Introduction
Selon la définition de l’INSEE, « l’intercommunalité permet aux communes de se regrouper au sein d’un établissement public soit pour assurer certaines prestations (ramassage des ordures ménagères, assainissement, transports urbains…), soit pour élaborer de véritables projets de développement économique, d’aménagement ou d’urbanisme ».
Si les premières formes de coopération intercommunale sont apparues voici plus de cent vingt ans (suite à la loi du 22 mars 1890 permettant la création d’un syndicat intercommunal à vocation unique), les groupements intercommunaux prennent une place croissante dans l’action publique locale au cours des années 1990, notamment grâce aux lois du 6 février 1992 et du 12 juillet 1999 qui les ont renforcés puis simplifiés, et à celle du 13 août 2004 visant à améliorer leur fonctionnement. Ils couvriront bientôt presque tout le territoire national. [1]
Récemment, la loi du loi du 16 décembre 2010 sur la réforme territoriale a bénéficié d’un écho médiatique important sur des aspects quelque peu controversés, tels que l’élection des conseillers territoriaux, mais les différents aspects du volet intercommunal ont finalement fait l’objet du plus grand consensus. Néanmoins, cette loi, dont l’un des objectifs est « l’adaptation des structures à la diversité des territoires » aura rapidement des conséquences importantes auxquelles ce Café Géo va s’intéresser.
Cécile JEBEILI, Maitre de Conférences en Droit Public à l’Université Toulouse II le Mirail, se propose de présenter les dispositions les plus innovantes de cette réforme en ce qui concerne les territoires, la gouvernance, les moyens de l’intercommunalité ainsi que les nouvelles formes de coopération (métropoles, pôles métropolitains, communes nouvelles) et d’en offrir une lecture critique.
Dans un second temps, Stéphanie GUIRAUD-CHAUMEIL, vice-présidente de la Communauté d’agglomération de l’Albigeois (C2A), fera notamment le point sur les différents enjeux de l’intercommunalité pour le citoyen.
Déjà compétente en matière de transports urbains, d’habitat, de développement économique, des questions des espaces aquatiques, de la collecte et du traitement des déchets, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la C2A a récemment franchi de nouveaux caps, notamment avec les transferts de compétences concernant la voirie, l’assainissement dans son ensemble, l’éclairage public, les médiathèques, les déplacements doux et la propreté.
La C2A a été créée au 1er janvier 2003 en regroupant 16 communes (dont 13 étaient déjà réunies au sein de deux Communautés de communes), avant d’accueillir une 17ème commune l’année suivante. La C2A s’étend sur 281km² et comptait, d’après l’INSEE, 82.652 habitants au 1er janvier 2010.
Compte-rendu :
Compte-rendu réalisé par Julia BOUTOLLEAU, Rémi CHOCHON et Eulalie COMBELLES étudiants en licence de géographie au Centre universitaire J.F.Champollion, sous la direction de Thibault COURCELLE et Mathieu VIDAL, enseignants-chercheurs, co-animateurs des Cafés Géo d’Albi.
Éléments de la présentation
Première intervenante : Cécile JEBEILI
L’annonce de la réforme territoriale a été faite par le président Nicolas Sarkozy en septembre 2008 à Toulon. Cette annonce était les prémices à la promulgation de la loi le 16 décembre 2010. Dans cette réforme territoriale le volet intercommunal, même s’il est peu connu, a une grande importance. En effet, 75% des dispositions de la réforme touchent l’intercommunalité.
Territoire intercommunal
Au 1er janvier 2010, il y avait 2611 EPCI à fiscalité propre qui regroupaient environ 90% de la population française et environ 95% des communes françaises. Ces chiffres montrent bien la « révolution intercommunale » qui s’est mise en place grâce à l’application de la loi Chevènement. Avant cette loi, l’intercommunalité était considérée en France comme une « coquille vide ». Elle représentait un paysage désordonné avec une incohérence spatiale. En effet, une commune pouvait adhérer à plusieurs EPCI, ce qui entrainait de nombreux dysfonctionnements notamment au niveau des compétences.
