Et au bout, il y a Paris

 

Sur la route nationale 7, quelque part dans la Nièvre (Cliché : Pierre-Louis Ballot, 08 mars 2018)

 

Jeudi 08 mars 2018. Sur la RN7, quelque part dans la Nièvre. Fin d’une nouvelle journée de terrain.

Sur le chemin du retour, je ne peux m’empêcher d’effectuer un arrêt pour photographier la perspective offerte par la route ainsi que le paysage, auquel le jour déclinant donne des couleurs très particulières. Et puis, cela ne fait jamais de mal d’oublier pour un instant les prises de vue destinées à illustrer des aspects du travail de thèse.

 

Il faut dire aussi qu’en ce jeudi 08 mars, je parcours l’une des portions de la RN7 que je préfère.

La Nièvre… ses paysages, ses communes, ses panoramas… autant d’aspects qui éveillent en moi de multiples émotions, de la simple curiosité à une nostalgie exacerbée.

Mais c’est aussi parce que Paris n’est plus si loin. Paris, que j’aime tant arpenter.

 

Le tracé de la Nationale 7. Source: Les Echos Série Limitée

 

Lorsque l’on évoque la RN7, il est souvent question de sa destination, la Côte d’Azur. On se souvient alors des milliers de touristes qui, l’été, au cours des années 1950 et 1960, se lançaient à son assaut à bord de leurs automobiles.

Paris constitue le point de départ de cette route, à partir duquel on s’élance à travers une partie de la France, qui nous offre bien souvent les plus belles émotions géographiques qui puissent exister.

Mais, parfois, selon le sens et le motif du trajet, c’est Paris qui devient la destination de la RN7.

Quand on est sur la route, plus que l’arrivée, c’est le trajet qui constitue souvent le moment le plus enivrant. Sentir qu’on approche d’un lieu qu’on aime, où il nous tarde de se trouver…

Alors, quand je roule sur la RN7 en direction de Paris, arrive toujours ce moment où je sens que j’en approche. Et pour moi, sans que je ne sache réellement pourquoi, c’est dans la Nièvre que naît ce ressenti. L’impression d’éloignement fait soudain place à une impression de proximité.

 

Ce jeudi 08 mars, c’est la limite départementale avec le Loiret qui aura constitué ma « destination ». C’est toujours un peu frustrant de rouler vers Paris mais de savoir que je n’irai pas.

Ce jeudi 08 mars, sur ce chemin du retour, c’est Nevers qui allait constituer ma destination, avant de rentrer à Grenoble le lendemain.

Ce jeudi 08 mars, au moment où cette photo a été prise, la déraison aurait pu être plus forte que la raison. Et j’aurais pu ainsi faire demi-tour, parcourir cette ligne droite, traverser le Loiret, la Seine-et-Marne, l’Essonne… et arriver jusqu’à Paris.

 

Oui, au bout de la RN7, il y a Paris, et je crois bien que c’est l’une des choses que j’affectionne le plus sur cette route mythique.

 

 

Pierre-Louis Ballot, mai 2020.

 

Alain Robbe-Grillet : un écrivain géographe ?

Écrivain et cinéaste français, Alain Robbe-Grillet (1922-2008) est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, parus entre 1953 (Les Gommes) et 2007 (Un roman sentimental), et de dix films, sortis entre 1963 (L’immortelle) et 2007 (C’est Gradiva qui vous appelle).

Il demeure en partie connu pour avoir incarné, en compagnie des écrivain.e.s Michel Butor, Nathalie Sarraute et Claude Simon, l’un des chefs de file du mouvement littéraire appelé le « nouveau roman », apparu dans les années 1950[1].

Ce mouvement se caractérise par l’utilisation de règles en rupture avec celles du roman traditionnel, en cherchant notamment à détruire l’illusion du réel, avec par exemple la succession d’événements ne respectant aucune chronologie ou encore la présence de personnages non individualisés.

