« La Grande Boucle, avec sa caravane, me fait penser à un western » Didier Daeninckx

« C’est la fête d’un été d’hommes, et c’est aussi la fête de tout notre pays, d’une passion singulièrement française » Louis AragonLe Tour en toutes lettres, ADPF.

« La géographie du Tour est entièrement soumise à la nécessité épique de l’épreuve » Roland Barthes, Mythologies, 1951.

« Quand le solstice d’été allume à l’horizon ses premiers feux, l’homme revient à un peu de géographie »
Jean-Louis Ezine, Le Nouvel Observateur, n° 2016

à P. R., et tous ces enfants devenus géographes grâce au Tour de France.

Pour tous les observateurs du sport dans le monde, le Tour de France est une énigme. Comment cette course de 1903, conçue pour concurrencer un journal, a-t-elle pu gagner ses marques de longévité et prendre cette ampleur qui en fait un événement sportif mondial chaque année, dans la presse européenne comme sur les radios et chaînes de télévision japonaise, américaines, africaines ? Comment cette compétition s’est enracinée dans les rituels nationaux, comment est-elle devenue un spectacle suivi, {de visu}, par des millions de supporters nationaux et étrangers qui se massent sur les lieux de la course et devant leur poste de télévision ? « C’est que l’épreuve est plus qu’une course, elle s’adresse à la conscience collective, à des références communautaires autant qu’à la curiosité sportive. Elle joue avec la géographie, les provinces, les frontières. Elle met en scène un espace-nation, un décor fait du territoire lui-même » (Vigarello, 1992-1, p. 884). Le Tour de France est bien plus que cela, mais il est {aussi }cela.

Le succès du Tour de France dépasse l’enjeu cartographique mais c’est bien sur la carte du Tour, publiée chaque année, que se construit une petite part de la mémoire de la France, une leçon annuelle de géographie nationale, qui borne et jalonne la France et ses voisins de repères symboliques, constitutifs de l’identité française et, peut-être un jour, européenne. Cette dramaturgie estivale est une lutte contre les reliefs et les éléments de la géographie française, avec un dosage subtil d’épreuves sur le plat et en montagne, si possible programmées dans les fins de semaine car elles sont les plus spectaculaires. Ses jalons étapes tendent un fil sur l’Hexagone d’environ 3 500 kilomètres qui dessine chaque année une silhouette enveloppante, celle d’un « tour » qui emprunte sa mythologie à l’histoire et qui offre une géographie idéale. Mais cette géographie est constamment en reconstruction : elle épouse les questions du temps et les aléas de l’Histoire. Elle fabrique pour les villes étapes un nouveau rapport à elles-mêmes et aux autres. Elle se trempe dans les montagnes qui valident les ressources des champions. La géographie du Tour est une construction mythique qui emprunte aux lieux et aux coureurs tous les ressorts d’une histoire qui étonne par sa dynamique.

Une géographie idéale

Le sol français est un espace sacré, conquis par les rois et défendu par les armées. Ses limites ont été investies autant par les savants euclidiens que par les monarques qui en faisaient le « tour », autant par les hussards de la République, tels Ferdinand Buisson (1887) décrivant une France « symétrique, proportionnée et régulière » que par Vidal de La Blache (1903) offrant à voir le puzzle du sol et l’absence de forme clairement définie du pourtour.

L’idée du « tour » ne naîtra pas de rien chez Henri Desgrange, l’organisateur de la compétition de 1903 à 1939. La création de l’Union vélocipédique parisienne en 1876 qui deviendra cinq ans plus tard, l’Union vélocipédique de France, enclenche des championnats à Paris, place du Carrousel, puis un Bordeaux-Paris en 1891 organisé par le Veloce Sport, suivi d’un Paris-Brest-Paris mis sur pied par Pierre Giffard du Petit Journal, soit 1200 km en une seule étape. Certes, il y eut bien les « chevaux factices », comme on appelle l’ancêtre du vélo, à Saint-Cloud en 1868, des compétitions à la Tête d’Or à Lyon et à Dijon, une première course de ville à ville, Paris-Rouen, en 1869, sur cent vingt-trois kilomètres, une griserie par la vitesse qui fait construire des vélodromes, des stades qui ne désemplissent pas. Toutes les villes d’Italie du Nord, d’Europe centrale , des États-Unis sont saisies par ce nouveau jeu. Le « plaisir exquis » d’aventure (Laget, 1990) fait s’élancer des courses de Paris vers la Bretagne en 1891, Ostende ou Nantes en 1892, vers Bruxelles et Clermont-Ferrand en 1893, vers Saint-Malo, Spa et Bar-le-Duc en 1894 avec des projets ambitieux d’un Paris-Saint-Pétersbourg par Vienne, un New York-Chicago de neuf jours. Théophile Joyeux fera en solitaire une première boucle de 4 429 kilomètres en dix-neuf jours. L’impôt vélocipédique de 1893 permet de recenser un million de Français qui pédalent comme Sarah Bernhardt, Toulouse-Lautrec, Zola, Clemenceau, Vuillard. Pierre Giffard, le dreyfusard, refuse dans son journal {Le Vélo} des publicités du comte de Dion du parti adverse, qui réplique en créant son journal{ L’Auto} confié à Henri Desgrange. Et c’est un sociétaire du Stade français, Géo Lefèvre qui lance l’idée d’un tour de France avec étapes coupées de jours de repos. Les six étapes du premier Tour totalisant 2 500 kilomètres font parcourir aux coureurs de L’Auto les trois-quarts de la France (Laget, 2003), donnant « à des populations entières qui n’en ont jamais vu, le spectacle de la plus belle manifestation du sport cycliste ». Les villes protestent parce que le Tour les néglige. La première épreuve, Paris-Lyon démarre le 1er juillet 1903 et si les parcours se font surtout de nuit, pour éviter la chaleur et faire en sorte de ne pas arriver la nuit (car les étapes très longues se font à une moyenne de 25 km/h, soit des journées de 18 heures de course !) « le succès populaire est énorme, et dans les plus petits villages, à 2 heures du matin, les habitants font la haie sur le pas de leur porte pour voir, dans les quatre phares puissants d’une automobile verte, gigoter une boule blanche nommée Garin » (Laget, 1990, p. 38). Ainsi, le Tour « réveille des centaines de kilomètres de pays endormi » (Desgrange, {L’Auto,} 20 juillet 1903).

