Café-géo liégeois du 23 mai 2014.

Intervenant : David Leloup, journaliste pour l’hebdomadaire M…Belgique.

La Suisse est le plus ancien et le plus important centre de gestion de fortunes : elle accueille la gestion de patrimoines depuis 1920. Dès 1934, la loi sur le secret bancaire y attire des capitaux. Après une période creuse (1945-1950), la période 1950-1980 fut l’âge d’or du monde de la finance. Ensuite, de nouveaux paradis fiscaux (Iles Caïmans, Jersey,…) vont concurrencer la confédération helvétique : pour éviter l’impôt des banques, des sociétés fictives (off-shore) sont créées dans les Caraïbes.

Ceci représente une fausse concurrence de la part des paradis fiscaux. En effet, la Suisse reste le centre des opérations grâce à :

  • Un axe de dissimulation (Panama-Iles Vierges-Liechtenstein) permettant de céder des sociétés à des paradis fiscaux, donc d’éviter l’impôt. En 2013, 60% des comptes suisses sont ainsi détenus par des sociétés off-shore. Le Panama en regroupe un grand nombre, sources d’emplois pour le pays où il suffit de fournir les noms de trois directeurs pour créer une société de ce type. De ce fait, des avocats panaméens servent régulièrement de prête-noms.
  • Un axe de fonds (Luxembourg-Irlande-Caïmans) accueillant des fonds suisses délocalisés. Le Luxembourg est un territoire « capturé » par l’industrie financière : des fonds suisses y sont délocalisés pour éluder l’impôt car l’Etat luxembourgeois ne taxe pas les dividendes sortants.

Ainsi, la Suisse reste au centre de la gestion des fortunes non déclarées : tout y est organisé par les banques helvétiques fournissant des conseils pour l’achat de fonds, et le secret bancaire permet la fraude fiscale.

En 2013

  • Le patrimoine mondial s’élève à 73000milliards d’euros dont 92% sont placés dans des sociétés non off-shore et soumis à l’impôt. Les 8% restant (5800 milliards d’euros) sont dans des  sociétés off-shore, et seul un cinquième de cette somme (1100 milliards d’euros) est déclaré.
  • Le secret bancaire a permis aux sociétés du monde entier une fraude de l’ordre de 130 milliards d’euros.
  • La Suisse atteint 1800 milliards d’euros de patrimoines placés, soit 14% de plus que lors de la réunion du G20 en 2009.
  • L’économie la plus touchée par l’évasion fiscale est celle de l’Afrique ; l’économie la plus riche grâce aux placements de capitaux est celle de l’Europe.

 

Comment lutter contre les paradis fiscaux ?

  • En 2008, le « Panamagate » fut la mise en ligne, sur le blog de l’Anglais Daniel O’Huiginn, du registre des sociétés off-shore panaméennes. Cette opération donna accès à l’historique de ces sociétés, ainsi qu’aux noms de leurs gestionnaires. Le record dans ce domaine est tenu par une Panaméenne servant de prête-nom à 17789 sociétés ! Ce registre permet de remonter jusqu’aux personnes ou sociétés à la base de l’évasion fiscale.
  • Il serait possible d’imposer des sanctions commerciales via les tarifs douaniers pour compenser les pertes de revenus liées au secret bancaire. Par exemple, l’Allemagne, la France et l’Italie totalisent à eux trois 35% des exportations suisses ; pour récupérer les pertes de revenus dues à l’évasion fiscales, ils devraient imposer à la Suisse des tarifs douaniers de 30%. Mais il faudrait pour cela que les pays lésés s’accordent sur le système à appliquer.
  • Un cadastre mondial des fortunes, tenu par le FMI, pourrait être consulté par le fisc de chaque pays afin de vérifier si les contribuables déclarent tous les titres financiers inscrits dans ce cadastre.

 

Débat.

  1. Que fait l’Union Européenne face aux paradis fiscaux ?

Le Parlement Européen n’a pas de droit d’initiative législative. Il ne peut donc pas prendre le problème à bras-le-corps. Cela dépend de la volonté des Etats-membres représentés par la Commission.

  1. La taxe Tobin est à l’ordre du jour. Y aura-t-il un jour une taxation des flux financiers ?

Oui, si l’Union Européenne l’accepte! Un vote a eu lieu début mai 2014, mais son impact risque d’être très limité en comparaison avec le projet initial. Et cela notamment à cause du lobbying exercé à l’UE  par le monde de la finance.

 

Rapporteur : C. Richardeau