Compte rendu du Café géopolitique qui s’est tenu au Café de la Mairie, Paris 3e, le 9 novembre 2015

Présentation des intervenants :
Simon RONAI
Consultant en aménagement urbain, Simon RONAI est agrégé de géographie et diplômé de Sciences Po. Il intervient dans plusieurs régions et est impliqué dans les réflexions sur la métropole du Grand Paris depuis 2001.

Nicole SERGENT
Membre du Conseil Économique, Social et Environnemental Régional d’Île-de-France (CESER) et rapporteur de l’avis de ce dernier sur la Métropole du Grand Paris en date du 22 octobre 2015.

« La Métropole du Grand Paris (MGP) entrera officiellement en vigueur à partir du 1er janvier prochain. Évoquée depuis des décennies, sa construction fût semée d’embûches. Mêlant dossiers techniques et projets politiques, la définition des contours et des compétences de la MGP a été l’objet de féroces rivalités entre les différentes parties prenantes du projet (élus locaux, partis politiques, personnalités politiques, associations d’élus). Hasard des modifications du calendrier électoral, les Franciliens devront se prononcer sur la composition de leur futur exécutif régional quelques semaines avant l’entrée en fonction de la MGP. Les enjeux concernant la mise en place du Grand Paris et la division des compétences entre la nouvelle Métropole et le conseil régional d’Île-de-France se révèlent éminemment géopolitiques. Au cours de ce débat, nous reviendrons sur les diverses stratégies des uns et des autres ayant influencé la création de la MGP avant de nous intéresser, actualité oblige, plus spécifiquement aux enjeux des prochaines régionales en Ile-de-France. »

Bienvenue à ce second café de géopolitique locale !

Ceux qui ne connaissent pas le but de cette discipline en comprendront très vite le sens que nous lui accordons, une fois le débat entre nos deux intervenants lancés. En juin dernier, pour rappel, nous avions exploré une thématique nationale, à savoir les conflits d’aménagements du territoire. Aujourd’hui, nous nous concentrerons plutôt sur l’Île-de-France. Il ne s’agit pas d’anticiper s’il y aura des oppositions et la constitution de « Zones A Défendre » contre l’urbanisation des franges du parc de la Courneuve ou les futures gares du Grand Paris Express (GPE). Nous nous intéresserons ce soir à d’autres types de conflits, moins spectaculaires, moins violents, plus policés également mais tout aussi résolus.

Vous serez en effet appelés aux urnes les 6 et 13 décembre prochains, dans le cadre des élections régionales. Après trois mandats successifs, le président sortant du conseil régional d’Île-de-France, issu du parti socialiste, Jean-Paul Huchon, ne se représentera pas. Le scrutin s’annonce pour le moins indécis. Dans la foulée d’élections intermédiaires plutôt favorables (municipales 2014, départementales 2015), la droite espère bien faire basculer cette collectivité dans son escarcelle. Objectif : gérer la région-capitale, territoire symbolique mais aussi ô combien stratégique. Comme trop souvent, malheureusement, le traitement médiatique qui est fait de ces élections ne nous permet pas d’en saisir tous les enjeux. Pourtant, il n’en manque pas, à commencer par l’avenir que ce scrutin réserve à la Métropole du Grand Paris (MGP). Car le « Grand Paris » ne se résume pas à de nouveaux transports qui ne sortiront pas de terre avant 2019, mais concerne aussi la création d’une nouvelle institution dès le 1er janvier prochain.

Regroupant la capitale et 130 communes de la petite couronne, elle ambitionne d’être une « super-collectivité », exerçant sur le cœur de la région Île-de-France. Elle héritera de compétences en matière d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement, de développement économique mais aussi de logement. Les répercussions des décisions qui seront prises par ce nouvel acteur institutionnel seront autant techniques que politiques. A ce titre, les candidats aux élections régionales ne souhaitent pas se laisser déposséder d’une partie de leur territoire d’intervention. Eux aussi souhaitent continuer à exercer leurs compétences – qui ressemblent à s’y méprendre à celles de la métropole – sur Paris et la petite couronne.

Pour vous aider à vous forger votre opinion sur la métropole du Grand Paris – l’un des principaux enjeux de ces élections régionales –, nous avons le plaisir d’accueillir deux intervenants.