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La course renoue avec le tour monarchique (Boury, p. 80) instauré à partir de Charles IX en 1562 sur une idée de François Ier (démonstration processionnaire), le tour des compagnons (parcours initiatique), le tour des deux enfants (parcours édifiant). Selon Vigarello (1992-1, p. 886), le Tour de France va tenir surtout du tour des compagnons qui lui fournit les étapes (Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et Nantes) et livre les coureurs à la débrouille (trois boyaux de rechange sur le dos et quelques outils) en leur rappelant cette « chevalerie errante de l’artisan » pour reprendre le mot de George Sand (1841, p. 3). Du journal des deux enfants, la course emprunte un souci de faire connaître le pays car elle traverse « les plus belles des régions que compte la France » (L’Auto, 9 juillet 1903, p. 1). Ce Journal (Bruno, 1877) est une aventure transformée en jeu pédagogique très connu grâce aux six millions d’exemplaires vendus. Les descriptions des villes du Tour ont tout de la nomenclature d’alors : Nantua « petite ville bien proprette baignant ses pieds au bord d’un lac majestueux » (L’Auto, 12 juillet 1909, p. 5). Plus ambitieuse est la force de progrès que L’Auto veut porter sur les lieux traversés, moralisatrice, hygiéniste avec des coureurs équipés de la « fée bicyclette » (L’Auto, 10 juillet 1911, p. 1), symbole de la vitesse et d’une certaine modernité.

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Le Tour est un moment d’appropriation symbolique du territoire national. La majorité des Français encore ruraux restent confinés dans leurs régions, prisonniers de la lenteur (Ollivro, 2000). Ceux qui rendent compte des parcours impressionnants tenus par les coureurs (2428 kilomètres en 1903) insistent sur le sentiment de vastitude, de fuite vers l’infini, sur la beauté hyperbolique (« somptueux décors », « rochers fantastiques » dans la presse) relayée par les écrivains (Troyat dans L’Auto, 16 juillet 1939, p. 4) et portée à la connaissance des touristes belges et hollandais. Tout ce que la France compte de seuils, d’accidents de terrain, de vallées encaissées va figurer dans un inventaire pittoresque du Tour : « à nous autres enfants du Midi, le « ballon d’Alsace » apparaissait comme un étrange caprice de la Terre. Comme si une montgolfière était venue se poser quelque part chez nous. Nous n’en eûmes connaissance qu’en deux circonstances, pendant nos cours de géographie à l’école primaire et à l’occasion du Tour de France. Les pavés de Roubaix étaient appréhendés par les coureurs et tout un peuple avait adopté l’expression connue « d’enfer du Nord » comme si cette région était, entre toutes, redoutable » (Sansot, p. 93). Les montagnes sont des lieux qui se gagnent par l’effort musculaire, l’énergie volontaire, la rage de vaincre mais elles peuvent être dramatiques là où les accidents sont vécus avec fatalisme. Mais surtout, elles sont les « remparts naturels de la France » selon les mots de Danton dans son Discours à la Convention (31 janvier 1793) et la géographie des confins y trouve ses limites : le sol national est ainsi borné. Enfin, passer dans une ville ou une région est toujours un prétexte pour rappeler les gloires locales ou s’immiscer dans une commémoration : « Vingt-sept kilomètres entre Versailles et les Champs-Élysées, associés aux Tuileries pour mieux commémorer le bicentenaire de la Révolution française » (Le Monde, 22 octobre 1988, p. 23). La palme des citations revient à Napoléon dont les batailles offrent de belles métaphores à ce qui se joue sur le bitume. Mais Jules César, Émile Zola, Victor Hugo, Jules Verne restent des valeurs sûres dans le panthéon du Tour.

Ainsi, le Tour de France se vit-il comme une pièce de théâtre grec, avec l’unité de temps, de lieu et d’action. Dans sa Poétique, Aristote définit le lieu comme la scène qui donne l’unité dramatique du spectacle sportif. Le Tour de France-spectacle réalise l’idéal du théâtre classique – à une échelle que personne n’aurait pu imaginer (Yonnet, p. 65).

2. Tracer les traits du Tour

L’invention de ce nouvel espace sportif qu’est le Tour va emprunter et faire évoluer les concepts d’étape et de période. Une course à étapes existe déjà depuis 1901 qui est le Tour de France automobile sur 2250 kilomètres avec sept étapes. Les étapes du Tour cycliste permettent d’allonger la distance en passant d’une moyenne de 2500 kilomètres pour les premiers Tours au double dans la période 1906-1931. Elles en développent le rayonnement par la narration sous la forme d’un feuilleton avec les chutes, les abandons, les classements provisoires, etc., voire d’un « chemin de croix » (Sansot, p. 98). Et pour les villes, la fonction de ville-étape a un tel succès qu’elle est reprise dans certains Tours départementaux des années trente (Côte d’Or, Aude), voire internationaux (Giro italien en 1909, Vuelta espagnole en 1935, Indochine en 1943, Maroc, Burkina-Faso, etc.).

Les instances internationales ont réglementé la durée des courses à étapes et borné à vingt-cinq/vingt-neuf jours celle du Tour. La période estivale convient pour la probabilité du beau temps supprimant les itinéraires impraticables pour cause de neige (exceptions en 1922, 1926 et 1996), froid, visibilité. « Le Tour est en adéquation idéale avec la pole position occupée par la France dans les loisirs. […] La France est un vaste musée et une agréable destination de voyage. […] Le Tour offre l’occasion aux touristes présents sur les routes empruntées par les coureurs de se manifester, ainsi ce flamboiement de drapeaux hollandais, par exemple, dans les cols des Alpes où les Néerlandais passent volontiers leurs vacances. […] Les Français ont la France, où les champions étrangers ont choisi d’en découdre et cela suffit à leur vanité : la France n’est-elle pas la patrie du monde ? Et les étrangers n’ont d’yeux que pour leurs nationaux : Lituanien, Estonien, Ouzbek, Américain, Italien, Allemand, Danois, Anglais, etc. Tout le monde est ou sera servi » (Yonnet, p. 145).

Situé aux environs de 4000 kilomètres, le périmètre de la France est adapté à la distance optimale du Tour. Parmi les « invariants » (Boury, p. 94), les reliefs les plus élevés sont sur les frontières, la capitale est assez bien centrée, la forme ramassée du territoire convient à l’idée d’un tour, d’une boucle. L’idée de traverser les deux massifs montagneux alpin et pyrénéen s’est imposée dès 1907, le souhait de ne pas trop s’écarter des frontières et des littoraux, sans atteindre obligatoirement la péninsule bretonne ou les extrémités de l’Hexagone comme l’Alsace, les côtes provençale et basque, le Roussillon, tout cela va de soi dès les premiers Tours. Pour les « variables » (Boury, p. 96), le sens de la rotation change selon qu’on veut précéder le retour à Paris par des difficultés, avec un retour à Paris par les Vosges, les Ardennes et les pavés du Nord, ou par un terrain facile, via le Sud-Ouest. Le choix des cols tient au nombre, à leur difficulté sachant que certains sont des points de passage obligés et à leur position par rapport au point d’arrivée pouvant valoriser, si le col est proche, les bons grimpeurs.

