Ils sont autour d’une table remplie de mets, levant le coude avec des cornes sans pied pleines de vins de jarre qu’ils boivent cul sec, sous les applaudissements des convives. Dans l’excitation des applaudissements se joue une pièce très originale dans le monde qu’est un banquet géorgien.
Les banquets géorgiens sont à nuls autres pareils dans le monde. Non pas une simple abondance de plats et de boissons que l’on retrouve dans tous les banquets, mais une somme de rites très anciens, dont le Banquet de Platon peut donner une idée. Des rites qui cimentent une société autour du vin, que les pouvoirs publics occidentaux ont stigmatisé dans leur absurde politique publique de lutte contre les effets d’abus d’alcool. Dans des sociétés rurales caucasiennes où la mobilité est réduite, où les loisirs sont forcément limités, le supragéorgien – nom local du banquet – est un moment de sociabilité très fort qui soude les populations.
La ritualisation [1] la plus originale de ce banquet est l’institution d’un tamada, personnage orchestre du repas qui fait vivre le banquet au rythme des convives, qui élargit le périmètre symbolique de la table aux dimensions de la famille, de la nation et du monde entier. L’autre originalité est le maintien de ces pratiques festives au moment où, dans beaucoup de régions du monde, les pratiques alimentaires individuelles semblent prendre le dessus sur les repas collectifs. Le supra géorgien fait mentir l’idée qu’une mondialisation alimentaire serait en route et uniformiserait nos manières de manger.
Le tamada, maître du banquet
Tout voyageur dans le Caucase, comme le fut en son temps Alexandre Dumas, ne manque pas d’être étonné par une culture du boire et du manger qu’il n’a jamais expérimenté ailleurs que là, entre mer Noire et Caspienne, au pied des hauts sommets enneigés et dans des campagnes-vergers où l’abondance semble être la règle. Les Géorgiens nomment ce banquet d’un terme étranger : keïpi, originaire de l’arabe, ou nadimi, originaire du turc. Les Occidentaux utilisent plutôt le terme de supra dont l’origine est mal connue. Les locaux l’appelaient « le grand boire boire », ce qui signifie une libation avec plusieurs litres de vin par personne et par banquet. Cette étymologie est nécessaire pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’un festin (pour manger) mais d’un banquet au sens platonicien du terme. C’est-à-dire une assemblée d’hommes réunie pour boire, et boire pour discourir, en observant des règles très définies qu’un responsable fait appliquer à la table.
Le banquet commence souvent par un brandy, c’est-à-dire du vin distillé, une vodka et un vin blanc avant la grande séquence consacrée aux vins rouges. Les tables disposent aussi d’eau gazeuse, fruitée, ou mentholée, voire aromatisée… au basilic. Quant au nombre des convives, il peut varier de deux personnes à plusieurs centaines.
Le banquet doit obligatoirement compter une personne qui est étrangère au groupe qui invite. Il s’agit d’un groupe ouvert et d’une célébration de la relation par la parole libérée, donc les discours et, plus généralement, l’ambiance festive. Le banquet n’implique pas de fortes contraintes de lieu : il peut se dérouler aussi bien le matin, au moment du petit-déjeuner en Europe, qu’au dîner, aussi bien à l’intérieur que dehors, simplement, sur l’herbe. En revanche, les règles importent beaucoup et elles transitent par le tamada (mot d’origine circassienne). Le menu peut être chamboulé par rapport à l’ordinaire : par exemple, pour un petit-déjeuner servi au mois d’août, à l’occasion de la visite de deux cousins, on trouvera sur la table du poulet grillé, du cochon de lait, des galettes de maïs, du fromage cuit, de la bouillie de maïs, de la soupe d’abats, des gâteaux, du yaourt, du bœuf en sauce. Et la liste n’est pas exhaustive.
Comme en Europe occidentale jadis, le banquet est vécu sur le mode de la fête avec, en général, plusieurs dizaines de convives qui sont comme « coachées » par le tamada. Une enquête [2] menée par Florian Mühlfried, de l’université de Hambourg montre que le tamadaest toujours une personnalité qui a un certain charisme, une bonne image souvent construite par le rang social, la joie de vivre (l’extraversion, Fröhlichkeit). C’est aussi quelqu’un qui peut supporter de boire beaucoup de vin sans perdre le contrôle de soi, qualité physique qui n’est pas donnée à tout le monde. Dans les réceptions courantes, c’est le maître de maison qui officie. Au restaurant, dans les repas à deux ou trois personnes, c’est l’aîné. Dans les grands banquets, c’est un homme spécialement invité, qui peut même se faire assister d’un adjoint. Car on peut avoir à prononcer une centaine de discours, qui assignent, de fait, au tamada des fonctions presbytérales, autrement dit quasi sacrées (Kotthoff, 1995).