  • Simon RONAI, vous êtes urbaniste, vous vous intéressez depuis des années aux collectivités franciliennes et à l’émergence de la métropole. Vous êtes également membre du comité scientifique de l’Atelier international du Grand Paris. A ce titre, vous n’avez pas loupé un seul épisode de sa création. Vous reviendrez dessus, nous verrons qu’il y a beaucoup à dire.
  • Ce sera ensuite au tour de Nicole SERGENT de nous éclairer sur le sujet. Vous êtes membre des commissions Aménagement du territoire et Égalité des droits du Conseil Économique, Social et Environnemental d’Île-de-France, le CESER, et avez surtout été rapporteur d’un avis assez critique sur la métropole du Grand Paris, voté fin octobre.

Intervention de Simon RONAI

Simon RONAI se présente comme « n’étant ni fonctionnaire, ni titulaire d’un mandat politique. » Il précise travailler dans un bureau d’études privé (Orgeco) pour des collectivités publiques. Il travaille sur Paris et l’Ile-de-France depuis 2001, et notamment auprès de Pierre MANSAT (Conseiller de Paris et adjoint PCF au maire de Paris chargé de Paris Métropole et des relations avec les collectivités territoriales d’Île-de-France entre 2001 et 2014).

Sa présentation, dont nous reprendrons certaines diapositives, aidera le public à comprendre les enjeux de la construction de la MGP.

La métropole : quinze ans de débat.

« On entend beaucoup que la constitution de la métropole parisienne est un coup d’état, en réalité ce processus est en marche depuis longtemps. » Sa concrétisation, aujourd’hui, est donc tout sauf une surprise, selon Simon RONAI.

Quelques chiffres :

Paris → 105 km² – 2,24 millions d’habitants – 1,6 millions d’emplois – 1 commune

Petite couronne → 655 km² – 4,42 millions d’habitants – 2 millions d’emplois, 123 communes

Agglomération ou Unité Urbaine → 2723 km² – 10,2 millions d’habitants – 396 communes

Région IDF → 12000 km² – 11,6 millions d’habitants – 5,5 millions d’emplois – 1281 communes

L’Ile-de-France rassemble 21% des habitants du pays et réalise 29% du PIB français, les enjeux institutionnels qui s’y jouent relèvent donc d’un double-jeu national et international.

Chaque jour, 800 000 « banlieusards » travaillent à Paris et 300 000 « parisiens » travaillent en banlieue

Seuls 25% des actifs franciliens travaillent dans la commune où ils habitent : c’est donc un fait, une métropole est advenue dans la réalité quotidienne des individus, même si ce n’est pas encore le cas au niveau institutionnel et politique.

Pourquoi une construction si compliquée ?

Tout d’abord il y a une concomitance des périmètres entre la MGP et la Région IDF.

Les enjeux nationaux et internationaux justifient que l’État se préoccupe de la question métropolitaine.

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En gris est représentée l’unité urbaine avec une unité construite, la représentation d’une nappe urbaine et continue avec 40% de la population qui vient travailler dans l’agglomération. En orange est représentée l’aire urbaine. Aucune limite administrative ne coïncide avec rien, selon les dires de Simon RONAI, ni avec les bassins d’emploi, ni la Seine, etc., et c’est un hasard si parfois il y a un recollement avec les départements antérieurs.

La décentralisation :

La France est le seul pays d’Europe où la décentralisation n’a pas été accompagnée par un redécoupage des Régions ou une diminution des communes par le biais de fusion. Dans notre organisation administrative, chaque commune a la plénitude de ses compétences via la clause de compétence générale, mais également le principe constitutionnel de non tutelle d’une collectivité sur une autre.

Il faut également rappeler que la constitution des métropoles françaises en 1966 s’est faite de manière autoritaire, par l’Etat (gaullisme). Ce qui aujourd’hui semblerait invraisemblable ! Ainsi, en prenant Lyon ou Bordeaux en exemple, il faut se souvenir que ces métropoles ont été « faites » par l’État et non pas par des volontés politiques locales.

De plus, la capitale a toujours reçu, et continu de recevoir, un traitement particulier avec une loi spécifique. Et, il en reste une méfiance constante Paris/Province.

Des enjeux historiques, économiques, politiques :

1860 → les limites de Paris sont redéfinies et étendues par Haussmann et Napoléon III. A ce jour, certain-e-s

élu-e-s d’Île-de-France parlent encore de cette extension/annexion, et cela ressort dans leurs discours actuels.