Dans la première moitié du 20e siècle, les décisions sur le tracé ont été le fait d’Henri Desgrange et son successeur Jacques Goddet, ce qui a donné une certaine unité de direction, voire une stratégie qui demeurera jusque dans les années 1970. Chasser l’ennui pendant les premières courses, éviter les avantages acquis dans les premiers jours du Tour par les meilleurs, ne pas terminer l’épreuve avec un retour à Paris qui ne soit pas un défilé de survivants (Boury, p. 99), tout a été réglé avec une continuité bien perçue. Les années 1980 marquent un changement avec l’intégration du Tour dans le Groupe Amaury qui développe une vision commerciale et financière amorcée au début de la décennie. La percée de journalistes confirmés et l’accession de Jean-Marie Leblanc, ancien coureur et ancien journaliste, à la direction est complétée par la supervision du groupe World Sport Organization dirigé lui-même par J.-C. Killy. Plus de spectacle donc, mais une ouverture internationale avec de nombreuses courses à l’extérieur. Ces changements n’affectent pas tellement le choix des villes tel qu’il est fait depuis l’après-guerre. Jacques Calvet (p. 87) a bien résumé les enjeux : « Pour définir le parcours, les organisateurs du Tour de France commencent par rechercher les localités les plus offrantes ». Cela étant, les étapes dites « de plaine », plus longues que les autres et parfois pénibles pendant les canicules, sont conçues comme des étapes « de liaison » entre des points obligés et permettent de se préparer à la montagne ou de s’en reposer. Les montagnes « moyennes » ne se comparent pas à la haute montagne où les cols sont classés en catégories de difficulté. Le contre-la-montre individuel ou collectif a été instauré à partir de 1927 pour donner du rythme à la course, exalter les qualités des coureurs. Boury (p. 103) constate, pour la première moitié du XXe siècle, un schéma de parcours avec gradation des difficultés de montagne et une monotonie finale rompue par un contre-la-montre, un raccourcissement de la longueur des étapes : 350 kilomètres en moyenne dans le premier quart du siècle contre 209 entre 1931 et 1951, avec une durée de la course passant de dix-huit heures à six heures et demi.

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Le construction géographique du Tour se fait en tronçonnant un itinéraire d’ensemble et en fixant les villes-étapes retenues. Mais les concepteurs veillent à faire que la première phase de la course permette l’expression des nouveaux talents et des outsiders qui endossent le maillot jaune. La lutte doit se concrétiser dans les montagnes et se poursuivre jusqu’aux étapes ultimes. Ce souci n’a pas été abandonné au cours du siècle, la nomination en 1987 d’un Bernard Hinault, cinq fois champion du Tour, comme conseiller technique, signifie que les dirigeants du Tour ont conscience que l’épreuve s’est complexifiée et que l’itinéraire demande un travail d’orfèvre. Pour les premières compétitions, il en résulte un parcours de forme presque circulaire comme le montre celui de 1903 et qui va devenir grossièrement hexagonal de 1907 à 1950. En 1905, le Tour fixe la ligne bleue des Vosges, née de la défaite de 1870 qu’il franchit entre 1906 et 1910, naturellement avec l’autorisation de l’Empire allemand mais non sans arrière-pensée politique. Sur le parcours, les affiches sont en français et on chante la Marseillaise. « Le Tour souligne les frontières jusqu’à parfois rêver leurs limites » (Vigarello, 1992-1, p. 898). Nice, Bayonne, Brest, Cherbourg deviennent des repères forts. En 1910-1911, le Tour se lance dans la haute montagne, marquant encore mieux les frontières espagnole et italienne. Il s’identifie à la carte de la France, amputée de l’Alsace-Lorraine retrouvée en 1919, actualisant la situation géopolitique comme le montre la forme du tracé de 1939 mettant le Nord et Nord-Est en défiance.

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Le réseau des villes a été, au départ, celui des plus grandes cités régionales pour amplifier le succès public, héberger au mieux, accorder un prestige à la course. Le cas de Lyon, deux fois moins sollicitée sur cent ans de Tour de France que Grenoble, et moins que Les Sables-d’Olonne, Nîmes ou Dunkerque, tient à sa position géographique un peu excentrée par rapport au « chemin de ronde » français (Boury, p. 117). Les « villes du Tour » sont des villes de montagne ou de piémont, telles Grenoble, Briançon, Bayonne, Perpignan. Certaines, peu importantes, sont connues comme des stations de tourisme, comme Chamonix, Luchon, Pau, Les Sables-d’Olonne, L’Alpe d’Huez. Entre 1947 et 1951, les villes étrangères marquent une ouverture favorisée par la Seconde Guerre mondiale : trois villes belges, deux suisses et deux italiennes, mais aussi Luxembourg et San Sebastian en Espagne, l’année de l’exposition universelle de Séville en 1992. Jusque dans les années 1970, être une ville-étape implique une certaine culture cycliste municipale, des finances saines, pas de mouvements sociaux graves risquant de perturber la course – comme ce fut le cas dans la Lorraine des années 1970 -, trois à quatre mille lits pour l’hébergement dans un rayon de vingt kilomètres et… une ligne droite de cinq cents mètres avec une largeur de six à huit mètres pour l’arrivée. L’issue de l’étape est parfois, jusque dans les années trente, extérieure à la ville, la seconde arrivée, protocolaire celle-là, se faisant sous escorte au centre. Avant les transferts inter-villes, les villes arrivées étaient souvent celles du départ, l’un au centre, l’autre à l’extérieur, souvent de nuit dans la première moitié du XXe siècle. Le départ du Tour de France eut lieu, jusqu’en 1950, à Paris ou en Ile-de-France (excepté en 1926 à Evian) avec un découplage fréquent entre un « faux départ » dans les rues de Paris et un « vrai départ » en banlieue.

3. Le Tour ne fait plus le tour de France

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Interrompu pendant sept ans durant la Seconde Guerre mondiale, le Tour va à partir des années 1950, s’égayer en Europe et, surtout, dans d’autres régions françaises que celles du pourtour. De 1948 à 1952, pas un Français ne monte sur le podium : Bartali, Coppi, Kubler deux fois, alors que les Français avaient gagné dix-sept Tours sur trente-quatre entre 1903 et 1947. Il est probable que cette situation ait poussé les organisateurs du Tour à réagir. À partir de sa renaissance en 1952, l’internationalisation du Tour connaît un coup d’accélération. La France au balcon estival va découvrir Zürich en 1955, Turin en 1956 grâce à la télévision qui a rôdé son matériel depuis 1952, emportant sur les motos des caméras miniature en 1962, offrant ses premiers ralentis en 1967 et la couleur l’année suivante. Dans les décennies 1990 et 2000 où tous les vainqueurs sont étrangers, la retransmission télévisuelle est mondiale mais faut-il aller jusqu’à une évaluation à un milliard de téléspectateurs même si cent cinquante pays ont accès aux images ? (Boury, pp. 205-210). Et le parcours, comment change-t-il ? De l’aveu de Jacques Calvet, proche de Jacques Goddet, le directeur du Tour, « les organisateurs ont perdu progressivement la maîtrise du parcours (…) surtout pour des raisons matérielles et financières… L’accumulation des difficultés se heurte de plus en plus à la résistance des coureurs, sous la forme d’un manque de combativité (…). L’organisateur se heurte aux intérêts des annonceurs » (Calvet, p. 45). C’est ainsi que le principe de l’espace hexagonal est abandonné et la haute montagne périphérique remplacée partiellement par des obstacles à l’intérieur du pays. Des événements, tels le traité de Maastricht, orientent une course plus européenne en 1992 avec un départ d’Espagne et la traversée de six pays d’Europe. De même, le tunnel sous la Manche est franchi par les coureurs l’année de son inauguration en1994 avant un retour opportun en Normandie pour le cinquantenaire du débarquement. Le Tour perd-il en lisibilité ? Les ruptures comme les transbordements en train ou en avion – une dizaine en 1982 – qui vont de pair avec une diminution sensible du kilométrage (5740 kilomètres en 1948, 2000 kilomètres de moins en 1998) sont-elles préjudiciables à l’image de la course ?

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Dans les candidatures à devenir une ville-étape, la décentralisation a conduit les conseils généraux à s’engager pour créer des images territoriales fortes qui ne soient pas qu’urbaines : la Dordogne a, par exemple, présenté un dossier avec Périgueux, Trélissac et Bergerac en 1992 pour le Tour de 1994 malgré les couleurs politiques différentes du président du Conseil général et du maire de Périgueux. Mais certaines batailles pour obtenir l’arrêt du Tour sont politiques, comme ce fut le cas entre Versailles et Saint-Germain-en-Laye en 1978. L’association des communes peut permettre au Tour de rester plusieurs jours dans un même département : ainsi, en 1994, toujours en Dordogne, Trélissac accueille le Tour pour la huitième étape, Périgueux organise un contre-la-montre le lendemain et Bergerac le départ le surlendemain. La taille de l’agglomération doit être formatée au Tour. Certaines villes sont trop petites, d’autres trop grandes et noient l’événement : « l’idéal serait Clermont-Ferrand, Grenoble, Albi » (Chany, p. 33). Toutes souhaitent exalter le côté festif (Di Méo, 2001) même si toutes n’apprécient pas la ségrégation imposée par le « village » du Tour, certaines plus le côté sportif choisissant des courses contre-la-montre. Depuis les années 1990, on souligne les difficultés à trouver la place pour accueillir la caravane publicitaire qui s’étire sur une vingtaine de kilomètres et dont le volume atteint plus de deux cents engins bariolés en 2005. L’évacuation après les arrivées en montagne est un exercice de patience : trois heures pour les douze kilomètres qui séparent le Plat d’Adet de Saint-Lary-Soulan dans les Pyrénées. Les coureurs n’apprécient plus de devoir faire une heure de bus avant de rejoindre leur hôtel après cinq ou six heures de vélo à une moyenne qui les met sur les genoux. En 2005, Noirmoutier (5000 habitants), La Châtaigneraie (2840 habitants) et Revel (9000 habitants) ont été de vrais culs-de-sac et montrent les limites de l’ouverture à toutes les demandes des villes.

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Dans la réorganisation de la carte du Tour depuis les années 1950, Nice a perdu son statut de ville la plus visitée qu’elle avait obtenue dans la première moitié du XXe siècle, Bayonne et de nombreuses villes du tracé « hexagonal » régressent, Bordeaux et Luchon restent dans le palmarès, percent Roubaix, Saint-Étienne, Montpellier. Dans les cinquante dernières années, 17% des villes-étapes sont étrangères et plus de la moitié des villes n’ont été étapes qu’une seule fois. Mais le choix des villes n’est pas aussi crucial, pour le Tour, que le parcours en montagne.

4. Les Sisyphe dans la montagne

En effet, la géographie du Tour est particulièrement exacerbée dans la montagne (Vigarello pp. 892-893, Boury, pp. 135-174) : afflux des spectateurs, inflation des reportages avec cette métaphore omniprésente de l’assaut aussi bien dans les hautes montagnes (Alpes, Pyrénées) que dans le Massif Central, les Vosges ou le Jura. Deux sommets isolés, le Ventoux et le Puy de Dôme, « découverts » respectivement en 1951 et 1952, ont à cette époque un statut à part avec l’arrivée au sommet. Plus que l’endurance, la montagne exige de la résistance, de la technique, de l’intelligence tactique qui peut auréoler les vainqueurs de titres ronflants comme le « roi » René (Vietto) ou « l’aigle » de Tolède (Bahamontès). Elle offre à de nombreux Français qui n’habitent pas dans ces régions une émotion esthétique, voire un exotisme des volumes et des altitudes.

Chaque étape de montagne présente son lot de difficultés pour les coureurs : le nombre de cols, leur agencement dans la course, le dénivelé par rapport au départ, le pourcentage de la pente, la distance de l’arrivée. Des bonifications de temps étaient accordées jadis pour les coureurs qui franchissaient les cols en tête. La montagne n’a pas été facile à dompter : les deux premiers Tours de France franchirent, non sans incident, le col de la République (1161 m) vers Saint-Étienne qui ne devait pas être revu avant 1950 et dès 1905 tentait le Ballon d’Alsace vosgien (1150 m) qui est souvent franchi ou atteint comme un col.

Les Alpes représentent pour le Tour à la fois la « frontière naturelle » orientale de l’Hexagone et un challenge physique exceptionnel. La conquête du massif se fit dès 1905 sur une bonne part du tracé de la route Napoléon – symbole à ne pas négliger – offrant la côte de Laffrey et le col Bayard, puis en 1907 par les Préalpes et, notamment, la Chartreuse avec le col de Porte qui devait provoquer de fameux dithyrambes paysagers chez H. Desgrange. Pour la première fois en 1910, les Pyrénées offrent sur 290 kilomètres, de Luchon à Bayonne, pas moins de six cols, des « monstres de cruauté » (Vigarello, p. 892), notamment le Tourmalet à 2115 m avec treize kilomètres d’une pente moyenne de 9%, les trois derniers kilomètres offrant 10,4% de dénivelé aux cyclistes. Dans {L’Auto} du 20 juillet 1910, les organisateurs avouent : « c’est une tâche effroyable que nous demandons aux coureurs d’effectuer, […] un véritable calvaire ». La veille, les coureurs avaient déjà franchi trois cols depuis Perpignan, dont le « mur » du col de Port à l’ouest de Tarascon-sur-Ariège. À partir des années trente, les Alpes présentent plus de difficultés que les Pyrénées, du fait de l’inscription régulière de plusieurs grands cols dont le col d’Allos et, surtout, le Galibier – trois cols en un – et ses 2645 m franchis la première fois en 1911. Le sens du parcours est donc déterminant pour les compétiteurs : ils savent, dans la première moitié du XXe siècle, que « dans 50% des cas, quel que soit le profil de l’épreuve, la décision [de la victoire] a lieu dans les zones de montagne » (Boury, p. 244). Toutes les Alpes sont investies à partir de 1949 par le Tour, au nord, au sud et plus à l’est avec la route qui relie le Montgenèvre et le Mont-Cenis. Mais la conquête n’est pas, pour autant terminée.

Certes, les hauts lieux montagnards demeurent mais la pratique des Alpes va évoluer. Les organisateurs du Tour tentent de répartir les zones de montagne dans la compétition de manière à maintenir un suspense le plus longtemps possible. Ils se heurtent à ceux qui souhaitent, coûte que coûte, garder les cols alpestres. Leur pragmatisme les pousse à introduire chaque année de nouveaux cols : une bonne trentaine sur les cinquante dernières années, dont certains durcissent l’épreuve comme le Port d’Envalira à 2407 m, soit près de trois cents mètres plus haut que le Tourmalet. Les organisateurs vont moins emprunter les « grands » cols comme le Galibier ou le Tourmalet, le choix étant lié à l’évitement des grands axes intra-alpins et intra-pyrénéens fort saturés. L’Alpe d’Huez s’impose progressivement à partir de 1952 non seulement comme un « col » qu’elle n’est pas, puisqu’elle est située sur un alpage, mais comme une arrivée : entre 1976 et 2005, elle est vingt-trois fois ville-étape. Les arrivées vont donc avoir lieu de plus en plus, en haut. L’année 1952 illustre ce changement avec l’arrivée en altitude à l’Alpe d’Huez, à Sestrières et au Puy de Dôme, trois étapes remportées par Fausto Coppi, vainqueur du Giro et challenger de Bartali à trente-deux ans. Les stations d’altitude ont l’avantage de posséder de bonnes infrastructures hôtelières et elles apprécient d’être, ainsi, sous les feux de la rampe l’été qui était encore la morte saison : dans les Alpes, Avoriaz, Isola 2000, Courchevel, les Deux-Alpes, Val Thorens et Val d’Isère ; dans les Pyrénées Saint-Lary Soulan, Luz-Ardiden, Hautacam, Cauterets, Piau-Engaly (station créée en 1975), etc. Les grimpeurs évitent de voir annulés leurs efforts par des rattrapages en descente qui sont toujours vécus comme « injustes ». Mais il est toujours conservé la pratique de passer par le Ventoux et le Puy-de-Dôme autant que faire se peut.

Car le Ventoux et le Puy-de-Dôme sont entrés dans la mythologie du Tour qui récupère leur célébrité. Sur ce gros massif qu’est le Ventoux, à la charnière de la Provence et des Alpes, César aurait fait édifier un temple à Circius – le mistral – et Pétrarque a écrit un récit d’escalade émouvant. Il a été intégré au Tour en 1951. Les vingt-cinq kilomètres qui mènent à environ 2000 mètres au-dessus de la plaine de Carpentras sont éprouvants et Barthes (p. 128) qui l’a qualifié de « dieu du Mal » vit justifiées ses impressions sur cet « enfer supérieur » par la mort du coureur britannique Tom Simpson en 1967. Quant au Puy-de-Dôme, escaladé pour la première fois en 1952, il est moins redoutable avec ses 1415 mètres d’altitude et ses onze kilomètres malgré un dernier tronçon à 13% de pente. Mais son vainqueur a souvent été aussi le vainqueur du Tour de France. Pour les Français, il reste le théâtre d’un grand combat entre Anquetil et Poulidor.

La montagne, dans son ensemble, a été un lieu géographique paroxystique. Gaboriau montre combien le défi prend corps par le truchement des métaphores : « La nature se personnalise. Les cols deviennent des géants que l’on interpelle. Des monstres que les héros mythologiques vainquent » (1995, p. 34). Pottier au Ballon d’Alsace, Georget au Galibier inaugurent une véritable litanie des saints de la montagne. Magne, Vietto, Bartali, Coppi y chuteront parfois, forgeant leur destin de héros sur le bord de la route. Mais si la montagne a été un grand théâtre festif pour les foules – la montée à l’Alpe d’Huez ou au Puy-de-Dôme ont atteint voire dépassé les 500 000 spectateurs – cherchant des coureurs moins rapides qu’en plaine pour les reconnaître, les applaudir, elle est vue aussi comme un lieu où les nuisances restent fortes, notamment dans les parcs naturels. L’impressionnante caravane de plus de 1300 voitures et le public ont dû se confronter aux protections à partir de 1992 qui vit l’entrée du Tour dans le massif protégé de la Vanoise : limitation de la circulation des hélicoptères, interdiction du camping et du caravaning. Mais rien n’a été vraiment respecté. Les contraintes sont si fortes les années suivantes, que le public n’a pas suivi et le Tour restera finalement à l’entrée des parcs après la désaffection des supporters dans le Mercantour. Pourtant, les enquêtes auprès des spectateurs mettent toujours en avant les épreuves de montagne avant l’arrivée à Paris (Boury, p. 259).

Les comptages donnent pour la période 1952-1997 le tiers des Tours de France remportés par « de vrais grimpeurs ne disposant que de cette qualité pour accéder à la victoire finale » (Boury, p. 261), ce qui est peu et beaucoup à la fois, isolant d’autant plus ceux qui furent aussi de bons sprinters comme Merckx, Hinault et les deux Américains, LeMond et Armstrong. Enfin, aucun coureur qui n’était pas un grimpeur (à l’exception de Zoetemelk et Janssen) n’a pu remporter le Tour de France dans les quarante dernières années. Faut-il aller jusqu’à penser, avec P. Boury (p. 264) que « la montagne n’est plus cet espace inconnu dont la seule évocation, il y a quelques dizaines d’années, [qui] portait l’inquiétude et l’effroi, [qu’elle] est devenue maintenant un espace de loisirs banalisé, un espace d’accès relativement facile, un espace de plus en plus habité par des citadins, un espace connu du grand public » (p. 264) ? Faut-il penser à la fin d’un mythe ? La réponse n’est pas aussi tranchée car la fréquentation du public est toujours très forte en montagne.

