Jovan Cvijic (1865-1925) a joué un rôle central dans la géographie serbe puis yougoslave, au début du XX° siècle.
Il avait reçu sa formation géographique à Vienne. Il fut d’abord un spécialiste du karst et en fixa la terminologie : c’est à lui qu’on doit les termes de polje, doline, ouvala. Avant 1912 il parcourut en tous sens les pays serbes et bulgares de la Péninsule des Balkans. En témoigne ici un bas-relief en bronze de sa maison-musée de Belgrade, où il chevauche les montagnes de son pays équipé de rouleaux de cartes. Figure typique du géographe-voyageur du XIX° siècle.
Nommé en 1893 professeur de géographie à ce qui devait devenir l’Université de Belgrade, il s’intéressa alors à l’ethnographie des Balkans et spécifiquement aux mouvements séculaires de ses populations qu’il appelle « métanastasiques ». il travaille alors aux limites de la géographie et de l’ethnologie. Et son travail reflète aussi ses préoccupations nationalistes.
Contraint de quitter la Serbie envahie par les troupes autrichiennes et bulgares, il fut accueilli à la Sorbonne en 1917 où il dispensa son enseignement sur les Balkans.
Il y rédigea en français son œuvre maîtresse : « La péninsule balkanique, géographie humaine » (Armand Colin 1918).
Dans son introduction il dit sa dette à l’égard de Gallois et Vidal de la Blache et plaide l’indulgence du lecteur, car il n’a pu emporter les documents dont il avait besoin.
Le dessin ci-dessus qui figure dans cet ouvrage reflète l’influence de de Martonne, qui venait lui-même de terminer sa thèse sur la Valachie. Il est probablement réalisé d’après une photographie. Il s’agit d’expliquer la répartition spatiale des villages.
Le soubassement géologique est indiqué dans la légende et non pas dans une coupe. Il s’agit en effet d’expliquer non pas les formes du relief mais la logique de distribution de l’habitat rural, c’est-à-dire leur distribution par rapport aux terrasses et cônes de déjection.
La vallée du Vardar supérieur ou Polog était alors serbe depuis 1912 et la première Guerre balkanique. Elle est aujourd’hui située dans la République de Macédoine, depuis l’indépendance de cette dernière, proclamée en 1991.
Cette vue oblique de Google Earth reprend presque parfaitement le dessin de Cvijic. La ligne droite centrale est celle d’une ligne de chemin de fer, déjà visible sur le dessin et qui évite les villages. Un habitat plus récent est venu s’agglomérer là.
Jovan Cvijic ne mentionne pas le nom du dessinateur de ses croquis dont la plupart représentent l’habitat rural des régions qu’il a parcourues. La signature du dessinateur apparaît dans ce dessin d’une maison proche de Belgrade. Il s’agit d’une maison à cheminée dite kapic, au chapeau cylindrique en bois.
Jovan Cvijic, fervent défenseur de la cause serbe, joua un rôle fondamental dans la rédaction des traités qui réglèrent la fin de la Première Guerre Mondiale, en tant que président de la commission des experts scientifiques serbes à la Conférence de la paix.
Michel Sivignon, Roland Courtot, Janvier 2015