Le concept de frontier attribué à Frederick Jackson Turner au tournant des XIXe et XXe siècles a encore de beaux jours devant lui. Définie comme la limite du monde civilisé en 1935 dans The Frontier in american history, la frontier de Turner est un concept associé à un espace (ici l’Ouest américain) doté d’une nature qu’il faut dompter pour pouvoir ensuite aménager le territoire nouvellement conquis. Aujourd’hui, la frontier (que les géographes ne traduisent pas en français pour la distinguer de la frontière comme limite de souveraineté) nous permet d’évoquer des espaces pionniers qui, selon la formulation de Roger Brunet, « avancent dans l’inconnu ». C’est donc sans surprise que l’on y retrouve l’Arctique. Le sujet en géographie n’est pas nouveau, il est d’ailleurs présent dans les programmes de l’enseignement secondaire.
Cependant, une étape est franchie dans la présentation de cette vitrine :
Une boutique du boulevard Saint-Michel à Paris (photo Yohan Lafragette)
La marque Levi’s nous propose mieux que de s’habiller pour l’hiver : son anorak (mot d’origine inuit) nous permet de nous équiper pour la modern frontier, que l’on devine sans peine être l’Arctique. Il semble cependant peu conseillé de mettre un blue jean et des chaussures de ville pour un séjour au pôle, c’est pourquoi nous avons affaire – me semble-t-il – plus à du marketing qu’à un réel conseil pour préparer un voyage dans les territoires du Grand Nord. Malgré tout, « go forth », qui peut se traduire par « allez de l’avant », nous incite à rester dans cet imaginaire de conquérant.
Va-t-on vers une nouvelle représentation de la frontier avec l’Arctique ? C’est le sujet du jour au comptoir. Adossée à une réalité géographique, la modern frontier de Levi’s va-t-elle se contenter de vendre des anoraks ? Lorsqu’on pense aux déclinaisons sans fin de la conquête de l’Ouest, il se peut qu’Hollywood filme pour l’Arctique des westerns du Nord (des northerns ?), ou que Disneyland remplace les winchesters de son Frontierland shootin’ exposition (stand de tir à Frontierland) par des harpons. Observons cette nouvelle conquête avec un regard multidisciplinaire qui agrège géographie, histoire, économie, sociologie… et marketing.
Yohan Lafragette
Peut-on dans le même ordre d’idée considérer que la nouvelle « frontier » serait l’espace circumterrestre? Auquel cas je doute que Lewis puisse nous fournir l’équipement nécessaire! Quant au coté attirance de l’imaginaire le concernant, il suffit pour s’en convaincre de regarder le succès du film GRAVITY! De nombreuses publicités transfrontalières, automobiles en particulier ont déjà exploité le filon.