La crise mondiale : une ardoise de 55 800 000 000 000 de dollars

Laurent Carroué Directeur de recherche à l’Institut français de Géopolitique, Université Paris VIII Expert du groupe Mondialisation du Centre d’Analyse Stratégique (ex Commissariat Général au Plan)

Née aux États-Unis à la fin de 2006, la crise dite « des subprimes » est devenue au premier semestre 2009 une crise systémique mondiale d’une ampleur historique tout à fait inédite. On a en effet progressivement assisté en deux ans à un double phénomène de diffusion. Le premier est de nature sectorielle : cette crise initiale de la dette nord-américaine s’est progressivement transformée en une crise financière puis économique généralisée. Le second est de nature géographique : frappant de plein fouet la puissance états-unienne, elle s’est progressivement déployée dans l’espace mondial en touchant les grands pays développés, en particulier l’Europe occidentale et le Japon, avant d’atteindre les grands pays émergents (Chine, Brésil Russie, Inde) puis aujourd’hui l’ensemble de la planète.

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Archives – Cafés Géographiques de Québec

Retrouvez toutes les archives des comptes rendus des Cafés Géographiques de Québec, à consulter et télécharger au format PDF.

Qu’advient-il du rêve américain ?, David Fetter, 16 octobre 2008
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L’aménagement participatif à Québec, 400 ans après la fondation de cette ville, Réjean Lemoine, 20 septembre 2006
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Préparer l’après-Kyoto, Jacques Bilodeau, 5 avril 2006
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La problématique pétrolière, Antoine Ayoub, 5 octobre 2005
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Géographie et géopoétique, Rachel Bouvet, Marc Brosseau, Jean Morisset et Éric Waddell, 17 mai 2005
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Autour de : « Immigration, colonisation et propagande », une incursion dans l’inconscient collectif des Québécois, Serge Courville, 5 avril 2005
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Réchauffement de l’Arctique : impacts environnementaux et socio-économiques, Louis Fortier, mardi 8 mars 2005
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 » L’erreur boréale…  » jusqu’à quel point ?, Luc Bouthillier, mardi 14 décembre 2004
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Quel avenir pour les autochtones du Québec ?, Jean-Jacques Simard et Denis Vaugeois, lundi 25 octobre 2004
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L’Europe : quoi, comment, jusqu’où ?, Louis Dupont et Joël Rouffignat, jeudi 6 mai 2004
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Le Québec des gens d’ailleurs, Luc Bureau, lundi 19 avril 2004
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Le nouveau défi améri’qu’ain de la francophonie, Aline Lechaume, Dean Louder, Adèle St. Pierre et Éric Waddell, lundi 22 mars 2004
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Le géographe et le pouvoir, Louis-Edmond Hamelin, lundi 9 février 2004
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La crise des subprimes : enjeux géopolitiques et territoriaux de l’entrée dans le XXIe siècle

Laurent Carroué est Directeur de recherches à l’Institut Français de Géopolitique (université de Saint-Denis-Paris VIII).

En quelques semaines, la crise des subprimes est devenue à la fois la plus grande crise financière de l’histoire humaine et corrélativement le Plus Grand Casse du Millénaire. Alors qu’elle couve paradoxalement depuis presque deux ans et qu’elle monte en puissance depuis le printemps 2008, le mois de septembre 2008 menace de voir brutalement s’effondrer le système financier mondial. Comment en sommes nous arrivés là ? Comment expliquer une telle cécité quand en février 2008 un des principaux économistes de la réserve fédérale de New York peut écrire dans un rapport : « le déclenchement de la crise du crédit de 2007 constitue une énigme manifeste » (sic) (Adrian & Shin, 2008) ? Le traitement même de la crise, encore aujourd’hui, laisse songeur. Réduites à des effets d’annonce politiques plus ou moins fumeux qui répondent eux mêmes à la montée des faillites bancaires et à la panique des marchés, les informations distillées font trop souvent l’impasse sur une réflexion de fond quant à la nature même des événements auxquels nous sommes confrontés. Dans ce contexte, il semble indispensable de dégager rapidement quelques enjeux géopolitiques et territoriaux. Autrement dit : de l’importance de la géographie et de la géopolitique dans l’intelligibilité du monde contemporain.

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Carte postale de Vercelli (Italie)
La cascina Darola, commune de Trino, province de Vercelli Photo : Roland Courtot (17/09/08)

La cascina Darola, commune de Trino, province de Vercelli
Photo : Roland Courtot (17/09/08)

A la mi-septembre, sur la route provinciale des grange entre Vercelli et Trino, au nord du Pô. C’est la route des grands domaines dont les greniers à riz ont fait la fortune de leurs propriétaires, et la géométrie des grandes parcelles y déploie les couleurs jaunes du riz mûr. De loin en loin, les constructions de brique, longues et basses, des cascine étalent leurs constructions de brique rouge, et les neiges du massif du Mont Blanc semblent flotter à l’horizon nord-ouest comme un nuage immobile au dessus de la brume du matin. Les premières moissonneuses commencent à apparaître au bord des champs, mais pour l’instant ce sont seulement de grands tracteurs qui vont par deux, avec des bras articulés armés de disques, pour désherber les digues et les bords des rizières afin de préparer l’entrée des engins de récolte en action.

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Crise ou crises ? Du « peak oil » au crunch monétaire.

Thierry Rebour est Maître de conférences à l’Université d’Amiens (SEDET, Paris 7).
Conférence donnée à Reims le 8 juillet 2008 et retranscrite par Farid Benhammou.

Depuis quelques mois, l’économie mondiale est entrée dans une phase de crise. Tout a commencé aux Etats-Unis par la crise immobilière dite des subprimes, laquelle s’est propagée vers l’Europe assez rapidement. Une forte inflation, en particulier des matières premières, coexiste avec une déprime paradoxale des prix industriels apparemment d’origine structurelle. En outre, des crises financières récurrentes qui vont de bulles spéculatives enkrach secouent les indicateurs économiques mondiaux depuis plusieurs dizaines d’années.
En réalité, il s’agit de l’interaction de plusieurs crises au tempo différent :
une dépression longue qui touche essentiellement les pays développés depuis plus de 40 ans, où prix et volumes divergent à long terme ;
une crise de surproduction (ou/et de sous-consommation), conséquence de la précédente, liée à un ajustement par le bas des revenus du travail dans le monde à cause de la concurrence internationale entre pays de niveau de développement très différent ;
enfin une crise financière, de court terme mais dont les racines sont pluridécennales et dont la conséquence se manifeste par un surinvestissement sur les marchés des matières premières, en particulier les marchés à terme.

Pour comprendre les relations d’interdépendance entre ces trois phénomènes, nous étudierons tout d’abord la crise inflationniste de court terme et nous montrerons qu’elle est une conséquence de la dépression longue. Celle-ci fera l’objet de la deuxième partie. Enfin nous analyserons les effets de feed-back entre conjonctures longue et courte afin de comprendre la nature du problème financier structurel qui affecte l’économie du monde depuis plusieurs décennies.

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Archives – Cafés Géographiques de Metz

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Vauban et la ville : un héritage à gérer, Michèle Virol et Jean Boucon  – jeudi 18 septembre 2008
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Europe : la guerre des facs aura-t-elle lieu ?, Olivier Milhaud, jeudi 15 mai 2008
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Bières et brasseurs de Lorraine, Philippe Volueur, jeudi 14 février 2008
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Le Monde mondialisé, Christian Grataloup,  jeudi 13 décembre 2007
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Carte postale de Beaulieu-sur-mer
BEAULIEU SUR MER, Au bord de mer, Un coin fleuri N°1010 de G. Le Maître et Cie, éditeurs, Nice (collection de l’auteur)

BEAULIEU SUR MER, Au bord de mer, Un coin fleuri
N°1010 de G. Le Maître et Cie, éditeurs, Nice (collection de l’auteur)

Cette carte postale m’a été « délivrée » en « chinant » chez un petit brocanteur, dans la vieille ville de Belfort, à l’ombre du Lion.. Elle vient de Beaulieu-sur-mer et a été envoyée sous enveloppe, donc non oblitérée et non datée…Mais cela n’empêche pas de situer l’envoi au début des années trente, car c’est la grande période de la diffusion des cartes postales « colorisées », avant l’apparition des « vraies »couleurs (après la seconde guerre mondiale) Le décor est celui de la fin de la saison d’hiver sur la Riviera : sur le bord de mer endigué d’un jardin public, deux enfants (garçon et fille, 8 et 5 ans à peu près) prennent la pose pour la photo en habit marin et chapeaux de toile, chaussettes blanches. Un peu en retrait, deux femmes s’avancent : vêtements légers, chapeaux de paille-toile ( ?), canne et livre à la main, sweater sur le bras. La mode est celle des années vingt (Quel est le degré de préparation de cette « mise en scène » ? la spontanéité des « acteurs ?)