La loi Chevènement a donc pour principal objectif de clarifier l’architecture intercommunale en créant une cohérence territoriale. Le maillage intercommunal se fait autour de trois espaces:
– la communauté de commune qui a des compétences limitées mais ajustables,
– la communauté d’agglomération regroupant au minimum 50 000 habitants qui a des compétences notamment en matière de développement économique et dans l’aménagement de l’espace,
– la communauté urbaine avec des larges compétences regroupant au minimum 500 000 habitants.
La mise en place de cette loi n’est pas toujours facile que se soit en milieu rural ou en milieu urbain. Au 1er janvier 2010, 1098 communes n’étaient pas dans une intercommunalité, elles représentaient 11% de la population française totale. La date d’achèvement de cette loi est le 1er juin 2013. D’ici là, les préfets et les élus locaux vont établir des schémas départementaux de la coopération intercommunale afin de prévoir les modalités d’achèvement et de rationaliser les intercommunalités déjà existantes comme par exemple le seuil démographique minimum de 5000 habitants. Ce schéma sera soumis à l’avis des communes tout au long de l’année 2011 et les nouveaux périmètres seront soumis à l’accord des communes et EPCI concernés en 2012. Par ailleurs, le préfet aura le droit, jusqu’en 2013, de forcer une commune à intégrer une intercommunalité afin qu’il n’existe aucune exception.
Cette réforme tente de créer des territoires fonctionnels et ainsi, nous nous orientons vers une représentation du territoire comme « bassin de vie ». Cependant cette réforme n’est pas aisée au niveau des territoires car il y a des difficultés qui persistent. Les périmètres sont difficiles à délimiter ce qui amène beaucoup de questions au niveau de la mutualisation et de la solidarité financière.
La gouvernance
Nous pouvons parler désormais de démocratie intercommunale car c’est au suffrage universel direct que seront élus les conseillers communautaires des EPCI à fiscalité propre en même temps que les élections municipales. Les intercommunalités seront donc des lieux de démocratie et de pouvoirs car elles ont de plus en plus de compétences. Ce sont maintenant de réels territoires. En effet, le niveau intercommunal est de plus en plus important et les budgets intercommunaux sont de plus en plus conséquents. Les intercommunalités sont donc autonomes au niveau fiscal, ce qui entraîne obligatoirement un lien de représentation démocratique entre les citoyens et les élus. Ce nouveau lien va créer le sentiment d’être un citoyen intercommunal. Toutes ces nouvelles dispositions relatives à la gouvernance intercommunale rentreront en vigueur lors des prochaines élections municipales de 2014.
Les moyens
Il y a tout d’abord un renforcement des moyens techniques et administratifs avec notamment l’incitation à la mutualisation des services. De plus, il y a des conventions de mise à disposition de biens et de personnels entre les communes et les intercommunalités afin de réduire les coûts par exemple. Enfin, il y a la création de schémas de mutualisation de services qui permettra de faire un point tous les ans sur l’avancement de cette mutualisation.
Le deuxième élément en ce qui concerne les moyens, c’est le renforcement des solidarités financières et fiscales. Ce changement va entrainer une modification profonde de la géographie fiscale des intercommunalités, qui est accompagnée de beaucoup d’inconnues, comme la réaction à la suppression de la clause des compétences des départements et des régions.
Les nouvelles formes de coopération
La première nouvelle forme de coopération est la métropole. C’est la métropole qui a les compétences d’une communauté urbaine ainsi que quelques compétences du département et de la région. Ce fut un échec car ce nouvel échelon a déstructuré l’architecture pyramidale des intercommunalités.
Après la métropole est apparu le pôle métropolitain en octobre 2009. Ils étaient absents du premier dispositif et ont été réclamés après la réunion de l’association des communautés urbaines de France. C’est un dispositif extrêmement souple sous la forme d’un syndicat mixte qui est réservé à des intercommunalités qui vont former un ensemble de plus de 300 000 habitants, donc l’un des EPCI qui le constitue doit comporter au moins 150 000 habitants, le tout sans exigence de continuité spatiale. Ce nouvel EPCI pourra peut être permettre de traiter plus efficacement les questions inter-territoriales et permettra de rapprocher le Grand Lyon de St-Etienne métropole, Nancy de Metz, ou encore Nantes de Rennes notamment sur le projet du grand aéroport, ou encore Toulouse, Auch, Montauban et Albi.
Enfin, la dernière nouvelle forme de coopération, c’est la commune nouvelle qui fut mal exploitée et qui a conduit à un échec. C’est une énième tentative de fusion de commune comme la loi Marcellin.
Conclusion
Le volet intercommunal de la réforme va créer un nouveau niveau d’administration locale avec ce nouveau couple local: commune et intercommunalité. Ainsi, la commune dans sa communauté va voir apparaître une nouvelle gouvernance démocratique avec une citoyenneté intercommunale. Nous pouvons penser que ce couple local se modifiera peu à peu pour ne former qu’une seule entité dans les années qui viennent.
Deuxième intervenante: Stéphanie GUIRAUD-CHAUMEIL
Présentation: le cas de la Communauté d’agglomération de l’albigeois (C2A).
L’agglomération de l’albigeois compte 17 communes et 82 181 habitants d’après le dernier comptage. L’ensemble des 17 communes a progressé en terme d’habitants, ce qui montre que la communauté d’agglomération est attractive. Cette évolution s’est faite sur l’ensemble de la commune et pas seulement sur la ville centre. En guise d’exemple, la ville d’Albi progresse de 5.5% alors que Labastide-Dénat progresse de 39.7%.
Historiquement les premières ébauches de la communauté d’agglomération datent de 1999. Mais la création de la communauté d’agglomération date de 2003. La communauté ne comptait alors que 16 communes. La 17ème, Marssac-sur-Tarn, s’est rajoutée en 2004.
En 2010, un certain nombre de compétences a été transféré des communes vers la communauté d’agglomération et les conséquences s’en ressentent sur la vie du citoyen car beaucoup de ces compétences touchent à des actions de proximité, à notre quotidien.
Le fonctionnement de la C2A
La communauté d’agglomération compte dix commissions thématiques en fonction des compétences de l’agglomération (exemples : développement économique, déplacements urbains, commission médiathèque…). Toutes ces commissions se réunissent une fois par mois. L’objectif de ces réunions est de proposer des projets qui seront ensuite examinés en délibération.
La communauté comprend ensuite un bureau communautaire qui regroupe 23 membres et qui est dirigé par le président Philippe Bonnecarrère (Maire d’Albi). Parmi les 22 membres restants, se trouvent les maires des 16 autres communes. En fonction du nombre d’habitants par communes, a été ensuite instauré un système de représentativité. Ainsi par exemple, la ville d’Albi compte cinq représentants et celle de Saint-Juery en compte deux. Ces membres se réunissent environ tous les quinze jours. Ils travaillent autour des propositions faites par les commissions. Les délibérations sont ensuite adoptées par le conseil communautaire. Les représentants des communes au conseil communautaire sont désignés par leur commune.
Les nouvelles réformes pourraient, selon les points de vue, inciter les communautés d’agglomération à faire de plus en plus d’économie résidentielle. Le parti pris de la communauté d’agglomération est de continuer à entretenir cette économie tout en mettant l’accent sur l’économie liée à l’industrie.
Les compétences de la C2A
Le pouvoir de police municipale, actuellement, est resté une compétence communale. Il y a la volonté de faire des couples agglomération-villes. Mais à chaque fois que l’agglomération augmente ses compétences, les villes se dessaisissent de ces dernières. L’acceptation des habitants est parfois mal vécue.
Dans le cadre du transfert de compétences, la communauté regroupe 480 agents depuis le 1er Juillet 2010. Soit 160 agents supplémentaires depuis ces nouveaux transferts. Les 160 nouveaux agents viennent principalement des communes qui ont transférées leurs compétences, comme, par exemple, des agents des médiathèques.
Les compétences de l’agglomération concernent les compétences économiques, l’attractivité du territoire, comme en témoigne le projet technopole Albi-InnoProd. Les compétences concernent également l’aménagement des zones d’activités. Cependant, certaines zones sont restées de compétence communale, mais toutes les zones d’activités économiques nouvelles sont portées par la communauté d’agglomération. Ces compétences se traduisent ainsi par la contribution à l’enseignement supérieur. La communauté d’agglomération a été chargée d’une expérimentation DIACT (Direction Interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires). Cette expérimentation portait sur l’enseignement supérieur en ville moyenne. Depuis cette expérimentation, la communauté d’agglomération intervient sur le volet de l’enseignement supérieur et de la recherche par le biais, par exemple, d’aides aux projets de recherche, mais aussi sur le lien entre les entreprises et les étudiants.
