Les cafés géo rencontrent un auteur
Gérard-François Dumont, 2012, Diagnostic et gouvernance des territoires : Concepts, méthode, application, Armand Colin, Coll. U
Les Cafés géo : Votre ouvrage paraît unique en son genre. D’un côté le terme de gouvernance est employé à tout va, de l’autre une méthode pour faire un diagnostic précis d’un territoire et de sa gouvernance manquait jusque-là. Peut-on tout d’abord revenir sur le terme de gouvernance? Comment pourrait-on le définir?
Gérard-François Dumont : mon ouvrage s’inscrit dans une suite de publications sur le territoire1, dont mon analyse ancienne de la métropolisation que j’avais définie, comme « l’exercice de forces centripètes conduisant à la concentration des activités et des hommes dans les espaces urbains les plus peuplées tandis que les villes moyennes et les espaces ruraux perdent, au moins relativement, de la vitalité », définition reprise par exemple en 1994 par le Commissariat général au Plan2. Or, depuis, qu’est-il advenu de cette « métropolisation » ? Même si le processus demeure réel, il est très inégal et non général. Ainsi, il faut constater des évolutions d’intensité très variable entre des villes situées dans un contexte géographique comparable : Toronto, auparavant moins importante que Montréal, l’a largement dépassée ; São Paulo est devenue considérablement plus importante que Rio de Janeiro ; Dubaï, dont les revenus dus aux hydrocarbures sont devenus marginaux, a pris la dimension que l’on sait tandis que la ville iranienne de Bandar-Abbas, pourtant située au cœur du détroit d’Ormuz, a connu un développement limité. Et, pour ne citer qu’un exemple en France, Montpellier, qui a longtemps eu une importance semblable à Nîmes, l’est désormais deux fois plus… D’ailleurs, concernant les territoires de l’Europe occidentale, il faut par exemple noter qu’il y a actuellement de « petites Allemagne » en France et de « petites France » en Allemagne. Autrement dit, certains territoires français ont un taux de chômage inférieur à celui de l’Allemagne alors que certains territoires allemands ont un taux de chômage supérieur à celui de la France. Rappelons que, à l’échelle des zones d’emploi, le chômage varie dans l’Hexagone dans un rapport de 1 à 4.
Or, il est impossible de comprendre les raisons de telles inégalités et de telles évolutions divergentes sans analyser les différences de gouvernance territoriale. Il fallait donc approfondir cette question, ce qui m’a conduit à proposer la définition suivante qui, souhaitant résumer l’ensemble des caractéristiques de ce concept, se trouve relativement longue : la gouvernance territoriale est, « sur un territoire, l’ensemble des règles institutionnelles, des modes de fonctionnement des organes de décision, des procédés de préparation des décisions, des capacités de mise en réseau des différents acteurs institutionnels, politiques, économiques, sociaux ou associatifs, des aptitudes à partager des connaissances et des expertises, des modes de coordination, d’information et d’évaluation ». Il importe de préciser que le concept de gouvernance ne doit pas avoir a priori une connotation positive. Des gouvernances territoriales peuvent être satisfaisantes, contribuant à améliorer l’attractivité du territoire au profit du bien commun, et d’autres insatisfaisantes, voire déplorables.
Les Cafés géo : Comment expliquer que ce thème de la gouvernance ait pris une telle importance?
Gérard-François Dumont : La montée du concept de gouvernance territoriale est récente. Elle peut être datée, à l’étranger puis en France, du début des années 1980. Elle s’explique par un changement majeur dont j’avais fait le sous-titre d’un de mes livres en 1993 : volens nolens, les villes et les territoires sont désormais en compétition sous l’effet de la « mondialisation ». Comme ce terme est généralement utilisé dans un sens large et imprécis, il importe d’en distinguer trois natures – normative, géographique et relevant de la praxis – qui ont chacune des effets territoriaux spécifiques. Je les dénomme respectivement globalisation, internationalisation et mondialisation au sens étroit. La globalisation, dimension normative, recouvre l’ensemble des décisions politiques visant à la mise en place d’organisations régionales des marchés – il y a alors une globalisation régionale comme le marché unique – et/ou d’une organisation planétaire unique des marchés. Cet ensemble de décisions politiques, qui ont pour effet d’effacer partiellement les frontières, et en conséquence, de rendre plus aisée la circulation des marchandises, des services, des capitaux et des hommes, ont des conséquences pour les territoires.
