son habitat.

Elle se remet lentement, puis se sont les activités industrielles qui périclitent dans les années 1980. Comme d’autres villes moyennes, elle va placer son avenir dans le tourisme et dans la culture.

Le coude du Rhône à Arles © Maryse Verfaillie

 

Arles, plus grande commune de France, reste un gros bourg agricole et ce d’autant plus qu’elle est aujourd’hui à la tête d’une communauté d’agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette, qui compte 75 000 habitants.

Les crises viticoles du début du XX è siècle ont fait régresser la production de vin, mais elle est désormais en IGP. Les conditions climatiques exceptionnelles (300 jours d’ensoleillement) et un savoir-faire hérité d’une longue tradition ont permis un renouveau avec des productions qui favorisent les appellations en AOC et en IGP. La Crau, toujours pastorale, élève des Mérinos d’Arles qui transhument vers les Alpilles et produit du foin en AOP. La Camargue fournit en AOC des taureaux de Camargue et en IGP du riz de Camargue (les rizières ont fait leur apparition pendant la 2GM). Les oliveraies participent encore d’une tradition renouvelée. Van Gogh, qui les avaient tant aimées serait heureux de savoir qu’elles produisent olives et huile d’olive également en AOC.

Serres dans le Mas Thibert © Maryse Verfaillie

 

Enfin, la région produit et exporte des fruits (pêches et abricots) et des primeurs cultivés essentiellement sous serres.

 

Les activités industrielles restent limitées, mais elles ont fait d’Arles une ville ouvrière durant quelques décennies.

Les industries agro-alimentaires sont évidemment les plus représentées.

Le port fluvial et fluvio-maritime peut accueillir des navires de 3 000 tonnes, ce qui lui permet, en amont, des relations par le Rhône et la Saône jusqu’au cœur de l’Europe et en aval d’échanger avec tout le bassin méditerranéen et particulièrement le Maghreb. Sa proximité avec les voies ferrées assure la liaison eau-rail. Un petit port de tourisme a aussi vu le jour. La ville s’est dotée de plusieurs zones industrielles mais l’ensemble est peu actif : chantiers navals, papeteries, constructions mécaniques.

La ville souffre d’un niveau de chômage supérieur à la moyenne nationale. Une population ouvrière, une relative pauvreté et des précarités, peuvent expliquer l’élection de plusieurs maires appartenant au Parti Communiste… mais aussi l’ampleur des manifestations des gilets jaunes en 2019-2020. Aujourd’hui le nouveau maire est Patrick de Carolis, changement de régime !

Les services représentent 80 % des emplois, c’est plus que la moyenne nationale

. Les emplois administratifs (la ville est sous-préfecture) sont nombreux, ainsi que ceux liés à la santé et à l’enseignement. Cela est fort classique. Le second pôle est représenté par les services marchands, ce qui se conçoit dans une ville carrefour et à vocation touristique puisque classée au patrimoine mondial de l’humanité.

Enfin, et cela est beaucoup plus original, le secteur de l’édition est très étoffé avec 3 maisons d’édition : Honoré Clair, Harmonia Mundi et Actes Sud. Un monde en soi.

 

Arlésiens, Arlésiennes, le sens de la fête 

 

Les Arlésiens ont un lion pour emblème, nul ne sait vraiment pourquoi, mais les lions d’Arles, se sont ceux qui font parler d’eux, sans être obligatoirement natifs de la ville. Pour être un véritable Arlésien, il faut avoir été choisi par eux. Gauguin n’y est jamais parvenu, alors que Van Gogh l’a été, à titre posthume…Pauvre Van Gogh. Il n’y séjourna que de février 1888 à mai 1889 et bien qu’il y travaillât énormément, produisant 200 tableaux et 100 dessins, la ville n’a rien acquis.

 

Depuis 1930, la municipalité organise l’élection d’une reine d’Arles qui représente la culture, la langue et les traditions locales. Célébrée par la musique de Georges Bizet ou la poésie de Frédéric Mistral, la reine joue un rôle dans la plupart des manifestations culturelles et doit assurer la réception des hôtes de prestige. Si pour vous, la vie c’est la fête, voici l’agenda d’une année « normale » :

 

Pâques : Feria pascale

1er mai : Fête des Gardians et tous les trois ans élection de la Reine d’Arles

Début mai : Festival européen de la photo de nu

Mi-mai : Jazz in Arles

Début juillet : Les Fêtes d’Arles (pegoulado, fête du costume et cocarde d’or)

Mi-juillet : Les Suds à Arles, (musiques du monde) et les escales du Cargo (concerts)

Fin juillet : Université d’été de la radio

Fin août : Arelate (journées romaines) et festival du film Peplum

Mi-septembre : Feria du riz, festival du cheval et Camargue gourmande

Fin septembre : Fête des prémices du riz

Fin septembre : Salon des antiquités et de la brocante

Fin octobre : Festival de la harpe

Mi-novembre : Assises de la traduction littéraire

Fin novembre : Provence Prestige

Fin novembre début janvier : Salon international des santonniers

Fin décembre : Drôles de Noël

Maryse Verfaillie, novembre 2020

 

 

PS : Pour compléter ce texte se reporter à mon article qui vient de paraître dans la rubrique « Des expos » sous le titre « Arles, l’art au cœur de la ville ».

http://cafe-geo.net/arles-lart-au-coeur-de-la-ville/#more-12955