1913 → Le terme de Grand Paris est évoqué pour la première fois.

1965 → Démantèlement du département de la Seine et de la Seine et Oise, création des sept départements.

1977 → Le premier Maire de Paris est élu (Jacques Chirac). Paris devient une commune de plein exercice.

Avant cela, c’était le Préfet qui administrait la capitale. Selon Simon RONAI, Paris s’est développée au détriment de la banlieue, ce qui est une réalité, mais cette réalité n’est pas imputable à l’autorité municipale.

1999 → Loi Chevènement qui travaille à la constitution d’intercommunalités, faisant à nouveau de Paris une exception.

2001 → Bertrand DELANOE est élu maire de Paris. Il souhaite le renforcement des liens entre Paris et la banlieue, il nomme Pierre MANSAT pour s’occuper de cette question.

2007 → Discours de Roissy (Nicolas SARKOZY) où est évoquée l’hypothèse de la création d’une communauté urbaine.

2009 → Consultation internationale sur la métropole Post Kyoto – où la crainte de l’annexion est toujours prépondérante, mais où l’idée du Grand Paris a été popularisée.

2010 → Rapport Balladur qui propose une communauté urbaine et la suppression des trois départements de la petite couronne (92, 93, 94)

→ Loi du Grand Paris et création de la Société du Grand Paris (SGP), correspondant à l’actuel métro et aux territoires des Contrats de Développement Territoriaux (CDT)

12-15 → le débat législatif dure trois ans et il en ressort deux lois : MAPTAM (Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles) et NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République).

En 2001, les élus de tous bords politiques se mettent autour de la table pour discuter, échanger et évoquer l’idée d’une coopération métropolitaine, un mode de gouverner différent. En 2006, cela aboutira à la conférence métropolitaine. En 2009, le syndicat d’étude métropolitain Paris Métropole est créé (207 communes, les départements d’IDF et la Région), il existe encore. En 2012, se présage la perspective des élections présidentielles. Les maires sont alors consultés sur l’avenir de la métropole. Un livre vert est édité par Paris Métropole, qui devait être suivi par un Livre Blanc, jamais paru. En l’absence de solution majoritaire rapportée par cette instance, c’est le gouvernement qui reprend la main. Ainsi, au 1er janvier 2015, la loi renforce le rôle des Régions et voit la création de 11 métropoles, avec le cas atypique de la collectivité de Lyon. Au 1er janvier 2016 seront ainsi créées Marseille Provence et la Métropole du Grand Paris.

Des sujets qui posent débat dès le départ :

  • Transports : un compromis est fait entre la Région et son plan de mobilisation, et le Gouvernement avec la création du Grand Paris Express. Le sujet est à ce jour tranché.

En 2010, la loi du Grand Paris est votée et par la même la création de la SGP. Il est prévu que soit construit le GPE avec 95km de lignes et 69 gares tournant autour de Paris et reliant les pôles d’activités (aéroports), ce qui est une réelle nouveauté. Les enquêtes publiques sont en voie d’achèvement et se sont déroulées sans trop de difficultés avec une mobilisation citoyenne. Par ailleurs, la création de CDT (21 en tout) autour des gares va permettre aux élus de définir des projets de développement. Tous ces projets relèvent d’un réel compromis fait par les élus locaux.

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  • Logement : C’est une question politique éminemment épineuse. La loi SRU n’est pas toujours respectée, avec un déficit des constructions en IDF, le non respect des 25% de construction de logement social, et un manque de 450-500 000 logements. A savoir que la délivrance de permis de construire et le choix des typologies de logement relèvent de choix du Maire de la commune.
  • Développement économique : Manque d’une autorité, ce qui aboutit, notamment à une concurrence territoriale féroce pour attirer de nouvelles entreprises.
  • Ressources fiscales : Pression des ménages et des entreprises ; les impôts sont plus faibles à Paris qu’ailleurs en banlieue et posent des problèmes pour l’équilibre des ressources à l’échelle de l’IDF (impôts plus lourds dans les communes plus pauvres).
  • Développement Durable : Plan climat à l’échelle de la commune, nécessite décision supra-communale.
  • Le Grand Paris, comme une des quatre villes mondiales : que faire ? L’organisation des JO, l’exposition universelle, le tourisme, cela dépend de la posture idéologique et des clivages politiques.