Si des travaux en littérature et études cinématographiques ont porté sur des thématiques récurrentes dans l’œuvre d’Alain Robbe-Grillet, telles l’érotisme (Colard, 2010 ; Demangeot, 2015), ou encore sur la structure narrative de ses livres et de ses films (Gardies, 1983 ; Allemand, 2010), plusieurs études littéraires se sont également intéressées à la place de l’espace dans certains de ses ouvrages. Ces dernières traitent tour à tour de la représentation et concrétisation sémiotiques de l’espace dans l’œuvre romanesque (Lissigui, 1996), de la subjectivité de l’espace sans cesse adapté à la vision et aux ressentis des personnages (Balighi, 2012), et du positionnement spatial comme moyen d’exister pour le narrateur, comme dans La Jalousie (Sarda, 2016).

Si cette utilisation que fait Alain Robbe-Grillet de l’espace m’a également marqué lors de mes premières lectures, elle m’a aussi conduit à me demander si l’espace et plus largement la géographie ne constituaient pas un moyen, pour l’auteur, de traduire le déroulement de certaines de ses intrigues et de donner davantage de sens à celles-ci.

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Lyon, porte des Alpes
Vue de Lyon depuis les hauteurs de Fourvière (Cliché Pierre-Louis Ballot, 24 juillet 2016)

Vue de Lyon depuis les hauteurs de Fourvière (Cliché Pierre-Louis Ballot, 24 juillet 2016)

En ce dimanche 24 juillet 2016, la vue depuis les hauteurs de Fourvière nous offre un superbe panorama de la cité lyonnaise : la Saône, le 2ème arrondissement (où l’on distingue nettement sur la droite la couleur ocre de la place Bellecour), les bords de Rhône (dont on devine la présence grâce aux nombreux arbres qui les jalonnent) et le quartier de la Part-Dieu (symbolisé par la tour de la Part-Dieu, surnommée le « crayon » ou encore, tout à gauche, la plus haute tour de la ville, la tour Incity, récemment achevée) apparaissent ainsi successivement sur les différents plans de la photographie. Puis, la ville semble ensuite s’étendre à perte de vue jusqu’aux collines, dont on peut tout au loin distinguer les premières formes.

Fasciné et subjugué par la vue proposée, je ne suis pourtant pas totalement satisfait : le temps, ce jour-là (et une fois de plus), ne me permet pas d’apercevoir et de contempler, à l’horizon, une partie de la chaîne des Alpes et son point culminant, le Mont Blanc. Un paysage qui, lorsque le ciel est des plus clairs et des plus dégagés, s’offre à qui s’aventure sur ces mêmes hauteurs de Fourvière ou encore sur les pentes de la Croix-Rousse, comme sur la photo ci-après.

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Quand le géographe-missionnaire devient un géographe-voyageur (Ourania, Le Clézio)

Ourania, roman de Jean-Marie Gustave Le Clézio (Gallimard, 2006), raconte l’histoire de Daniel Sillitoe, jeune géographe français envoyé en mission au centre du Mexique[1], et qui, au fil des jours et de sa présence dans la région, va découvrir tout un monde qu’il ne s’attendait pas à rencontrer, dont, entre autre, une cité idéale du nom de Campos.

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A travers l’itinéraire personnel de Daniel Sillitoe ce livre nous invite à réfléchir à la question du voyage et de la géographie, en posant plus précisément les questions suivantes : un individu qui voyage sans motifs particuliers (si ce n’est celui de découvrir un lieu) adopte-il nécessairement une vision de géographe face aux divers éléments qu’il peut être amené à rencontrer tout au long de son périple (par exemple, différents types de paysages) ? A l’inverse, le géographe, même s’il voyage dans le cadre d’une mission qui lui a été confiée, est-il pour un autant un voyageur au sens propre du terme (c’est-à-dire pour découvrir de nouveaux horizons, un nouveau pays, une nouvelle ville, des paysages différents de ceux dont il a l’habitude) ? Autrement dit, la figure du voyageur est-elle indissociable de celle du géographe ?

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