Le dernier numéro de Questions internationales (1) est consacré à l’Afrique, continent peuplé de 1,4 milliards d’habitants répartis en 54 Etats. En article d’introduction, Sabine Jansen s’attache d’abord à réfuter les idées reçues généralement attachées à ce continent : sous-estimation de la taille due à la projection de Mercator, relative faiblesse de la population malgré une image de surpopulation, migrations essentiellement intra-africaines plus qu’extra-continentales. Elle analyse les principaux maux dont souffre l’Afrique qui présente le paradoxe d’associer pauvreté et abondance des ressources (1/3 des ressources naturelles du monde). Absence de démocratie, forte dépendance à l’égard de l’extérieur, agriculture incapable de nourrir la population…tous ces thèmes sont développés dans les articles du magazine.
Depuis les Indépendances, plusieurs actes ont été signés par les pays africains pour défendre les principes démocratiques, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en 1981 à la Déclaration sur les valeurs partagées de l’Union africaine en 2011. Mais dans la dernière décennie, la démocratie a reculé sur le continent, surtout en Afrique de l’Ouest, à cause de la multiplication des putschs militaires, de la concentration des pouvoirs dans une seule main et des manipulations des constitutions au profit de l’exécutif. La faiblesse chronique des Etats permet à des groupes armés de dominer des régions entières dans l’Afrique subsaharienne. Les mouvements salafistes-jihadistes sont les plus médiatisés (Boko Haram, Shebabs de Somalie…) mais ceux-ci sont parfois en accord, parfois en conflit avec des bandes de bandits ruraux qui rackettent les populations. Mouvements sécessionnistes et rébellions transnationales sont aussi à l’œuvre dans des zones rurales qui ne reçoivent aucun soutien d’un Etat aux fonctionnaires souvent corrompus. La démocratie est souvent rejetée comme « modèle occidental », hérité de la colonisation.
L’Afrique possède les principales réserves mondiales de nombreux minerais (notamment en R.D.C., Afrique du Sud, Guinée…). Elle est très dotée en énergies fossiles et a un grand potentiel hydraulique. Pourtant les 2/3 des ménages n’ont pas accès à l’électricité… La rente des matières premières est en effet mal gérée par des élites très corrompues. Les principaux bénéficiaires sont des étrangers, Russes propriétaires de sociétés minières, Indiens, mais surtout Chinois pour qui les matières premières servent à payer les infrastructures qu’ils construisent et à rembourser leurs prêts massifs. La Chinafrique est le nouveau néologisme !
Cette dépendance se retrouve dans l’agriculture dont les cultures vivrières ont régressé au profit des cultures d’exportation. Beaucoup de terres agricoles sont louées à des groupes étrangers et les bénéfices de la culture du cacao ne profitent pas aux Africains. Faute d’infrastructures adaptées, une partie des productions vivrières est perdue. La situation des éleveurs n’est pas meilleure. Même les propriétaires de gros troupeaux sont vulnérables, affectés par la stagnation de la demande et les nombreux vols de bétail. Beaucoup d’éleveurs appauvris sont contraints de migrer vers la côte Atlantique. Pourtant ce sont encore 50% de la population active qui vivent de l’agriculture, mais beaucoup de jeunes rejettent les emplois agricoles et quittent les campagnes…
Sont aussi évoquées les relations de certains pays subsahariens avec leurs anciens colonisateurs, France et Allemagne.
Le magazine traite aussi de questions générales, politique sociale de l’Union européenne, Cour pénale internationale et Conférence de Bandung (1955) où A. Lorin rappelle que sa portée est réévaluée à la hausse par les historiens contemporains comme date marquante pour l’entrée des peuples du Sud dans la mondialisation.
(1) Afrique : atouts et défis, Questions internationales, n°115, La Documentation française, septembre-octobre 2022.
Michèle Vignaux, novembre 2022