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Qu’est ce qu’un lieu saint ?

 L’expression ‘lieu saint » pose la question de la relation entre une notion géographique (la localisation) et une notion religieuse (la sainteté).

Extra-terrestre, le divin échappe par principe à la géographie : il n’a pas de lieu ; mais toutes les religions et les mythologies ont, ou ont eu, sur terre, leurs lieux saints ou leurs sites sacrés. En amont de cette distinction qu’il faudra expliciter, s’impose une question fondatrice : d’où procède cette nécessaire territorialisation du divin ?

      Ces lieux, parfois communs à plusieurs divinités, ont-ils partout le même statut ? Selon les religions, les mythologies et les époques, les multiples modalités de la territorialisation du divin impliquent des rapports différenciés de l’homme au monde.

La territorialisation du divin

Le lieu saint comme interface entre le divin et l’humain

Les mots saint et sacré ont de fait une signification commune. Le mot saint est traduit de l’hébreu (quados) par hieros en grec, dans la Bible des Septantes (II° s. av. J.C.). Les deux mots ont la même étymologie latine (sancire): ce qui est séparé, délimité, circonscrit, voire interdit (on se déchausse à l’entrée d’un mosquée, Moïse retire une sandale devant le buisson ardent), intouchable (Ouzza est terrassé pour avoir touché à l’Arche d’alliance, Zeus foudroie Sémélé qui le regarde), inviolable (l’église de la Nativité est le refuge ultime des Palestiniens), et même invisible (l’image est au cœur des querelles théologiques). Ce sont là des valeurs éminentes propres au divin, qui le mettent à part de l’homme.

Mais, selon que l’on est croyant ou non, l’homme est créature du divin, ou, à l’inverse,  secrète celui-ci : le divin suppose l’homme qu’il a créé ou qui l’a créé. Quel que soit le sens de la relation entre le divin et l’humain, il y a relation : ce qui est séparé de l’homme est aussi lié à lui, et la religion relie les hommes au divin (religare) autant qu’elle les rassemble entre eux (religere). Le lieu saint est peut-être la manifestation terrestre de ce passage, de cette interface entre le clos et l’ouvert, l’interdit et l’accessible, le divin et l’humain, le lieu d’altérité par excellence.

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Le calcaire et le terroir. Gustave Courbet, peintre géographe
Le calcaire et le terroir. Gustave Courbet, peintre géographe

A l’occasion de l’exposition au Grand Palais (Paris) 13 octobre 2007-28 janvier 2008. Metropolitan Museum of Art (New York) 27 février – 18 mai 2008. Musée Fabre (Montpellier) 14 juin – 28 septembre 2008.

« Un bâtisseur, un rude gâcheur de plâtre, un broyeur de tons » (Cézanne, à propos de Courbet)

 

Portrait de l’artiste, dit Le désespéré, 1844-1845 Coll. particulière

Portrait de l’artiste, dit Le désespéré, 1844-1845
Coll. particulière

Ils n’étaient pas peu surpris, les quatre étudiants qui planchaient ce début de juillet 2002 à la bibliothèque de l’Institut de géographie de Paris : ils passaient l’agrégation et voici qu’on leur donne à traiter les « paysages du calcaire ». Cartes géologiques, photos de lapiaz, bloc-diagramme de l’érosion karstique, textes et, in fine, une reproduction d’une peinture de Gustave Courbet (1819-1877), Le gour, exposée au Musée d’Orsay. Je me souviens avoir assisté à l’un des exposés à la fin duquel un membre du jury demande à l’impétrant : « Finalement, cette toile avec ce trou noir au pied de la falaise, cela ne vous fait pas-il penser à un autre tableau ? ». Le candidat avance prudemment une réponse on ne peut plus géographique : « L’Origine du monde ? – Monsieur, répond l’interrogateur pour clore la séance, nous vous remercions ».
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61 : Saint-Dié-des-Vosges : que d’énergie !

