Café-géo du 15 Décembre 2015
Par Vincent MORON (Professeur à l’Université d’Aix-Marseille)

En introduction, les intervenants dressent le bilan de la COP 21 ayant eu lieu entre le 30 Novembre et le 12 Décembre 2015. Pour parler des enjeux du réchauffement climatique, invitation de Vincent MORON. Sa recherche s’intéresse à l’analyse de la variabilité et de la prédictabilité des précipitations et leurs effets sur les écosystèmes, notamment dans la zone tropicale.

Le début de la conférence s’interroge sur le temps d’aujourd’hui (15 décembre 2015) à Montpellier et analyse une image satellite qui montre une dépression sur le Languedoc-Roussillon. Celle-ci montre une situation classique, que l’on retrouve sur la carte des pressions avec de l’air chaud qui vient du Sud. Les variations thermiques quotidiennes en 2015 sont ensuite étudiées à l’aide d’un graphique. Celui-ci montre des variations importantes, parfois très rapides : + 10 °C en quelques jours, au mois d’octobre 2015 par exemple. Ces variations de températures intra-annuelles et le cycle thermique annuel moyen constituent le signal thermique le plus évident que l’on connaisse aujourd’hui.

Vincent Moron explique  que le cycle annuel thermique moyen est une réponse au cycle annuel du rayonnement solaire. Le rayonnement solaire précédant la température, certains éléments du cycle annuel thermique peuvent être prévus (ampleur, régularité). Ces prévisions globales peuvent même être lointaines (à l’échelle d’une année par exemple).

Le cycle annuel du rayonnement solaire est donc mis en regard avec les variations thermiques  à Montpellier en 2015. Deux dates particulièrement sont analysées : celle du 16 octobre et celle du 15 novembre 2015. Pour chacune de ces dates, les cartes de pression sont étudiées ainsi que les températures moyennes. Contrairement à ce qu’impliquait le cycle du rayonnement solaire, le 16 octobre n’a pas été plus chaud que le 15 novembre. C’est même l’inverse qui s’est produit : le 16 octobre a été plus froid à Montpellier que le 15 novembre en lien avec la circulation atmosphérique instantanée qui modifie la provenance des masses d’air.

diapos-v-moronRetrouvez les diapos de la présentation de Vincent Moron (PDF)

En changeant d’échelle et en se plaçant au niveau mondial, on constate de nombreuses anomalies froides, sur l’Europe notamment, lors de ce mois d’octobre 2015. Cela explique les températures enregistrées dans le Languedoc. Au contraire, en novembre-décembre 2015, ce sont les anomalies thermiques positives qui dominent en réalité à l’échelle mondiale et ce, nettement, puisque l’anomalie thermique moyenne planétaire est de + 0.77°C.

En comparant ensuite les anomalies thermiques planétaires de l’année 2015 avec une moyenne des dix dernières années on constate que les anomalies froides moyennes tendent à disparaître : c’est le signal à long terme du réchauffement climatique.

Des graphiques montrent ensuite les variations thermiques sont le long terme à Montpellier (1750-2015) et celles à  l’échelle de la planète (1850-2015). Ces graphiques montrent -au-delà des variations interannuelles- une hausse de la température moyenne. Sur un planisphère, les tendances de la température montrent une hausse plus prononcée sur les continents.

S’il existe des incertitudes quant à la température, d’autres moyens d’analyse permettent d’attester de la réalité du réchauffement climatique. C’est le cas du niveau de la mer qui a monté de 20 cm en moyenne entre 1990 et 2000 et qui est une conséquence indirecte du réchauffement de la terre.

Vincent Moron aborde ensuite les origines de l’augmentation de la température moyenne à la surface de la terre. Celle-ci provient théoriquement à la fois de l’augmentation du rayonnement solaire absorbé par la terre, de l’opacité de l’atmosphère et de l’augmentation de l’effet de serre. Ces trois facteurs sont dus essentiellement à 3 forçages :

  • Les variations du rayonnement émis par le soleil et intercepté par le disque terrestre (« constante » solaire).

Les taches solaires influencent le climat selon des cycles, notamment à 11 ans environ. Cette influence solaire peut faire varier la température de 0,1 degré au maximum selon le cycle de 11 ans, peut-être un peu plus sur des échelles plus longues (entre 80 et 200 ans).

  • Les éruptions volcaniques majeures.

Il faut une grosse éruption explosive éjectant au moins 10 millions de tonnes de soufres et à une altitude supérieure à 15-20 km : cela augmente l’albédo planétaire en interposant un voile d’aérosols soufrés et peut baisser ponctuellement (2-3 ans au maximum) la température de 0,2 à 0,5 degré.

  • Les activités anthropiques.

