61 : Saint-Dié-des-Vosges : que d’énergie !

Le courrier de Cassandre n°61 pour une carte du Monde nouvelle, pour une géographie « curieuse » vous est offert ce 13.10.07 par les cafés-géo.

Par la volonté d’un anticyclone puissant venu des Canaries sans souci des frontières, le beau temps chaud régnait de manière imprévue à Saint-Dié pour le FIG, le festival de géographie du 4 au 7 octobre 2007. Ordre naturel du monde ou produit du réchauffement climatique ? Les pays les plus riches de notre planète aimeraient bien se donner un rôle dans un domaine qui les dépasse encore, quoi qu’ils en pensent : ils s’imaginent qu’ils réchauffent le monde ! Ce que c’est que l’ego ! Néanmoins, qu’il était bon, assis en chemise ou en décolleté aux terrasses soudain tropéziennes des bords de Meurthe, de disséquer doctement des « problèmes » de l’énergie, même si beaucoup en parlaient de manière si littéraire qu’on les aurait désarçonnés en leur demandant de fournir sur le champ la différence entre le joule et le watt. What ?

De manière inévitable, tant les pesanteurs des comportements sexuels sont grandes (ce que les géographes appellent pudiquement – pourquoi ? – la démographie !), notre planète devrait porter en 2030 environ huit milliards d’individus, deux milliards de plus qu’aujourd’hui. Quel est l’imbécile qui peut sérieusement imaginer que ces huit milliards-là n’auront pas envie de jouir au minimum du niveau de vie dont nous disposons aujourd’hui dans les pays riches ?

Cela n’empêche pas les « politiquement corrects » et ceux que Cassandre appelle les « soft gnangnan » de multiplier les appels à la mesure pour calmer l’angoisse des foules gavées, les nôtres. Au point de faire semblant de manger moins de hors-d’œuvre à midi pour réduire leur consommation / émission calorique et participer ainsi au sauvetage de la planète. On pourrait même leur dire : Make love, not war !, si seulement il était vrai que faire l’amour ne produit pas de l’énergie, donc du réchauffement !

Cassandre cependant ne veut pas rester à l’écart de ces comportements vertueux et insiste pour participer au désir / plaisir de contribuer aux propositions d’économies d’énergie dont les participants au festival n’ont pas été économes. C’est pourquoi elle propose à tous les géographes des solutions imparables en faveur d’une réduction progressive de notre gloutonnerie énergétique. Pour commencer : ne tenir le festival de Saint-Dié que tous les deux ans, puis tous les quatre ans. Ensuite, transformer le festival du niveau international (ce qui coûte cher en énergie de transport) au niveau national, puis de national à régional. Enfin, le réduire à la seule ville de Saint-Dié, pour aboutir au seul bureau de son maire-fondateur. Que d’énergies économisées !

Comment communiquerait-on ? Simple, aussi simple que certains des discours que Cassandre a pu entendre. Mettre un panneau solaire sur chaque ordinateur de participant potentiel. Installer un vélo d’appartement à côté, branché sur un accumulateur, pour le travail et l’éclairage de l’écran de nuit. Faire pédaler les communicants, selon le modèle des Shadocks et des Gibis, qui a fait ses preuves. Tenir sur le web des réunions virtuelles lors desquelles qui ne pédale pas ne parle ni n’entend. Les pédaleurs pourront ainsi, y compris en discourant de choses auxquelles ils n’entendent guère, participer au sauvetage de la planète et de leur environnement. En outre, ce qui n’est pas le moindre des avantages, ils pourront continuer à entretenir la bonne idée qu’ils ont d’eux-mêmes, et donc dédaigner mieux encore les réalités du monde tel qu’il est.

L’ennui d’une telle proposition, c’est qu’il faudrait que Cassandre conduise une mutation de son vélo. Il ne semble pas que, comme bien d’autres, elle en ait la moindre envie. C’est comme pour le FIG : pourquoi ne pas y aller tous les ans ? Tant qu’on y fait des rencontres fortuites, souvent riches de sens (ah ! les sens…), pourquoi donc les rendre quadriennales ?

Cassandre

Carte postale du Pinde (Grèce)

Le pope aux fourneaux, le barman chez les moines

 

La taverne, le pope et sa femme Photo : Michel Sivignon (juin 2007)

La taverne, le pope et sa femme
Photo : Michel Sivignon (juin 2007)

Nous fûmes dans le Pinde, « rocs inaccessibles et précipices affreux ».

A Mouzaki on nous avait dit de nous arrêter à l’hôtel de Pétrilon dont on nous garantissait le confort. On est passé devant sans le voir. Arrivés au village, on demande où manger et on nous a dit que deux km plus loin, juste après la fin de la route goudronnée, il y avait un bon restaurant. On a du bien faire 5 km au-delà du goudron sur une route déserte et on a découvert une superbe bâtisse en surplomb sur la rivière avec un grand parking et des tas de voitures. De part et d’autre de la porte des grandes couronnes mortuaires accrochées sur des piquets. Le patron est sorti pour nous dire qu’il regrettait mais que c’étaient les obsèques de son père. Il nous a conseillé d’aller juste un tout petit peu plus loin dans un village au-dessus de la route.

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Carte postale du Hoggar

Le matin du monde

carte-postale-hoggar

      Hoggar, Avril 2006.

Un paysage rudéral se répète d’instant en instant et de pas en pas jusqu’à l’obsession. Cailloux, blocs, rochers, graviers, sables et rocailles à perte de vue : rien qui fixe l’attention dans ce vide primordial, mais le regard est prisonnier d’un chaos minéral et monochrome de laves sombres et d’arène bistre, ponctué d’ombres noires. Du col de Téhen Tarit, il plonge vers le fond d’un chaudron calciné par un feu disparu et un soleil tout-puissant. Cette vision d’outre monde est une expérience du sublime : je marche sur la croûte terrestre.

Selon Hésiode, le Chaos de la cosmogonie grecque fut le premier être, qui enfanta d’abord Erèbe et Nyx, l’Obscurité et la Nuit, avant Gaïa, la Terre. « Au commencement, dit la Genèse, Dieu créa le ciel et la terre : or la terre était informe et vide et les ténèbres couvraient l’abîme ». Une même formulation des origines inaugure les deux mythes : la béance du gouffre, le défaut de lumière, l’absence de formes, le noir sans couleur. L’enfer ? « Non, me dit Maryvonne émerveillée, c’est le matin du monde ».

Jean-Marc PINET.

La mondialisation de la finance ou un bien curieux match Chine – Etats-Unis

Pour cette rentrée 2006 qui s’ouvre à Saint-Dié sur l’Amérique, Gilles Fumey prévient : la géographie de l’argent et de la finance peut donner une idée de la position de l’Amérique dans le monde aussi bien qu’une géopolitique des Etats. Un sujet qui n’a pas intéressé beaucoup de géographes depuis Jean Labasse. Pourtant, quelle leçon que ce fordisme planétaire !

Parmi les ressources dont dispose le monde aujourd’hui, lesquelles sont rares et abondantes ? L’argent ou l’emploi ? A l’échelle mondiale, l’argent est très abondant, notamment parce que la dépression mondiale du début des années 2000 a été stoppée par une injection forte de liquidités. A la même échelle, l’emploi, lui, est autrement plus rare au point que les pays riches utilisent à plein régime l’immense cohorte de Chinois, et d’Asiatiques en général, qui offrent du travail à coût très faible. Du côté des riches, l’argent, du côté des moins riches, l’emploi. Ce Yalta économique du monde a été écrit et mis en œuvre par George Bush et Alan Greenspan qui a quitté la Réserve fédérale en janvier 2006. Ce tandem riches/pauvres sur lequel sont assis les Etats-Unis (devant) et la Chine (derrière) assure pour l’année 2007 toute l’énergie qu’il faut pour maintenir la croissance. Mais cet équilibre financier n’est atteint qu’en joignant les besoins des Américains (en argent) et ceux des Chinois (en travail). (suite…)

Miami International Airport

miami_airport

Qu’est-ce que j’attends ici?
Aéroport prêt-à-porter
Sans odeur, sans saveur, seulement propre
Dalles de plastiques brillantes. Duty free shops.
Où d’un bout du monde à l’autre, les alcools attendent dans les mêmes bouteilles,
Les cigares dans les mêmes boîtes, les parfums, les montres…
Boutiques du village planétaire.
Bourg fabriqué dont on sait tout avant d’y avoir mis les pieds
Un sas peut-être vers les paradis perdus, les eldorados
Les vagues irisées où la mer vire au turquoise
Les îlots de Key-West où Hemingway allait pêcher au tarpon.
L’Indien devant moi, casquette californienne à l’envers,
Reeboks blancs aux pieds, contemple la marque de ses chaussettes,
Satisfait.

