Le dessin du géographe

Un certain nombre de géographes dessinent  lors d’excursions sur le terrain ou de missions scientifiques. Certains en ont même fait une activité régulière, et en illustrent leur production. Mais cette activité demeure presque confidentielle. Beaucoup de dessins restent dans les tiroirs, n’ayant bénéficié que d’un regard furtif et admiratif des collègues qui jettent un coup d’œil sur le carnet. Rares sont les géographes qui comme Pierre Deffontaines en ont fait l’argument central d’un ouvrage (Petit Guide du voyageur actif, réed.1980 Presses d’Ile de France). Nous souhaitons sortir cette activité artistique et scientifique de cet anonymat.

En même temps les dessins géographiques qui ont illustré les publications de nos prédécesseurs méritent d’être revus (et relus comme on le fait dans les recherches sur l’épistémologie de la  Géographie)

Il conviendra alors de distinguer le croquis fait par le géographe sur le motif ou d’après nature, du croquis d’après photographie qui fut beaucoup pratiqué aussi longtemps que l’appareil photographique demeura lourd et encombrant. Le croquis du géographe professionnel diffère aussi du croquis à usage pédagogique des manuels de l’enseignement primaire et secondaire, croquis le plus souvent supervisé et contrôlé par un géographe.

Le croquis à finalité géographique a changé de place au cours du temps. Les expéditions de découverte, de recherche scientifique, de conquête coloniale ont souvent été accompagnées par des artistes dessinateurs et ont produit des croquis qu’on peut considérer comme les premiers paysages géographiques, puisqu’ils avaient une finalité documentaire et qu’ils ont souvent été repris ensuite par les premiers ouvrages de géographie (cf les relations des voyages d’Alexandre von  Humboldt  ou les images de la géographie universelle d’Elisée Reclus,). Et les « pères fondateurs » de la science géographique, dans les écoles allemande, française, américaine, ont été parfois de bons dessinateurs sur le terrain.

A la fin du XIX° siècle, quand se met en place l’enseignement de la géographie dans sa forme moderne, les manuels sont illustrés de nombreux dessins ; les photographies sont rares, pour des raisons techniques, dont la qualité de l’impression et du papier. Puis les photos élargissent leur champ au détriment des dessins.

En même temps surgit avec Vidal de la Blache une géographie si soucieuse des paysages qu’elle en fait une des bases fondamentales de sa réflexion. La géographie est alors conçue comme une description raisonnée des paysages. Les paysages incitent au croquis. La prééminence de la géographie physique et à l’intérieur de celle-ci,  la domination de la géomorphologie encouragent alors l’usage du dessin et du bloc-diagramme dont de Martonne se fait le chantre et le propagandiste.

Notre propos n’est pas de retracer une histoire du croquis géographique : cette histoire se construira d’elle-même chemin faisant. Elle est plutôt de sortir de l’oubli une pratique et de la raccrocher au devenir de la géographie, comme nous avons pu le faire par ailleurs pour la chanson des géographes. Enfin, la technique du croquis reste une pratique d’aujourd’hui et chacun des lecteurs peut proposer ses croquis, si leur esprit se raccroche à cette rubrique.

Les carnets de terrain illustré à la main gardent leur séduction : l’édition et les expositions en témoignent. Si l’appareil photo numérique est devenu un outil quasi indispensable, les perfectionnements technologiques de ce dernier, ne lui confèrent pas la puissance analytique d’un croquis de terrain qui trie et hiérarchise les éléments du paysage : et aide à comprendre le monde avec  une feuille de papier et un crayon.

Remarques importantes :

*Le dessin de paysage (naturel, rural, urbain) proposé sur le site, sera accompagné d’un court commentaire, qui l’identifiera (auteur, date, lieu, site représenté, source) et le situera dans la production géographique de l’auteur en question : contexte, place du dessin dans l’analyse,  dans l’illustration du texte, des faits décrits…, afin de le resituer dans la production générale de dessins géographiques.

*Chaque proposition devra se préoccuper des droits d’auteur et de reproduction de l’image sur le site des cafés géo : Les droits de l’auteur (propriété intellectuelle) s’éteignent  70 ans après sa mort (et jusque là leur édition dépend de l’autorisation des ayant-droit). Mais les droits de reproduction de l’image, liés à la source dont elle a été tirée (éditeur d’un ouvrage, musée, bibliothèque, archives, etc…) sont plus difficiles à connaître et souvent plus compliqués à obtenir.

Roland Courtot, Michel Sivignon

• Retrouvez également la liste des Dessins du géographe

Dessin du géographe n°92. Les villes d’Irlande du Nord, paysages géopolitiques

L’Irlande du Nord est située à la fois dans le Royaume-Uni et en partie intégrée au marché de l’Union européenne par le traité du Brexit. Si la guerre civile s’est achevée il y a 25 ans, les symboles des parties antagonistes restent bien visibles dans les villes et les villages. Car les enjeux politiques entre communautés protestantes et catholiques sont toujours présents, voire ravivés par les rivalités électorales et la complexité du rapport à l’Europe.

