Exposition « Mayas – Révélation d’un temps sans fin, Paris, Musée du quai Branly, du 7 octobre 2014 au 8 février 2015.
Après le Mexique et le Brésil c’est au tour de la France d’accueillir une extraordinaire exposition sur les Mayas, fascinante civilisation précolombienne qui a livré de nouveaux secrets depuis une dizaine d’années grâce à des découvertes majeures comme celle de la cité de Chactun (Etat de Campeche, Mexique). Le musée du quai Branly présente pendant quatre mois près de 400 objets provenant des collections de plus de 40 musées et grands sites mayas du Mexique. A travers un parcours thématique, l’exposition propose un panorama général d’une civilisation qui s’est développée durant trois millénaires dans un territoire bien plus diversifié qu’on ne le dit généralement. La scénographie, conçue par Jean-Michel Wilmotte, rend compte du cheminement choisi (du quotidien vers le sacré) en jouant sur les volumes, et sur le choix des vitrines ou au contraire des installations hors vitrine.
Un peu d’histoire et de géographie
L’aire culturelle maya couvre un espace de quelque 400 000 km2 englobant le sud-est du Mexique, le Guatemala, le Belize et l’ouest du Honduras et du Salvador, soit un milieu essentiellement tropical mais malgré tout très différencié. On divise généralement le monde maya en trois grandes régions, les Hautes Terres, qui ont joué un rôle prépondérant au Préclassique ; les Basses Terres du Sud, recouvertes d’une forêt tropicale dense et humide, qui ont été le cœur de la civilisation classique ; les Basses Terres du Nord, de climat plus sec et sans cours d’eau. Malgré cette diversité écologique, le milieu naturel des Mayas présente de fortes contraintes qui se retrouvent partout, deux principalement, l’insuffisance des ressources en eau, y compris dans la forêt tropicale à cause du difficile accès à la nappe phréatique, et la pauvreté des sols. Cette double contrainte explique la nécessité de constituer des citernes ou des réservoirs pour stocker l’eau ainsi que la recherche de solutions agronomiques telles que la jachère pour pallier la médiocrité des sols.
En ce qui concerne l’étalement dans le temps de cette civilisation, les chronologies proposées par les archéologues sont imparfaites mais, pour faire simple, on peut parler de trois périodes successives, une période dite « préclassique » qui a duré plus de deux millénaires, de 2000 avant notre ère à 250 environ apr. J.-C., une période dite « classique » de 250/300 à 900/950, soit 6 à 7 siècles, et enfin, une période « postclassique » qui se termine avec la conquête espagnole du XVIe siècle. Soulignons tout de suite le décalage entre la chronologie (une période « classique » relativement tardive dans l’histoire de l’humanité, correspondant en gros au Haut-Moyen Age européen) et la réalité de la vie quotidienne (une économie proche du Néolithique, comme partout dans l’Amérique précolombienne de cette époque).
L’effondrement des cités mayas
Un des intérêts de l’exposition est d’apporter une lumière nouvelle sur l’un des grands mystères de l’humanité : l’effondrement des principales cités mayas au cours des IXe et Xe siècles. Seules quelques cités des basses terres du Nord du Yucatan vont survivre pour quelques siècles encore. En fait, le processus s’étale sur deux siècles, révélant ainsi une fragilité finalement mortelle. Si les archéologues avancent plusieurs causes, toutes incertaines, d’autres scientifiques évoquent le rôle de plusieurs périodes de sécheresse contribuant à l’épuisement des sols et donc au déclin de la production agricole.
Dans son livre « Effondrement », paru en 2005, le géographe américain Jared Diamond a étudié les raisons ayant conduit à la disparition de plusieurs anciennes civilisations, dont celle des Mayas. Selon Diamond, l’effondrement progressif de la civilisation maya résulte de la combinaison de cinq facteurs. Dans un milieu naturel fragile et contraignant (insuffisance des ressources en eau, médiocrité des sols tropicaux), le système agricole maya reposait sur des stratégies adaptées à ce milieu, comme la culture sur brûlis. Quand la croissance démographique est devenue très importante, la déforestation s’est accélérée pour gagner de nouvelles terres agricoles tandis que les déboisements pour alimenter les fours à chaux ont eux aussi beaucoup progressé. Résultat de cette évolution : l’épuisement des terres et la chute de la production agricole. Là réside le facteur déterminant à partir duquel la chaîne de causalité va se dérouler.