Certes, il n’y a pas eu d’investissement du Tour autant sur les littoraux qu’en montagne. Ce sont des espaces de loisir, à découvrir parfois. Les étapes dans des stations littorales comme Cap d’Agde en Languedoc ou aux Sables d’Olonne en Vendée n’ont pas l’importance des étapes en montagne. Les approches géographiques sont plus banalisées et il n’y a, finalement, d’avantages qu’à venir chercher les spectateurs là où ils sont en vacances. Cela étant, que ce soit littoral, montagne ou plaine ou toute autre catégorie, l’espace du Tour de France là où se passe la course est assez fugace, l’événement étant de plus en plus perçu par médias interposés, notamment la télévision.

5. La territorialité du Tour de France

L’espace du Tour est un espace scénique à plusieurs dimensions. La ligne de la course est investie par les coureurs, les journalistes et les sponsors sous la forme d’une longue caravane avec des séquentiels plus ou moins étanches entre les protagonistes. Du point de vue du supporter qui a fait le déplacement pour voir la course, le spectacle du passage de l’ensemble des coureurs peut prendre du temps mais si l’on s’intéresse à un coureur particulièrement, le passage est très fugace. Le relais est alors assuré par la radio ou la télévision qui peuvent suivre tel cycliste ou telle équipe et donner à suivre la course par le truchement de ces médias. La caravane composée de plus d’un millier de véhicules à moteur ( mille six cents en 2005) est destinée, depuis les années 1960, à meubler le temps d’attente par une forme d’ambiance foraine mobile. Elle est fortement sonorisée et les lâchers de tracts et gadgets, appréciés du public, ont parfois posé des difficultés dans les parcs nationaux du fait du bruit et des déchets.

Cet espace physique du Tour est construit très finement par l’organisation et les administrations territoriales et structures locales qui ont généralement pris la forme d’un comité d’organisation piloté par un élu, souvent un adjoint chargé des sports assisté de personnels de l’Equipement, la police et la gendarmerie, les télécoms, les clubs cyclistes et associations locales. La route du Tour et les villes étapes sont surtout mises en scène par la presse écrite dont Vigarello souligne la forte capacité à créer un « discours héroïque sportif » (1992-2, p. 141), à fétichiser, pour reprendre le mot de Barthes, le champion : commentaires sur l’itinéraire, la géographie, les points stratégiques de l’épreuve, le vécu des coureurs et les commentaires avec maniement d’archives pour étoffer telle appréciation. Ce sont mille deux cents journalistes, photographes et cameramen qui représentent plus de trois cent cinquante titres et près de trente pays, près de cent cinquante chaînes de télévision et de soixante-dix radios. Sur les contenus, Boury (p. 334) a constaté que les paysages étaient mis en avant dans la première moitié du XXe siècle, ce qui est moins le cas aujourd’hui où les coureurs constituent l’essentiel des sujets photographiques. Pourtant, à la télévision, le chroniqueur le plus écouté dans les derniers Tours, J.-P. Ollivier relie l’histoire et la géographie cyclistes à l’histoire et la géographie françaises. J.-M. Ooghe, directeur de l’image depuis 1997, insiste sur le fait que les téléspectateurs regardent « la course autant que le paysage qu’elle traverse. C’est pour cela que j’essaie de le montrer le plus possible. Le Tour se déplace dans des endroits splendides que nous filmons avec une caméra panoramique posée sur un hélico. Pour la montagne, nous avons battu des records d’audience. Ce qui me plaît est que beaucoup de personnes peu intéressées par le cyclisme regardent le Tour » (entretien personnel). En 2005, cinq motos et deux hélicoptères fournissent sept images en même temps dans le car de régie. Au-dessus des hélicoptères, il y a encore un avion, voire deux et au total, le Tour diffuse une centaine d’heures de direct pour vingt-et-un jours de courses.

Les journalistes de la presse écrite sont coachés par un service de la communication du Tour très présent. Tous ceux qui suivent la course et qui doivent communiquer ont entre les mains un fascicule qui hyperbolise les lieux visités : culture de la performance (tel le Puy-du-Fou désigné comme « le plus vaste théâtre de plein air d’Europe » ou encore Amiens pour laquelle on évoque la phrase glorieuse de Victor Hugo sur la flèche de la cathédrale), appel aux gloires nationales (nées ou ayant vécu ici, voire ayant passé là…), citations littéraires (ici, Zola ou Proust, Péguy, Rabelais…). Par exemple, en 1979, Laval est décrite comme le berceau de la chouannerie, Bonneval au c?ur du « grenier de la France » (la Beauce), Maubeuge telle une ancienne place forte et un point névralgique de l’Empire romain (voir annexe).

Les chroniqueurs littéraires ont beaucoup fait pour ennoblir le Tour aux yeux de ceux que le sport intéresse peu. L’écrivain Antoine Blondin brille dans un style un rien pompeux quand il raconte les montagnes : « Autour de nous, les sommets se découpaient comme des tranches napolitaines taillées dans le massif de la Maurienne qui plombait un soleil soudé aux crêtes des tranches de vide. […] La neige qu’on nous avait promise, avec des mines gourmandes, apparut brusquement au faîte de ce calvaire, et quelque chose en nous la refusa. Nous ne voulions plus y croire, après avoir suivi les champions à travers la fournaise de Saint-Jean et de Saint-Michel. L’appel glacial, réfléchi aux parois de l’entonnoir où s’enfonçaient les coureurs, la chaussée ruisselante glissée sous leurs pneus, la coulée aiguë des stalactites, suspendue au-dessus de leurs têtes, semblaient le raffinement superflu d’un génie fertile en détours diaboliques » (Blondin, p. 22). Le cinéma n’a pas été en reste avec une bonne dizaine de films dont {Les étapes de la gloire} en 1976, réalisé par D. Pautrat et S. Peter et {Autour du Tour} avec A. Blondin, excellent à évoquer l’ambiance du Tour et le… chauvinisme régional des supporters. San Antonio (Vas-y Béru, 1965), Erik Orsenna ({L’exposition coloniale}, 1980), Louis Nucera ({Mes rayons de soleil,} 1987) et Jean d’Ormesson ({Au plaisir de Dieu,} 1974) ont des pages savoureuses sur le Tour qui entretiennent la légende autant que les mélodies des chansonniers dont Charles Trenet fit un inoubliable : « Partout où passe le Tour de France, c’est la fête, c’est dimanche de la France ».

Quel que soit le talent de tous les médias à faire rêver sur le Tour, il reste qu’au-delà du territoire physique de la course, ce sont douze à quinze millions de téléspectateurs (Le Monde, 13 juillet 2005), dont un tiers d’étrangers de vingt-deux nationalités – Belges, Espagnols et Américains pour la plupart -, qu’une épopée sur le territoire français – et limitrophe – fait rêver. Il faut aller bien au-delà des travaux de G. Le Bon (1905) sur la psychologie des foules et « l’âme collective transitoire » ou « l’évanouissement de la personnalité consciente » : le Tour de France n’est le lieu que de très rares manifestations fanatiques ou de violences supportrices comme Merckx en dut faire les frais en 1975 au Puy de Dôme avec un coup de poing à l’estomac qui lui a sans doute coûté la victoire finale ou encore Armstrong essuyant quelques crachats dans sa montée à l’Alpe d’Huez en 2004. On ne peut pas comparer le cyclisme au football car il y a peu d’agressivité. Le Tour se veut d’abord une grande fête populaire, conviviale où les gens viennent pour le sport mais pas uniquement. En cela, le territoire du Tour pourrait bien être un « territoire en fêtes » (Di Méo).

6. Le coureur, l’équipe et la marque : quelle identité ?

Le démiurge du Tour de France est-il le coureur ou son équipe, ou encore son pays d’origine ? Le public retient largement le nom des porteurs du maillot jaune, des vainqueurs d’étape et des champions du Tour. Mais jusqu’en 1930, le Tour se pratiquait en individuel, Jacques Goddet ayant introduit les équipes régionales et nationales en même temps que la caravane publicitaire en 1930. Les équipes nationales ont duré jusqu’en 1961, la formule ayant été brièvement reprise en 1967 et 1968. « Aujourd’hui, le Tour n’est plus qu’une caravane publicitaire, les coureurs ne se distinguant plus que par leur mode de locomotion. Les inconvénients d’un Tour par équipes de marques pour l’essentiel extra-sportives ne sont pas apparus immédiatement puisque lorsqu’elles furent créées […] les deux principaux rivaux étaient français. Au contraire, en 1963 et 1964, notamment, la formule permit à Anquetil et à Poulidor de ne pas être artificiellement réunis au sein de l’équipe tricolore » (Yonnet, p. 151). Y a-t-il une bonne formule, compte tenu du fait que le sponsoring est vital dans une compétition de cette ampleur ? L’histoire des sports d’équipe au XXe siècle montre une tendance à l’attachement à un lieu par le biais des clubs qui représentent des villes, des provinces, des États pour les pays fédéraux – à l’exception des sports mécaniques, dont l’automobile, qui sont structurés par écuries. Ces clubs sont souvent des propriétés privées d’industriels, de marques, de groupes censés fournir une certaine identité. La symbolisation du sport-spectacle reste intacte car les supporters et les spectateurs soutiennent des sportifs qui les représentent et non une marque ou un groupe. Selon P. Yonnet (p. 149), cette identité géographique complexe offre une « garantie de permanence dans le temps, et donc d’authenticité. L’identification se fait parce que l’identité ne peut se défaire comme cela ». La chance du cyclisme par rapport à certains sports est d’avoir un sponsoring extra-sportif. Des marques sans rapport avec le vélo constituent des équipes avec des coureurs de nationalités différentes. Elles apparaissent sous leur bannière mais, de spécialiste de marketing, on n’a pas la mémoire d’une marque qui ait engendré de l’identité de spectacle. « Le cyclisme aujourd’hui, c’est un peu comme si le championnat de France de football opposait M6, le groupe Pinault, Aulas, Canal+ et les ramassages d’ordures Nicollin, au lieu de Bordeaux, Rennes, Lyon, Paris-Saint-Germain et Montpellier. Or, les supporters ne sont pas des clients de marques extrasportives » (Yonnet, p. 150). Les coureurs sont privés d’une identité pour laquelle ils devraient apporter leur aura. Et ils ne sont plus que des « mercenaires, des bandes de sportifs professionnels courant la prime » (id.). Compte tenu de l’allongement de la carrière des coureurs et de la forte spécialisation de certains d’entre eux qui en font l’événement cycliste de l’année, selon le sociologue P. Mignon (INSEP), « on risque de voir des éditions pas très intéressantes lors desquelles ce seraient toujours les mêmes qui gagneraient. Une sorte de {schumarisation} du vélo » (Le Monde, 13 juillet 2005).

Pourtant, il est une identité moins fugace que celle d’une marque, c’est l’empreinte religieuse. L’historien P. Cabanel (2005, p. 2) insiste sur la multinationalité des coureurs pour mieux montrer que « le cyclisme reste l’un des grands sports des pays catholiques : l’Italie, l’Espagne, la France. Ils sont également ceux qui ont toujours trois grands tours nationaux cyclistes [le {Giro }italien en 1909, la {Vuelta} espagnole en 1935] ». Mais ce sont des pays où l’influence du parti communiste a été très forte : de nombreux champions étaient communistes, dont Poulidor né dans le Limousin, vieille terre laïque archétype d’une France paysanne qui a disparu. P. Sansot (1992) insiste plutôt sur l’analogie avec la procession catholique, une procession comme prise de possession du territoire, comme les processions limitaient le territoire paroissial jusqu’aux croix de mission. Et le Tour a touché aux limites frontalières de la France. Cela étant, les vingt dernières années ont marqué un profond mouvement de mondialisation au-delà de ces territorialités : aucun Français n’a gagné le Tour depuis 1985, les Américains (États-Unis) totalisent près d’une victoire sur deux en vingt ans, ce « vieux Tour européen, catholique […] qui rompt avec ce qu’a pu être le Tour de la grande époque, disons celle du Front populaire jusqu’à la fin des années 1950 » (Cabanel).

La rupture a-t-elle été encore plus forte lors des révélations sur le dopage ? À la fin des années 1990, ces affaires ont pris un tour assez violent alors que certains événements remontent à 1955 (Mallejac) et 1967 (la mort de Simpson dans le Ventoux, marchant « à la perfusion et aux amphétamines, plus, paraît-il, au cognac », selon P. Yonnet, p. 211). À ce titre, le tour de 1998, d’où fut évincé Virenque, gagné par Pantani depuis rattrapé constamment par la justice, a été un premier coup de semonce. La chasse au dopage lacunaire désigne des malchanceux ou des maladroits alors que les règles ne sont pas respectées ni changées. Les supporters perçoivent cette injustice et c’est pourquoi les fautifs ne perdent pas toujours leur aura comme le montrent les révélations en 2005 sur les prises de dopants par Lance Armstrong dans les courses passées. Néanmoins, sur la course, pèse depuis quelques années un lien entre l’argent et le dopage qui n’existe pas, selon Yonnet (p. 205) et qui peut casser l’image de course chez les sponsors pourtant nécessaires à l’organisation du Tour. On ne doute pas qu’on atteint là, la négation même de l’identité du coureur ou du spectateur qui ne peut pas accepter que dans une compétition, certains puissent être avantagés par des recours abusifs et non contrôlés aux dopants. Antoine Blondin a un mot dont le sens dépasse l’ironie : « On ne peut pas être premier dans un état second ».
Voici près d’un siècle que le Tour de France s’achève à Paris. La Grande Boucle était bouclée sur les anneaux d’un stade, au bien nommé Parc des Princes de 1903 à 1967, ensuite à Vincennes sur la piste municipale entre 1968 et 1974, puis enfin sur les Champs-Élysées, quelques jours après le 14 juillet sur le lieu symbolique de la fête nationale. Le président de la République et le maire de Paris savent aujourd’hui profiter de ces pics d’audience télévisuelle et de ces liesses populaires. Leur présence vise à recueillir la somme des exploits et des drames, mais aussi des images et des paysages du Tour. La scénographie de ces trois semaines s’achève sur cette montée symbolique où sont célébrées les victoires napoléoniennes sur un monument investi chaque fois d’un nouveau triomphe. Il y a aussi, comme l’essence de la mémoire nationale avec la flamme du soldat inconnu, témoin d’un pays qui s’est battu pour exister. La fête terminée, on se demandera ce qu’il reste, des contacts qu’ont eu les champions avec les millions de supporters qui ont suivi le feuilleton, avec le territoire français et ses marges européennes ? Un flot de paysages présentés au superlatif, des toponymes et des lieux investis de l’aura des champions qui font du territoire français, par leur héroïsme, une forme de sacralisation du territoire. Les supporters et les amateurs de paysage peuvent visiter le Galibier, le Puy de Dôme, l’Alpe d’Huez, le Ventoux, les villes et les bourgs où les champions ont semé un peu de leur aura. Dans la leçon de géographie estivale que s’offrent les Français et les touristes, cette nomenclature vivante et imagée d’un territoire inlassablement reformulé donne à la France d’accéder à une de ses identités spatiales les plus attachantes.