La deuxième dimension de la mondialisation au sens large, pour laquelle j’utilise le terme d’« internationalisation », est géographique ou technique. La réduction de l’espace-temps dans le transport des marchandises, des capitaux, des services, des informations ou des hommes entre les territoires résulte d’un ensemble de progrès techniques révolutionnaires qui ont fécondé un monde nouveau. Cette réduction tient, d’une part, aux progrès matériels en matière de transport aérien, de transport ferroviaire, de transport maritime, avec ces innovations majeures que sont la multiplication des vols sans escales, les TGV, les conteneurs et porte-conteneurs. D’autre part, elle s’explique par les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui peuvent faire circuler presque instantanément l’information entre les territoires de la planète. Précisons que l’intensité de l’“internationalisation”, c’est-à-dire tout ce qui réduit l’espace-temps, était imprévue au moment des principales décisions de globalisation et a accentué l’effet de la globalisation sur les territoires.
Enfin, troisième élément, la mondialisation, au sens large et le plus souvent indéfini comme précisé ci-dessus, a une autre dimension, de nature pratique ; je l’appelle la mondialisation au sens étroit. Elle signifie que les entreprises, face à la globalisation et à l’internationalisation, ont été obligées de repenser totalement leurs stratégies. Celles qui n’en ont pas été capables ont disparu. Pensons, par exemple, à cette prestigieuse et célèbre entreprise de transport aérien, très souvent affichée dans les films américains des années 1970 et 1980 et qui s’appelait Pan Am. En 1980, personne n’aurait parié un dollar que cette entreprise allait faire faillite en 1991. Au-delà de cet exemple de PanAm, précisons que cette mondialisation au sens étroit, c’est-à-dire, en résumé, la nécessité pour les entreprises d’avoir des stratégies mondialisées, ne concerne pas, comme on peut en avoir l’impression à travers les médias, que les grandes entreprises. Elle a également des implications pour les petites et moyennes entreprises, pour les commerçants comme pour les entrepreneurs individuels à tous les niveaux, qu’ils soient implantés au Sénégal, en France ou en Corée du Sud. En effet, et par exemple, le Web et l’affaiblissement considérable du coût des transports leur ouvrent des marchés considérablement élargis, mais permettent aussi à des concurrents éloignés de venir démarcher leurs clients.
Il résulte de la globalisation, de l’internationalisation et de la mondialisation que les territoires vivent désormais sans les protections passées dues à des réglementations, à l’éloignement géographique des territoires étrangers ou à des marchés locaux captifs. Et ces protections passées ne peuvent renaître, ou sous des formes très profondément renouvelées, donc non susceptibles de recréer le monde d’avant.
Aux trois processus ci-dessus qui mettent des territoires dans un contexte global s’ajoute le processus de décentralisation, même s’il n’a pas le même intitulé selon les pays3. Sur le rôle des territoires dans la mondialisation, rappelons la formulation du maire de Lyon4 expliquant que lorsqu’une entreprise choisit Lyon, ce n’est pas parce qu’elle veut « s’installer en France », mais parce qu’elle veut « s’implanter à Lyon », attirée par les savoir-faire de cette ville.
Autrement dit, l’analyse territoriale se doit d’aller au-delà des questions formelles, portant sur l’organisation juridique des institutions territoriales, leurs compétences, leur échelle géographique de décisions et même les schémas ou plan territoriaux affichés, d’autant que le champ territorial n’est plus, comme avant la décentralisation, largement préempté par l’État. De même, les réponses aux enjeux du développement durable ne peuvent être exclusivement apportées à une échelle nationale, continentale ou planétaire. Elles rendent aussi impératives des réponses aux échelles locales, donc dans le cadre d’une gouvernance territoriale.
Les Cafés géo : Aujourd’hui, qu’est-ce qu’un diagnostic de territoire?
