Le Dessin du Géographe N° 74

Les dessins que je vous présente ici sont tirés d’un document d’archive : le cahier de géographie d’un élève (ou d’une élève, le prénom « He » peut se lire « Hélène »)  de l’Ecole Normale primaire de Paris pour l’année scolaire 1883-84 dans la classe de Géographie, où la France et les Continents étaient au programme (Ce document m’a été confié pour lecture par un ami qui l’a trouvé chez un bouquiniste, et qui m’a autorisé à en reproduire les illustrations).

Le texte en lui-même est caractéristique de la géographie d’inventaire telle qu’elle était enseignée sous la 3e République : des nomenclatures, des lieux, des villes, des produits, des chiffres de population, etc…

Il n’y a pas de croquis de paysages tels que le dessin du géographe a l’habitude de vous les montrer, mais les cartes qui illustrent le cahier m’ont semblé représentatives d’une étape de la pédagogie géographique dans l’enseignement, une étape longue puisque je l’ai moi-même connue pendant mes années scolaires au cours moyen  en 1947-49.

Elles sont dessinées à la main, apparemment sans mise au carré , ce qui est un tour de force pour respecter les rapports de distance: Il y a bien parfois l’indication de méridiens et de  parallèles sur les côtés de certains croquis (la carte des côtes de la Manche, par exemple), mais rien de systématique. Aussi toutes les cartes ne respectent pas les proportions, et il n’y a ni échelle graphique ni échelle numérique (Pas plus qu’une orientation d’ailleurs).

Ces cartes sont de 4 types, dont voici un exemple de chaque :

1. carte de massif montagneux : les Alpes (collection privée, DR)

 

2. Un bassin hydrographique : celui de la Loire (collection privée, DR)

 

3. Une mer et une côte : la Manche (collection privée, DR)

 

4. Une région : la Bretagne (collection privée, DR)

Ces images parlent d’elles-mêmes (et nous ramènent, pour quelques un  d’entre nous, sur les bancs de l’école primaire) :

  • La qualité de l’écriture est évidente : les titres et les grands toponymes sont traités avec une plume large en pleins et déliés caractéristiques des leçons d’écriture du cours moyen, tandis que les autres toponymes sont traités avec une plume fine (peut-être une « gauloise » ou une « sergent-major » : je les cite parce que c’étaient les deux modèles que le maître nous distribuait au choix à l’école de garçons à Belfort)
  • Le relief est représenté par des lignes de crêtes traitées en hachures contraposées, ce qui est expressif pour le Jura et les autres « montagnes à chaînes », mais beaucoup plus discutable pour les massifs anciens (Vosges, Massif central…)
  • Le texte qui accompagne le croquis régional de la Bretagne est un bon exemple du caractère descriptif et énumératif du cours suivi par l’élève instituteur, en même temps que la traduction textuelle de ce que la carte nous montre.

Voici en contrepoint un croquis de géographie retrouvé dans un de mes cahiers du soir : classe de CM2, école primaire à Belfort, année scolaire 1948-49 :

Toujours pas d’échelle ni d’orientation, pas de légende non plus : les figurés, tirés du livre de géographie ou de l’atlas familial (Vidal de La Blache, évidemment) , étaient en quelque sorte consubstantiels de l’exercice en question. Vous constaterez que, comme les peintres de la Renaissance, les écoliers belfortains pratiquaient la mise au carré qui était la règle, facilitée par le quadrillage de la feuille du cahier. Le même figuré des lignes de crête était utilisé indifféremment pour les chaînons du Jura, les ballons des Vosges, et les fronts des cuestas de Lorraine et de Champagne ! (Sans le savoir, je m’appropriais par le dessin un type de relief que j’allais retrouver moins de 10 ans plus tard à la base des TP du certificat de « Géo géné » !)

Roland Courtot, septembre 2018