En Comminges, sous la protection de Saint Bertrand et de Saint-Just
En septembre, sur le piémont pyrénéen, c’est encore l’été. Construite sur un piton rocheux, face à la barrière montagneuse des Pyrénées, la capitale, Saint Bertrand de Comminges, s’élève à plus de 500 mètres d’altitude et domine le bassin de la Garonne, torrent encore impétueux.
Une longue histoire de Celtes et de Romains a modelé la région. Carrefour naturel de voies terrestres et fluviales, entre Méditerranée et Atlantique, le pays était peuplé de Celtes, les Convènes, avant d’être romanisé. La tradition voudrait que Pompée ait fondé, au Ier s av J.C. Lugdunum Convenarum, qui prospéra jusqu’au règne d’Auguste ainsi que l’attestent les vestiges antiques : temples, thermes, théâtre, basilique.
Au XI è siècle, sur les décombres de la cité, rasée par les Wisigoths, le futur Saint Bertrand fait bâtir la cathédrale. Il est évêque du Comminges et petit-fils du comte de Toulouse Guillaume Taillefer. Son œuvre est poursuivie par un autre Bertrand devenu, sous le nom de Clément V, le premier pape d’Avignon. La cathédrale Sainte-Marie fut ensuite agrandie pour faire face à l’afflux des pèlerins qui se rendaient à Saint Jacques de Compostelle. Cet édifice mi-roman, mi-gothique a gardé un cloître admirable ainsi qu’un chœur constitué de stalles en boiseries Renaissance, mélange d’art toulousain et toscan. Le clocher-tour, domine les alentours et rappelle qu’il jouait aussi un rôle donjon.
En contre bas, la basilique Saint-Just est un édifice roman, isolé au milieu des champs. Bâti aux XI et XII è siècles, il assemble surtout des matériaux « empruntés » aux ruines de l’antique cité de Lugdunum. Il rivalise de beauté avec la cathédrale proche. Son chevet est admirable, modèle de perfection de « relief en creux » qui en fait sa célébrité. L’apogée de ce comté de Comminges, aux contours incertains se situe aux XII è et XIII è siècles.
En 1790, les divisions locales empêchent la création d’un département des Pyrénées Centrales. La Comminges est rattachée à Toulouse et au département de la Haute-Garonne. L’évêché est supprimé. Ce petit pays rural entame un long déclin. A cheval sur la plaine et la montagne, aux confins du pays toulousain et aussi riverain de l’Espagne, c’est un pays de marges. Aujourd’hui, il ne doit plus sa notoriété qu’au tourisme : thermal, montagnard ou culturel.
En Comminges, une halte gastronomique au Lugdunum
Tenter de retrouver les saveurs des agapes antiques, telle est la démarche originale et conviviale proposée par Hélène et Renzo Pedrazzini, dans leur restaurant créé en 1990. Leur idée : pourquoi ne pas faire sur un site exceptionnel, une cuisine elle aussi d’exception, celle des gastronomes romains ?
Une belle histoire commence en 1985, avec la reprise des fouilles de Lugdunum sous la conduite de Marie-Thérèse Marty, ingénieur au CNRS, et passionnée de gastronomie. Sa rencontre avec Renzo Pedrazzini, chef de cuisine, est décisive. Une recherche expérimentale va se développer dans un partenariat scientifico-culturel et économique. Ce travail repose essentiellement sur les études du professeur Jacques André, historien et philosophe, directeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, qui a traduit et commenté l’œuvre d’Apicius, célèbre gastronome du 1er siècle de notre ère. Rendons à Apicius…..
Vingt siècles nous séparent des dits culinaires du grand homme, mais un peintre, un archéologue, un pharmacien-herboriste, un œnologue et un parfumeur, réunis autour de Renzo Pedrazzini, ont essayé de re-créer, dans le respect des textes antiques, des émotions et des sensations, des mélanges savoureux qui surprennent sans déconcerter.
Il s’agit donc d’une expérience culinaire dans un restaurant pas comme les autres.
Le restaurant ne reçoit ses hôtes que sur rendez-vous. Vous devez former un groupe de convives compris entre 6 et 25 personnes. Tous les groupes sont reçus, un bel effort étant consenti aux groupes scolaires.
Ce jour de septembre, le rendez-vous avait été pris par la Société de Géographie, prestigieuse aînée de notre petite association des Cafés géographiques. Et cette découverte s’est effectuée lors du voyage organisé par Pierre Duffaut et intitulé « Voyage aux Pyrénées, à cheval sur la chaîne frontalière (9-16 septembre 2010).
C’est Hélène Pedrazinni qui reçoit. La salle est simple, lumineuse et joliment décorée, mi-antique, mi-contemporain. Vous allez banqueter, non pas allongés comme les Romains, mais confortablement installés sur de belles chaises curules en cuir noir.
Hélène va tout vous expliquer, avec chaleur et passion. Car il faut se préparer à une aventure gustative. « Du cuisinier au poète, point de différence : l’art pour l’un comme pour l’autre naît de leur esprit » Athénée.
Hélène présente, pour commencer, l’herbier d’Apicius : une quarantaine de plantes aromatiques et d’épices exotiques constituent un répertoire de base. Elles seront mariées au miel, huile d’olive, vin, vinaigre, fruits secs et garum. Le garum est une sauce à base de poisson tenant lieu de sel dans l’Antiquité. Elle est comparable au nuoc-mâm de la cuisine indochinoise.
Hélène présente ensuite les vertus antiseptiques et diététiques des recettes d’Apicius.
Enfin sont présentés, au fur et à mesure, les boissons et les plats préparés pour nous.
Le menu du dimanche 12 septembre va peut-être vous tenter ?
Boissons : apéritif Délice de Columelle, suivi du Vin merveilleux aux épices
Entrées : Bouillie à la Julias avec Saucisse de lucanie ; Embractum de Baïes ; salade hypotrimma
Plat principal : pintade sauce numide, porc à la belle myrte, lentilles à la coriandre et à la menthe.
Desserts : patina de poires, apothernum et pêches au vin et à la menthe.
Des titres surprenants, non ? Les compositions sont savantes et complexes, Hélène nous indique à quel moment il faut boire et dans quel ordre les mets doivent être consommés. Le pain servi est également remarquable.
A la fin du repas Renzo rejoint sa femme et se prête aux questions nombreuses que les convives posent. Ils sont ravis, ils ont tout goûté et apprécié, même si parfois les saveurs étaient étranges. Hélène et Renzo sont heureux de leur succès. Mais ils avouent être fatigués par ce labeur énorme et si, d’aventure vous étiez tentés de prendre le relais…. la Comminges, est une belle région.
Maryse Verfaillie
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