Villes contestées

 Les Cafés Géo rencontrent des auteurs

Villes contestées  Pour une géographie critique de l’urbain  ouvrage dirigé par Cécile Gintrac et Matthieu Giroud  Les Prairies Ordinaires, 2014, 408 p.

Villes contestées
Pour une géographie critique de l’urbain
Ouvrage dirigé par Cécile Gintrac et Matthieu Giroud
Les Prairies Ordinaires, 2014, 408 p.

Cécile Gintrac et Matthieu Giroud, vous avez dirigé un important volume intitulé Villes contestées. Pour une géographie critique de l’urbain, qui déboulonne l’idéologie mainstream de la ville créative, compétitive, globale, écologique, sûre, ou encore multiculturelle. Quels étaient vos objectifs, à la fois scientifiques et politiques (puisque c’est l’une des originalités de l’ouvrage dans la géographie francophone de ne pas découpler les deux aspects), en faisant paraître un livre de 400 pages sur le sujet?

CG- Notre premier objectif est de donner à voir une vision de la richesse du champ de la géographie urbaine radicale et critique non francophone et de ses évolutions récentes. Diversité des objets, des approches, des influences et des productions théoriques, des terrains d’investigation… Mais il nous importait surtout de réunir des textes qui participent malgré tout d’un « projet » commun à savoir identifier et surtout contester les nombreuses contradictions spatiales et urbaines que le système capitaliste, dans toutes ses variantes, produit et reproduit. Bien sûr, cet ouvrage a aussi des objectifs pédagogiques et de transmission de connaissances clairement identifiés. Rendre accessible des textes originellement écrits en anglais ou en allemand, et de fait inédits en français, a été pour nous une motivation majeure. Tout comme introduire ces textes par des présentations des auteurs, de leur œuvre et de la réception de leur travail, en donner quelques clés de lecture.

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La planète financière du global au local

Café géo au café de Flore, Paris, lundi 3 novembre 2014
Avec Gunther Capelle-Blancard, professeur d’économie à Paris 1, responsable du Master Recherche Banque et Finance et Renaud Le Goix, professeur de géographie à Paris-Diderot, UMR Géographie-cités.

Quel plaisir que d’écouter un café géo sur la finance ! Sujet ardu s’il en est, qu’on préfère en général laisser aux économistes et aux financiers. Sujet qu’on a tendance à analyser de haut, de très haut même, ne voyant que des flux de capitaux à la surface du globe, et oubliant un peu trop vite que le capital est certes mobile mais qu’il doit aussi s’immobiliser (s’investir) ici et là, tout en conservant sa liquidité. Ce mouvement et cette dialectique mobilisations de capitaux / immobilisations / remobilisations ne peuvent se comprendre sans une analyse fine de leurs espaces, de leurs localisations et de leurs circulations.

Si les capitaux sont mobiles, ils devraient circuler partout ! Alors comment se fait-il que la finance globale demeure concentrée dans un tout petit nombre de places financières mondiales ? Si les capitaux s’immobilisent, s’investissent ici et là, est-ce à dire que le plus quotidien de nos vies est aussi financiarisé ? Nos maisons ou appartements, nos emprunts, nos dettes, les produits que nous consommons peuvent en fait être tous parties prenantes d’une géographie de la finance qu’on aborde à tort de loin et de haut, alors qu’elle nous concerne au premier chef ! Le titre de l’ouvrage de P Langley (2008) est du reste éloquent : The Everyday Life of Global Finance : Saving and Borrowing in Anglo-America [La vie quotidienne de la finance globale : épargner et emprunter dans le monde anglo-américain].

La géographie de la finance est un champ plus que labouré dans la géographie anglophone, notamment depuis les travaux de David Harvey qui cherche depuis des décennies à spatialiser la théorie de Marx (The Limits to Capital, 1982), comme le rappelle avec humour son interview en forme de dessin animé sur la crise du capitalisme, disponible sur Thersa.org). Dans la géographie francophone, c’est beaucoup moins le cas, la géographie financière étant fort peu développée. D’où l’intérêt d’un tel café géo !

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Naviguer sur les océans : quels moteurs pour la mondialisation ?

