Café géo du 21 octobre 2015
par Virginie Chasles
Ce mercredi 21 octobre, nous accueillons au café de la Cloche Virginie Chasles, maître de conférences en géographie et aménagement à l’université Lyon 3 et spécialisée dans les questions de santé. Elle étudie plus particulièrement le lien entre genre et santé (place des femmes dans le système de santé, genre et accès aux soins). L’Inde est un pays qui lui tient tout particulièrement à cœur puisqu’elle y a mené, pour sa thèse de doctorat, une étude sur la maternité[1]. Elle vient également de collaborer au nouveau manuel sur l’Inde paru chez Armand Colin (L’Inde, une géographie) sous la direction de Philippe Cadène et Brigitte Dumortier, pour un chapitre sur les questions de santé.
Préambule
Virginie Chasles tient d’abord à souligner un paradoxe concernant l’Inde. Ce pays connaît en effet une croissance économique des plus importantes depuis le début des années 1990. Ce décollage est né de la crise de la balance des paiements en 1991. Celle-ci a nécessité l’intervention du Fonds Monétaire International qui a contraint l’Inde à appliquer une politique d’ajustement structurel. Cette politique a mené à la libéralisation dans tous les domaines, enclenchant le décollage économique du pays.
Economiquement donc, l’Inde paraît puissante : son taux de croissance annuelle a stagné autour de 8% dans les années 2000 puis a légèrement diminué dans les années 2010 mais en restant toujours autour de 5%. Aujourd’hui il augmente de nouveau et rattrape le taux de croissance chinois. Pourtant, cette puissance n’apparaît pas aussi nettement à la lecture des indicateurs de développement. Aurait-on, en Inde, une croissance sans développement ?
La santé constitue un bon indicateur de développement des individus et des territoires car elle est influencée par une multiplicité de facteurs : la classe sociale, le niveau d’éducation, la caste, la religion, les comportements individuels… ainsi que toutes les données classiques (accès à l’alimentation, qualité de l’habitat, des services, de l’environnement…). Tout cela donne à lire des éléments liés au développement.
Partant de paradoxe d’une croissance sans développement, cette présentation aura deux objectifs :
- dresser l’état des lieux de l’état de santé en Inde à travers l’étude de l’évolution des indicateurs, ce qui permettra de mettre en évidence les inégalités sociales et territoriales qui traversent le pays,
- inverser le regard : voir comment la santé peut être moteur de croissance économique et participer à l’amélioration du niveau de développement.
Des progrès significatifs qui restent insuffisants
- Depuis 1947, certains indicateurs montrent une amélioration
- L’espérance de vie a été multipliée par deux depuis l’indépendance, passant de 32 ans à 66 ans. L’augmentation la plus forte a cependant eu lieu avant les années 1990 et le décollage économique. Depuis cette période, l’espérance de vie est toujours en augmentation mais à un rythme plus lent (alors que la croissance est plus forte). La marge de progression reste encore importante et l’espérance de vie en Inde est encore en-dessous de la moyenne mondiale (69 ans).
- La mortalité infantile, autre indicateur particulièrement significatif, a elle fortement diminué : elle a été divisée par 5, passant de 180‰ à 42‰ depuis 1947. Là encore, cependant, on observe une diminution plus lente depuis les années 1990. La marge de progression est également très importante (à titre de comparaison, la mortalité infantile en France est de 3‰). Le taux de mortalité infantile de l’Inde est 3 fois plus important que celui de la Chine ou du Brésil.
Malgré ces améliorations, si l’on replace l’Inde parmi BRICS dont elle fait partie ou si on compare certains indicateurs à ceux des pays voisins, il apparaît que l’Inde ne se classe pas dans les premiers. En effet, l’Inde est toujours la dernière en termes d’indicateurs sanitaires parmi les BRICS et si on la compare au Bangladesh, on constate que, bien que l’IDH de l’Inde soit plus élevé, beaucoup d’indicateurs sanitaires sont meilleurs au Bangladesh. L’Inde, depuis l’indépendance, a réalisé d’indéniables progrès mais ils demeurent moins conséquents que ce que l’on aurait pu attendre. En outre, depuis le décollage économique des années 1990, ces progrès se font à un rythme plus lent. Certains indicateurs n’ont même pas ou peu évolué depuis les années 1990. Ainsi, la proportion d’enfants en état d’insuffisance pondérale est toujours de l’ordre de 40 à 42%. Le taux d’enfants souffrant d’anémie est même en augmentation : l’anémie concerne 80% des enfants de moins de 3 ans, contre 70% au début des années 1990.
