Dessin du géographe n°46
De retour d’un voyage en Patagonie en novembre 2013, une escale à Valparaiso pour parcourir cette ville étonnante et contrastée, une ville un peu folle. C’est une ville de bord de mer, une ville escarpée qui grimpe sur les collines dans un entremêlement de constructions de tous styles et de tout âge.
Le port, qui a fait sa richesse au 19ème siècle, avant l’ouverture du canal de Panama, reste actif : la base navale côtoie la zone de stockage des conteneurs ; nombre de navire restent en mouillage d’attente dans la baie La ville même est séparée de l’océan par un espace d’entrepôts et de voies ferrées désaffectées.
Le centre-ville est resserré sur la partie basse et plane. Elle s’organise entre des avenues rectilignes et des places arborées. Les bâtiments serrés traduisent les étapes de l’évolution de la ville après le séisme et le tsunami de 1906 : Le regard passe de rues resserrées bordées de hautes façades du début du 20ème siècle encadrant des rues commerçantes, il s’ouvre sur des places face aux bâtiments officiels néobaroques comme l’Amirauté, ou lourd cube de béton pour la Municipalité. Ce sont aussi des constructions fonctionnelles, des grands immeubles et des tours récentes. Enfin on remarque les ruines du marché au poisson et de nombreuses maisons ébranlées par le séisme du 11 mars 2010.
La ville des collines (les cerros) est construite sur de fortes pentes car les hauteurs sont découpées par des ravins profonds aux versants instables. Quelques quartiers anciens font l’objet de réhabilitation depuis l’inscription de Valparaiso au patrimoine par l’Unesco en 2003. Ce sont des maisons de bois du début du 20ème siècle, parfois très ouvragées, souvent protégées par des tôles peintes. D’autre quartiers moins favorisés sont délabrés : vielles bâtisses bourgeoises divisées et peu entretenues, empilement de maisons de bois, posées les unes au-dessus des autres entre des jardins en friche, sur les pentes raides des ravins. Vers les hauteurs se côtoient des maisons précaires construites sur les pentes des vallons et quelques grands immeubles cossus bénéficiant du panorama. Quelques belles villas, comme celle de Pablo Neruda offrent une large perspective sur la mer.
Ces quartiers périphériques pauvres, situés sur les hauteurs loin des axes principaux, sont très vulnérables au risque de grands incendies. Leurs empilements hétéroclites de maisons sont bâtis au flanc des ravins des plus hauts cerros, qui sont encombrés de broussailles et offrent au feu un cheminement facile pendant les mois secs. Les incendies ne sont pas rares et peuvent s’étendre à des quartiers entiers (1953, 2013). En avril 2014, cinq jours de forts vents de sud ont étalé l’incendie sur les hauts, l’ont fait dévaler les vallons jusqu’aux quartiers de la première ceinture de hauteurs : 1900 ha et 3 000 habitations ont été ravagés, plus de 10 000 personnes déplacées. La reconstruction commence aussitôt, sans amélioration des dessertes ni plan d’urbanisation
1 – Une vue du Cerro Concepción vers le port.
Sous la colline densément urbanisée, les grues, les conteneurs, les navires militaires. Les toits de grands immeubles du centre font un premier plan.
2 – une vue de Cerro La Loma vers la baie.
Une baie largement ouverte vers le nord.
Les grands immeubles récents du centre-ville écrasent les vieux bâtiments du début du 20ème siècle.
A gauche, Le Cerro Cárcel, c’est-à-dire la prison, de sinistre mémoire, qui a été transformée en centre culturel. Derrière ce long bâtiment, le Cerro Panteón ceinturé de grands murs et couronné d’arbre abrite les trois cimetières de la ville sous des portiques néoclassiques.
3 – Vue vers le nord, les hautes collines, le front de mer urbanisé de Vina del Mar. Quelques grands navires attendent en rade devant un front de mer hérissé de tours et d’immeubles modernes.
4 – Sur les collines aux pentes raides (cerro), des quartiers denses et souvent délabrés.
Le Cerro Allegre montre l’imbrication de vielles maisons du début du 20ème Siècle, entourées de jardins et de terrains vagues et d’immeubles résidentiels récents.
5 – Sur les flancs des ravins du Cerro Miraflores, les petites maisons sont empilées, comme sur toutes les pentes raides de la ville. Des petits jardins divisent cet univers fait de bois et de tôles ondulées.
6 – Le classement des quartiers de Concepción et de Allegre, qui dominent le port, au patrimoine de l’Unesco a stimulé la restauration des maisons du début du 20ème Siècle. Ces quartiers attirent le tourisme. Les magasins et les restaurants se développent. Mais on ne peut parler de gentrification sur des collines aux ruelles étroites où la voiture n’a guère de place. Les classes moyennes restent dans la ville moderne de Vina del Mar, située à 15km au Nord.
7 – La modernisation des quartiers perchés passe par l’électrification.
Les réseaux de fils tissent une toile d’araignée géante au-dessus des ruelles pentues.
8 – Entrelacs de fils dans une rue de Concepción.
9 – La Sebastiana.
La villa de Pablo Neruda sur les hauteurs de la ville, domine le Cerro Bellavista. C’est une construction moderniste des années 50. Le panorama des grandes baies vitrées s’ouvre vers la mer et domine un dédale de petites maisons étagées sur la pente du cerro. Confisquée par la dictature, elle est maintenant transformée en musée consacré au poète. Les peintures murales des ruelles en pente sont également devenues un musée en plein air.
Ces petits dessins réalisés rapidement procurent un grand plaisir par l’analyse du paysage, la sélection des objets représentés et le choix du trait. Mais le croquis est bien impuissant à rendre l’ambiance, l’animation des quartiers, les couleurs des maisons, la rouille des toitures de tôle, les tons chamarrés des fresques murales, les brumes du matin, les bruits du soir dans les rues animées du centre.
Charles Le Cœur