Quels acteurs :

  • 1281 communes
  • 110 intercommunalités généralement petites et mal intégrées car relativement récentes
  • 8 Départements puissants
  • 1,2millions d’habitants, avec des ressources différentes ; et des différences territoriales à la fois économiques, sociales et politiques

En termes économique, il faut noter que le budget de la Région IDF est moins important que celui de Paris à lui seul. La Région a ainsi peine à exister face à ses partenaires.

Si la ville capitale reste isolée administrativement, elle est également redoutée, convoitée et mythifiée.

2009-2012 : Comment imaginer l’avenir de la Région IDF ?

Trois orientations sont présentées :

  • La Métropole concertée : aucun changement par rapport à la situation actuelle.
  • La Métropole intégrée : fusion de Paris et de la petite couronne. Cette vision a été peu plébiscitée. Il est à noter que Claude BARTOLONE défendait cette positon lorsqu’il était Président du Conseil Général de Seine-Saint-Denis, puis en convoitant le siège de Présidence de la Région, sa position a aujourd’hui changée.
  • La Métropole articulée : confédération d’intercommunalités.

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Il y a un risque d’illisibilité car ce processus parlementaire est inédit ! 12 débats en commission, 6 votes des 2 assemblées, 4 années compilées dont ressortent 2 lois.

→ La métropole parisienne est donc dotée d’un statut spécifique à partir de 2020, avec 136 communes, 4 départements, la Région, l’État et l’Europe ; avec un double niveau d’intercommunalité et une progression possible jusqu’en 2020.

Le pouvoir exécutif de la métropole comporte 209 conseillers, répartis comme suit :

  • 62 pour Paris ;
  • 1 représentant (conseiller) par commune,
  • 1 représentant par tranche de 25 000 habitants,

L’élection des conseillers au suffrage universel reste, à l’heure actuelle, en interrogation. Il s’agit même de la disposition la plus contestée.

Ces conseillers élisent classiquement 1 président et 20 vice-présidents. Il existera également un ensemble d’organes consultatifs. Il y a l’idée que la métropole converge vers des compétences en aménagement, avec un pôle métropolitain de l’habitat et du logement notamment. Un syndicat technique autonome est en cours de réflexion pour réunir ces compétences.

Jusqu’en 2020, les élu-e-s communaux gardent leurs ressources (sauf baisse des dotations). Pour la MGP, il n’y a pas de changement (entre 4 et 5 milliards d’€), mais aucune commune ne devrait être perdante, elles gardent les impôts ménages (7 millions d’€ pour le fonctionnement / 65 millions d’€ pour les politiques métropolitaines).

La faisabilité technique du processus :

La mise en place de la MGP engendre de nombreuses questions, notamment en termes de faisabilité technique de ce processus :

  • Crédibilité/efficacité de la recentralisation des politiques d’aménagement ?
  • Rôle du pouvoir local ?
  • Devenir des Départements ?
  • Contenu du projet métropolitain ?
  • Devenir des 4000 agents dans les intercommunalités ?
  • Place du citoyen ?

Intervention Nicole Sergent :

Présentation du Conseil Économique, Social, Environnemental Régional (CESER), qui travaille en fonction de ses missions et vise à accompagner la Région dans ses différentes missions. Il est organisé en quatre collèges : pour les entreprises, les organisations syndicales et les associatifs (représentations des forces composantes de la société civile comme les associations de parents d’élèves, les associations environnementales, etc.). Le CESER est composé de 41 membres en IDF. Il y a également un collège de personnalités qualifiées défini par le Préfet et la Région. Tout cela est défini par le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).

Le CESER intervient dans plusieurs cas :

  • Sur saisine du Président du Conseil régional (CR). Il y a les saisines obligatoires et des facultatives.
  • Sur auto-saisine.

Des commissions préparent le travail pour que l’assemblée plénière puisse ensuite adopter les travaux définitifs.

Le travail sur la métropole du Grand Paris a fait l’objet d’une commission spécialisée et exceptionnelle créée en juin 2014, elle n’est donc pas pérenne. Le CESER est membre de la mission de préfiguration de la métropole dans le cadre du partenariat. Le CESER élabore un pré-diagnostic et donne les premiers axes du projet métropolitain.