Café Géo d’André Louchet et d’Antoine Frémont,
Au Café de Flore (Paris) le mardi 25 novembre 2014

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Olivier Milhaud nous invite à prendre “moteurs” dans le sens métaphorique comme dans le sens concret. La navigation sur les mers est bien un moteur de la mondialisation, mais les questions techniques, des moteurs des bateaux sont aussi déterminantes pour comprendre la navigation contemporaine.

Nos deux intervenants présenteront chacun un sens du mot “moteur”. Antoine Frémont, directeur de recherche à l’IFSTAAR, et co-auteur avec Anne Frémont-Vanacore d’une Documentation photographique à paraître sur les espace maritimes, traitera plus du rôle moteur joué par les navires dans la mondialisation. André Louchet, Professeur à Paris-Sorbonne et auteur entre autres de Les océans. Bilan et perspectives et de La planète océane, s’intéressera plutôt aux moteurs des bateaux comme entrée pertinente pour saisir la géographie océane.

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Géographie et sexualités : repolitiser la ville

Café géographique au Café de Flore, Paris
Mardi 27 mai 2014

Avec Charlotte Prieur et Rachele Borghi (Université Paris-Sorbonne)
Animation Judicaëlle Dietrich

Rachele Borghi revient sur ces thématiques courantes mais peu connues, car invisibilisées ou ignorées. On pense parfois que ces questions ne concernent pas la géographie. L’idée est d’expliquer comment des géographes regardent la ville, et plus largement l’espace, en ajoutant une catégorie d’habitude cantonnée à la chambre à coucher. A travers la sexualité, on mélange les autres catégories pour faire sortir quelque chose du chapeau.

La géographie des sexualités est assez ancienne

Les lectures des sexualités dans les espaces urbains datent déjà des années 1970 aux Etats-Unis. On s’est alors surtout penché sur les formes spatiales des communautés gays et lesbiennes qui polarisaient les questionnements initiaux : les sexualités autres. Le principal apport de la géographie à l’époque était de cartographier des zones résidentielles gays dans les villes américaines. Culture, consommation, espace urbain : les communautés gays interviennent dans le processus de gentrification des villes. Dans les années 1990, la question est abordée différemment : comment l’hétéronormativité influence l’espace public. L’espace public n’est pas qu’un support, une scène, mais il est conçu selon des normes hétérosexuelles et influence les normes sexuelles. L’hétéronormativité apparaît comme une injonction, une obligation. On la transforme en norme. Les hétérosexuel.le.s ont un accès légitime à l’espace public. Les sexualités produisent des espaces d’inclusion et d’exclusion. On abandonne l’approche cartographique et on se concentre sur les rapports entre espace, identité et pouvoirs. On crée des espaces de pouvoir, avec des catégories dominantes. La géographie féministe renouvelle ces questionnements. L’idée était de rendre visibles les sexualités dissidentes, afin de résister à l’hétéronormativité. S’y ajoutent l’étude de la bisexualité, et l’étude des trans. Ces sexualités et ces genres non normatifs ont un impact sur l’espace.

Les points faibles sont les suivants : la production scientifique est très liée au contexte gay, des hommes blancs étudient des zones commerciales, où la culture gay était prévalente. Le point fort creusait le lien entre sexualité et espace. Cela éclaire la production de connaissances géographiques – des connaissances situées, qui viennent d’un certain point de vue. Il faut voir comment le monde académique est lui aussi hétéronormé. Le prisme de la sexualité visibilise le caractère situé de la production de la connaissance, surtout assurée par des hommes blancs, riches, hétérosexuels.

En France, les études en géographie de la sexualité sont de plus en plus répandues. Le travail de Marianne Blidon a porté l’attention sur le fait que les personnes ne se questionnaient pas sur ces problématiques de recherche. Le monde académique français devait alors considérer un objet jusque-là considéré comme illégitime.

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Chemin de fer et diplomatie

Café de Flore, Café géographique, 29 avril 2014

flore 29-04-14

Henry Jacolin, ancien ambassadeur, Président de l’Association internationale d’histoire des chemins de fer www.aijc-irha-aihf.com

Alain Gascon, Professeur émérite à l’Institut Français de Géopolitique de Paris 8, ancien chargé de cours à l’INALCO

Paul Véron, modérateur de la soirée, est directeur de la communication et directeur du Moyen-Orient de l’Union internationale des chemins de fer. L’Union internationale des chemins de fer est une organisation mondiale de coopération des chemins de fer, créée en 1922 au lendemain de la Première Guerre mondiale à Paris. Elle gère toutes les formes de coopération entre les chemins de fer du monde : standardisation des équipements ferroviaires et représentation du secteur ferroviaire auprès des grands organismes mondiaux.

