(Paris, 15.09/17.12.2017)
J’ai découvert l’œuvre de Zorn à l’occasion de cette exposition, et ne me prononcerai pas globalement sur elle, car ce n’est pas une exposition remarquable par ses rapports avec la géographie. Anders Zorn (1860-1920), peintre suédois d’une très grande prolixité, connu pour sa grande maitrise des différents medias (huile, aquarelle, dessin, gravure, sculpture …), a surtout excellé dans le portrait et dans les paysages aquatiques. Bien sûr les atmosphères naturelles de la mer, de la côte et des reliefs de la Suède intérieure sont rendus magistralement dans certaines des œuvres exposées, mais c’est dans les scènes de la vie paysanne qu’on peut voir quelques œuvres stimulantes pour une analyse géographique. Zorn a passé son enfance à Mora, dans la région rurale de Dalécarlie, au milieu des paysans et des paysannes : il y est souvent revenu et s’est fait construire plus tard une maison dans laquelle il a fait de longs séjours, peignant les paysages et les gens autour de lui. D’où un grand nombre de tableaux de sujet « rural », de scènes des genres de vie paysans. Parmi eux j’ai retenu « Mora, Marknad » de 1892.

Marché à Mora 1892 Anders Zorn (huile sur toile, 133 x 167,5 cm, collection particulière)
Le titre ne désigne que le lieu où la scène aura pu être observée par le peintre : le marché de Mora, bourgade de la Dalécarlie, sur le versant est de la chaîne des Alpes scandinaves. En fait, ce qu’on voit, c’est une scène à deux personnages, qui aurait lieu à l’écart pendant le marché : en bas d’un grand pré, une jeune femme attend, assise dans l’herbe à côté d’un homme affalé à ses pieds, face contre terre, tandis que des gens, des animaux et des charrettes vont et viennent à l’arrière plan, vers et sur la place du village, devant l’église, là où le marché a lieu. On peut donc penser, à voir l’expression du visage de la femme, que le jeune homme (son mari ?) s’est saoulé et qu’il est ivre mort, étendu dans l’herbe. Le visage féminin ouvert (certainement celui d’une modèle du peintre lors de ses séjours à Mora, car on retrouve son personnage dans d’autres tableaux réalisés sur ce thème de la vie paysanne) reflète des sentiments contradictoires : résignation, mais peut-être aussi vexation, désarroi, devant la situation à laquelle elle est réduite, attendre que son « homme » soit dégrisé et capable de reprendre avec elle le chemin du foyer (?). Et cela dans l’indifférence de la foule qui passe, va et vient sans se préoccuper du drame familial qui se joue dans le pré voisin.
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