- Des inégalités qui se creusent entre territoires et individus
- En examinant l’espérance de vie à l’échelle des Etats, on constate un écart de 12 ans de différence entre le Kerala (Etat le plus socialement développé) et l’Assam. Cette observation met en évidence la dissociation qui apparaît généralement entre l’Inde du Nord et l’Inde du Sud. Dichotomie qui coïncide avec une structuration sociale et des référents culturels différents du fait notamment d’origines de peuplement différentes: au Nord, de peuplement aryen marqué par le brahmanisme, le statut de la femme et les indicateurs de développement sont moins favorables comparativement au Sud : Part de population vivant en-dessous du seuil de pauvreté : plus importante au Nord et Nord-Est
- Mortalité infantile : diminue fortement dans certains Etats du Sud (actuellement 12‰ dans le Kerala) mais beaucoup moins au Nord (60‰ dans le Madhya Pradesh)
- Mortalité maternelle : plus faible dans les Etat du Sud. 80 décès pour 100 000 naissances vivantes dans le Kerala contre 400 dans l’Assam. Elle demeure cependant, à l’échelle de l’Inde, à un niveau anormalement élevé : 212 décès pour 100 000 naissances vivantes contre 69 au Brésil et 32 en Chine. Cet indicateur est influencé par des variables classiques (accès aux soins…) et donc nous renseigne sur ces dernières, mais également sur le statut de la femme.
Le contraste Nord / Sud se double d’un contraste urbain / rural (ainsi, par exemple, le taux mortalité infantile est de 27‰ dans l’espace urbain contre 40‰ dans l’espace rural), ainsi que de très fortes inégalités sociales (le taux de mortalité infantile le plus important est mesuré dans les basses castes où elle atteint 60‰ et de même, le nombre de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté est plus important chez les Dalit[2]). Si l’ensemble de ces indicateurs progresse, les inégalités sociales et territoriales, quant à elles, se creusent en même temps que l’Inde émerge d’un point de vue économique.
Le fait que l’amélioration des conditions ne touche qu’une partie de la population conduit à la mise en place d’un double tableau épidémiologique : en effet, des maladies du développement sont apparues tandis que se maintiennent un certain nombre de maladies de la pauvreté. La nouvelle classe moyenne indienne (8 à 10% de la population) qui s’est développée en ville est beaucoup plus sédentaire et a un niveau de consommation plus élevé. De ce fait, elle est touchée par les maladies chroniques et autres syndromes tels que les cardiopathies, l’obésité ou encore le diabète. Le reste de la population reste très touché par les maladies infectieuses et parasitaires liées à la précarité des conditions de vie et à l’insalubrité de certains milieux de vie.
Le contexte structurel, quant à lui, est aussi plus ou moins favorable. Il est intéressant d’étudier le ratio de médecins par habitants. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, il est nécessaire d’avoir un médecin pour 1000 habitants. A l’échelle mondiale, ce ratio est de 1,5 médecin pour 1000 habitants. En Inde, il est de 0,6. Ces médecins sont, en outre, concentrés dans les villes alors que 70% la population indienne vit à la campagne. Là encore, si le ratio n’est satisfaisant dans aucune région de l’Inde, il est encore plus défavorable dans les Etats du Nord-Est. Le nombre de médecins, cependant, n’est pas un indicateur suffisant. Il faut également prendre en compte la qualité des soins. Or celle-ci n’est en grande majorité pas satisfaisante dans les établissements publics. Elle est bien meilleure dans les établissements privés mais ceux-ci ne sont pas accessibles à la majorité de la population n’ayant pas les moyens financiers nécessaires pour payer les soins.
Cette médecine allopathique, préférée par 90% des Indiens est donc soutenue par la médecine traditionnelle ou médecine AYUSH (Ayurveda, Yoga et Naturopathie, Unani, Siddha et Homéopathie) qui compense les manques de l’offre publique. Le ratio de médecins AYUSH par habitant est beaucoup plus élevé dans les régions les plus déficitaires en offre allopathique.
On peut donc dire que, si la croissance économique est importante, les bénéfices sociaux restent modestes. La « croissance sans développement » illustre une réalité locale.
Le secteur santé peut-il être moteur de développement économique ?
Il est évident qu’une population en bonne santé permet un accroissement de la richesse puisque ce sont les individus dans la force de l’âge et en bonne santé qui constituent la population active, mais la santé elle-même peut constituer un secteur économique.
Il est à noter que l’émergence de l’Inde n’a pas suivi le modèle classique du passage du secteur primaire au secteur secondaire puis tertiaire. L’Inde est en effet passée directement du primaire au tertiaire (en se spécialisant notamment dans les activités à forte valeur ajoutée telles que l’informatique).
Des choix de secteurs de développement ont alors été faits, dans des domaines technologiques encore peu occupés par la concurrence :
- Depuis les années 1990 : spécialisation dans l’industrie pharmaceutique. L’industrie du médicament constitue un potentiel de développement du fait de la croissance démographique mondiale, de l’amélioration des conditions de vie et du vieillissement de la population qui l’accompagne. L’Inde est ainsi devenue le 3ème pays en termes de volume de médicaments produits (13ème en termes de valeur), le 1er producteur et exportateur de médicaments génériques et le 3ème pays pharma-émergent après le Brésil et la Chine.
- Depuis les années 2000 : développement du « tourisme médical ». Cette forme de tourisme concerne les patients qui vont se faire soigner en-dehors de leur pays de résidence. Depuis le début des années 1990, on note une forte demande des pays développés dans ce domaine et une constante augmentation des touristes médicaux et ce, pour différentes raisons : pour certains, c’est un moyen de contourner la législation (notamment pour ce qui concerne la Procréation Médicalement Assistée et la Gestation Pour Autrui), pour les Américains, c’est une question de coût des soins, pour les Britanniques cette forme de tourisme est motivée par la longueur des temps d’attente pour obtenir des rendez-vous en Grande-Bretagne… Face à cette nouvelle demande, l’Etat indien a décidé d’investir. Dans certaines grandes villes telles que Bombay, Calcutta et Madras, des hôpitaux de luxe ont été construits. Ce sont des sortes d’hôtels 5 étoiles disposant de tout le matériel et de toutes les compétences nécessaires pour retenir la population la plus riche et attirer les étrangers fortunés (à qui l’on accorde facilement des visas médicaux). Ce sont environ 150 000 patients internationaux qui viennent ainsi se faire soigner chaque année (chirurgie cardiaque, prothèses…) dont beaucoup d’Indiens de la diaspora, 12% d’Occidentaux et, depuis 2001, de plus en plus de ressortissants des pays du Golfe qui allaient auparavant se faire soigner aux USA. Ces dernières années, le « tourisme procréatif » connaît une augmentation importante en raison de son coût défiant toute concurrence (low cost de la GPA).
- L’Inde est connue pour être le « bureau du monde ». C’est également vrai dans le domaine médical puisqu’elle sous-traite un certain nombre de prestations, notamment l’analyse d’imagerie médicale et la retranscription de comptes-rendus médicaux envoyés par internet. Elle dispose pour ce faire de trois atouts majeurs : être un pays de langue anglaise, avoir de faibles coûts de main d’œuvre et un décalage horaire par rapport aux pays occidentaux qui permet à ceux-ci d’envoyer les données le soir et de récupérer le travail le lendemain matin.
Cette spécialisation de l’Inde dans le secteur de la santé a pour corollaire des migrations internationales des personnels de santé. En effet, au lendemain de l’Indépendance (1947), Nehru a essayé de développer l’enseignement supérieur, dont les écoles de médecine. Les nombreux médecins formés se sont ensuite inscrits dans les migrations internationales. Ainsi, 12% des médecins de Grande-Bretagne, par exemple, sont d’origine indienne. De plus en plus d’infirmières partent également exercer dans les pays du Golfe (essentiellement depuis le Kerala où il existe une tradition migratoire vers les pays du Golfe). Ces personnels de santé restent très liés à leur pays d’origine. La diaspora constitue une véritable manne financière et participe à la croissance économique (une part importante du PIB de l’Etat du Kerala vient des sommes envoyées par la diaspora). On note cependant un changement ces dernières années : alors qu’auparavant, un nombre important de médecins partaient travailler à l’étranger, on assiste aujourd’hui au retour de certains d’entre eux, du fait des opportunités professionnelles désormais offertes par l’Inde émergente (lié au développement des hôpitaux de luxe).
La contribution du secteur de la santé à l’économie nationale commence à peser. Il ne faut cependant pas oublier le revers de la médaille : si la médecine allopathique à destination d’une élite fortunée s’est grandement développée, l’accès aux soins, aux médicaments ou aux traitements préventifs tels que la vaccination reste très généralement insuffisant pour la grande majorité de la population.
Bilan
Les résultats de l’Inde dans le domaine de la santé n’ont pas été à la hauteur des attendus. La progression est continue mais se fait à un rythme lent tandis que les besoins grandissent. On risque ainsi la saturation du système, d’autant plus que le vieillissement de la population arrive et avec lui une augmentation des besoins.
La transition sanitaire est elle aussi en train de s’amorcer : des maladies chroniques apparaissent qui nécessitent plus de soins. La croissance rapide de la classe moyenne engendre elle aussi de nouveaux besoin avec une population plus exigeante.
L’amélioration des conditions de santé suppose donc que la croissance économique continue d’être à un niveau satisfaisant et que l’Etat continue d’investir dans le domaine mais le nouveau gouvernement a justement décidé une baisse de 20% des dépenses dans la santé. Les inégalités risquent donc de se creuser et de contraindre les dynamiques de développement.
Questions
Qu’en est-il de la couverture santé en Inde ?
V.C. : Il s’agit d’un secteur très émergent qui n’est accessible qu’aux plus riches. L’Inde est en cela bien moins développée que le Brésil par exemple.
Qu’est-ce qui explique la disparité territoriale dans le ratio de praticiens AYUSH (plus nombreux au Nord qu’au Sud) et comment se fait-il que cette médecine résiste à la médecine allopathique ?
V.C : Il n’y a pas vraiment de résistance de la médecine AYUSH. Elle est surtout liée à la déficience de la médecine allopathique. Les Indiens ne font pas le choix de la médecine AYUSH plutôt qu’allopathique, ils subissent. L’offre de soins allopathique est recherchée par la population mais ils n’ont pas les moyens d’y accéder. La géographie Nord/Sud que l’on a dégagée est effectivement inversée en ce qui concerne la médecine traditionnelle. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le Nord regroupe les Etats dits « BIMARU » : ce mot signifie « malade » en hindi et est ici un acronyme faisant référence à des Etats du Nord (Bihar, Madhya Pradesh, Rajasthan, Uttar Pradesh) malades socialement et économiquement.
Y a-t-il un recrutement du personnel médical particulier à certaines castes ? Quel est le rapport entre la médecine et le système de castes ?
V.C. : Il faut savoir qu’en Inde, les professions médicales sont très peu valorisées car tout ce qui émane du corps est considéré comme polluant, tout comme le contact d’un corps d’un niveau de pureté inférieur au sien. Les médecins ne touchent d’ailleurs pratiquement jamais les patients. Ce sont plus souvent les infirmières qui font les gestes médicaux qui impliquent le toucher. Entrent ainsi en ligne de compte, dans le domaine médical, des logiques de genre, de caste et de religion.
Y a-t-il des mouvements citoyens pour garantir l’accès aux soins, notamment pour militer pour la distribution de la surproduction de médicaments génériques ?
V.C. : Cela reste très problématique car le secteur privé est incontrôlable. L’Etat encourage la distribution des médicaments et tente d’inciter les médecins à rester en Inde mais cela ne va pas beaucoup plus loin. Il ne faut pas oublier que si l’Inde est performante dans l’industrie pharmaceutique, c’est aussi parce qu’elle dispose d’une population nombreuse qui peut se livrer aux essais cliniques.
L’accès aux soins est-il le même pour les hommes et les femmes ?
V.C. : Les hommes ont davantage recours aux soins à la fois en raison de considération sociales (leur statut est supérieur à celui des femmes) et économiques (ils doivent être en bonne santé pour pouvoir travailler et faire vivre le foyer). Les femmes, quant à elles, ont recours aux soins surtout si la pathologie dont elles souffrent a un impact sur la communauté (en cas de difficultés de grossesse par exemple). Si la pathologie qu’elles présentent ne concerne qu’elles, elles ont un moindre recours aux soins.
Est-on toujours au point mort en matière d’assainissement de l’eau ?
V.C. : Les actions entreprises dans ce domaine existent mais restent insuffisantes. La population vient tout faire dans les fleuves : lessive, toilette, ablutions rituelles… On y rejette également les eaux usées. Aujourd’hui subsistent en Inde, du fait de l’insalubrité de l’eau, un grand nombre de pathologies qui devraient avoir disparu (choléra par exemple). Le problème de la pollution de l’eau n’est pas exclusif aux villes les plus anciennes ni aux classes sociales les plus pauvres. On peut ainsi prendre l’exemple de la ville-nouvelle de Gurgaon. Dans cette ville la structuration sociale est très forte mais les problèmes liés à la mauvaise qualité de l’eau touchent toute la ville, y compris les lieux qui concentrent la richesse.
La médecine AYUSH permet-elle de corriger les disparités entre genres ?
V.C. : Probablement. Les médecins traditionnels sont convoqués pour les problèmes de stérilité ou de fécondité (par exemple lorsqu’un couple ne donne naissance qu’à des filles et souhaiterait avoir un garçon) mais on y a recours surtout pour satisfaire des croyances.