Puis, Jean-Paul Huchon (Président du CR) a jugé utile que le Conseil Régional, à travers le CESER, soit présent dans la réflexion sur la mise en place de la MGP. En effet, cela comporte deux gros enjeux au niveau régional :

  • Il s’agit de s’interroger sur les projets et les questions de gouvernance territoriale régionale ;
  • Il s’agit de déterminer le rôle et la place que la Région devra tenir dans la nouvelle configuration métropolitaine.

Le CESER a donc été saisi, le 1er juillet 2014, par le Président du Conseil Régional.

L’objectif du CESER est de répondre à la saisine, et la construction d’un avis.

La saisine du président du Conseil Régional portait sur les éléments suivants :

  • Appréciation des choix institutionnels
  • Pistes de projets métropolitains
  • Préconisations du contexte institutionnel créé, la place et les actions de l’État, la Région et la MGP
  • Place du citoyen et de la société civile

Les avis doivent être articulés avec les points qu’aborde la saisine. Parallèlement, les questions de gouvernance territoriale et de l’articulation des compétences ont été abordées à propos de la métropole.

A la demande du Président du CR, le CESER a travaillé en point d’étapes.

1er point d’étape :

En janvier 2015, le Président souhaite un premier avis. Au sein de ce premier avis deux éléments ont été abordés :

  • La révision de l’article 12 de la loi MAPTAM qui prévoit la création de la MGP ;
  • L’article 59 de la loi NOTRe qui revoit l’architecture et le double niveau d’intercommunalités.

2ème point d’étape :

En juin 2015, le projet de la carte des Établissements Publics Territoriaux (EPT) est présenté.

Un travail de réflexion a été mené et ira jusqu’à donner ou non un sens au périmètre proposé. La création de la métropole institutionnelle ne reprend pas et ne correspond pas au périmètre de la métropole fonctionnelle (économique, sociale et culturelle, etc.) qui est peu ou prou l’aire urbaine de Paris, mais globalement celui de l’IDF. Le CESER est parti de cette déconnexion pour travailler sur son avis. La métropole institutionnelle était le cœur de cette métropole, et pesait ¾ du PIB francilien dans un périmètre initial de 5 millions d’habitants pour 124 communes.

Cependant, le CESER prend acte de cette réforme institutionnelle, n’ayant pas vocation à remplacer le législateur.

La loi MAPTAM, par le « droit d’option » rend possible, pour toutes le communes limitrophes de la petite couronne, l’intégration du périmètre de la MGP. Toutefois, peu de communes ont répondu à l’appel et ont respecté le délai accordé par la loi (soit le 30 septembre 2014). Le législateur n’est pas revenu sur l’extension du droit d’option et n’a pas fait savoir si ce délai avait été jugé trop court pour que les communes puissent se manifester. Ainsi seule Argenteuil est intégrée au périmètre selon MAPTAM. La surface n’est pas encadrée et n’a aucune base logique.

(Intervention de Simon RONAI) En effet, la loi NOTRe étend ce droit aux plates formes aéroportuaires, dont six communes de l’Essonne, mais seulement la moitié pour l’aéroport de Roissy car la condition était que le territoire doit compter deux aérogares. La transaction paraît donc délicate et avec des enjeux de retombées économiques. Le CESER trouve dommageable que le droit d’option ne soit pas suffisamment encadré.

Le périmètre ne paraît pas suffisamment encadré autour des bassins de vie, d’emploi, avec les coopérations existantes, et les enjeux de territoire et d’aménagement. Le CESER considère que la cohérence territoriale n’est pas assurée et en lien avec le schéma des intercommunalités de la grande couronne. Le CESER a donc émis un avis critique.

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La carte des ETP est arrêtée par le Préfet et donc l’État, le 16 juillet 2015 → 11 EPT + la commune/ département de Paris assimilé comme un EPT.

Le CESER estime que les EPT définis sont relativement équilibrés avec 450 000 habitants et en cohérence avec les intercommunalités de grande couronne ce qui permet de favoriser une coopération avec la MGP.

L’objectif est de chercher à réduire les inégalités. Il s’agit également de faire sens en termes d’aménagement avec les CDT qui ont entraîné une réelle dynamique depuis 2010, avec une implication de la société civile et des élus territoriaux.