Une autre compétence clé de la communauté d’agglomération concerne la collecte et le traitement des déchets. Le service propreté a donc été transféré en 2010. Il en va de même pour la protection et la mise en valeur de l’environnement par le biais, par exemple, des sentiers de découverte. En terme de mobilités et de déplacements, les bus font aussi partie des compétences de la communauté d’agglomération, tout comme le plan urbain de déplacement. Une étude va être menée prochainement sur ce plan urbain. L’idée serait alors de réfléchir à l’échelle intercommunale sur la manière dont on va se déplacer à l’avenir. L’objectif est d’avoir une vision globale pour la localisation des aires de stationnement, pour les réseaux de transports, mais aussi pour les pistes cyclables et le covoiturage.
Les compétences touchent aussi le cadre de vie et l’habitat, la voirie et l’éclairage public. La communauté d’agglomération a lancé un vaste projet pour résorber les zones blanches. C’est un projet qui devait couvrir l’ensemble du territoire de l’agglomération mais qui, techniquement, a pris du retard.
L’idée de tous ces transferts est de pouvoir faire accéder au plus grand nombre un maximum de services dans les mêmes conditions, le tout dans une logique de mutualisation. L’intercommunalité se renforce et devient un acteur de proximité.
Éléments du débat
Julien MONTILLAUD (doctorant à l’Institut de recherche en Astrophysique et planétologie de Toulouse) :
Si on prend la comparaison entre la taille des communes françaises et celle des communes européennes, je me demandais si les autres pays d’Europe avaient eu à accomplir la même démarche de fusion de communes pour réussir à construire des communes aussi grosses. Et si c’est le cas, peut-on en tirer des leçons sur les conséquences de ces démarches ?
Cécile JEBEILI:
Ce qui s’est passé dans la plupart des Etats de l’Union Européenne, pour les précurseurs dans les années 1950 et pour ceux qui ont rattrapé le train en marche dans les années 1960, puis pour les derniers dans les années 1990, c’est qu’il y a eu effectivement des phénomènes de recomposition territoriale par le biais de fusions. Il y a eu soit fusion, soit recomposition territoriale avec des lois qui, d’un point de vue autoritaire, posaient le principe selon lequel il ne pouvait y avoir de municipalités en deçà d’un certain seuil démographique. Ce sont des façons d’agir, particulièrement dans le nord de l’Europe, qui ont portées leurs fruits et qui ont fait que le phénomène intercommunal est beaucoup moins développé dans ces pays qu’il ne l’est chez nous puisqu’il y a moins de nécessité de regrouper les moyens des communes. Je crois qu’on ne peut plus en tirer de leçons. On a essayé à plusieurs reprises en France de mettre en uvre des procédés de fusions. Les procédés de recompositions territoriales ont été abandonnés à partir du 19ème siècle. On se heurtait systématiquement à la résistance des élus locaux. Pour ces mêmes raisons, on a voulu, concernant les fusions de communes, les percevoir comme volontaristes et c’est en cela que l’on a abouti à cet échec. Il y avait la possibilité des communes nouvelles mais on a raté le coche ! On ne peut plus guère en tirer de leçons. C’est la voie du compromis intercommunal qui a été choisie. Le biais qui est alors choisi est pour l’instant l’idée d’une fiction juridique car nous avons utilisé à plusieurs reprises, concernant l’agglomération, le terme de collectivité. Sauf que les intercommunalités ne sont pas des collectivités territoriales (cf. loi du 16 Décembre 2010). Mais le but est clair : une fois que toute la France sera intercommunalisée, que le processus intercommunal sera achevé, pourquoi maintenir le niveau municipal ? On peut difficilement revenir en arrière maintenant.
Cécile LASSERRE (conseillère économique à la Chambre des métiers et de l’artisanat du Tarn) :
Est ce que, avec l’agrandissement des intercommunalités, on ne va pas voir plutôt la disparition des conseil généraux? Est-ce que ce n’est pas la volonté affichée dans cette réforme?