Une femme peut-elle être médecin ? Laisse-t-on la profession d’infirmière aux femmes justement en raison de cet interdit de manipuler les corps ?
V.C. : Il est possible à une femme d’être médecin mais elles restent rares et exercent surtout dans les grands hôpitaux des grandes villes. Peu de femmes médecins partent à l’étranger même si cette tendance commence à augmenter. En Inde, elles peuvent facilement être victimes de sexisme et de harcèlement sexuel au travail. Il y a par contre des flux croissants d’infirmières (originaires principalement du Kerala) en direction des pays du Golfe. Un homme, pour sa part, est rarement infirmier.
Assiste-t-on à un développement de la télémédecine ?
V.C. : Pas encore pour la bonne raison que tous les villages n’ont pas encore l’électricité. (90% l’ont) ou du moins pas en permanence. Il y a encore moins de raccordements à la téléphonie ou à internet et, dans les endroits où le village est raccordé, il n’y aurait pas nécessairement de médecin derrière l’ordinateur. Ce qui a augmenté est la couverture en téléphonie mobile. Cela permet a minima d’appeler l’hôpital pour avoir un avis.
Y a-t-il un effort du gouvernement pour empêcher le pillage des savoirs ancestraux ?
V.C. : La médecine AYUSH fait partie de l’identité indienne, dont hindoue. Il s’agit d’un élément culturel très fort, qui, depuis les années 1990, bénéficie de nouvelles attentions de la part de l’Etat qui souhaite tout à la fois le préserver et le développer (en ouvrant par exemple de nouvelles écoles de médecines traditionnelles). Depuis l’an dernier, des mesures de protection et de développement de la médecine traditionnelle ont été de nouveau prises. On note par exemple la mise en place d’une journée internationale du yoga[3].
Les médecines traditionnelles indiennes véhiculent une image de bien-être. Qu’est-ce qui est offert au touriste : de la médecine ou des soins ?
V.C. : Il s’agit d’une offre de bien-être plus que thérapeutique. Les Occidentaux se sont appropriés plus particulièrement la médecine ayurvédique et le yoga.
L’Inde est utilisée comme décharge par les pays occidentaux : assiste-t-on à l’émergence de problèmes de santé spécifiques qui en découleraient ?
V.C. : Ce phénomène de délocalisation du retraitement des déchets est assez récent. Il ne date pas de plus de 20 ou 30 ans. Il y a en Inde un problème culturel de gestion des déchets. Il n’y a pas de problème d’insalubrité à l’intérieur des maisons, même dans les bidonvilles. En revanche, l’espace public est considéré comme impur et on y accumule les déchets. Etant donné la masse démographique, on imagine sans peine l’ampleur du problème. Ce sont les principales problématiques de santé liées à la gestion des déchets même s’il est vrai que nouvelles problématiques apparaissent qui sont liées à l’exposition aux matières polluantes.
Ce problème de gestion des déchets existe-t-il également dans les villes nouvelles ?
V.C. : Dans les villes nouvelles, tout est propre car ces villes jouent le rôle de vitrine de l’Inde à l’échelle mondiale et qu’elles concentrent beaucoup d’expatriés. Mais dès que l’on franchit les portes de la ville, on se retrouve face à des montagnes de déchets. Il n’y a pas de gestion des déchets. Ils sont simplement jetés plus loin.
Quel est le rôle du système fédéral dans la mise en place des politiques de santé ?
V.C. : Les politiques de santé sont décidées à l’échelle nationale. Des enveloppes sont ensuite données aux Etats pour la mise en place de ces politiques mais il règne encore une forte corruption et les fonds sont souvent détournés. Il y a donc des inégalités dans l’application des politiques qui se traduisent par les inégalités que nous avons pu constater plus tôt.
Compte-rendu réalisé par Marie-Hélène Chevrier relu et amendé par l’intervenante.
[1] Pour plus d’informations sur la question de la maternité : CHASLES V., (2002), « Entre sacralité et impureté, l’ambivalence de la maternité en Inde », Espace, populations, sociétés, vol.20, n°3, pp.387-396
[2] Intouchables : condition sociale la plus basse en Inde
[3] La première a eu lieu le 21 juin 2015
Bonjour,
Concernant votre partie sur « Des inégalités qui se creusent entre territoires et individus »
notamment sur le taux de mortalité et le contraste nord/ sud et rural/ urbain. pouvez-vous me dire vos sources de vos chiffres? Banques mondiale, OCDE?
merci de votre réponse,