Toutefois, d’après la carte, les équilibres ne sont pas toujours respectés, pour certains il est difficile de s’en affranchir aussi. Elle suit trop les limites départementales et casse les coopérations intercommunales. Nous pouvons prendre l’exemple du T12 avec les territoires du T9-T10-T11 qui présentent des faiblesses qui ne peuvent pas être corrigées d’emblée. Il faut donc être vigilant pour aider les EPT à se structurer, surtout ceux qui n’existaient pas sous forme d’intercommunalité auparavant. Le double niveau d’intercommunalité laisse encore une place particulière pour Paris, qui doit être regardée de près. Paris garde sa compétence générale ; et la spécificité parisienne pourrait continuer à s’afficher.

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Les choix effectués :

→ le périmètre des EPT est intéressant mais pas suffisamment pour enrayer les inégalités et avec peu de moyens disponibles pour intervenir.

→ Inefficacité d’harmonisation fiscale – partage produit de la fiscalité économique jusqu’en 2020, la politique des EPT et compétences ne peuvent s’exercer dans les mêmes mesures. L’harmonisation fiscale renvoyée dans 17 ans.

→ Risque que les citoyens soient éloignés de l’objectif métropolitain.

Globalement, le CESER s’interroge sur l’efficacité de la MGP, car le débat n’a pas été mené sur le fond de la pertinence de cette métropole. De plus, la MGP recouvre les mêmes compétences stratégiques que celle de la Région. Il aurait fallu un débat de fond sur les questions essentielles de la question métropolitaine et remplir les objectifs de co-élaboration (exemple du SDRIF ou Schéma Directeur de la Région Île-de-France). Il s’agit désormais de remplir au mieux les objectifs du SDRIF, mais le CESER reste dubitatif et interrogatif quant à la suite à venir.

Ainsi, le CESER pointe trois éléments :

  • Risque de concurrence et redondance ;
  • Quid de l’efficacité de la fonction publique ;
  • Regret sur la pertinence de la gouvernance en IDF – gouvernance métropolitaine mieux située à l’échelle régionale ?

Le CESER sera attentif aux évolutions dans les années à venir. Il y a une clause de la loi qui oblige à faire un bilan en 2020, et ainsi regarder l’évolution de la réflexion de la MGP et de ses articulations.

Questions de la salle :

Question 1 : Claude Bartolone était favorable à la métropole dans sa forme intégrée, sa position a-t-elle changé maintenant qu’il est candidat aux élections régionales ?

Simon Ronai : Ce n’est pas mécanique, c’est plus complexe. Il n’y a jamais eu de débat gauche/droite – communes riches/pauvres, ce sont les maires qui ont mené une histoire au regard de la posture et position pour défendre leur commune. Le risque est de figer les inégalités, les réactions anti-sarkozyste, etc. La position de Bartolone a été justifiée par le fait que la Seine-Saint-Denis était défavorisée.

Toutefois, cela se percute avec les échéances nationales et jusqu’en 2012 tout le projet était « Sarko », puis la volonté d’écoute d’Hollande et Le Branchu avec une réelle attente des élus, mais sans pour autant faire des propositions.

Le bon périmètre aurait été la Région, mais il a été éliminé dès le départ donc que faire ? La première couronne ?

Évolution interne des élus socialistes via l’écriture d’une lettre publique. Un mix des contingences politiques de besoin fiscal, etc. La ville de Paris avec ses difficultés financières aujourd’hui est donc moins dans la métropole intégrée (ex : Anne Hidalgo n’a pas souhaité augmenter les impôts).

Il y a eu un débat pour les régions en France. Les élus de la métropole sont contre la péréquation avec la province.

Question 2 : Pourquoi les citoyens ne se sont pas saisis de cette question ?

Simon Ronai : Nous sommes à la veille des élections et pourtant personne n’en parle. La réalité des inégalités n’est pas expliquée, et la plupart des gens n’a pas connaissance des inégalités fiscales. La MGP n’a pas été saisie par les enjeux des élections régionales ni par Bartolone, ni par Pécresse. Il n’y a pas de discours qui promeut les grandes villes, mais plutôt un discours ruraliste. Sur la question du Grand Paris, c’est le débat sur le métro qui a été retenu, car les autres sujets ne sont pas dans le débat, et si cela est évoqué alors c’est en négatif (fait peur et n’est pas présenté comme un progrès).

Le débat sur le métro rencontre du succès car c’est concret, facile à appréhender (sensibilisation).