Cécile JEBEILI:
Concernant les départements, la crainte c’est que le couple commune/intercommunalité évince le département et que le couple département/région bénéficie aux régions par biais du conseiller territorial, car avec la réforme, il y a la disparition des conseillers généraux et régionaux regroupés dans le mandat du conseiller territorial. On ne peut pas supprimer le département de manière directe, le rapport Balladur l’a bien indiqué, mais on peut les faire s’évaporer. C’est un processus juridique et à la fois physique, qui est permis par la montée en puissance des intercommunalités, par l’affaiblissement des départements dans le cadre des métropoles, par la fusion des mandats. On se rend compte que, chaque fois qu’il y a une réforme territoriale en France, on annonce la mort des départements et la montée en puissance des régions. Au bout du compte, ce sont toujours les départements qui sortent vainqueurs et les régions qui sont affaiblies. Pour preuve, le dernière réforme fiscale avec pour but de supprimer la taxe professionnelle où c’est la région qui a perdu l’intégralité de son pouvoir fiscal, alors que le département s’est beaucoup moins amoindri fiscalement.
Au travers du conseiller territorial, les régions se retrouvent dans la situation où elles étaient avant la loi de 1982, c’est-à-dire des établissements publics régionaux où les conseillers territoriaux, seraient en réalité des conseillers généraux. Ces départements, qui se retrouvent entre deux éléments qui montent en puissance, ne sont pas si mal. Il est très difficile aujourd’hui de supprimer les départements. On peut prendre pour exemple le décret où on devait supprimer le numéro du département sur la plaque d’immatriculation et les réactions que cela a produit. La population française serait indignée que l’on fasse disparaître les départements donc on veut faire en sorte de faire baisser leurs compétences et leurs pouvoirs, et de les fusionner de sorte qu’ils « s’évaporeraient » selon Balladur. Pour l’instant, ils ne se sont pas encore évaporés.
Mathieu VIDAL (enseignant-chercheur en géographie au CUFR d’Albi) :
Concernant le périmètre pertinent des intercommunalités, Cécile Jebeili a parlé de bassin de vie et avec la présentation de Stéphanie Guiraud-Chaumeil, on se dit que peut être que la C2A est précurseur car elle communique, sur son site, sur la notion de « bassin de vie » alors que son périmètre ne correspond pas à celui-ci. Donc on peut quand même s’interroger sur ce que vont être les futures intercommunalités dans leur périmètre, surtout dans le cas de l’albigeois qu’on peut prendre en exemple, que ce soit par rapport aux petites communautés de communes qui sont autour ou par rapport a la grande agglomération toulousaine qui est a proximité. Donc là, il y a de réels enjeux locaux de positionnement, que ce soit sur le territoire local immédiat ou alors dans celui d’une région.
Cécile JEBEILI:
D’une manière générale c’est vrai que je me réjouis plutôt de l’apparition de cette notion de bassin de vie. C’est la première fois qu’on a quelque chose qui est un peu pragmatique, qui prend en considération les réalités géographiques, les réalités des mobilités. La notion de bassin de vie va concerner d’avantage les territoires ruraux que les territoires urbains où c’est la notion d’unité urbaine qui prédomine. Finalement, on va se retrouver avec des intercommunalités rurales sur des bassins de vie des intercommunalités urbaines sur des unités urbaines. Il faut s’en féliciter. Il va y avoir des recompositions territoriales, mais il ne faudrait pas non plus qu’à l’occasion de ces recompositions territoriales, on en arrive à des intercommunalités « gargantua », c’est-à-dire des intercommunalités qui sont à taille XXL et qui ne permettent pas de mettre en uvre un certain nombres de compétences et particulièrement les mutualisations de services. Celles-ci sont gérables à un petit niveau, mais ce n’est pas gérable sur une intercommunalité qui s’étend considérablement.
Concernant l’agglomération toulousaine, on a les pôles métropolitains, cet instrument de négociation qui peut exister et d’intercommunalité, qui fera peut être la jonction entre les intercommunalités qui seront voisines. On sait que, de toute façon les périmètres institutionnels courent après les périmètres fonctionnels. Dès l’instant où un périmètre fonctionnel est arrêté, le périmètre institutionnel le rattrape, et puis, ça y est, le périmètre fonctionnel a évolué et donc on est toujours dépassé. A un moment donné, il faut garder des territoires qui sont dans des périmètres raisonnables et qui permettent à tout le monde, et notamment aux communes, d’exister.