Puisque tout est sur la table, le tamada ne s’occupe que des boissons : le vin ou la bière, mais pas l’eau de vie, comme le cognac géorgien, très connu dans le Caucase et dont l’appellation est contestée par la France depuis la signature de l’Arrangement de Lisbonne. Les boissons sont portées en toast à un convive présent ou absent. Le tamada a la préséance (personne ne boit avant le premier toast). Mais ensuite, chaque invité vide son verre, le remplit aussitôt dans l’attente d’un nouveau toast qui… arrive bientôt. Un bon tamada doit être bref dans ses déclarations mais parvenir à faire des discours très rapprochés dans le temps. Ce rituel peut se prolonger des heures, voire la journée et la nuit et il peut reprendre le lendemain avec les mêmes personnes. Durant le banquet, le tamada peut inviter, ou autoriser sur demande, les convives à porter des toasts. Une invitation ne peut pas se refuser, sous peine d’avoir à quitter la table…
Entre les toasts, le plus souvent, des chants polyphoniques sont entonnés par quelques convives. Ce sont des chants souvent d’origine religieuse, qui ressemblent à des mélodies du rite orthodoxe, poussant les voix graves à être mises en valeur. Il n’y a pas de places pour les chansonnettes grivoises et bruyantes qui ont cours en Europe occidentale. Cette musique possède un réel effet social cathartique. Dans le film d’Otar Iosseliani, Il était une fois un merle chanteur, sorti sur les écrans en 1970, Irin Dzandieri entame de graves mélodies reprises par la table comme une sorte d’ode au temps libre, volé au stakhanovisme qui était en vogue à l’époque. Car l’oisiveté n’est pas synonyme de vacuité, tout se passe entre le tic et le tac de l’horloge. Les chants sont un grand moment de convivialité dans les campagnes géorgiennes où l’on peut rassembler plusieurs centaines de personnes. Menacés de disparition, ces chants ont été transférés autour de la table, faisant du banquet l’une des rares occasions d’entendre des polyphonies géorgiennes.
En toutes circonstances, le tamada peut exiger qu’on boive dans une corne sans pied, allant d’un orateur à un autre pour être vidée sans pouvoir être posée. Une corne peut contenir l’équivalent de deux verres jusqu’à deux litres.
Les rites de la table
Les convives d’un keïpi ont à leur disposition tous les mets sur la table. Le repas a un caractère synchronique, encore que les mets chauds arrivent après les plats froids, mais restent jusqu’aux desserts auxquels on les mêle. Les officiers soviétiques disaient, du temps du communisme, que les Caucasiens mangeaient « à l’envers » puisqu’ils commençaient par les fruits, les fromages en terminant par la soupe. En fait, la notion d’ordre des mets est dépourvue de sens au Caucase : comme dans toute la Méditerranée orientale, les plats couvrent la table et en Svanétie (région de Géorgie occidentale), une « belle » table ne doit pas laisser voir la nappe et les assiettes doivent se chevaucher.
D’où une cadence lente pour les banquets. Cette lenteur canalise l’excès de nourriture et de boisson, créant un enivrement rituel, de bon ton, qui est éloigné de l’ivresse et de la soûlerie sévèrement condamnées. De ce fait, ceux qui aiment le vin et la sociabilité qui lui est associée, saisissent la moindre occasion pour faire d’un repas un banquet. Néanmoins, s’adonner à la boisson est aussi un devoir d’échanger des toasts, ce qui peut se poursuivre longtemps. Ceux qui aiment parler aiment aussi les banquets qui piègent les plus bavards dans les règles de l’étiquette où s’écouter parler et en imposer aux autres n’est pas possible (Helmut, Hiebl, 2000).