Le chemin de fer est beaucoup plus qu’un mode de transport. Il peut être étudié sous de très nombreux angles. Les premiers chemins de fer, lents, desservant des distances courtes, ont servi à réaliser quelques prouesses techniques et à transporter personnes et marchandises entre des centres importants. Progressivement, le chemin de fer est devenu un outil d’aménagement du territoire, de contrôle des territoires, d’exercice du pouvoir et outil de stratégie militaire. Première ligne internationale entre Liège et Cologne. Puis le chemin de fer devient mode d’expression du pouvoir politique, militaire, colonial.

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Représenter l’espace urbain dans la bande dessinée

Café géographique de Paris du 28 janvier 2014, avec Aymeric Landot (agrégé d’histoire, ancien élève de l’ENS-Lyon, co-président du Laboratoire junior Sciences Dessinées) et Bénédicte Tratnjek (doctorante en géographie, chargée de cours à l’université Lyon 3 et l’ISFEC de Rennes, Laboratoire junior Sciences Dessinées).

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Suite au Café géographique du 28 janvier 2014, les deux intervenants ont souhaité rédiger un texte approfondi des différents points qu’ils ont abordé pendant ce café géo :

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Sur la route de la Kolyma, la Sibérie du Goulag à aujourd’hui

Café géographique, au café de Flore (Paris), le mardi 25 mars 2014

Avec Nicolas Werth, Directeur de recherche au CNRS, auteur entre autres de La route de la Kolyma (Belin, 2012). Un débat animé par Jean-Louis Tissier (Professeur de géographie, Univ. Paris 1)

Des lieux (mé)connus 

Jean-Louis Tissier rappelle d’emblée combien La route de la Kolyma (Belin, 2012), ce récit de voyage de Nicolas Werth sur l’un des lieux de l’enfer, croise bien des curiosités de géographes. On visite des lieux d’une singulière mémoire. Il faut dire que Nicolas Werth a travaillé des années sur les archives de l’Union soviétique et reconstruit toute une histoire du phénomène stalinien. A partir de ce travail de fond, il est parti plusieurs décennies après, sur des lieux sibériens connus des géographes de la génération de Jean-Louis Tissier. La littérature soviétique en parlait, les Récits de la Kolyma : quai de l’enfer (1987) de Varlam Chalamov et le Ciel de la Kolyma (1967) d’Evguénia Guinzbourg avaient popularisé le lieu. On est entré par la littérature dans cette très claire taïga, très claire parce que très froide, aux ressources minières importantes (notamment aurifères).

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L’Italie de la crise

Café Géo, mardi 17 décembre 2013 de 19h30 à 21h30 au Café de Flore (Paris)

Invités :
Dominique Rivière, géographe, Professeure à l’Université Paris Diderot – Paris 7
Aurélien Delpirou, urbaniste et géographe, Maître de conférences à l’Université Paris-Est Créteil

Introduit et animé par Daniel Oster

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Manifestation contre l’austérité budgétaire le 6 septembre 2011 à Rome (photo de Remo Casilli, source : RFI.fr )

L’Italie apparaît comme l’un des « pays malades » de l’Europe du Sud, dans une zone euro durement affectée par ce que l’on appelle « la crise ». Aux problèmes structurels plus ou moins anciens tels que les problèmes de compétitivité de l’économie, le niveau très élevé de l’endettement ou l’instabilité politique, s’est ajoutée la crise de la dette souveraine. Tout cela se traduit par différentes formes de crise, notamment socio-économiques et politiques. Comment  l’Italie se recompose-t-elle sous l’effet de ces crises ? Peut-on y déceler un effet-miroir pour la France ? Deux géographes viennent traiter le sujet analysant les mutations spatiales de la Botte à différentes échelles.