Stéphanie GUIRAUD-CHAUMEIL:
Oui, il faut réaliser que ce qui est très difficile, c’est que l’on prend les décisions à 17. C’est compliqué car on n’arrive pas toujours à être tous d’accord. Cela demande des négociations pour essayer de prendre un maximum de décisions à l’unanimité. Donc cela donne lieu à des discussions tardives au sein des bureaux communautaires. Cela demande de la part de chacun, une capacité à négocier, à accepter certaines choses qui n’auraient pas été acceptées facilement si le maire avait pris sa décision tout seul avec son conseil municipal. Cela demande parfois que certaines décisions repassent devant les conseils municipaux de chacun.
On a quand même une « rigidité » de décision qui n’est pas neutre, donc il est évident que si on devait être cinquante, ce serait vraiment compliqué, ou alors il faudrait prendre des décisions dans lesquelles les plus petites communes en terme d’habitants ne seraient plus du tout représentées ou n’auraient plus leur mot à dire. Ce n’est pas le parti pris ici. Là aussi, il y a vraiment une notion d’équilibre à trouver car on est là pour faire avancer les choses et pour faire du concret. Donc si c’est pour faire des réunions à n’en plus finir avec des systèmes de blocages de décisions, cela ne fera pas avancer les choses et ce serait même un recul. Si on veut vraiment que le couple ville/ agglomération fonctionne bien, il faut que l’agglomération arrive à être réactive et opérationnelle. L’agglomération n’est pas encore redevable vis-à-vis des citoyens municipaux comme l’est actuellement la commune. C’est quand même pour le moment le maire qui passe devant les électeurs. Celui-ci attend aussi de la communauté d’agglomération qu’elle puisse répondre aux demandes de ses citoyens. On en viendra à l’idée des citoyens intercommunaux mais pour le moment, on n’y est pas complètement. Je peux comprendre qu’un maire qui va passer devant les électeurs ait besoin d’une liste de constat de choses faites. Toute cette articulation entre la commune et l’agglomération, c’est quelque chose qui nécessite que les territoires soient pertinents, car sinon, cela me semble compliqué.
Un participant:
Dans le cadre de fusions de plusieurs petites communautés, est-ce que les communautés de communes sont fusionnées dans leur totalité?
Cécile JEBEILI:
Oui, est-ce qu’il est prévu notamment par exemple qu’une commune s’échappe dans le cadre de la fusion? Alors, il y a des possibilités qui sont offertes aux communes. Dans le cadre de la fusion, il faut une condition de majorité des conseils municipaux qui est renforcée, c’est la règle de la majorité qualifiée habituelle, mais avec les 2/3 de l’échelle du périmètre maintenu et on ajoute également 1/3 des communes de chacun des EPCI concernés. Donc ça signifie que dès l’instant où on a obtenu cette majorité qualifiée, même les communes récalcitrante à la fusion seront absorbées dans le cadre de la fusion.
Un participant:
Ce n’est pas tellement qu’elle soit incluse au niveau bassin de vie, mais qu’elle soit attirée par une plus grosse ville ou village…
Cécile JEBEILI:
Il y a une autre possibilité qui est offerte, c’est là où rôle des élus locaux va être très important au sein des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI), c’est que les commissions dans le cadre de fusions, par exemple, peuvent proposer à la majorité des 2/3 de ces membres d’autres procédures de fusions. Elles peuvent proposer éventuellement que des communes soient rattachées à un autre EPCI si cela semblerait plus pertinent en raison de l’attractivité d’une ville centre ou d’un bourg centre à coté, pour que telle ou telle commune s’échappe, en quelque sorte, de la fusion qui est prévue initialement pour s’associer ailleurs. Mais il faut que l’on réunisse les 2/3 les membres des CDCI, c’est pour ça que j’insiste en disant que dans le cadre de la concertation, il est extrêmement important que les élus jouent le jeu et ne jouent pas l’opposition en pratiquant la politique de la chaise vide. Il faut absolument qu’ils investissent chaque siège qu’ils doivent occuper au sein des CDCI pour faire valoir leur droits et leur position.
Un participant:
Dans ces regroupements, comme vous l’avez dit, il doit y avoir une négociation entre élus. J’ai une crainte en temps qu’élu, est-ce que la population va suivre dans le cas où il va y avoir des regroupements? Je prends pour exemple actuellement le cas de la communauté de communes d’Anduze qui veut se rapprocher de la communauté d’agglomération d’Alès. Les élus le veulent mais la population ne le veut pas. On risque d’arriver à quelque chose d’assez compliqué dans le cas où il y aura des fractionnements, des regroupements un peu contre nature.
Cécile JEBEILI:
Il y aura forcément des cas où il y aura des difficultés qui se présentent. la force des communes passera par le pouvoir du préfet. Le fait que le préfet puisse exercer in fine un pouvoir autoritaire là où, précédemment, il n’avait qu’un pouvoir discrétionnaire, et bien cela permettra éventuellement à certains élus locaux qui désirent un regroupement, de se le voir imposer de sorte qu’il n’auront pas de comptes à rendre à leur population en disant: « ce n’est pas nous qui l’avons voulu, c’est le préfet qui nous l’a imposé ».
Un participant:
A plus forte raison, est-ce que c’est lié à la baisse du crédit de l’Etat, de la puissance de l’Etat qui se désengage dans la réforme?
Cécile JEBEILI:
Oui, mais face au déclin de l’Etat territorial et au déclin des services publics de l’Etat, je crois que, tout de même, le regroupement intercommunal reste une réponse adaptée à ce type de situation.
Cécile LASSERRE:
Le titre de l’exposé montre que l’on parlait du citoyen, et j’ai l’impression que les communautés de communes ne sont en fait pas du tout populaire. Est-ce que le fait de voter prochainement va les rendre plus populaire? J’ai eu l’impression que la communauté d’agglomération de l’albigeois est née l’année dernière avec toutes ses compétences.
Stéphanie GUIRAUD-CHAUMEIL:
Non, elle n’est pas jeune, elle n’est pas née l’année dernière. Par contre, effectivement, depuis l’année dernière, elle a des compétences qui la rapproche beaucoup plus des gens. Donc je pense qu’il y a des compétences qui vont la rendre beaucoup plus lisible au quotidien. Les camions de propreté ou les gens qui s’occupent de la propreté des rues avaient un logo de chaque commune, ils ont maintenant un logo de l’agglomération. Ils sont présents dans votre quotidien. C’est la même chose pour les bus, les travaux de voiries. Tout ce service de proximité va être rendu maintenant par la communauté d’agglomération même si, j’insiste, la programmation et le règlement financier sera toujours assuré par les communes par un système de compensation financière. Mais ce sont les communes qui restent maitres de leur programmation de voiries, qui vont les payer, mais le travail sera effectivement rendu par l’agglomération.
Donc l’agglomération semble être montée en puissance mais je pense que c’est dans l’ordre des choses. Après le fait qu’elle ne soit pas populaire, cela est tout-à-fait possible, mais est-ce qu’elle est connue? Pas trop! C’est cela le problème. Le problème c’est que quand les gens vont réaliser qu’ils votent également pour leur représentant à la communauté d’agglomération, ils vont peut être plus s’intéresser, plus vite se rendre compte de tout ce que fait l’agglomération dans leur quotidien et de manière générale. Ils n’en ont pas conscience forcément. Pour eux, c’est peut être encore une couche supplémentaire alors qu’avec le couple ville/agglomération, on n’a pas rajouté une couche de plus mais on a mutualisé un certain nombre de services qui étaient rendus par les communes pour les mettre au niveau intercommunal. On sent bien qu’il y a un déficit d’ « amour » des élus communautaires par rapport aux élus municipaux et c’est normal. En terme de légitimité, un élu communautaire n’a pas la légitimité des urnes. Il est là car son maire, si ce n’est pas le maire lui-même, lui a dit d’y aller. Cette question de légitimité est très importante. Après 2014, quand les citoyens vont voter pour les représentants dans les agglomérations, ce sera complètement différent. Ils auront été élus pour être représentants de l’agglomération.