Nicole Sergent : Le sujet est difficile d’entrée si les élus n’essayent pas de mobiliser les citoyens. La contradiction avec la mission de préfiguration et l’idée du Grand Paris peut porter à confusion entre le Grand Paris, le Grand Paris Express et les projets de développement économique. Des initiatives doivent être menées de façon urgente pour que les habitants soient associés au projet. Le CESER demande à ce que les élus prennent leurs responsabilités. Le cadrage institutionnel est là et la région va avoir un rôle clef pour permettre et obliger tous les niveaux (EPT, intercommunalités, MGP) et acteurs à travailler en commun. La loi NOTRe prévoit des outils, il faut s’en mobiliser.

Question 3 :

Une question géographique pour poursuivre, est-il possible de penser à ce territoire pour les habitants qui font ces flux quotidiens (comme nous l’avons évoqué précédemment). Comment penser le territoire en termes de flux?

Question 4 :

Il y a un fossé entre ces deux exposés et le vote à venir du scrutin régional ? Est-ce qu’il n’y a qu’à Paris que ça ne fonctionne pas ?

Simon Ronai : Pour la question géographique, le modèle de la métropole intégrée n’est pas un problème car arbitraire, et peut coïncider avec la réalité géographique et la péréquation des communes.

Il y a eu un discours anti-métropole lors des dernières élections municipales. Aucune région ne correspond aux zones de vie mais aux départements. Aux dernières élections, certains maires se sont fait élire sur la maîtrise de construction de logements sociaux et la maîtrise du pouvoir face à la métropole.

Nicole Sergent : Les territoires ne sont pas figés il existe des flux très différents ; emplois, marchandises, capitaux qui se superposent. L’IDF se distingue par des bassins de vie qui se superposent en partie, donc le périmètre administratif (avec une certaine pérennité) doit chercher à se mettre en adéquation avec la démocratie politique et ne doit plus bouger en permanence. La Région doit au travers de ces outils, faire coopérer l’ensemble des acteurs et des politiques contractuelles. Par ailleurs, pour une coopération plus souple, il faut des coopérations en fonction des territoires et projets.

Quels sont les enjeux ? Pourquoi le citoyen doit-il aller voter ? C’est le sujet même du devenir du territoire, même si cela va être compliqué. Les institutionnels doivent mettre en œuvre une certaine pédagogie pour faire changer les avis des habitants.

Questions diverses :

-On comprend qu’il va y avoir des difficultés à faire travailler les territoires ensemble. Autant il va falloir faire preuve de pédagogie pour que les citoyens prennent conscience de ce que cela implique.

-Quid de la démocratie participative ?

-Quelle est la vision européenne de la MGP ?

Question 6 : Peut-on parler d’avancée ou de recul pour les EPT ? Que devient Paris Métropole dans la future MGP ? Quelle est la position des présidents des grandes EPCI ? Quelle réforme pour la gouvernance de Paris ? Quel sera l’impact après les élections régionales après le 1er janvier 2017 ?

Simon Ronai :

→ Paris Métropole est une réussite et le travail sur le sujet continu avec les élus dans et hors la métropole. Les élus travaillent entre eux.

→ Gouvernance de Paris : polémique autour du conseil constitutionnel et implicitement sur le découpage des arrondissements qui ne sont plus la base de la politique légitime. Ils sont inégalitaires (démographie, économie, efficacité des services) et ne sont plus une base électorale.

→ Recul de la démocratie : il est prévu que élections du conseil métropolitain soient au suffrage universel dès 2020. Comparaison avec Londres qui a une politique d’ouverture, et pour qui le maire est déjà élu au suffrage universel. Il y a peu de contacts entre le monde politique et économique. Le maire une gouvernance sur l’économie et les transports.

→ Représentation européenne : pour le moment la lisibilité européenne n’a pas été saisie ; et c’est à la Région de travailler pour représenter la métropole francilienne (MGP, Région IDF) au service de l’attractivité.

Nicole Sergent : Il n’est pas sûr que la MGP soit plus lisible compte tenu des concurrences et du territoire. Si nous voulons réduire les inégalités, il faut une cohérence. En matière de logement, la MGP va établir un SCOT. La question des grands schémas régionaux peut se régler par une concertation avec les habitants. Une coopération est donc nécessaire.

Compte rendu rédigé par Floriane, Hugo, Mathilde, Maelly et Amandine pour lescafesgeopolo@gmail.com,
relu par Daniel Oster, décembre 2015