Bordeaux, la « belle endormie », s’est réveillée maintenant il y a plusieurs années, à tel point qu’une importante partie de la ville, le port de la Lune,  est inscrite depuis 2007 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. L’arrivée d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux en 1995 a incontestablement apporté un souffle nouveau à la gestion municipale après les 48 ans de l’ère Chaban-Delmas (1947-1995) : création du tramway (première ligne inaugurée en 2003), nouveaux ponts sur la Garonne, reconquête des quais, redynamisation de la rive droite, etc. Nouveau visage, nouvelle image. Désormais, Bordeaux figure parmi les  villes préférées des Français (au deuxième rang après Paris selon un sondage BVA réalisé en 2013).

bordeaux_miroir_d_eau

Photo prise à Bordeaux le 10 août 2011, par Daniel Oster

Le miroir d’eau et la reconquête des quais

Sur la photographie, tout le premier plan est occupé par une vaste surface en eau où des enfants assis jouent tranquillement et des adultes se promènent par un beau temps d’été. Il s’agit du miroir d’eau dont Bordeaux s’est dotée depuis juillet 2006, après plus d’un an de travaux. Situé face à la place de la Bourse, entre le quai de la Douane et le quai Louis-XVIII, il fonctionne tous les jours de 10 h à 22 h selon un cycle géré par un ordinateur : 3 minutes  de remplissage, 15 minutes d’effet miroir (avec 2 centimètres d’eau stagnant sur la dalle de granit), 5 minutes de vidange et 3 minutes de brouillard (jusqu’à 2 mètres de hauteur). Féerie de l’eau mise en scène par le fontainier Jean-Max Llorca, il constitue l’élément central des quais de Bordeaux réaménagés par le paysagiste Michel Corajoud. Inspiré par l’acqua alta vénitienne, il sert de pédiluve[1] et de brumisateur l’été [2] ! D’autres villes dans le monde, comme Québec, étudient la construction d’un équipement du même type.

Le miroir d’eau est rapidement devenu l’un des espaces publics les plus fréquentés de Bordeaux, par ses habitants et de nombreux touristes. De part et d’autre de son emplacement, le dallage s’étend encore sur environ 2 000 m². Seul un petit fragment de ce dallage est visible dans le coin inférieur droit de la photographie. En fait, le miroir d’eau forme la partie centrale d’une esplanade de quelque 5 850 m².  Entre cet aménagement et le fleuve, prend place une promenade pour piétons et cycles  (comme sur tout le linéaire des 4,5 kilomètres de quais réaménagés), à proximité des barrières que l’on voit au second plan entre la Garonne et le miroir d’eau.

Bordeaux offre l’exemple particulièrement réussi de la « reconquête urbaine d’un fleuve » à l’instar d’autres villes françaises comme Lyon ou Orléans par exemple. La revalorisation actuelle des cours d’eau urbains transforme ces derniers en espaces visuels et/ou d’agrément.

amenagement_quais_bordeaux

L’aménagement des quais de Bordeaux : le miroir d’eau est repérable entre (2) et (3) face à la forme reconnaissable de la Bourse. Sur ce plan, l’on voit bien que le miroir d’eau est bordé de part et d’autre par l’espace vert du Jardin des Lumières  (source : Ville de Bordeaux)

Le pont de pierre n’est plus tout seul

Autres témoins des rapports entre la ville et son fleuve : les ponts. Longtemps, le franchissement de la Garonne a constitué une difficulté pour Bordeaux. Tout près de l’estuaire de la Gironde, le fleuve est si large et tumultueux qu’autrefois les Bordelais l’appelaient la « mer ». Ce n’est qu’en 1822 qu’un premier pont permet le passage entre les deux rives : le pont de pierre, encore appelé pont Napoléon, qui doit son nom le plus courant au fait qu’il est entièrement maçonné. Bien visible sur la photo, entre le bleu clair du ciel et le bleu des eaux du fleuve, il offre le spectacle de ses 17 arches sur une longueur de 490 mètres comme un trait coloré sur la Garonne. Longtemps seul moyen de traversée du fleuve, il accueille aujourd’hui la ligne A du tramway tandis que, depuis les années 1960, plusieurs ponts (du pont d’Aquitaine ouvert en 1967 au pont Chaban-Delmas inauguré en 2013) facilitent les communications entre les deux rives, la rive gauche où s’est réalisé l’essentiel de l’essor urbain bordelais et la rive droite dont le développement a été à la fois plus restreint et très différent.

Le nouveau visage de la rive droite

La rive droite de la ville s’est longtemps développée loin du regard des urbanistes de la rive gauche, et de manière plus anarchique. Le quartier de la Bastide, situé dans la boucle du méandre de la Garonne, ainsi que les communes  voisines qui dépendent de la CUB[3] , offrent d’importantes opportunités foncières (nombreuses friches industrielles par exemple) pour une rénovation urbaine qui déploie ses programmes depuis une dizaine d’années, profitant de l’arrivée du tramway et de la construction des nouveaux ponts. A l’arrière-plan de la photo, au contact du pont de pierre, l’on aperçoit des immeubles donnant un aperçu du nouveau visage de la rive droite. Tout près de l’ancienne gare d’Orléans reconvertie en cinéma multiplexe, les deux bâtiments visibles donnent une idée des transformations du quartier. A droite, un immeuble en forme de parallélépipède rectangle représentatif de l’architecture des années 1950  (c’est une caserne de pompiers !) ; plus à gauche, un autre immeuble, lui beaucoup plus récent, qui traduit les mutations de la rénovation en cours.

Daniel Oster, octobre 2013


[1] Pédiluve : bassin peu profond utilisé pour les bains de pieds.

[2] Il est certain que cette réalisation qui fait la joie des touristes et des Bordelais néglige quelque peu certaines conséquences environnementales négatives comme le gaspillage d’eau lié à l’évaporation.

[3] CUB : Communauté urbaine de Bordeaux, créée en 1968 et regroupant aujourd’hui 28 communes représentant une population d’environ 730 000 habitants.