Café Géographique du 12 octobre 2016 animé par Anne-Cécile Hoyez, chargée de recherche CNRS. UMR ESO/Université Rennes 2.

Quel est le lien entre la géographie et le yoga ?

En guise d’introduction, la chercheuse a présenté différentes photos qui illustrent l’évolution du yoga.

Qu’y a-t-il de « géographie » dans une école de garçons en Inde ?

Ce sont des enfants souples qui font des exercices dans la première école de yoga en Inde. A partir de 1920, le yoga commence à se structurer, on commence à en retrouver dans des écoles.

Il s’agit de trouver une légitimité au yoga en l’encrant dans les cadres de l’enseignement tels que les concevaient les colons britanniques.

Exemple des Beatles : l’émergence du Yoga à l’échelle internationale

Une autre des images présentées nous montre les Beatles qui se sont rendus en Inde.

George Harrison, membre du groupe a rencontré des musiciens et un gourou indien. Ils ont d’abord travaillé ensemble à Londres sur les apports de la méditation à la musique, puis se sont rendus en Inde.

C’est dans les années 60 que le yoga émerge à l’échelle internationale 

Exemple d’une grande salle de sport :

Nous pouvons observer une grande salle remplie d’individus venus pratiquer le yoga aux Etats-Unis, c’est un cours de Bikram Choudhury, un gourou célèbre pour avoir mis au point une série de postures de yoga pratiquées dans une salle surchauffée et dans des cours collectifs très fréquentés.

L’intérêt de cette photo est de rappeler qu’il a, dans les années 2000, essayé de breveter sa série de yoga ce qui a poussé l’Etat indien à réagir et à travailler sur la mise en place de propriétés intellectuelles sur les postures de yoga ou encore la médecine indienne.

Pourquoi Anne-Cécile a-t-elle choisi le yoga comme objet d’étude ?

La chercheuse n’a jamais pratiqué le yoga.

C’est un travail de maîtrise de géographie de la santé qui l’a poussée à étudier ce sujet.

Ce qui l’a intéressée dans ce travail de terrain en Inde est l’observation des parcours de soin des patients et le pluralisme médical.

En Inde, les individus ont pour habitude d’avoir des recours alternés à différents systèmes de soins, incluant des rites religieux de guérison.

La chercheuse a, dans le cadre de son étude, visité pour la première fois un centre de méditation et a pu s’entretenir avec un gourou qui l’a informée que plusieurs disciples étaient disséminés un peu partout dans le monde grâce à ce centre.

Les méthodes d’Anne-Cécile :

Entre 2000 et 2005, elle a été en immersion à la fois en Inde (6 mois par an) et en France dans le cadre de sa thèse, ce qui lui a permis de se poser différentes questions que nous allons aborder ci-dessous, mais également d’analyser la littérature, qui lui a permis de retracer la géohistoire de la mondialisation du yoga.

Le Yoga, en tant qu’objet de recherche, a intéressé la chercheuse car c’est une pratique globale qui appartient à l’Inde ancienne et classique mais aussi à l’Inde moderne et contemporaine.

Le yoga : une pratique globale

Le yoga appartient donc également à l’Inde contemporaine. Si nous observons la dynamique socio-culturelle et politique, le yoga apparaît souvent comme épuré de tout dogmatisme religieux.

C’est cette proximité avec la spiritualité qui amène la question du politique dans cette pratique qui va se confirmer par la mise en place d’organisations qui ont pu utiliser le yoga et y montrer un intérêt comme nous pouvons le voir par exemple avec le discours de Gandhi qui pendant la période coloniale a fait « travailler le yoga en tant que voie de résistance individuelle et collective. »

Le premier ministre Nehru évoquait, lui, plutôt le yoga comme interprétation universaliste et areligieuse.

Au niveau politique, depuis plusieurs années, nous trouvons également les formations nationalistes indoues qui ont mis en valeur leur savoir faire face au reste du monde ou bien des mouvements politiques altermondialistes qui utilisent aussi le yoga comme « une pratique qui vient du sud et qui est mondialisée. »

« Pour Anne-Cécile, le yoga est un objet social et culturel mondialisé souvent présenté à l’Inde et en référence à des traditions indiennes. C’est aussi une pratique individuelle qui peut devenir l’enjeu de constructions collectives. »

Ensuite, le yoga s’est tôt retrouvé ancré dans une médecine complémentaire alternative, mais il est aussi institutionnalisé par le gouvernement indien dans l’Organisation Mondiale de la Santé en tant que médecine complémentaire alternative depuis 2010

Circulation du yoga :  par la santé

En France, le professeur Filliozat (1930), médecin de biomédecine a commencé à traduire des textes de yoga et de santé.

Th. Brosse (1936) a également travaillé sur ce sujet en Inde pour observer la relation entre la pratique du yoga et le contrôle du corps et de la santé

Sa démarche :

La question de l’époque était : comment le yoga peut-il permettre aux équipes médicales de mieux agir sur la santé ?

Ces deux chercheurs ont donc voulu valider des faits médicaux en relation avec le yoga.

Des recherches ont également eu lieu en Inde où des mesures de l’activité cardiaque et respiratoire ont été pratiquées.

C’est un processus de construction du savoir qui veut rapprocher deux mondes qui sont la médecine et le yoga (discipline thérapeutique aux effets qui peuvent être mesurés et évalués)

Une géohistoire de la mondialisation du yoga ?

  • La circulation du yoga

On note plusieurs étapes dans l’espace et dans le temps.

D’abord, au temps 1, le yoga est pratiqué sporadiquement en Inde par une minorité d’individus ; les gourous n’ont que très peu de liens entre eux. Auparavant, il n’y avait pas de lieux très structurés pour la pratique du yoga et de la méditation mais on trouve quelques lieux spécifiques à Calcutta notamment.

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Ensuite, au Temps 2 en 1893 :

La pratique du yoga commence à s’émanciper des monastères avec les débuts du néo hindouisme en dehors de l’Inde : les gourous peuvent voyager en Occident et les disciples se rendent en Inde

Le yoga était considéré comme un outil, une technique corporelle universelle.

On peut alors parler de bouclage du monde avec un réseau qui se structure et qui relie principalement les grandes capitales en Inde, en Amérique du Nord et en Europe.

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Au temps 3 dans les années 1950, est observée l’émergence d’un yoga mondial, les idées circulent plus rapidement et dans de nombreuses directions.

Les européens échangent avec les américains, les individus apparaissent toujours plus nombreux et les supports tels les livres le sont également.

Des fédérations voient le jour comme la fédération française de yoga.

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Enfin, au temps 4, des individus sont dorénavant autorisés à enseigner le yoga sans passer par L’Inde. Le yoga circule, des mobilités de personnes, d’idées sont observées. Le yoga est une discipline qui s’implante dans les écoles et qui produit des haut-lieux dédiés au yoga.

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Les lieux et haut-lieux du yoga

Analyse de l’émergence des haut-lieux pour comprendre les dynamiques de mondialisation du yoga

C’est le Ministère du tourisme indien qui a désigné, dans les années 1980, Rishikesh comme étant la ville capitale du yoga. Aussitôt, ce titre a été happé par les centres de yoga sur place et c’est ainsi que les ashram (lieux dédiés à la méditation) se développent.

Anne-Cécile, en s’intéressant aux lieux, a procédé à des relevés de terrains et a pu observer l’historique des centres de yoga de la ville.

Comment se sont multipliés les ashrams ?

Plusieurs autres lieux sont des haut-lieux du yoga ailleurs qu’en Inde.

  • L’American Dream du yoga est un lieu construit en 1986 spécialement pour le yoga.

Il fait également office de cure de désintoxication.

L’architecture s’inspire du néo-indouisme. La publicité faite pour le centre annonce un lieu construit dans un environnement « idéal ».

  • Il y en a un autre en Afrique du sud, qui est un lieu très symbolique avec une

Architecture moins moderne.

La nature des activités y est intéressante, c’est un lieu spirituel et de soins fréquenté principalement par les immigrés originaires d’Inde.

On peut également y recevoir des enseignements et des soins hérités des savoirs indous.

  • Le dernier lieu présenté est en Ecosse, le centre Dhanakosa.

Il a été construit dans une ancienne bâtisse prévue pour être un lieu de santé

Ce lieu est très prisé par les urbains qui ont besoin de s’évader de leur quotidien.

Actualité récente

Comme il a été dit précédemment, le yoga est très institutionnalisé et dépend aujourd’hui du ministère de AYUSH, créé en 2000 (Ministry of Ayurveda, Yoga & naturopathy, Unani, Siddha and Homoeopathy)

Points autres :

Notes sur le lien entre yoga et politique :

  • Il y a des centres de yoga où l’idéologie est distillée au quotidien et où l’on enracine l’indouisme via des cours de yoga
  • Le médecin devenu gourou qu’elle a observé prescrivait des postures de yoga à ses patients. Il fait sa consultation en compagnie d’une divinité hindoue attachée au mur et avec une réplique miniature d’AGNI (nom donné au missile nucléaire indien ; à l’origine, Agni est le nom d’une divinité de l’hindouisme qui symbolisme le feu, la foudre –par extension, la guerre).
  • La journée mondiale du yoga a été adoptée par l’ONU, supportée par le 1er ministre Modi, à tel point que le yoga est leur outil de propagande nationaliste hindoue internationale

Conclusion :

Le fil directeur des recherches de Anne-Cécile Hoyez a été l’analyse multiscalaire de la santé et de la mondialisation.

En dehors des questions de santé, en tant que géographe, ce qui l’a également intéressée est la production et la reproduction des lieux dans le monde, leur signification mais aussi leur portée sociale.

Ce sont des liens complexe espace / santé / société

Compte rendu réalisé par Mélanie Vico,
Présidente de l’association des étudiants en géographie de Montpellier : Le Globe.