Gilles Fumey, géographe, univ. Paris-IV Sorbonne
(article rédigé en 2006 et actualisé en juillet 2010)

 

Et le Tour 2010 ?

Le billettiste Alain Rémond l’appelle “Le Tour, défiance !”

“Quelle gigantesque arnaque ! (…) Le Tour partira de Rotterdam, là haut dans le Nord. Il descendra tout schuss vers les Alpes, puis rejoindra les Pyrénées (encore bravo les Pyrénées). Avant de remonter vers Bordeaux et Pauillac. Et là, il s’arrêtera. C’est-à-dire que de Pauillac, les coureurs prendront le train jusqu’à Longjumeau, autant dire Paris. Et ça s’appelle le Tour de France ! Alors que l’Est et tout l’Ouest, de la Normandie à la Charente maritime, en passant par les Pays de la Loire, sont complètement ignorés, scandaleusement snobés. Regardez-la, cette carte : c’est un défi à la logique, une gifle à la géographie. En réalité, les coureurs ne feront le tour de rien du tout. Et voilà tout. Appelons cela le Rotterdam-Pauillac. Mais surtout pas le Tour de France. Ou alors je me fais du souci pour la France, amputée, démembrée, ratiboisée…”

La Croix, 16 octobre 2009

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Bibliographie
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-A noter : Un blog de passionnés

Sources
Le Tour
Des vidéos :
-Le Tour de France, les archives (documents de la Société du Tour de France)
-Sur le site des Cafés géographiques : consultez nos compte-rendus de cafés géo avec le moteur de recherche.

Annexe (document)

Comment les localités sont décrites dans les dossiers de presse des journalistes (exemples pris dans les premières villes citées par le livre du Tour 1999)

Le Puy du Fou : créé en un lieu symbolique, au c?ur de la Vendée profonde, le Puy-du-Fou constitue le plus vaste théâtre de plein air d’Europe. La cinéscénie et le Grand Parc attirent de nombreux fidèles.

Challans : capitale du Marais bas-breton, cité carrefour, ville commerçante et centre agricole, Challans est réputée pour ses foires et ses marchés. Elle produit les fameux canards qui ont contribué au prestige de la Tour d’Argent. Elle a su évoluer en préservant ses traditions et en perpétuant un folklore pittoresque.

Saint-Nazaire : port militaire et sous-marin, Saint-Nazaire est née au milieu du 19e siècle. Son histoire se confond avec celle de la construction navale. Les transatlantiques les plus prestigieux sont sortis de ses chantiers. A cette industrie, s’ajoute désormais l’aéronautique. Saint-Nazaire forme avec Nantes la plus grande métropole de l’Ouest.

Nantes : bien que foncièrement bretonne, Nantes dont l’agglomération regroupe 500 000 habitants, est devenue la capitales Pays de la Loire après avoir été celle des ducs de Bretagne et de la duchesse Anne, qui allait devenir reine de France. Son histoire fut profondément marquée par les guerres. La ville natale de Jules Verne possède le réseau de tramway le plus long de France.

Laval : berceau de la chouannerie, important centre textile spécialisé dans le travail du lin, puis du coton, Laval est la ville des hommes illustres et des précurseurs. Ambroise Paré, père de la chirurgie, le Douanier Rousseau, pionnier de la peinture naïve, l’écrivain Alfred Jarry qui préfigura le surréalisme et Alain Gerbaut, le premier navigateur solitaire, en sont originaires.

Blois : ville d’art et d’histoire, Blois fut une résidence royale chère à Louis XII et François-Ier. Le château est considéré comme un monument majeur de l’art français. Construit au 13e siècle, rénové sous la Renaissance et modernisé par François Mansart au 17e siècle, il a été classé monument historique en 1840 sur l’initiative de Prosper Mérimée.

Bonneval : le charme médiéval dans un superbe cadre de verdure : entre cathédrales et châteaux, au pays de Rabelais, de Péguy et de Marcel Proust, Bonneval qui accueille le Tour pour la première fois, occupe le milieu de la Beauce, le « grenier de la France ». C’est de cet univers dont Emile Zola s’est inspiré pour écrire La Terre.

Amiens : préfecture de la Somme et capitale de la Picardie, Amiens est dominée par la majestueuse flèche de sa cathédrale, la plus grande de France (112 mètres). « Une pure merveille » s’exclama Victor Hugo. C’est à Amiens que Jules Verne écrivit ses Voyages extraordinaires.

Maubeuge : ancienne place forte, cité drapière très active au Moyen-Age, Maubeuge s’est développée au 7e siècle autour d’un monastère de femmes. Point névralgique de l’empire romain conquis par Jules César, Malbodium est l’ancien nom de Maubeuge. Ce grand centre industriel du bassin de la Sambre a été détruit à 90% en 1940 et reconstruit par l’architecte Lurçat.

Le livre du Tour 1999 décrit aussi Avesnes-sur-Helpe, Thionville, Metz, Le Grand Bornand, Sestrières, L’Alpe d’Huez, Bourg d’Oisans, Saint-Étienne, Saint-Galmier, Saint-Flour, Albi, Castres , Saint-Gaudens, Piau-Engaly, Mourenx, Bordeaux, Jonzac, Futuroscope, Arpajon et Paris.