A l’origine, seuls les hommes participent aux banquets, les femmes avaient les leurs. Depuis plusieurs décennies et, notamment sous le communisme, au nom d’une certaine égalité prônée par les idéologues moscovites, les femmes ont réclamé une place à côté des hommes mais en groupe. Cela se fait, mais surtout en ville, les campagnes étant restées, de ce point de vue, plus traditionnelles. Les femmes peuvent aujourd’hui prononcer des toasts, mais ils sont souvent accueillis avec le sourire par les hommes. Qu’on ne s’y méprenne pas : le caractère sexué du rite du banquet est issu d’un système symbolique en vigueur dans l’ensemble du Caucase : seuls, les sacrificateurs – qui ont des origines sacrées car il faut ôter la vie à un animal pendant un sacrifice – sont dépositaires et maîtres de la dive parole. Les origines sacrées expliquent assez largement la réduction au silence des femmes.
Du fait de codes précis et anciens, jadis, les hommes mangeaient peu avant et pendant les fêtes religieuses. Tout était codifié. Le supra géorgien a repris ces cadres religieux. Lorsque la parole est donnée, pour maîtriser son abondance, elle est dévolue au pouvoir du tamada. Elle se combine avec l’absorption du vin qui est un breuvage sacré, du fait que la fermentation est vue comme une manifestation de la vie [3] : le breuvage est sacré parce qu’il contient la vie qui se manifeste par la fermentation. Et il est entouré de soins, car il donne des forces, endort ou enivre quand il ne rend pas violent. C’est pourquoi le tamada doit être une personnalité reconnue qui a une autorité naturelle pour se faire respecter quand le ton monte à table. Le premier toast fait souvent mention de Dieu, donnant une forme de label religieux à la fonction du tamada, qui ensuite célèbre la patrie, les parents, les voisins, les enfants, selon un emboîtement de coquilles sociales et individuelles bien décrites par A. Moles. De ce fait, letamada apparaît comme un gestionnaire de conflits, voire comme un maître ès relations sociales pour les jeunes qui apprennent à table, le sens de la hiérarchie, l’écoute et le respect de l’autre, la célébration de ses qualités qu’il manifeste avec tout le groupe. Le jugement individuel est ainsi fabriqué par ces longues heures rituelles Les appels à la solidarité jouent un incontestable rôle de ciment social.
Les occasions de banquet étant infinies, il faut souligner ceux qui font du tamada une forme de prêtre : pendant les repas de naissance ou de décès, il soutient les familles dans leur joie ou leur peine. Il promet un avenir radieux au bébé comme il met en avant les souvenirs glorieux du défunt. Dans le vin que les Géorgiens appellent le « deuxième sang », il réitère une forme d’eucharistie sociale.
Ainsi, les rites de la table enserrent les hôtes dans une codification très sévère qui est vécue avec jovialité puisque le tamada en adoucit la contrainte par la parole bienveillante, l’invitation au chant et à la danse. Ces rites sont d’autant mieux appréciés aujourd’hui qu’ils sont pensés comme une tradition forte, voire une manifestation de l’identité nationale.
Les origines du supra
En effet, les manifestations nationales n’ont pas manqué au Caucase et pas seulement, pendant la période d’occupation soviétique qui s’est achevée en 1991. Mais les origines du supra géorgien sont autrement plus anciennes que leur réactivation au 19e siècle, au moment où se construit le nationalisme moderne (Mühlfried, 2003). .
Les Géorgiens situent les débuts du supra avec ceux du vin. Domestiquée dans le Caucase, selon les sources archéologiques, vers 3300 avant notre ère, la vigne aurait été transformée en vin à l’âge de bronze (1000 ans avant notre ère). Comment s’est imposée la consommation rituelle du vin à cette époque-là, nul ne le sait encore.
En revanche, le supra géorgien aurait une filiation avec le banquet grec à partir du 6e siècle avant notre ère et, un peu plus tard, le banquet de Platon qui était, à Athènes, le symposion. Un symposiarch (ancêtre probable du tamada) y donnait la parole et annonçait la musique et les danses qui alternaient avec les récits accompagnant la prise de vin. En réalité, l’eau était souvent mêlée au vin dans les coupes à boire et si le vin était bu à l’excès, cet excès était tempéré. Chez les Grecs, les prises alimentaires pendant les repas étaient assez vite expédiées, ainsi que les hymnes aux dieux. Puis seulement, on enchaînait les boissons et les discours régulés par un archonte. L’exemple du Phèdre de Platon est aussi une manière detamada. Platon proposait dans Les lois un chef de table qui est exactement ce qu’on a dans le Caucase aujourd’hui, quelqu’un qui dirige le repas, organise la prise de parole, veille à ce qu’il n’y ait ni abus, ni incidents et que le repas ne se transforme pas en bacchanale. Un invité saoûl serait un mauvais invité et signifierait que le supra a été raté.
