Dessin du géographe n°52
Pour la publication d’un texte de synthèse sur la géomorphologie du Grand Canyon du Verdon (Nicod, 2004), je me suis proposé de visualiser l’ensemble par la réalisation d’un bloc-diagramme. Il m’a fallu me rappeler le souvenir de l’enseignement des maîtres, de mes travaux anciens de doctorant et d’une séance de TP lors de mes débuts d’assistanat à la Faculté des Lettres d’Aix-en-Provence
« Le bloc-diagramme est un modèle de représentation synthétique très intéressant. Non seulement il permet de matérialiser d’une façon particulièrement expressive les traits du relief que la carte représente par des signes conventionnels, mais il peut servir à donner des schémas idéaux, où les relations des formes du relief avec la structure sont clairement mises en évidence » (Martonne, E. de, 1947, p. 514) : exemple classique de celui de la vallée de Chevreuse (fig. 1). Ajoutons que les formes du relief peuvent être habillées, surtout si l’on dispose d’un figuré en couleurs, de nombreuses indications : formations de pentes, sources et rivières, couvert végétal, cultures, voies de communication et implantations humaines … Bref on dispose alors d’une vue perspective du paysage. Ce type de représentation du relief a été très largement utilisé par Emm. de Martonne dans son Traité de Géographie physique (R Courtot, 2010) et dans tous ses ouvrages, et continue d’être utilisé par des enseignants universitaires dans l’initiation à la recherche en géographie physique (par exemple à l’Université de Rennes 2 ( Gayraud, 2014).
Emm. de Martonne, Traité de Géographie physique, t. II, Le Relief du Sol, 7ème édition, 1947, fig. 207 A, p. 530.
Malheureusement « la construction du bloc-diagramme est une opération bien plus difficile que celle de nombreux profils ; les géographes hésitent trop souvent à y recourir, et les essais publiés, même dans d’excellents travaux, ne sont pas toujours heureux » (ibidem, p. 515 ; suit 3 pages avec 2 figures expliquant les principes de la construction graphique). En fait beaucoup d’auteurs se contentent de schémas simplifiés (vue cavalière et coupes sommaires). Car la réalisation rigoureuse est très fastidieuse ; par ailleurs si on désire un bloc-diagramme qui ne soit pas trop incliné, il faut que les points de fuite soient très éloignés, ce qui entraîne une grande disproportion entre le canevas de base et le schéma: donc sur une très grande feuille de papier on n’obtient qu’ un petit bloc-diagramme.
Pour ces raisons j’ai utilisé une méthode simplifiée. On part par exemple d’un quadrilatère ABCD (= un carré ou un rectangle vus en perspective). Les échelles des hauteurs, verticales, sont disposées aux quatre angles, avec des valeurs réduites en fonction de l’éloignement du point A. On peut tracer alors les lignes d’altitude, spécialement sur les faces AB et AD, et indiquer les distances, en valeurs réduites de même. Ce qui permet de figurer les profils topographique et géologique des faces AB et AD. En complétant le canevas initial on peut établir la position des points cotés (importants lorsque le bloc-diagramme était construit à partir d’une carte au 1/80.000e en hachures, sur laquelle les lignes d’altitudes étaient difficiles à repérer). Le reste n’est plus qu’une affaire de dessin en perspective des éléments du relief et de leur « habillage ».
C’est ainsi qu’a été réalisé le bloc- diagramme du Grand Canyon du Verdon, sur un canevas de base rectangulaire mis en perspective.
Redessiné par P. Pentsch à l’Institut de Géographie d’Aix-en-Provence sur mon schéma original et publié dans Méditerranée 2004 (n° 1-2, Pl. II h.-t.). Republié dans Grottes et Karsts de France, Karstologia Mémoires n° 19, 2010, Les karsts du Verdon (§ 108, fig.1) et dans Géomorphologie de la France, D. Mercier dir., Dunod 2013, Pl. VI.
Dans l’exemple du bloc-diagramme du Grand Canyon du Verdon, les deux transects orthogonaux permettent de montrer la structure des Plans et des reliefs du Nord-Est. A l’intérieur du bloc les sommets et sites majeurs (points cotés) ont été déterminés graphiquement. Les reliefs, vus du sud, ont été figurés grâce à l’utilisation des cartes et photos aériennes et à de nombreux documents, photos et croquis, trouvés dans divers guides et ouvrages, ou réunis par moi-même au cours d’excursions et travaux de terrain. L’emploi des signes et trames de couleurs m’a permis de bien mettre en valeur les différents reliefs karstiques, les formations de pente, le contact avec le piémont de Valensole et la position du lac de Sainte-Croix qui ennoie le système karstique d’aval.
Jean Nicod, mai 2014
Références
Courtot R , (2010) N° 12 : Emmanuel de Martonne et le bloc diagramme
http://cafe-geo.net/wp-content/uploads/Dessin_du_Geographe_n12.pdf
Martonne, E. de (1947) Traité de Géographie physique, t. II, Le Relief du Sol, 7ème édition, Armand Colin, Paris.
Nicod J., (2004) « Présentation du bloc-diagramme : Grand Canyon du Verdon »; Méditerranée n°1-2, p. 17-24 (Pl. II h.t.).
Nicod J., (2010) « Les karsts du Verdon » ; § 108, in « Grottes et Karsts de France », Karstologia, Mémoires, n° 19, Ph. Audra édit.
Gayraud J., (2014) « Dessin du géographe n°48 » http://cafe-geo.net/un-bloc-diagramme-des-falaises-douessant/