Désert
Kyzyl-Koum (Ouzbekistan), entre Khiva et Boukhara, 9 Juillet 2004 : le « désert rouge », fixé par des buissons de tamaris, sous un ciel bleu légèrement voilé au loin.
– Qu’est-ce c’est que cette chose-là ?
– Ce n’est pas une chose. Cà vole. C’est un avion (…)
C’est un biplan. Juste le temps de faire un cliché à travers les vitres de l’autocar, qui marbrent la photo et reflètent la tête du photographe.
– Comment ! Tu es tombé du ciel !
– Oui, fis-je modestement.
Non, je parcours fièrement une piste goudronnée quasi rectiligne sur 500 km, qui chevauche les dunes raides ou traverse ici d’immenses à-plats sableux, par 40° à l’ombre inexistante.
J’étais bien plus isolé qu’un naufragé sur un radeau au milieu de l’océan, pensais-je, malgré mes 23 compagnons de voyage, écrasés d’ennui par la monotonie du paysage, et le chauffeur à l’œil rivé sur la route. Le long de celle-ci : la trace d’un gazoduc enterré, repérable à sa couleur claire et aux rangées transversales de végétation ; plus loin une piste parallèle au bitume, souvent empruntée par des groupes de cavaliers et des troupeaux de moutons ; et puis deux fils électriques suspendus hors champ à l’infini. La route n’est pas seulement un moyen de circulation, elle crée autour d’elle un espace géographique linéaire.
Quelque chose s’était cassé dans mon moteur. Et comme je n’avais avec moi ni mécanicien, ni passagers, je me préparai à essayer de réussir, tout seul, une réparation difficile. C’était pour moi une question de vie ou de mort. J’avais à peine de l’eau à boire pour huit jours.
Cette fois, c’est le délire de la déshydratation, je me précipite sur ma bouteille d’eau Nestlé Pure Life (le reste de l’étiquette est en caractères cyrilliques), plus saine que l’eau ouzbèke.
– S’il vous plaît… dessine-moi un mouton !
– Hein !
– Dessine-moi un mouton…
Sale gosse.
Jean-Marc PINET,
avec l’aide involontaire du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry