Phnom Penh, la ville résiliente [1]

Vue de Phnom Penh depuis le Mékong https://freedomdestinations.co.uk/wp-content/uploads/Image-2-Phnom-Penh-City.jpg

 

Nous voilà à présent installés à Phnom Penh, la colline de Madame Penh. Le déménagement est arrivé plus tard que prévu. A temps, certes, au port de Sihanoukville, mais coincé dans les procédures douanières et les multiples jours fériés de cette fin d’année et notamment le festival de l’Eau.

Nous sommes ravis et enchantés !

Nous sommes aussi dans cette belle période qu’est la découverte d’une nouvelle aventure et d’une culture étrangère, et également dans les souvenirs de nos mamans respectives qui ont vécu au Vietnam. La toute proche Hô Chi Minh-Ville, ex-Saïgon, n’est qu’à 250 km environ de Phnom Penh.

 

Début décembre, nous sommes montés à Siem Reap vers le nord en voiture pour participer au marathon d’Angkor Vat (dix km pour moi seulement). Il faisait 16 degrés le matin. Royal. Les parcours des 10 et 21 km étaient tracés à travers les temples, ce fut merveilleux. Prendre le départ à l’aube et admirer en courant le soleil qui monte timidement derrière les temples…et le silence dans la forêt. Nous n’avons pas eu le temps durant ce court week-end de visiter en détail ces superbes architectures, qui méritent au moins deux jours pleins tant il y a de temples, ce sera l’objet de prochaines balades dans l’année.

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« OK Boomer ! ». Petites leçons de démographie (lucides et positives malgré tout).

OK Boomer : une expression découverte en 2019 qui a connu un succès foudroyant. Annonce-t-elle une lutte des âges? (https://news.northeastern.edu/2019/11/20/heres-how-ok-boomer-is-and-isnt-like-the-slang-that-came-before-it/)

 

J’appartiens à une « génération sans pareille » pour reprendre l’expression de l’historien Jean-François Sirinelli[1] qui a beaucoup étudié cette génération du baby-boom née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. A ce titre, j’ai longtemps bénéficié de l’alignement des planètes ayant permis « la paix, la prospérité, le plein emploi et le progrès comme ligne d’horizon »[2]. Ayant eu 20 ans en mai 68, je suis souvent considéré comme un ancien soixante-huitard, donc forcément porteur de valeurs et de contre-valeurs jugées néfastes pour l’évolution de la société française par les uns ou, au contraire, éminemment positives par les autres. En fait, comme beaucoup de jeunes, j’ai trouvé qu’à cet âge il était dur d’« apprendre sa partie dans le monde »[3]. Aujourd’hui que j’ai un âge, disons…plus avancé, je suis accusé de ne rien comprendre au « nouveau monde », en particulier à l’urgence des solutions pour faire face au changement climatique(« OK, boomer »[4]). Heureusement, je vais peut-être bientôt expier mon péché générationnel grâce à Michèle Delaunay, une ancienne ministre socialiste[5], également baby-boomeuse[6], qui me prédit un « fabuleux destin » ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues baby-boomers. Et en prime, après mai 68, je vais pouvoir participer à une seconde révolution, une « révolution de l’âge » cette fois-ci !

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Déambulation dans les marais salants de Guérande

Déambulation dans les marais salants de Guérande animée par Armel Jorion et Gildas Buron, samedi 7 septembre 2019

Cet article fait suite à un week-end (7 et 8 septembre 2019) organisé pour les Cafés Géographiques par Micheline Huvet-Martinet en prolongement du café géo du 14 décembre 2017. Dans le cadre de cette sortie dans les « territoires du sel » (voir le compte rendu de Micheline Huvet-Martinet), Armel Jorion, paludier, et Gildas Buron, conservateur du Musée des marais salants sis à Batz-sur-Mer, ont organisé une déambulation dans les marais de la presqu’île de Guérande. Cette déambulation a justifié cet article qui donne des informations sur les marais salants ainsi que sur deux unités hydrauliques de Guérande (Hascouet ou « saline aux moines » et Leni-Cormerais).

 

Une partie des marais salants de Guérande © 2019 Google données cartographiques

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Se promener à Paris – La Coulée verte

Où peut-on se promener à Paris aujourd’hui ? La question semble incongrue tant sont nombreux les boulevards, avenues, jardins, galeries…Et la promenade n’est-elle pas l’activité la plus naturelle et banale qui soit ? Pourtant les travaux historiques démentent cette fausse évidence.

Se promener n’est pas se déplacer d’un lieu à un autre. Ce n’est pas visiter un endroit avec un objectif précis. Flânerie et déambulation demandent de l’oisiveté, de la curiosité devant l’inconnu, un goût de l’inattendu. L’observation sollicite la mémoire, la rêverie interprète les choses vues. « Arriver à n’avoir plus besoin de regarder pour voir » écrit L.-P. Fargue dans son ouvrage, Le Piéton de Paris (1), où il décrit son plaisir renouvelé d’arpenter les boulevards parisiens.

