A l’occasion du Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges, Catherine Fournet-Guérin, professeure à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV) nous a proposé un café sur le thème « territoires humains, mondes animaux » au bar 1507 dimanche 1er octobre 2017 : « Les animaux comme symboles nationaux en Afrique : quels enjeux ? »

Les animaux ont été choisis comme emblèmes nationaux par de nombreux Etats africains pour leurs liens avec le territoire ou leur symbolique. Quelle est la signification de ces choix ? Quelle lecture peut-on en faire en termes de géographie politique ?

  1. Etat des lieux : quels sont les animaux nationaux et où les trouve-t-on ?

Après les indépendances, beaucoup d’Etats ont choisi comme symbole national un animal valorisant la force, la vigueur, l’énergie, surtout des mammifères (lions, éléphants, panthères, léopards, antilopes, hippopotames, cheval) mais aussi des oiseaux de proie (aigle) ;

Peu de contre-exemples en-dehors du dauphin aux Seychelles et du Dodo à Maurice (animal disparu à la fin du XVIe siècle, que sa réputation de stupidité ne valorise pas) : cas original de choix d’un animal peu valorisé et incarnant la prédation humaine.

On ne retrouve ce choix d’animal exaltant la puissance ni en Amérique du Sud, ni en Asie à l’exception de l’Inde et de la Chine.

Présents sur armoiries, drapeaux, billets de banque, timbres…ces animaux sont largement utilisés par les équipes nationales de sport (les plus connus étant sans doute les Springboks, rugbymen d’Afrique du Sud). Là aussi il y a une surreprésentation des équipes africaines dans l’adoption d’un nom ou d’un surnom animalier, au niveau mondial.

La littérature enfantine, locale ou exogène, est très friande de ces représentations animalières. Kirikou, Zarafa, L’Afrique de Zigomar…mettent en scène l’éléphant, le lion, le singe, le crocodile dans un décor sahélien ocre, où trône le baobab.

On retrouve les mêmes animaux sur les objets manufacturés, comme les pagnes par exemple.

  1. Quelles analyses en termes de géopolitique ?

Quel sens donner au choix des gouvernants mettant en scène le récit national ? Et comment les sociétés nationales se sont-elles saisies ou non de ces symboles qu’on appelle les animaux nationaux ?

Si  « l’animal national fait partie de la check-list identitaire » comme l’a montré Anne-Marie Thiesse pour l’Europe (La création des identités nationales en Europe, Seuil, 1999), le choix des animaux nationaux est un héritage de la période de domination  coloniale lors de laquelle on portait un regard naturalisant sur l’Afrique. Le lien entre Afrique et animalité se retrouve encore dans de nombreux stéréotypes (par exemple le « sens du rythme »).

La survalorisation du patrimoine faunistique auprès des touristes se fait aux dépens du patrimoine culturel (architectures originales à Madagascar, villes swahili au Kenya…), ce qui renforce  les clichés dévalorisants qui circulent sur l’Afrique : « terre sauvage », « en-dehors de l’histoire »….

Deux pays font néanmoins exception : le Botswana qui exalte le métissage entre les races à travers le zèbre et le Burkina Faso dont le cheval rappelle le mythe féministe fondateur de Yennenga au XIIe siècle.

L’étude des animaux nationaux nous renseigne sur les représentations des dirigeants. Par contre aucun travail n’a été fait sur le rapport des populations elles-mêmes à ces symboles et sur la manière dont elles se les approprient ou non. C’est une nouvelle thématique de recherche.

Compte rendu rédigé par Michèle Vignaux