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Géopolitique du blé

Sébastien Abis, Géopolitique du blé, Armand Colin, 2023

Un titre sobre d’ouvrage universitaire, une couverture austère, quelques cartes, tableaux et graphiques en noir et blanc. Avant d’en avoir commencé la lecture, rien n’indique que Géopolitique du blé est un ouvrage passionnant. Mais dès les premières pages, le lecteur est immédiatement rappelé à cette évidence : la sécurité alimentaire est la première des sécurités et le blé une matière première vitale. Dans la dernière décennie (2010-2020), 830 millions de personnes ont souffert de la faim qui reste la première cause de mortalité, et 2,3 milliards d’insécurité alimentaire. A nos concitoyens, ponctuellement soucieux d’être privés de pétrole, mais peu inquiets de manquer de baguette, ces données sont utiles à rappeler. Dans les relations internationales le « pétrole doré » s’impose devant l’« or noir ».

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Histoires d’eau en Espagne

Lors de mon dernier séjour en Espagne j’ai pu mesurer, assez superficiellement mais très clairement, certains effets du changement climatique perceptibles dans le paysage traversé. Pendant deux semaines à la fin de l’hiver, du 2 au 14 mars 2023, j’ai parcouru la région d’Espagne comprise entre Barcelone et Valence, son littoral mais aussi et surtout son arrière-pays du trait de côte jusqu’à une centaine de kilomètres de la Méditerranée. A moins de 100 km au nord de Barcelone, j’ai vu un des effets les plus spectaculaires de la sécheresse qui sévissait alors dans une grande partie de l’Europe.

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La forêt de Białowieża, un symbole de la Pologne actuelle

A cheval entre la Pologne et la Biélorussie, la forêt de Białowieża est la dernière grande forêt primaire d’Europe. Cette forêt exceptionnelle d’une beauté rare, peuplée de conifères et de feuillus sur plus de 141 000 hectares, est une forêt proche de l’état naturel, comme si l’homme n’y était jamais intervenu. Installée sur la ligne de partage des eaux entre la mer Baltique et la mer Noire, elle est protégée depuis le XIVe siècle. Aujourd’hui, ce sanctuaire de biodiversité (quelque 900 bisons y vivent en liberté) est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco et dans le réseau des espaces naturels protégés Natura 2000. Pourtant, depuis l’arrivée au pouvoir du PiS (Droit et Justice) en 2015, la forêt de Białowieża est devenue l’objet d’une pomme de discorde entre Varsovie et Bruxelles en même temps qu’un symbole du repli identitaire de la Pologne.

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Dessin du géographe n°91. Sous le pinceau de l’archéologue. Vues du passé de l’Amazonie

Carte archéologique simplifiée d’Amazonie avec la localisation des trois régions signalées dans le texte

La photographie est indispensable à l’archéologue pour rendre compte de manière fidèle ce qu’il exhume lors de ses fouilles. Mais, cette mémoire photographique doit nécessairement s’accompagner de relevés graphiques, de plans, de stratigraphies, de cartes de dispersion des vestiges et autres détails significatifs. J’ajoute un troisième volet à ces deux modes de l’image avec l’aquarelle, une technique moins rigide, plus apte à l’imagination et suscitant la liberté artistique.

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Dessin du géographe n° 90. Retour vers les montagnes d’Irlande du Nord : un changement de regard

C’était un retour vers les Mourne Mountains, un massif granitique, situé à 60km au sud de Belfast, qui domine directement la mer d’Irlande et où j’avais réalisé une thèse voici plus de quarante ans.

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Les provinces du temps. Frontières fantômes et expériences de l’histoire.

Béatrice von Hirschhausen, Les provinces du temps : frontières et expériences de l’histoire, CNRS Editions, 2023

Disons-le d’entrée, Les provinces du temps est un ouvrage passionnant, même si sa lecture exige une attention soutenue du fait de la rigueur minutieuse de la réflexion et de l’extrême précision du vocabulaire. On se souvient que Béatrice von Hirschhausen est l’auteure d’un beau livre sur les campagnes roumaines post-socialistes (Les nouvelles campagnes roumaines. Paradoxes d’un « retour » paysan, collection Mappemonde, Belin, 1997). Géographe, directrice de recherche au CNRS (laboratoire Géographie-cités), elle travaille depuis une quinzaine d’années sur les longues durées géographiques à partir de terrains menés notamment en Allemagne, Roumanie et Pologne. Dans Les provinces du temps, elle interroge la spatialité, autrement dit la dimension géographique, des différences culturelles entre les sociétés de l’Europe centrale et orientale.

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Arctique.

Nicolas Escach (dir), Benoît Goffin (dir), Arctique, Collection Odyssée, villes-portraits, ENS Editions, 2023

Troisième volume (1) d’une collection originale qui veut présenter une géographie subjective, faite plus de ressenti et d’émotion que d’analyse rationnelle, Arctique présente dix villes (2) telles que des universitaires et journalistes les ont perçues, lors d’une résidence plus ou moins longue.

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Les Cafés géopolitiques

Les Cafés géopolitiques se déroulent de 19h00 à 21h00 au Café de la Mairie, 51 Rue de Bretagne, Paris

Contact : geopolitique@cafe-geo.net

• Retrouvez également les archives des comptes rendus des Cafés Géopolitiques

Programme 2022-2023

 

Lundi 3 octobre 2022 : Que serions-nous sans nos fleuves ? (avec Elisabeth Ayrault, ancienne présidente de la Compagnie Nationale du Rhône)

Lundi 5 décembre 2022 : “Géopolitique des migrations internationales” (avec François Héran, sociologue, démographe, est professeur au Collège de France)

 

Les prochains événements annoncés :

Pas d'événement prévu à ce jour

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