Mais le supra géorgien est aussi très proche de la koinos et de l’agapè grecques, marquées par d’importants rites d’accueil des étrangers à table, rites (Bell, 1998) que l’on retrouve aussi dans la cena romaine qui ont inspiré les rites de l’Eucharistie chrétienne, au sens où elle marque une forme de gratitude exprimée par le partage aux invités (Charachidze, 1981). C’est cette pratique-là qui s’est étendue avec la religion chrétienne à partir du 4e siècle ap. J.-C. Ce que les Géorgiens appellent dans leur histoire le Siècle d’or, à l’époque de la reine Tamar (1184-1213) et qui fut repris par la littérature géorgienne au 13e siècle, a été un moment favorable pour les supra, sans qu’on sache toujours très nettement comment étaient construites les temporalités du supra. Les voyageurs européens, du 15e au 19e siècle, ont fourni d’excellentes sources d’information sur le supra. Les ambassades du Vénitien Contarini en 1473, sur le chemin de Téhéran, tout comme celles de l’Autrichien Busbec (1554-1562) font déjà mention de ce qui est perçu comme un excès : « der öffentliche Alkoholexzess ist eine Perfomanz von Stärke » [4]. Un correspondant français comme Jean-Baptiste Tavernier [5] et le moine Jean Chardin en 1686 à Tbilissi (Chardin, 1711), comme l’Allemand Bodenstedt en voyage en 1843-46 (Mühlfried, 2006), sans oublier Alexandre Dumas [6] qui voyage dans le Caucase en 1858-59 (Dumas, 2002), tous font allusion à ce qui est perçu comme un « excès d’alcool ».
Mais les origines contemporaines du supra passent par un travail sur les origines du mottamada qui renseigne sur les pratiques à table. Des controverses, on peut tirer que le mot est connu en 1716 mais le lien avec la reformulation du supra au 19e siècle est possible sans être prouvé. Ce qui est sûr, c’est que les auteurs étrangers évoquent une « authentique culture populaire » et les élites nationales, souvent romantiques, diffusent dans les journaux, les universités, les écoles, cette idée d’une identité nationale proprement géorgienne. L’aristocratie éclairée met ainsi des limites à la pénétration des influences russe (au nord) et anglaise (par le sud) dans le Caucase. Le poète Grigol Orbaliani (1800-1883), comme gouverneur de Tiflis en 1860, prononce de nombreux discours à table qui sont interprétés, par les bourgeois, comme l’occasion d’une Aufklärung géorgienne. En trente ans, au mitan du 19e siècle, la culture du supra se répand des villes qui codifient fortement les rites vers les campagnes. C’est l’époque où l’on va même chercher des justifications évangéliques autamada comme personnage sacré en citant Jésus comme un tamada dans son intervention des noces de Cana (Jn 2,9) [7].
Cette intimité du lien entre la nation géorgienne et le supra est manifeste encore aujourd’hui, tant sont nombreux les toasts qui se terminent à la gloire de la Géorgie.
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De ce que Mary Douglas appelait le passage du destructive drinking au constructive drinking [8], on retiendra la belle illustration qu’est le supra géorgien. Ce « grand boire boire » , comme on appelle le banquet en Géorgie, parvient à canaliser les dangers de l’excès, en particulier, du vin. Cette construction porte les ferments constamment renouvelés d’un nationalisme de bon aloi que les oppositions à la Russie (à deux reprises) ont incontestablement fortifié. Ainsi, cet excès alimentaire au banquet dont on connaît le sens physiologique est-il devenu porteur d’une identité locale (Castells, 1999) et d’une véritable culture du vin revendiquée depuis la domestication de Vitis vinifera dans le Caucase. Ce qui n’est pas le moindre des hommages à Noé, personnage de légende biblique qui apporta, raconte la Genèse, la vigne sur son arche (Gn 8).
Compte rendu : Gilles Fumey (université Paris-Sorbonne)
Bibliographie
– W. E. D. ALLEN, A history of the Gerogian people, London, Paul Kegan, 1932.
