La canicule est au rendez-vous de l’été 2015, cela ne fait aucun doute. Paris a même battu son record historique du 28 juillet 1947 avec 39,7 degrés Depuis le début du mois de juillet, les fortes chaleurs n’ont pas vraiment quitté le Sud-Est et une grande partie de la France a subi une nouvelle vague de chaleur du 15 au 18 juillet. Des pannes de train et d’électricité perturbent la vie quotidienne de nombreux Français, des pics de pollution à l’ozone se succèdent. Les autorités politiques ont pris un maximum de précautions pour éviter la catastrophe de l’été 2003. Si les touristes ne semblent pas affectés par cette situation climatique, il n’en va pas de même pour d’autres secteurs comme l’agriculture. Même à Chablis où la vigne en a vu d’autres, les grappes de raisin commencent à souffrir de la sécheresse prolongée. L’affaire est entendue, le changement climatique augmente la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur en France comme dans le reste du monde. La Conférence de Paris sur le climat prévue en décembre 2015 a du pain sur la planche, elle qui doit élaborer un nouveau texte pour remplacer le protocole de Kyoto venant à expiration en 2020.
Les preuves du réchauffement climatique, il faut aller les chercher parfois bien loin. Un très beau reportage paru dans le journal Le Monde1 raconte la vie des scientifiques venus du monde entier pour observer l’intensification de la fonte des glaces dans la base de Ny-Alesund située aux confins de l’Arctique dans l’île norvégienne du Spitzberg à un peu plus de 1 000 kilomètres du pôle Nord.
L’ile du Spitzberg (« montagne pointue » en allemand) fait partie de l’archipel de Svalbard, là où se rejoignent plusieurs mers : l’océan Arctique, la mer du Groenland, la mer de Norvège et la mer de Barents. Sur la façade occidentale de l’île, au sud du fjord de la baie du Roi, la base scientifique de Ny-Alesund regroupe 180 personnes l’été et 60 le reste de l’année alors que Longyearbyen, la capitale où vivent 2 500 habitants, se trouve plus loin au centre de l’île. La vie de la base est rythmée par l’activité de recherche dans un lieu à l’accès restreint (deux vols hebdomadaires) et soumis à la menace des ours polaires. Quatre rues, une soixantaine de bâtisses en bois aux couleurs vives, l’isolement et le froid souvent accru par le vent, mais aussi un endroit stimulant pour un scientifique, d’autant plus que les équipes ont besoin de s’entraider les unes les autres. Pas moins de onze nations d’Europe et d’Asie sont rassemblées ici pour étudier la glaciologie, la chimie atmosphérique, la géologie et la biodiversité. Les données collectées depuis vingt ans sont sans appel : la température moyenne de l’air a augmenté de 1,7 degrés, soit un chiffre très élevé au regard des 0,8 degrés de hausse depuis l’ère préindustrielle. Le fjord n’est plus pris dans la glace depuis moins de dix ans, les glaciers qui le bordent ont beaucoup fondu, la banquise recule, les moustiques deviennent plus nombreux. Quelle leçon pour les climatosceptiques ! Les experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont exploité les courbes des températures de l’air et de l’océan, les courbes de la masse glaciaire et de l’épaisseur de la banquise. Le changement climatique, la responsabilité des activités humaines, tout se tient, les épisodes de canicule plus fréquents et la fonte des glaces ont partie liée…
Et la vie des 2 500 habitants de l’archipel ? Quel avenir leur est promis ? La maire de Longyearbyen plaide pour le maintien d’une activité minière dans l’archipel en évoquant le potentiel local de développement durable. « Un discours bien accueilli dans une ville où 40% de la population vit directement ou indirectement du charbon. »
L’Arctique change, il devient plus facilement accessible, il devient attractif avec ses ressources halieutiques et ses réserves d’hydrocarbures. En attendant, lorsque l’été arrive, les paquebots croisent à l’entrée du fjord. « La baie du Roi doit faire face à une nouvelle menace : l’essor du tourisme de masse. »
Daniel Oster, juillet 2015
1 Les vigies du climat, texte de Simon Roger, Le Monde, dimanche 19-lundi 20 juillet 2015