Le courrier de Cassandre n°61 pour une carte du Monde nouvelle, pour une géographie « curieuse » vous est offert ce 13.10.07 par les cafés-géo.

Par la volonté d’un anticyclone puissant venu des Canaries sans souci des frontières, le beau temps chaud régnait de manière imprévue à Saint-Dié pour le FIG, le festival de géographie du 4 au 7 octobre 2007. Ordre naturel du monde ou produit du réchauffement climatique ? Les pays les plus riches de notre planète aimeraient bien se donner un rôle dans un domaine qui les dépasse encore, quoi qu’ils en pensent : ils s’imaginent qu’ils réchauffent le monde ! Ce que c’est que l’ego ! Néanmoins, qu’il était bon, assis en chemise ou en décolleté aux terrasses soudain tropéziennes des bords de Meurthe, de disséquer doctement des « problèmes » de l’énergie, même si beaucoup en parlaient de manière si littéraire qu’on les aurait désarçonnés en leur demandant de fournir sur le champ la différence entre le joule et le watt. What ?

De manière inévitable, tant les pesanteurs des comportements sexuels sont grandes (ce que les géographes appellent pudiquement – pourquoi ? – la démographie !), notre planète devrait porter en 2030 environ huit milliards d’individus, deux milliards de plus qu’aujourd’hui. Quel est l’imbécile qui peut sérieusement imaginer que ces huit milliards-là n’auront pas envie de jouir au minimum du niveau de vie dont nous disposons aujourd’hui dans les pays riches ?

Cela n’empêche pas les « politiquement corrects » et ceux que Cassandre appelle les « soft gnangnan » de multiplier les appels à la mesure pour calmer l’angoisse des foules gavées, les nôtres. Au point de faire semblant de manger moins de hors-d’œuvre à midi pour réduire leur consommation / émission calorique et participer ainsi au sauvetage de la planète. On pourrait même leur dire : Make love, not war !, si seulement il était vrai que faire l’amour ne produit pas de l’énergie, donc du réchauffement !

Cassandre cependant ne veut pas rester à l’écart de ces comportements vertueux et insiste pour participer au désir / plaisir de contribuer aux propositions d’économies d’énergie dont les participants au festival n’ont pas été économes. C’est pourquoi elle propose à tous les géographes des solutions imparables en faveur d’une réduction progressive de notre gloutonnerie énergétique. Pour commencer : ne tenir le festival de Saint-Dié que tous les deux ans, puis tous les quatre ans. Ensuite, transformer le festival du niveau international (ce qui coûte cher en énergie de transport) au niveau national, puis de national à régional. Enfin, le réduire à la seule ville de Saint-Dié, pour aboutir au seul bureau de son maire-fondateur. Que d’énergies économisées !

Comment communiquerait-on ? Simple, aussi simple que certains des discours que Cassandre a pu entendre. Mettre un panneau solaire sur chaque ordinateur de participant potentiel. Installer un vélo d’appartement à côté, branché sur un accumulateur, pour le travail et l’éclairage de l’écran de nuit. Faire pédaler les communicants, selon le modèle des Shadocks et des Gibis, qui a fait ses preuves. Tenir sur le web des réunions virtuelles lors desquelles qui ne pédale pas ne parle ni n’entend. Les pédaleurs pourront ainsi, y compris en discourant de choses auxquelles ils n’entendent guère, participer au sauvetage de la planète et de leur environnement. En outre, ce qui n’est pas le moindre des avantages, ils pourront continuer à entretenir la bonne idée qu’ils ont d’eux-mêmes, et donc dédaigner mieux encore les réalités du monde tel qu’il est.

L’ennui d’une telle proposition, c’est qu’il faudrait que Cassandre conduise une mutation de son vélo. Il ne semble pas que, comme bien d’autres, elle en ait la moindre envie. C’est comme pour le FIG : pourquoi ne pas y aller tous les ans ? Tant qu’on y fait des rencontres fortuites, souvent riches de sens (ah ! les sens…), pourquoi donc les rendre quadriennales ?

Cassandre

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