– Catherine BELL, “Ritualkonstruktion” in A. BELLIGER et D.J. KRIEGER, Ritualtheorien, Wiesbaden, 1998, pp. 37-47.
– Manuel CASTELLS, Le pouvoir de l’identité, Paris, Fayard, 1999.
– Georges CHARACHIDZE, “Géorgie. La religion et les mythes des Géorgiens de la montagne.”Dictionnaire des mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique. (éd. Yves Bonnefoy), Paris, Flammarion, 1981.
– Jean CHARDIN, Voyages de monsieur le Chevalier Chardin en Perse et autres lieux de l’Orient, Amsterdam, Edition Jean-Louis de Lorme, 1711.
– Mary DOUGLAS, De la souillure, Paris, La Découverte, 1996, 2001.
– David Marshall LANG, The Georgians, New York, Praeger, 1966.
– Alexandre DUMAS, Voyage au Caucase, Paris, Herman, 2002.
– Emile DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie sociale, 1904, Paris, Minuit, 1975.
– T. HELMUT, E. HIEBL, „Trinkkultur und Identität. Bermerkunger zu einer neuen Kulturgeschichte des Trinkens“ in L. KOLMER, C. ROHR, Mahl un Repräsentation – der Kult ums Essen, Paderborn Universität, 2000.
– Helga KOTTHOFF, “The social semiotics of Georgian Toast Performances – Oral Genre as Cultural Activity”, in Journal of Pragmatics, t. 24, 1995.
– Claude LEVI-STRAUSS, Les structures élémentaires de la parenté, Paris, Mouton, 1949.
– Florian MÜHLFRIED, „Postsojetische Feiern : das Georgische Bankett im Wandel“, In Soviet and post-Soviet politics and society, Ibidem Verlag, 2006.
– PETRONE, Satyricon, Paris, Folio Gallimard, 1999.
– Ronald Grigor SUNY, The making of the Georgian Nation, Indianapolis, Blomington, 1988.
– Jean-Baptiste TAVERNIER, Les six voyages de J.-B. Tavernier en Turquie, en Perse et aux Indes, Paris, 1703.
[1] Ce rite a inspiré Rezo Kldiashvili, auteur géorgien d’une pièce de théâtre, Supra, qui met en abyme cette liturgie du banquet dans une pièce qui a fait fureur en Allemagne, aux Pays-Bas (pays d’origine de l’épouse du président de la République) et en Géorgie en 2003. La mise en scène de Feri de Geus a permis d’impliquer le public qui prend place avec les artistes autour d’une immense table où les discours humoristiques et tragiques sont enveloppés dans une succession de danses et de chants.
[2] Florian MÜHLFRIED, „Postsojetische Feiern : das Georgische Bankett im Wandel“, InSoviet and post-Soviet politics and society, Verlag, 2006.
[3] Jean-Robert PITTE, Le vin et le divin, Fayard, 2005.
[4] Cité par F. MÜHLFRIED, Das Georgische Bankett im Wandel, (édition de 2005), p. 84.
[5] Jean-Baptiste TAVERNIER, Les six voyages de J.-B. Tavernier en Turquie, en Perse et aux Indes, Paris, 1703. On peut y lire ceci : « Comme la Géorgie produit de grands vins, aussi les Géorgiens sont de grands ivrognes. La boisson la plus forte est celle qu’ils aiment le mieux, et dans leurs festins ils boivent plus d’eau de vie que de vin, tant les femmes que les hommes. Les femmes ne mangent point publiquement avec leurs maris, et quand le mari a donné un repas à ses amis, le lendemain ou un autre jour, la femme en donne un à ses amies. On remarque que lorsque les femmes se traitent ensemble, il se boit plus de vin et d’eau de vie que dans les festins des hommes » (p. 363). Ce qui tendrait à penser qu’il y eut des excès aux temps modernes que les siècles suivants et, notamment, le 19e ont tenté de canaliser.
[6] Voyage au Caucase, Herman, 2002. Dumas n’a pas assez de mots pour vanter la prestance des guerriers tatars et surtout la beauté des Géorgiennes, cependant qu’il arbore avec fierté le certificat de beuverie que lui ont décerné ses hôtes de Tiflis à l’issue d’un dîner mémorable.
[7] Ce qui, bien évidemment, ne tient pas.
[8] Mary DOUGLAS, Constructive Drinking : perspectives on Drink from anthropology, Cambridge, 1984.