L’homme en brûlant du carbone l’injecte dans l’atmosphère. Une partie est absorbée par l’océan et la végétation mais environ 45-50% s’accumulent dans l’atmosphère et y restent au moins 10 ans (12 ans pour le méthane, > 100 ans pour le gaz carbonique, etc.). Depuis le protocole de Kyoto, les émissions de carbone sont régulées dans certains pays. Les « quotas » fixés ont été à peu près respectés en Europe, mais les objectifs initiaux n’ont pas été respectés dans d’autre pays comme les Etats-Unis ou l’Australie.

A l’aide de graphiques, Vincent Moron montre que les effets de la (mal nommée) « constante » solaire et ceux des éruptions volcaniques sur le bilan radiatif sont minimes. En revanche, les activités humaines ont un effet très net : +2.3 W/m² depuis 1750. Si on fait une comparaison dans le temps des différents forçages, celui opéré par l’homme est le plus important. Depuis 1880 et surtout depuis 1970, les activités anthropiques ont entrainé une augmentation de +0,8 °C. L’hypothèse la plus plausible actuellement est que l’homme est la principale cause de la hausse des températures depuis au moins 1970.

Les forçages sont ensuite envisagés dans le futur. Au XXIème siècle, il est envisagé un forçage du soleil globalement en baisse. Quant aux éruptions volcaniques, la dernière (grande) éruption date de 1991 (Pinatubo aux Philippines), et il est difficile de prévoir la suivante dans l’avenir. Rétrospectivement, il y a eu 3 éruptions climatiquement actives par siècle depuis 1500 ans. Il en faudrait 10 fois plus pour que l’effet cumulatif soit significatif par rapport au forçage anthropique. Il est donc nécessaire de maîtriser le forçage lié aux activités humaines. Le rôle de l’homme doit être évalué en prenant en compte la démographie, la croissance économique et les innovations techniques. Pour évaluer le rôle de l’homme, dont le forçage devient de plus en plus important, on a recours aux scénarios RCP qui combinent différent facteurs et les expriment en émissions de gaz à effet de serre. L’objectif de Paris (ne pas dépasser une hausse de +2°C de la température moyenne planétaire par rapport à la période pré-industrielle) correspond ainsi au scénario RCP 2.6 (forçage anthropique net de +2,6 W/m² en 2100 par rapport à la période pré-industrielle). En fonction des hypothèses retenues par ces scénarios, on peut entrevoir quelles seraient les températures pour le futur. Ces scénarios RCP sont comparés avec les données fournies lors de la COP21 (contributions nationales) et montrent que les engagements actuels nous conduisent plutôt vers +3°C à la fin du 21ème siècle. Des planisphères montrent ensuite, en fonction des scénarios, les prévisions quant à l’augmentation des températures à la surface de la terre (notamment sur les continents), ainsi que les prévisions quant aux précipitations même si l’évolution de ces dernières est plus complexe à prévoir.

 

Pour conclure, Vincent Moron rappelle que climat est le temps météorologique intégré dans le temps que l’on peut étudier et dont certains effets périodiques sont connus. Les sociétés des pays développés peuvent s’adapter au changement, cependant celles des pays les moins développés ne le pourront pas, notamment au regard de la démographie actuelle.

Il est nécessaire de prendre en compte les effets des activités humaines depuis les années 1970 sur l’évolution de la température car les autres sources de forçages (soleil et éruption volcanique majeure) ne sont pas en mesure d’en atténuer ces effets, ni actuellement, ni durant le 21-me siècle

Les engagements de certains états en termes d’émissions de gaz à effet de serre associés avec le protocole de Kyoto n’ont pas été tenus comme ceux des Etats-Unis. Certains états comme la Chine et l’Inde n’étaient pas contraints par ce protocole, et leurs émissions ont beaucoup augmenté. Si on veut atteindre la cible de l’accord de Paris, il faudrait que les émissions de gaz à effet serre diminuent dès 2020. Les engagements de la COP21 ne permettent pas pour l’instant d’atteindre l’objectif des +2°C.

 

 

Parmi les questions :

Sur la question de la géo-ingénierie, le problème du chiffrage aboutit à des sommes énormes, donc à une voie dangereuse car on est dans une expérience que l’on peut ne pas contrôler. Dans tous les RCP (notamment le plus vertueux, c’est-à-dire le RCP 2.6), on est obligé de faire du captage de carbone, ce qui est pour l’instant hypothétique à grande échelle.

Pour des chercheurs comme Freddy Vinet, les solutions viennent de facteurs externes comme la sociabilisation des sociétés et de leurs bonnes volontés. En effet, la société civile peut beaucoup plus mobiliser que les politiques, la prise de conscience de la situation est un pas important.

Sur les scénarios, on prend simplement en compte l’évolution de la population alors que l’aspect technologique peut changer beaucoup de choses, comme dans le cas des gaz de schistes

Compte-rendu relu par Vincent Moron