Gérard-François Dumont : Pour un territoire comme pour un patient, il n’y a rien de nouveau depuis Hippocrate ; seul un bon diagnostic peut déboucher sur une bonne ordonnance, donc être utile à l’élaboration d’une stratégie adaptée et à sa mise en œuvre. En France, dans le cadre des régions, des départements, des pays, des intercommunalités, des publications voulant faire office de diagnostic se sont multipliées ces dernières années… Mais le contenu de ces publications est presque toujours très partiel, en raison de trois défauts majeurs. D’abord, ils se limitent souvent à compiler des statistiques livrées par les institutions publiques en méconnaissant parfois la bonne définition des chiffres recueillis et en omettant le sens critique si nécessaire supposant la prise en compte des méthodes utilisées pour élaborer ces statistiques. Ensuite, la dimension plus qualitative des territoires et, par exemple, l’analyse géographique de terrain et celle de la gouvernance sont très rarement prises en compte. Enfin, la quasi-totalité de ce qui est présenté comme des diagnostics territoriaux sont des monographies, omettant non seulement tout élément comparatif, mais même des mises en perspective du territoire considéré.
Les Cafés géo : Peut-on vraiment mener un diagnostic quand ce qui apparaît comme un inconvénient d’un certain point de vue est considéré comme un atout d’un autre point de vue ?
Gérard-François Dumont : Effectivement, tout diagnostic demande une grande finesse. Prenons d’abord un exemple simple : supposons un territoire dont le taux de chômage est inférieur de 50 % à la moyenne nationale. Faut-il nécessairement juger satisfaisant ce faible chômage ? Pour répondre à cette question, il faut en savoir les raisons. Dans un territoire A, ce faible niveau de chômage peut s’expliquer par une forte émigration d’actifs qui, en conséquence, sont éventuellement demandeurs d’emploi ailleurs. À l’inverse, dans un territoire B, il peut venir d’une très bonne attractivité qui a su stimuler l’entrepreneuriat local ou attirer des activités économiques. Une seconde question se pose : un faible chômage est-il un atout ? Pour le territoire A, il est clair que – avantage – ses dépenses sociales risquent d’être moindres mais – inconvénient – l’émigration des actifs peut se traduire par exemple par la baisse du nombre de logements occupés ou par la fermeture de commerces laissant des immeubles non entretenus contribuant à la détérioration de la qualité de la vie. Dans le territoire B, l’attractivité dont témoigne le faible taux de chômage impose une capacité à la maintenir.
Considérons désormais – et il en existe – une ville moyenne de 40 000 habitants située à 1 h 30 ou plus par la route d’une gare TGV, d’une métropole régionale ou d’un aéroport comptant un nombre significatif de liaisons aériennes. Ses faibles connexions possibles signifient un enclavement jugé a priori comme un lourd handicap. Pourtant, ce handicap peut être aussi un atout. En effet, le fort enclavement engendre la nécessité dans cette ville d’un éventail élargi de fonctions urbaines pour ses habitants et les territoires environnants, puisque ces derniers sont trop éloignés d’une métropole pour y être attirés par des offres en termes de consommation, de loisirs ou de services. Gap ou Rodez sont de bons exemples de ce phénomène.
En outre, le handicap objectif qu’est l’enclavement peut se trouver surmonté si ce territoire déploie d’autres atouts. À l’inverse, le diagnostic de territoires bénéficiant d’une bonne position dans les réseaux de transports peut se révéler négatif si leur gouvernance territoriale ne sait pas valoriser cet atout objectif.
Les Cafés géo : Y a-t-il une échelle privilégiée pour mener un diagnostic ou, du moins, un ordre d’analyse des niveaux d’échelle à privilégier : partir du local par exemple?
Gérard-François Dumont :
Il n’y pas d’échelle a priori privilégiée pour un diagnostic territorial. Tout dépend de ceux qui ont besoin du diagnostic. En conséquence, de multiples échelles de diagnostic territorial sont possibles, allant du quartier à l’échelle régionale, en passant par les nombreux périmètres que j’expose dans mon livre. L’important est de bien expliciter l’échelle retenue et les raisons qui fondent le choix. Mais, bien entendu, un diagnostic territorial doit être capable d’analyser les diversités internes du territoire retenu.
Les Cafés géo : Y a-t-il une méthode incontournable pour mener un diagnostic territorial ou bien une combinaison de méthodes?
Gérard-François Dumont : Je propose dans mon livre une méthode que je crois incontournable pour parvenir à un diagnostic fiable. Cette méthode se résume en ce que j’appelle un « carré magique » combinant une analyse du territoire in situ comprenant des entretiens informels, une analyse des données quantitatives et bibliographiques, des entretiens formels avec des responsables locaux et une analyse de la gouvernance territoriale. Cette méthode m’a conduit à élaborer douze grilles d’analyse territoriale permettant de décrypter le territoire. Il s’agit bien d’une méthode globale et unique car ne recourir qu’à une partie pour effectuer le diagnostic territorial, en se contentant par exemple d’une méthode d’analyse des données quantitatives, ne peut livrer qu’un diagnostic territorial incomplet et insatisfaisant. Cela est vrai qu’il s’agisse de diagnostic général du territoire ou d’une thématique spécifique retenue, comme l’exclusion.
Les Cafés géo : Comment peut-on mener un diagnostic comparatif ? Pour comprendre un territoire, ne faut-il pas forcément opter pour une monographie fouillée ?
Gérard-François Dumont : Votre question me permet de compléter mon fort court résumé de la méthode. Un diagnostic territorial exclusivement monographique ne peut être suffisamment opérationnel. Tout véritable diagnostic territorial impose des mises en perspectives ou, mieux, des comparaisons. Ce qui conduit à une autre exigence : le choix de territoires comparables pour effectuer des comparaisons. Ainsi, lors d’un de mes précédents livres sur l’attractivité des métropoles régionales intermédiaires, j’avais écarté Rouen notamment parce que l’importance des ses fonctions portuaires risquait de fausser la comparaison avec les métropoles régionales intermédiaires n’ayant pas de fonction portuaire, ou de façon marginale.
Pour mieux éclairer ma réponse, précisons qu’un diagnostic territorial comparatif synthétique est plus utile qu’une monographie si fouillée qu’elle s’enfoncerait dans le perfectionnisme. Il n’est pas souhaitable de multiplier des indicateurs quantitatifs si sophistiqués que leur compréhension est inatteignable par les responsables locaux ou de se fonder sur des indicateurs si élaborés qu’on en oublie la façon dont ils ont été calculés et, donc, leur relativité. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas effectuer un traitement approfondi et intelligent des données, comme nous le faisons dans de nombreux dossiers et articles de la revue Population et Avenir5, en proposant parfois le recours à de nouveaux indicateurs, mais que les résultats de ce traitement doivent avoir du sens.
Les Cafés géo : Pourquoi avoir choisi des villes industrielles en exemple de votre ouvrage?
Gérard-François Dumont : D’abord, il importe de rappeler que ce livre Diagnostic et gouvernance des territoires veut aussi relever d’une géographie appliquée. La compréhension des concepts et la définition de la méthode explicitées dans la première partie du livre se devaient d’être confrontées à un exercice de vérification de leur validité. En conséquence, il n’y a pas de plus bel exemple que des villes industrielles pour les différentes raisons expliquées dans le livre. Parmi elles, il y a le fait qu’on aurait pu penser a priori que qui dit « ville industrielle » signifie inévitablement, quelle que soit sa gouvernance territoriale, un diagnostic négatif compte tenu de l’affaissement de l’industrie en France ces dernières décennies. Or, il n’en n’est rien. Comme je le démontre, certaines villes industrielles se portent bien et ont mieux évolué que la moyenne de l’économie française. D’autres, qui disposent pourtant d’atouts géographiques objectifs meilleurs, se portent moins bien. Dans tous les cas, l’analyse de la gouvernance territoriale est un élément explicatif essentiel. Il convient de noter que le jugement porté sur la gouvernance des territoires n’est nullement corrélé aux étiquettes politiques des exécutifs des territoires.
Donc, la seconde partie du livre a un triple intérêt. En premier lieu, elle montre comment la méthode proposée peut être appliquée concrètement à des territoires, quels qu’ils soient. En deuxième lieu, elle permet de mettre en lumière l’importance du concept de gouvernance territoriale. En troisième lieu, elle montre comment et pourquoi des villes industrielles dans une situation initiale comparable ont pu évoluer fort différemment.
Au total, mon dernier livre démontre a contrario l’approche erronée de certains calculs macro-économétriques qui débouchent sur des vulgates territoriales. Ces dernières sont issues notamment de la théorie centre-périphérie, promue à nouveau ces dernières années par le prix Nobel Paul Krugman, ou de la théorie, également ancienne, de la base, que certains ont voulu rajeunir sous le nom d’économie résidentielle ou présentielle.
Les Cafés géo : Pourquoi considérer ces théories (centre-périphérie et celle de l’économie résidentielle) comme erronées ?
