Cliché Roland Courtot, septembre 2009

Cliché Roland Courtot, septembre 2009

Trani campe au loin une silhouette familière sur la côte des Pouilles : une église avancée sur la mer, une agglomération remparée sur un site perché et dominant un port abrité par des jetées. L’église, blanche du calcaire dur semblable à un marbre, est massive à sa base et close comme une église fortifiée, mais élancée pour être vue et voir au loin. Autour, le premier cercle d’habitat est celui des ruelles étroites entre les anciens palais des anciennes familles des nobles et des marchands, énormes blocs aux ouvertures parcimonieuses, qui ressemblent à des forteresses au rez-de-chaussée, mais dont les hautes façades s’ornent de quelques balcons en étage.

La première « base économique » notable de ce petit port a été son rôle dans la géographie  et l’économie des transports des Croisades, par sa situation « avancée » à la pointe de la Péninsule vers l’Orient et par son arrière-pays pourvoyeur de grains et d’huiles pour l’intendance des Croisés. Les souvenirs architecturaux de cette période historique sont nombreux en Pouilles, et à Trani une petite église des Templiers  est toute proche du port, dans la rue de « Tous les Saints ». Au cap Leuca, qui termine le talon de la « botte italienne » dans la mer Ionienne, une croix , pas si ancienne que cela et érigée face à l’église Santa Maria de finibus terrae , à côté du grand phare qui ponctue toujours ce genre de « finisterre »,  proclame  : « Alta croce di Cristo, gloria di secoli, speranza unica di salvazione ai suoi seguaci, terrore agli ostinati nemici» (« haute croix du Christ, gloire des siècle, unique espérance de salut pour ses disciples, terreur pour ses ennemis obstinés »), une formule que Godefroy de Bouillon et les Croisés du XIe siècle n’auraient pas reniée.

Le petit cabotage, la pêche et la plaisance animent aujourd’hui le port, mais à trois heures de l’après-midi tout est silence, les ruelles sont vides, et les rares touristes de la fin septembre, surtout étrangers, peinent à remplir les rues du centro storico  et  les restaurants du bord des quais, où les poissons, cigales et autres frutti di mare sont à l’honneur.  La population autochtone se retrouve toujours pour une « passagietta  monstre » le vendredi ou le samedi soir, lorsque le quai du port est fermé à la circulation automobile, et la cathédrale reste un haut lieu de la vie sociale : ses deux cryptes souterraines sont des décors  recherchés pour les cérémonies de mariage  et, à la sortie des jeunes époux, le chapelet de ballons gonflés en forme de cœur s’envole vers les tours haut perchées et vers la mer.

Ce « modèle » portuaire historique se répète tout au long de la côte : Barletta, Molfetta, Bari, Monopoli, Brindisi, Otrante…En voici un exemple plus modeste, mais dont la silhouette blanche tranche de loin sur le bleu de Prusse de la mer Adriatique, sous la lumière oblique du soleil d’un après-midi de septembre : Giovinazzo

Quel Debussy dira la musique de ces cathédrales jamais englouties, érigées, blanches sur le bleu de l’Adriatique ? Roland Courtot, aquarelle 10x15 cm, septembre 2009

Quel Debussy dira la musique de ces cathédrales jamais englouties, érigées, blanches sur le bleu de l’Adriatique ?
Roland Courtot, aquarelle 10×15 cm, septembre 2009

(première publication à l’url http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1691)

 

Roland Courtot
UMR Telemme 6570, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme