Ils arrivent ! Le temps de tourner la tête, ils sont là, peut-être une trentaine, à tout casser. Non pas qu’ils cassent tout d’ailleurs, ces gilets jaunes : ils déplacent et renversent une roulotte de chantier. Un restaurateur tente bien de s’interposer, mais il est vite repoussé : « vous êtes pour le gouvernement ! », lui lance une jeune femme bien remontée. En quelques instants, le boulevard Saint-Germain est barré, dans une atmosphère de relative tranquillité. Nous sommes loin, très loin de l’avenue des Champs-Élysées, où le ministère de l’Intérieur comptait bien parquer la « peste brune »i. Loin, très loin de la police, des CRS, des grenades lacrymogènes. Égarés rive gauche, entre la montagne Sainte-Geneviève et Jussieu, ces « Gaulois réfractaires au changement »ii progressent sans slogan ni banderole, mais avec tout l’équipement réglementaire du « séditieux »iii de base : masque de plongée, masque anti-pollution, lampe frontale, sac à dos bien lesté, drapeau français. Sans même un regard vers les immeubles haussmanniens, ils s’en vont du côté du jardin des Plantes. Le restaurateur aidé de quelques riverains s’emploie déjà à remettre la baraque sur ses roues et sur le bas-côté. Et le trafic automobile reprend, à peine interrompu. Mais lundi, quel chantier découvriront les ouvriers à l’intérieur de la roulotte ?
Michel Giraud, 4 décembre 2018
i – Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, le 25 novembre 2018, lors de l’émission le Grand Jury RTL, le Figaro, LCI : « Ce ne sont pas les ‘gilets jaunes’ qui ont manifesté, c’est la peste brune. Ce n’est pas parce que vous mettez un ‘gilet jaune’ que vous ne portez pas une chemise brune en dessous« .
ii – Emmanuel Macron, président de la République française, le 29 août 2018.
iii – Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, le 24 novembre 2018.