Premier RESTAU-GEO en janvier 1999

Au Télémaque 15, rue Roger 75014 Paris (Métro : Denfert-Rochereau)
Repas animé par Michel Sivignon

Compte-rendu de Marc Lohez

La géographie de la Grèce dans votre assiette
Cuisine grecque et géographie  
Les Amis du café géographique avaient rendez-vous chez Mme Toula Douralis, au Télémaque, 15 rue Roger, Paris-14.
Une vingtaine de personnes parmi lesquelles on comptait plusieurs professeurs de province qui profitaient des vacances scolaires (Daniel Letouzey de Caen et François Louveaux de Poitiers). Michel Sivignon a dû à la fois beaucoup parler et manger, ce qui n’était pas simple… Nous l’en remercions. Michel aime autant les plats que les… mots qu’il nous fait savourer en passant d’une langue à l’autre : richesse de la cuisine, richesse des mots de la cuisine…
Michel ouvre le repas par quelques questions générales : peut-on avoir une vision géographique de ce qu’on mange ? Peut-on « réfléchir avec son ventre et manger avec sa tête ? » Il propose d’appliquer à la cuisine quelques problématiques géographiques : pour la cuisine grecque, on peut dire qu’on a affaire à une cuisine nationale qui a une dimension  » verticale  » (facteurs naturels) et une dimension  » horizontale  » (échanges, influences étrangères de la Turquie notamment, et aussi de l’Italie). Mais il faut rappeler que la cuisine grecque est une cuisine de paysans de commerçants et de marins, on est loin du sultan à Istanbul qui faisait une cuisine pour 10 à 15000 personnes par jour ! Donc pas d’influence directe d’une cuisine de cour qui filtrerait à travers la hiérarchie sociale.

Boire
Lorsque Mme Douralis apporte le retsina (vin résiné), Michel rappelle que la résine de pin était mélangée au vin pour le conserver et ceci depuis l’antiquité. C’est toutefois une pratique de la Grèce méridionale. Dans la Grèce septentrionale les procédés de vinification permettent de s’en passer. Nous le constaterons lorsque nous boirons un Naoussa, beau vin de robe rouge, nous l’assimilerons, en partie, à la famille française des Côtes-du-Rhône. Ce vin est produit par Boutari. Boutari est une  importante société de  vinification et une marque qui exporte de vins de toute la Grèce : ce sont pour une part les vins de ses propres vignobles et pour une part des raisins achetés qu’elle vinifie dans ses chais. Pour l’ouzo, on apprendra que cet alcool de raisin est parfumé à l’anis. Il présente des variantes locales, comme le tsipouro dans le nord, la tsicoudia en Crète. On boit plus d’ouzo que de vin. Les Grecs ont aussi une vraie culture de l’eau : variété des sources, recherche d’une eau digestive. La bière, elle, est venue d’Allemagne grâce au roi Othon, un Bavarois en 1830. Enfin, le café est fabriqué directement dans un récipient appelé briki : on verse la poudre de café et le sucre en poudre dans de l’eau froide que l’on fait bouillir. On laisse reposer le marc avant de boire. Ici comme ailleurs on peut lire l’avenir dans le marc de café…