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En hommage à Pierre Gentelle

Trois ans que le géographe Pierre Gentelle nous a quittés. Trois ans, et ces lignes sont toujours aussi difficiles à écrire. Ses propos, dérangeants, souvent agaçants, toujours avec une pointe d’humour inimitable, ont marqué le site des Cafés géographiques. Pierre nous a quittés la veille du Festival international de géographie de 2010. Après plusieurs Cafés cartographiques organisés en son honneur par Jasmine Salachas au FIG 2012, une table-ronde lui rendra hommage cette année à Saint-Dié-des-Vosges, pour un FIG 2013 entièrement consacré à la Chine, pays dont il rêva tant d’années de le voir invité au FIG.

Personnage aux multiples facettes – provocateur en conférence pour faire réagir et réfléchir son auditoire (il était déçu lorsque suggérant à dessein un déterminisme géographique, il voyait la salle acquiescer ; lui rêvait qu’elle prenne plutôt la parole et réfléchisse avec lui), « coach » de doctorants à qui il prodiguait de nombreux conseils, amoureux du terrain vers lequel il se tournait sans cesse –, Pierre était l’un des piliers du travail « invisible » du site des Cafés géographiques, évaluant avec quelques jeunes géographes tous les textes que l’on nous proposait. Les soutenant, ou dénonçant leur trop grand « classicisme », ou s’effarant d’une grande méconnaissance du terrain.

Pierre, trois ans plus tard, l’équipe des Cafés géographiques reste orpheline de l’un de ses agitateurs, qui savait accueillir les « petits jeunes » avec bienveillance et disponibilité. Nous gardons dans nos mémoires les échanges riches autour de la relecture de tes Lettres de Cassandre. Tu les soumettais toujours à notre critique la plus libre. Quelle écoute de nos conseils, pourtant prodigués par de jeunes pousses qui ne connaissaient que très modestement la géographie ! Quels coups de colère aussi, de temps à autre, qui nous forçaient à remettre sans cesse sur le métier la devise des Cafés géo : faire de la géographie autrement.

A toi, Pierre, notre ami, qui nous manqueras plus que jamais à Saint-Dié-des-Vosges !

Bénédicte Tratnjek & Olivier Milhaud

Des hommages sur le site des Cafés géographiques :

D’autres hommages :

Diagnostic et gouvernance des territoires : Concepts, méthode, application (G.-F. Dumont)

Les cafés géo rencontrent un auteur

dumontGérard-François Dumont, 2012, Diagnostic et gouvernance des territoires : Concepts, méthode, application, Armand Colin, Coll. U

Les Cafés géo : Votre ouvrage paraît unique en son genre. D’un côté le terme de gouvernance est employé à tout va, de l’autre une méthode pour faire un diagnostic précis d’un territoire et de sa gouvernance manquait jusque-là. Peut-on tout d’abord revenir sur le terme de gouvernance? Comment pourrait-on le définir?

Gérard-François Dumont : mon ouvrage s’inscrit dans une suite de publications sur le territoire1, dont mon analyse ancienne de la métropolisation que j’avais définie, comme « l’exercice de forces centripètes conduisant à la concentration des activités et des hommes dans les espaces urbains les plus peuplées tandis que les villes moyennes et les espaces ruraux perdent, au moins relativement, de la vitalité », définition reprise par exemple en 1994 par le Commissariat général au Plan2. Or, depuis, qu’est-il advenu de cette « métropolisation » ? Même si le processus demeure réel, il est très inégal et non général. Ainsi, il faut constater des évolutions d’intensité très variable entre des villes situées dans un contexte géographique comparable : Toronto, auparavant moins importante que Montréal, l’a largement dépassée ; São Paulo est devenue considérablement plus importante que Rio de Janeiro ; Dubaï, dont les revenus dus aux hydrocarbures sont devenus marginaux, a pris la dimension que l’on sait tandis que la ville iranienne de Bandar-Abbas, pourtant située au cœur du détroit d’Ormuz, a connu un développement limité. Et, pour ne citer qu’un exemple en France, Montpellier, qui a longtemps eu une importance semblable à Nîmes, l’est désormais deux fois plus… D’ailleurs, concernant les territoires de l’Europe occidentale, il faut par exemple noter qu’il y a actuellement de « petites Allemagne » en France et de « petites France » en Allemagne. Autrement dit, certains territoires français ont un taux de chômage inférieur à celui de l’Allemagne alors que certains territoires allemands ont un taux de chômage supérieur à celui de la France. Rappelons que, à l’échelle des zones d’emploi, le chômage varie dans l’Hexagone dans un rapport de 1 à 4.
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