Gérard-François Dumont : La place manque ici pour exposer les raisons montrant le caractère erroné de ces deux théories, mais, concernant la seconde, compte tenu de sa forte diffusion en France dans les années 2000, il importe de résumer le résultat de mes recherches. Je me fonde sur mes analyses géographiques et géoéconomiques qui conduisent à des résultats contraires aux approches macro-économétriques. Pour quelles raisons ? D’abord, se pose la question de la définition de l’économie résidentielle dans laquelle on a tendance à mettre le tourisme. Prenons un exemple. Lorsqu’un territoire dispose de la Baie des Anges, cela lui donne a priori un avantage concurrentiel. Pourtant, cet avantage concurrentiel objectif ne peut être pleinement valorisé qu’à condition de déployer une politique d’attractivité touristique. Si l’avantage concurrentiel que représente la Baie des Anges déclenchait automatiquement un tourisme élevé, la Ville de Nice n’aurait pas besoin d’investir des dizaines de millions chaque année dans sa politique de promotion touristique ; elle n’aurait pas besoin de s’être portée candidate pour les Jeux Olympiques d’hiver alors qu’elle savait qu’elle n’avait guère de chances d’en obtenir l’organisation, mais elle l’a fait parce que c’était une occasion d’améliorer sa notoriété.
L’importance de l’industrie touristique sur un territoire n’est pas une donnée acquise, donc pérenne ; elle est dépendante de la politique de ce territoire. C’est pourquoi des centaines de milliers de personnes viennent au festival des Vieilles Charrues à Carhaix, alors que cette commune, située en plein centre de la Bretagne, n’avait a priori guère d’atouts pouvant laisser escompter une telle réussite. Citons un autre territoire aujourd’hui touristique en France où, au début des années 1980, il n’y avait aucun touriste, seulement des champs de maïs que personne ne visitait. Depuis, ce territoire a dépassé son 40 millionième touriste : c’est le Futuroscope de Poitiers. Le tourisme n’est donc pas une recette acquise et automatique pour les territoires.
Ensuite, mes recherches montrent que les territoires qui se contentent de l’économie résidentielle ont une dynamique économique relativement défavorable. En effet, ils développent souvent une tendance à la procrastination qui conduit à se reposer sur les ressources procurées par l’économie résidentielle du moment au risque de ne plus guère porter de projets et de « s’endormir ».
En outre, si un territoire considère que son dynamisme économique peut reposer sur l’économie résidentielle, qu’il bénéficie d’une rente due par exemple à un certain nombre de retraités venus y habiter, cette rente, comme toute rente, finira par se retourner. Soit, à une période, un territoire qui a accueilli un certain nombre de jeunes retraités en bonne santé, ayant la possibilité de s’investir dans la vie associative, et avec une retraite relativement satisfaisante et donc un pouvoir d’achat apprécié. Simplement, ces retraités vont vieillir. 15 ans après, ils auront 15 ans de plus ; il se peut alors que leur retraite et donc leur pouvoir d’achat ne se soient pas améliorés et que leurs attitudes, liées aux effets d’âge, soient moins porteuses pour le territoire.
Ainsi, non seulement des responsables, des élus, des citoyens, des médias, mais aussi trop de géographes se laissent berner par des théories démenties par des analyses territoriales fines. Aussi, même si ce n’était pas son objet a priori, mon livre Diagnostic et gouvernance des territoires se présente finalement comme un plaidoyer pour la géographie.
Propos recueillis par Olivier Milhaud
1
Dont différents articles dans des revues ou chapitres de livres, ainsi que les livres Géographie urbaine de l’exclusion (Paris, L’Harmattan, 2011) ; La France en villes (Paris, Sedes, 2010) ; Populations et territoires de France en 2030, le scénario d’un futur choisi (Paris, L’Harmattan, 2008) ; Les métropoles régionales intermédiaires en France : quelle attractivité ? (Paris, La Documentation française, 2007) ; Les territoires face au vieillissement en France et en Europe (Paris, Ellipses, 2006), etc.
2
Métropolisation et internationalisation, Commissariat général au, plan, 31 janvier 1994, p. 1.
3
Dévolution au Royaume-Uni, autonomisation en Espagne…
4
Le Monde, 13 mars 2013.
5
www.population-demographie.org/revue03.htm