L’historien québécois Laurent Turcot nous apprend que la promenade est un comportement historiquement construit (2). Le mot « promenade » n’est employé pour la première fois en français qu’en 1618 et un des premiers promeneurs-écrivains est sans doute Germain Brice dont la Description de la ville de Paris et de tout ce qu’elle contient de plus remarquable ne paraît qu’en 1684 (3).

Le promeneur parisien est d’abord une figure essentiellement aristocratique. Au XVIIe siècle, on se promène en carrosse sur les Cours (par exemple le Cours-La-Reine) alors qu’au XVIIIe siècle le marcheur prend toute sa place dans la capitale mais, pour protéger ses chaussures et ses bas, il lui faut marcher près des murs des maisons (tenir le « haut du pavé »).

C’est le XIXe siècle qui fait de Paris la ville où il fait bon se promener. Quel est le lieu par excellence de la flânerie ? Ce sont les boulevards, célébrés par les écrivains avant et après les travaux haussmanniens. La marche favorise le mouvement de la pensée et le spectacle de rue stimule l’imagination. Un des premiers, Balzac exalte ce que les boulevards parisiens ont d’incomparable : « La Perspective (de Saint Pétersbourg) ne ressemble à nos boulevards que comme le strass ressemble au diamant, il y manque ce vivifiant soleil de l’âme, la liberté… de se moquer de tout, qui distingue les flâneurs parisiens Oh ! A Paris, là est la liberté de l’intelligence, là est la vie ! Une vie étrange et féconde, une vie communicative, une vie chaude, une vie de lézard et une vie de soleil, une vie artiste et une vie amusante, une vie à contrastes. Le boulevard, qui ne se ressemble jamais à lui-même, ressent toutes les secousses de Paris : il a ses heures de mélancolie et ses heures de gaieté, ses heures désertes et ses heures tumultueuses, ses heures chastes et ses heures honteuses » (4). L’affaire est entendue : la promenade n’offre pas seulement une détente physique ; c’est aussi une activité intellectuelle et sensuelle.

D’autres lieux de promenade sont créés entre 1822 et 1840, les passages, ces traverses urbaines creusées dans la chair même de la ville. Mais ce sont des écrivains du premier XXe siècle qui ont été fascinés par leur nouveauté esthétique et poétique : lumière crépusculaire, décor en métal, miroirs multipliant le spectacle des vitrines… Aragon parle de « lueur verdâtre, en quelque manière sous-marine », « glauque, abyssale, de l’insolite », comparant à des « aquariums humains », ces « lieux que l’on nomme de façon troublante des “passages”, comme si dans ces couloirs dérobés au jour, il n’était permis à personne de s’arrêter plus d’un instant »(5). Walter Benjamin (6) a rendu hommage à l’auteur du Paysan de Paris avec lequel il partage le même émerveillement pour ces ruelles intérieures, propices aux promenades « esthético -politiques ».

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La géographie aux Éditions du CNRS

La célébration des 80 ans du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) constitue une belle occasion d’attirer l’attention d’un large public sur le travail discret mais efficace de la filiale éditoriale de cette institution française. CNRS Éditions constitue la vitrine de la recherche française qui s’apprête à publier, entre août et novembre, les premiers volumes d’une nouvelle collection (Les nouvelles voix de la recherche) dans laquelle des scientifiques de toutes disciplines proposent une synthèse claire et concise de leurs recherches. A titre d’exemple, signalons la parution dès le 29 août du livre de Jean Jouzel, Climats passés, climats futurs. Nul doute que cette centaine de pages du climatologue français rencontrera un succès mérité à l’heure où l’urgence des questions environnementales nécessite une diffusion à grande échelle du savoir scientifique pour étayer les positionnements citoyens.

 

 

Nous profitons de cette opportunité éditoriale pour rappeler qu’à côté des sciences « dures » les sciences humaines occupent une large place dans les publications de CNRS Éditions. Et au sein de ce vaste secteur la géographie n’est pas en reste. C’est une réalité qui mérite d’être divulguée, non seulement auprès des lecteurs soucieux de parfaire leur culture géographique (étudiants, enseignants…), mais aussi auprès d’un public plus large intéressé par le rôle de l’espace comme clé de compréhension du monde contemporain.

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La question de la traversée ferroviaire franco-italienne dans les Alpes

A l’heure où le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin continue de se heurter à de fortes résistances, surtout du côté italien, il est utile de se pencher sur la question plus générale du rapport entre la voie ferrée et le massif alpin. Dans ce contexte il nous a semblé intéressant d’attirer l’attention sur un autre projet de liaison ferroviaire, bien moins ambitieux, entre la France et l’Italie, précisément entre Briançon et Bardonecchia. Nous remercions la revue Chemins de fer de nous avoir donné l’autorisation de reproduire l’article de Jean-Louis Tane et Henry Jacolin paru dans le numéro 576 de juin 2019.

Briançon-Bardonnèche 1

Briançon-Bardonnèche 2

Briançon-Bardonnèche 3

Daniel Oster, août 2019

L’Europe au miroir de sa démographie

La démographie a la réputation d’une science aride faisant la part belle aux statistiques. Pourtant, derrière les chiffres et les mots des démographes (fécondité, natalité, espérance de vie, mortalité…) se révèlent des aspects essentiels de l’histoire des territoires et du comportement des populations. On le voit clairement à la lecture des données démographiques du continent européen.

Les trois dernières décennies témoignent d’un véritable bouleversement démographique en Europe. Sa population n’augmente plus globalement depuis 1993 et devrait lentement décroître dans quelques années, comme on l’observe déjà dans de nombreux pays. Rappelons que la population européenne représentait le quart de la population mondiale en 1900. Malgré un gain de 180 millions d’habitants entre 1950 et 2000, elle n’en représente plus aujourd’hui qu’environ 10%. Cette évolution globale masque une fracture démographique entre l’Ouest et l’Est qui se creuse toujours davantage depuis la chute du mur de Berlin en 1989. Pourtant les années 1950 à 1970 ont été marquées par une forte convergence démographique entre les deux parties du continent : en 1950, l’Est avait 60 millions d’habitants de moins que l’Ouest ; en 1989, l’Est n’en avait plus que 30 millions de moins. Mais le paysage démographique est bouleversé depuis 1989 avec l’achèvement de la transition démographique et surtout avec la transition économique et sociale des anciens pays communistes.

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Armand Frémont, un grand géographe français

 

Armand Frémont lors d’une conférence à la médiathèque de Coutances (Source: Ouest France, 6 octobre 2015)

 

Armand Frémont, qui vient de nous quitter aura marqué la géographie contemporaine de langue française.

Il fut d’abord et très profondément attaché à sa Normandie natale. Attaché en particulier à la ville du Havre et à ce village de l’Eure, Francheville, où avec Monique, sa femme, ils ont passé beaucoup de temps, ces dernières années.

Sans doute beaucoup de géographes ont-ils eu un parcours similaire qui consiste à suivre une veine régionale : pourquoi ne pas exploiter une connaissance intime d’une société inscrite dans votre terre d’origine et en faire un objet d’étude ? Cette démarche était encouragée par l’orientation de la géographie vers les études régionales, depuis les premiers développements de la géographie scientifique, au XXe siècle.

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Représenter Paris

Cher(e)s ami(e)s des Cafés géo, après le panorama de Rouen (décembre 2015), je vous présente aujourd’hui celui de Paris !

Utagawa Yoshitora, Paris, 1862 (cliché Denis Wolff)

Certains d’entre vous pensent que je fais une erreur, que je me suis trompé en manipulant mon ordinateur… Eh bien, non ! J’ai vu et photographié cette estampe pendant l’été 2018 à Paris, au Musée Guimet (consacré aux arts asiatiques), lors de la superbe exposition intitulée Le monde vu d’Asie-Au fil des cartes.

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Un viaduc inutile (aérotrain) ? Libres propos après la parution du livre de Philippe Vasset, “Une vie en l’air”

Le voyageur qui quitte Paris en train par la gare d’Austerlitz ou qui emprunte la Nationale 20 traverse la banlieue jusqu’à Etampes puis s’élève doucement sur le plateau de Beauce. Quelques dizaines de minutes plus tard, il ne peut manquer de remarquer un viaduc qui trouble la monotonie du paysage beauceron ; situé sur sa gauche, peu avant Orléans, il longe ces axes de communications. Précisons tout de suite que l’automobiliste pressé ne verra pas grand chose depuis l’autoroute A10 légèrement en remblai, sans parler des voyageurs prenant le TGV depuis Montparnasse qui, eux, passeront très loin de cet ouvrage. Quelle peut être l’utilité de ce viaduc, d’environ sept mètres de haut et de dix-huit kilomètres de long, qui démarre en pleine Beauce, flirte avec la forêt, pour finir en banlieue orléanaise ?

Viaduc de l’aérotrain dans la Beauce (Source : Wikipedia pour les deux clichés)

Gare de Cercottes. Vue prise en direction d’Orléans. Viaduc visible à gauche des voies

 

Il s’agit d’un viaduc pour l’aérotrain. L’aérotrain est une invention de l’ingénieur Jean Bertin (1917-1975) qui conçoit dans les années 1960 un wagon se déplaçant par sustentation sur un coussin d’air, guidé par une voie en forme de T inversé. Les frottements étant limités, l’aérotrain peut se mouvoir très rapidement (il bat ainsi le record du monde de vitesse sur rail à 430 km/h en 1974). Une voie d’essai de 6,7 kilomètres est construite en 1965 dans l’Essonne, entre Gometz-la-Ville et Limours, sur la plate-forme de l’ancienne ligne de Chartres (c’est aujourd’hui une coulée verte).

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