Dessin du géographe n°50
Ce schéma a été réalisé très rapidement au cours du Colloque franco-soviétique Alpes-Caucase de 1982*, qui nous avait permis de découvrir les aspects des montagnes du Daghestan et des régions adjacentes, dans le cadre d’ études comparatives sur les montagnes sèches semi-méditerranéennes. Ce colloque avait été organisé dans le cadre des relations bilatérales franco-soviétiques, initiées depuis 1974 par J. Dresch et l’Académicien I. P. Gerasimov (Guérassimov en transcription française) sur le thème général Alpes-Caucase, avec une succession de réunions sur le terrain, alternativement dans le Caucase (puis en Crimée) et en France. Avec quelques collègues aixois et autres**, dont les regrettés Y. Bravard et M. Julian, nous étions les premiers géographes français à parcourir ces montagnes sauvages. Dans le cadre de cette mission scientifique nous sommes restés plusieurs jours à Gounib, bourgade haut-perchée, au cœur du pays des Avars dans les montagnes du Daghestan.
Ce bourg historique, situé vers 1000-1200 m d’altitude en amont de la gorge spectaculaire du Kara Koissou, fut en 1859 le théâtre de l’ultime résistance du Daghestan avec Chamil contre les Russes. Le tsar Alexandre II y aménagea une résidence. Dans le cadre de la ASSR du Daghestan, une réserve naturelle avec un petit centre de recherches y a été instituée (Parc national en projet). Et à l’époque de notre visite, c’était devenu aussi un centre touristique de montagne : nous y avons été hébergés à « L’Aire des Aigles », dans la partie haute de la bourgade, jouissant d’un panorama magnifique (photo fig. 4).
A partir du centre de recherches de Gounib, nous avons pu étudier divers sites géomorphologiques, souvent caractérisés par une érosion exacerbée liée à une tectonique active. Ils nous étaient présentés par les chercheurs daghestanais sous la direction de I. P. Gerasimov et de D.A. Lilienberg – le spécialiste de la morphotectonique de la chaîne caucasienne. Un site m’avait particulièrement frappé par sa similitude de ses formes de versant semblables à celles de nos chaînes subalpines méridionales. Nous étions sur la route de Gounib à l’aoul (village fortifié) de Chokh, village pastoral de montagne. Pendant la présentation des éléments géomorphologiques de ce secteur de la bordure sud du synclinal de Gounib, il m’a été possible de dessiner rapidement ce croquis (fig. 1) et de faire une photo (une dia que j’ai souvent projetée). A partir de ces deux documents, de ceux d’un volumineux livret-guide (fig. 3) et de l’observation d’autres sites, j’ai pu réaliser tant bien que mal le schéma de la figure 2. Il faut toutefois noter une certaine imprécision, en particulier l’absence de cotes d’altitude : à l’époque, il n’était pas question de pouvoir consulter une carte topographique ou géologique détaillée. Ce dessin n’a été publié que récemment dans le chapitre IX « Au cœur du Caucase oriental » dans un petit volume de souvenirs en diffusion restreinte.
Un schéma de référence pour comprendre la morphostructure locale…
1 et 6 – Surfaces structurales (chevrons) recoupés par fractures transverses ;
2 – Zones de recoupement de fractures d’orientation différente :
3 – Dépôts sismo-tectoniques récents : 4 – Système de fractures en diagonale ;
5 – Flanc W, système de décrochements verticaux ; 7 – Formes de dénudation.
Document annexe du Livret-guide du Colloque de 1982.
Nota – Pas de cotes altimétriques, sommet vers 2300 m ? non dénommé.
Et une photo d’ensemble du paysage de Gounib : un bien beau souvenir…
Références
Nicod J. 2014 – Quelques souvenirs de sites géomorphologiques significatifs et souvent curieux (chez l’Auteur, 66 p.)
Voir aussi l’ouvrage collectif :
ALPES – CAUCASE : Alpes du sud – Caucase oriental – Crimée ; Méditerranée , n° 2.3 1987, 150 p.
* Cette découverte a été réalisée au cours d’une rencontre sur le terrain dans le cadre des relations bilatérales franco-soviétiques, initiées par J. Dresch et l’Académicien I. P. Guérassimov* depuis 1974 et à l’occasion du Congrès international de Géographie, à Moscou en 1976. Sur le thème général Alpes-Caucase, les échanges scientifiques avaient d’abord porté sur le Caucase occidental et les Alpes du Nord (avec Y. Bravard en 1981). Puis un nouveau programme s’est attaché à des études comparatives sur les montagnes sèches semi-méditerranéennes. Le colloque de 1982, le plus innovant, fut consacré au Caucase oriental1 ; les études sur le terrain s’effectuèrent à partir de Groznyi (en Tchétchéno-Ingoutchie), surtout dans les montagnes du Daghestan (avec une phase de discussions dans le centre de recherche de Gounib), puis un trajet dans les régions littorales jusqu’en Azerbaïdjan, point final à Bakou. Les colloques suivants eurent lieu à Aix-en-en Provence et dans les Alpes du Sud en 1983, en Crimée et la région de Sotchi en 1984 et dans les Pyrénées orientales en 1985. Le décès de I. P. Guérassimov en 1985 a mis fin à ces échanges mais l’essentiel des confrontations scientifiques a été publié dans Méditerranée (n° 2.3, 1987). Si je reviens ici sur les observations lors du colloque de 1982, c’est pour trois raisons :
– Nous étions parmi les premiers à visiter le Caucase oriental, peu connu des géographes français2.
– Dans la publication comparative de nos travaux dans Méditerranée (1987), nous n’avions pu décrire en détail les paysages et les sites majeurs observés et faire état à leur propos des explications de nos collègues soviétiques.
– Il est intéressant de rappeler les conditions de travail sur le terrain dans le cadre d’une mission scientifique minutieusement organisée et dûment encadrée en une période de planification soviétique et de paix apparente dans ces montagnes irrédentes, entre un passé colonial agité puis la secousse induite par l’invasion allemande de 1942 et la désorganisation avec les deux guerres civiles de Tchétchénie, née de l’effondrement post-Brejnev de
l’URSS
* Participants français au Colloque de 1982 : Yves Bravard, Annik Douguédroit, Claudine Durbiano, Maurice Jorda, Maurice Julian, Jean Nicod, André de Réparaz, Pierre Thorez, Jean Radvanyi et Gérard Soutadé.
Jean Nicod