Conférence à l’École Militaire, le mercredi 16 janvier 2019

 

Le capitaine de vaisseau Hamelin pendant sa conférence du 16 janvier 2019

 

Les Cafés géographiques ont eu le grand honneur d’être invités au centre d’études stratégiques de la marine, à l’École militaire pour écouter une conférence du capitaine de vaisseau Hamelin, chef du bureau stratégie politique de l’état-major de la marine. A ce titre, il conseille le cef d’état-major de la marine.

 

Le sujet de l’intervention était : notre défense commence au large.

A l’aide d’un PowerPoint (voir le lien: Café Géo – Enjeux maritimes – 16.01.2019) riche de très nombreuses cartes et de non moins nombreuses photographies, il nous a expliqué, de façon très synthétique, comment la marine gère un monde de flux, de stocks et de paradoxes. Il insiste sur le fait que, si la liberté de navigation existe et qu’elle est fondamentale, il n’en demeure pas moins de nombreux étranglements, physiques et autres.

L’insécurité maritime ne cesse de croître avec la multiplication des flux :

– les flux de marchandises sont devenus énormes et opérés par des navires toujours plus gros et plus nombreux, dont il faut assurer la sécurité ;

– les flux d’informations sont désormais assurés à 97 % par des câbles sous-marins : ils nécessitent tout autant de surveillance ;

– les flux migratoires entre pays pauvres et pays riches vont croissant avec la montée des inégalités et leur gestion est plus que redoutablement complexe ;

– les guerres pour les ressources halieutiques sont peut-être moins connues mais l’exemple nous est donné du golfe de Guinée dans lequel opèrent de nombreuses nations étrangères à la région. Nous avons par exemple compté jusqu’à 450 navires de pêche chinois. La question du pillage des ressources pose ainsi deux problèmes : l’absence de travail pour les pêcheurs locaux qui risquent de se tourner vers des activités illicites ; la diminution de l’apport protéinique pour des populations locales dont la croissante démographique est une des plus élevées au monde;

– la montée en puissance des trafics en tout genre, que ce soit dans le golfe de Guinée -qui vient d’être évoqué-, dans la Corne de l’Afrique ou dans les Caraïbes, inquiète aussi toutes les marines du monde : la drogue, les armes, peuvent circuler sur des voiliers ou des bateaux de pêche à l’apparence inoffensive…

 

Le retour des grandes puissances est synonyme de retour de la loi du plus fort.

Avec l’affaiblissement du multilatéralisme, chaque puissance veut surveiller ses points névralgiques, comme les détroits aux noms aussi célèbres qu’exotiques : Malacca, Ormuz, Panama, etc. ou bien les mers presque fermées comme la mer de Chine méridionale.

Avec le réchauffement climatique, la Route arctique du Nord-Est est devenue stratégique, particulièrement pour la Russie qui s’y installe aussi massivement qu’elle le peut.

Avec sa montée en puissance, la Chine ne se contente pas de réactiver les routes de la soie terrestres, elle œuvre aussi pour des routes maritimes de la soie qu’elle articule sur « un collier de perles » qui s’apparente aux comptoirs de l’époque coloniale. Elle s’assure, de façon très méthodique, le contrôle de nombreux ports de Shanghai jusqu’à Djibouti où, en complément, elle a implanté une base militaire en 2017. N’oublions pas que le port d’Athènes est sous son contrôle, comme tous les ports des pays qui ne peuvent honorer leurs dettes vis-à-vis de la Chine…

 

Les missions de la marine sont multiples : dissuader, protéger, intervenir, prévenir.

Pour dissuader, il faut, par exemple, avoir des sous-marins nucléaires.

Pour surveiller les 5 800 km de littoraux français et la Z.E.E. (Zone Économique Exclusive) de plus de 10 millions de km2 que contrôle la France, il faut utiliser les technologies les plus variées : satellites, drones, etc. et s’assurer d’avoir une longueur d’avance sur ses rivaux…. qui montent aussi en puissance.

Pour pouvoir intervenir contre toutes les formes de terrorisme, les forces mises en œuvre ne nous seront qu’à peine esquissées et l’on peut comprendre pourquoi, d’autant plus qu’il faut agir de concert avec les pays concernés. Mais nous le savons, la France est un grand marchand d’armes !

Il faut aussi pouvoir évacuer rapidement les Français expatriés (4 millions de personnes) s’ils se trouvaient dans un pays devenu à risque, ce qui n’est pas rare, que le risque soit politique mais aussi à la suite d’un cataclysme naturel.

 

Chaque jour, 5 000 hommes (et femmes) de la marine nationale sont déployés sur toutes les mers du monde, 24 h / 24. Trois préfets maritimes assurent notre sécurité depuis Brest, Cherbourg et Toulon. En conclusion, le capitaine de vaisseau Hamelin insiste sur un point : si une zone n’est pas surveillée, elle est pillée. Et comme nous sommes dans un monde désinhibé, nous devons croire à la menace !

 

Maryse Verfaillie – janvier 2019

 

Mille mercis à Monsieur Hamelin, qui fut aussi brillant pendant sa conférence que pendant les échanges nourris avec la salle. Les questions fusaient des adhérents présents, aussi curieux qu’enthousiastes. J’en retiendrai une : elle concernait le Brexit et les réponses faites étaient à la mesure du gigantesque problème que cela posait de part et d’autre de la Manche mais aussi pour l’avenir de l’Europe toute entière.

Enfin, au nom des Cafés géo, je tiens à remercier Émilie Lahaye, ancienne élève de Khâgne au Lycée Lakanal et présentement enseigne de vaisseau de 1ère classe au cabinet du chef d’état-major de la Marine, chargée de communication interne. Elle a permis cet échange puis relu ce compte rendu.