Un participant:
Vous croyez vraiment que le fléchage aura été vécu comme un vote?
Stéphanie GUIRAUD-CHAUMEIL:
Déjà les gens vont être obligé de le voir et de se poser la question de ce que représente, sur les listes électorales, le représentant à l’agglomération.
Cécile JEBEILI:
En tout cas, le débat municipal, lors des élections, va porter sur l’organisation intercommunale et va obliger ceux qui se présentent à la fois comme candidat, conseiller municipal et conseiller communautaire à afficher ce débat là et à montrer les enjeux de l’intercommunalité. Ce n’est probablement pas la solution la plus efficace et la plus rapide pour que l’intercommualité apparaisse véritablement aux yeux des citoyens mais c’est la solution la plus raisonnable. C’est la seule solution que les communes et les élus locaux peuvent accepter aujourd’hui. Donc il n’y a pas le choix et c’est de cette façon que cela passera. Aux dernières élections municipale, tous les enjeux électoraux intercommunaux ont été totalement évincés ou appropriés par les communes en disant « regardez tout ce que nous avons fait pour vous ». Or, l’intercommunalité, c’est faire ensemble et à moindre coût ce qu’on n’arrive pas à faire tout seul ou que l’on faisait de manière extrêmement chère. Maintenant que le contribuable intercommunal apparait, il va y avoir des comptes à rendre et c’est au moment des échéances électorales qu’on les rend le mieux.
Un participant:
De toute façon vous aurez fléché qu’une liste pour laquelle vous aurez voté.
Cécile JEBEILI:
Toutes les listes seront fléchées. C’est à la représentation proportionnelle que les élus communautaires siégeront au sein du conseil communautaire en fonction du nombre de sièges qui seront affectés à la commune, sauf pour les communes de moins de 500 habitants où le scrutin par liste est absolument impossible et la représentation proportionnelle aussi. Ce sera donc de la même façon à la représentation proportionnelle que siégeront les conseillers municipaux et que seront désignés les conseillers communautaires, ce qui va permettre, à partir d’un certain nombres de sièges, à l’opposition municipale d’être représentée et de faire valoir les droits des citoyens à un débat démocratique. Car pour l’instant l’opposition municipale a son mot à dire et exerce un droit d’opposition démocratique au sein de l’arène municipale, mais si ce n’est plus là que les questions principales sont posées, alors que là où elles sont posées, elle n’a pas le droit de siéger, cela n’a strictement aucun sens. Je pense que ce n’est pas en 2014 que le citoyen intercommunal va naitre comme sorti de nulle part. Il va falloir du temps, un nombre important de scrutin qui vont s’accumuler pour que, véritablement, une citoyenneté intercommunale apparaisse totalement. Mais c’est un début et il appartient aux élus locaux de jouer le jeux du débat intercommunal porté devant les électeurs. Et puis de toute façon, sur les feuilles d’impôts, vous verrez votre taxe d’habitation, votre taxe foncière qui portera la marque intercommunale là où elle n’existait pas auparavant car vous étiez dans une intercommunalité à TPU. Donc là, je pense que vous serez un peu plus interpellé par l’intercommunalité et plus intéressé de savoir ce qu’on a fait de votre argent.
Un participant:
Mais enfin ça, j’ai envie de dire c’est quand même pas suffisant, on attend quand même des structures en place une meilleure information peut être.
Cécile JEBEILI:
La communication politique se fera immanquablement car précisément les élus communautaire, les conseillers communautaires, vont devoir remettre leur mandat en jeu devant les électeurs, donc ils vont devoir communiquer.
Stéphanie GUIRAUD-CHAUMEIL:
Cela ne sera plus un bilan uniquement municipal, ou en tout cas un programme uniquement municipal, mais ce sera un bilan et un programme municipal et intercommunal qui seront présentés dans chacune des communes, car les gens vont devoir s’engager sur le double niveau. C’est là où à nouveau cette notion de couple ville/agglomération est très importante car il va falloir que les communes jouent bien le jeu comme l’agglomération, de montrer que c’est une complémentarité et pas une couche supplémentaire. Tout ce qu’a l’agglomération comme compétence, les communes ne l’ont plus, sans pour autant qu’elles soient dépréciées.