Michel Sivignon
Miami Airport, Septembre 1996

Le Charolais-Brionnais, cinquante ans après

En 1953, dans sa thèse « Les capitaux et la région », Jean Labasse illustrait le rôle des capitaux régionaux dans la constitution des activités agricoles en développant l’exemple de l’élevage charolais. En 1956 je prenais contact scientifique avec le Charolais au cours d’une excursion d’étudiants de géographie dirigée par André Gibert.

Puis en 1958, je rédigeais sur ce sujet le mémoire destiné au Diplôme d’Etudes Supérieures et en 1960, la Revue de Géographie de Lyon le publiait en article, sous le titre « Elevage et embouche en Charolais-Brionnais ».

Cinquante ans après, les choses ont considérablement évolué.

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Carte postale de la Mer d’Aral

La Mer d’Aral asséchée, son exploitation touristique.
Rive sud, près de Mouïnak

Bonne carte postale.

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Parmi les navires échoués sur les sables qui ont remplacé la Mer d’Aral, celui-ci est le seul à être vêtu non pas de rouille mais de peinture beaucoup plus fraîche. C’est qu’il est devenu un prototype, utilisé pour reportages photographiques et émissions de TV. On l’a donc repeint pour améliorer les contrastes. Etait-ce à la demande des photographes et cinéastes ou à l’initiative des sociétés locales ? Ces dernières en ont profité pour changer le nom de l’épave. Initialement, elle s’appelait « République Kirghize ». Mais on ne se trouve pas ici sur le territoire de la république en question, devenue indépendante. On l’a donc rebaptisée « Karakalpakskaïa », du nom de la république autonome incluse dans l’Ouzbékistan, où est localisée l’épave. On ne va tout de même pas faire de la publicité pour les concurrents.

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Carte postale d’Ouzbékistan

Désert

kyzyl-koum

Kyzyl-Koum (Ouzbekistan), entre Khiva et Boukhara, 9 Juillet 2004 : le « désert rouge », fixé par des buissons de tamaris, sous un ciel bleu légèrement voilé au loin.

– Qu’est-ce c’est que cette chose-là ?

– Ce n’est pas une chose. Cà vole. C’est un avion (…)

C’est un biplan. Juste le temps de faire un cliché à travers les vitres de l’autocar, qui marbrent la photo et reflètent la tête du photographe.

– Comment ! Tu es tombé du ciel !

– Oui, fis-je modestement.

Non, je parcours fièrement une piste goudronnée quasi rectiligne sur 500 km, qui chevauche les dunes raides ou traverse ici d’immenses à-plats sableux, par 40° à l’ombre inexistante.

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Caïque à Volos

caique_1

La respiration du diesel
Haletant par la rouille du tuyau,
Battement d’un cœur après la course.
Les sacs humides jetés sur le pont,
Devant le cube de la cabine, jouet d’enfant.
Le ventre rouge de la coque chasse sur l’ancre
La chaîne crisse, les cigales grincent.
Trois heures. Le meltem s’est levé.

caique_2

Michel Sivignon, 29/07/1986

Chichicastenango samedi

chichicastenango

Tuiles creuses où poussent des touffes fleuries de jaune
Le crachin suinte sur les murs d’adobe
Les lanières de cuir sont tendues sur les fronts ; les muscles du cou se gonflent
Lourds filets de brocolis et de choux; paquets de bûches.
On dresse les piquets des étals du dimanche
Sur les marches qui montent à l’église des feux de braise
Une femme brûle du copal dans un pot de tôle; le ventail noircit.
Les cuisinières pressent les tortillas en frappant dans leurs mains
Un peuple silencieux bâche à la hâte les paniers de légumes et de tissus
Loupiotes des échoppes. La nuit remplit les rues.
La pluie ruisselle, soudain.

                                                             Michel Sivignon
septembre 1996

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