Un menu ?
Y a-t-il un menu ? Non, cette notion n’existe pas. Si on trouve des restaurants avec menu aujourd’hui c’est uniquement pour les touristes étrangers.
A la maison le Grec mange un plat unique mijoté et dont les restes peuvent être servis à plusieurs repas de suite, jusqu ‘à épuisement. Ce plat est ordinairement composé de viande et de légume.
Les mézé (hors d’oeuvre) mot que l’on retrouve en Turc et en Arabe, sont plutôt une tradition des jours de fête et des sorties au restaurant. Ils viennent alors précéder le plat unique. Ils sont très variés : tarama, caviar d’aubergine, poivron grillé, tsatziki.
Dans la cuisine grecque et particulièrement dans les mézé les feuilletés (pitta) occupent une place considérable, particulièrement en Grèce du nord, et dans les pays balkaniques voisins. Le feuilleté lui-même utilise une pâte très fine que les Grecs appellent filo(la feuille).
Mme Douralis nous apporte ainsi un type de ces feuilletés au fromage blanc (fetta) et aux épinards.
Comme plat principal, nous consommons une « fricassée  » qui est un plat pascal et un poivron farci (de la même préparation que les feuilles de vigne farcies). La fricassée (les Grecs utilisent le mot français) est composée d’agneau et de salade cuite, le tout lié par une sauce à l’oeuf et au citron (avgolemono) très typique de la cuisine grecque. Michel souligne les relations entre la cuisine et les sentiments nationaux. La fassolada (soupe de haricots blancs cuit avec des tomates) est le plat principal de la cantine scolaire comme de la caserne.
Les poissons (qu’on ne goûtera pas) sont l’objet d’une vraie passion de la part des Grecs ainsi que les fruits de mer. Ils sont cuits surtout au four, avec de l’huile. Les tripes rappellent aussi que, pour les Grecs, tout se mange, y compris les abats de mouton et de volaille. Pour Pâques qui est une très grande fête, on traite à la broche les intestins de mouton, le foie, la rate. C’est le fameux « kokoretsi« . Le samedi saint au soir, en rentrant de la messe, on rompt le jeûne avec la mayiritsa (soupe aux abats).
Les Grecs consomment aussi beaucoup de pain, un pain gros, très compact.
A la fin du repas les Grecs n’ont pas l’habitude de manger de fromages. Le fromage est intégré dans diverses préparations, particulièrement le plus répandu, la fetta (mot italien : la tranche), ou consommé parmi les hors d’oeuvre ou avec le plat principal : en Grèce, pas de  » plateau de fromages « .
Ordinairement les restaurants ne servent ni dessert, ni café. Les repas se terminent avec le plat principal, sauf l’été lorsqu’on peut se rafraîchir d’une tranche de melon ou de pastèque.
Le dessert est du ressort d’une autre profession : le pâtissier. Dans la pâtisserie orientale, le miel, les fruits secs (amande, pistaches, raisins de Corinthe noirs, sultanines blancs et sans pépin) sont les composants de base des gâteaux au miel. On sert aussi des loukoums.
Compte tenu de la grande importance des rites de la religion orthodoxe, Michel rappelle que la cuisine est rythmée par l’année liturgique avec ses périodes de jeûne qui poussent à la consommation des poissons, des fruits de mer comme les calamars, les poulpes, mais aussi des laitages et de l’huile d’olive qui sont autorisés différemment selon les types de jeûne.
Michel explique pourquoi il est « paléoimérologue » (sic : adepte du vieux calendrier) !  Les Grecs ont considéré que le calendrier grégorien est une invention du pape qui ne convient pas au christianisme oriental. Il existe encore des monastères qui suivent imperturbablement le calendrier julien, en retard de 13 jours sur notre calendrier.

Lire
Sophie BASCH, Le voyage imaginaire, Hatier (sur l’image de la Grèce à l’extérieur).
Jean-Louis FLANDRIN et Massimo MONTANARI, Histoire de l’alimentation, Fayard.
Michel AUFRAY et Michel PERRET, Cuisines d’Orient et d’ailleurs, Langues O’,  Glénat.

 

Cuisiner chez soi 


TZATZIKI1 concombre moyen, pelé, râpé, égoutté
6 yaourts égouttés dans une passoire
1 cuillère à soupe d’huile d’olive
1 cuillère à café de vinaigre
1/2 cuillère à café de sel
1 cuillère à café d’aneth haché ou de menthe fraîche
1 gousse d’ail écrasée.
Faire égoutter une nuit le concombre et les yaourts, mélanger tous les ingrédients. Mettre au frais. Le tzatziki se mange en hors d’oeuvre mais aussi en accompagnement des boulettes (keftédès), des aubergines ou courgettes frites et des viandes à la broche.
TARAMOSALATA100 gr d’oeufs de mulet (tarama), 2 grosses tranches de pain
1 tasse d’huile d’olive
1 demi jus de citron
Cette salade d’œufs de mulet peut se faire au mixer. On mélange : 2 tranches de pain rassis coupé en petits morceaux et humidifié avec les 3/4 d’une tasse d’eau, 100 gr d’œufs de mulet (tarama), 1 tasse d’huile d’olive et le jus d’un demi citron. Mélanger jusqu’à homogénéité un peu comme une mayonnaise.