Deuxième facteur : le ou plutôt les changements climatiques survenant au même moment. La période de croissance démographique des Mayas a coïncidé avec une période de climat chaud et humide propice aux cultures. Par contre, alors que les défrichements atteignaient leur maximum, dans le même temps, le climat de la région s’est considérablement asséché, causant de graves problèmes à la culture du maïs. Les villes, incapables de supporter ces longues périodes de sécheresse, furent progressivement abandonnées.
Troisième facteur : celui des voisins hostiles. Là, il nous faut parler des guerres et des sacrifices. Si la course au prestige a été une constante de la civilisation maya, les rivalités internes et le militarisme envahissant ont fragilisé son équilibre. Les guerres visaient plus à faire des prisonniers pour les sacrifices qu’à conquérir des territoires, cependant ces affrontements sanglants épuisaient peu à peu des populations déjà affaiblies et prises dans un cycle infernal : beaucoup de sacrifices pour plaire aux dieux, beaucoup d’offrandes (comme le cacao, symbole de fertilité et de richesse) pour implorer le retour à une certaine fertilité des sols.
Quatrième facteur : les rapports de dépendance avec les partenaires commerciaux. Ce facteur relatif au commerce ou à l’absence de commerce avec des sociétés amies extérieures, ne semble pas avoir été essentiel dans l’effondrement maya.
Enfin, cinquième facteur : les réponses apportées par la société à ses problèmes environnementaux. Ce facteur, à la fois politique et culturel, est essentiel : pourquoi le pouvoir maya n’a-t-il pas réagi par des mesures appropriées ? Sa réponse a été de privilégier la guerre et la construction de monuments au lieu de résoudre les problèmes de fond. Il faut bien comprendre que les élites des royaumes classiques n’exerçaient aucun contrôle effectif sur les systèmes de subsistance, ni sur la production, ni sur les échanges de produits courants, leur rôle se définissait en terme de rituels, d’alliances et de guerres, ces élites ont donc réagi dans leur domaine exclusif de compétence : davantage de rituels, davantage de constructions, davantage de guerres.
Au bout du compte, le monde maya offre l’exemple d’une société théocratique, oligarchique et fortement inégalitaire, qui n’a pas réussi à trouver un recours productif, technique ou sociétal pour remédier à ses problèmes fondamentaux.
L’homme et la nature
Le mot « maya » signifie « maïs » et les Mayas se sont désignés eux-mêmes « hommes de maïs » depuis la plus haute antiquité. Ils ont basé leur agriculture sur cette plante en utilisant des méthodes efficaces et parfois sophistiquées (digues, terrasses, etc.). Depuis plus de 8 000 ans, le maïs est d’ailleurs la base de l’alimentation de toute l’aire méso-américaine. Rien d’étonnant par conséquent au fait que le maïs occupe une place essentielle dans le monde maya, chaque année les premières récoltes sont offertes au dieu du maïs dont le roi est l’incarnation sur la terre. A côté de la plante-reine, le cacaotier occupe malgré tout une place sur les meilleures parcelles, le cacao étant le breuvage sacré destiné aux grandes cérémonies.
Une parfaite maîtrise de la nature et des cycles expliquent que les Mayas sont en symbiose avec leur environnement. Ils ont souvent représenté des plantes et des animaux sur leurs objets de nacre, de bois ou d’or, sur des pierres semi-précieuses, sur leur vaisselle, et peut-être aussi sur leurs vêtements. Sans doute parce qu’ils les connaissent bien comme éléments de leur quotidien, mais surtout pour des raisons liées à leur conception de l’univers. Ainsi, le monde souterrain apparaît comme un lieu humide où coulent les eaux souterraines, d’où germent les plantes ; les nénuphars, les crapauds et les crocodiles révèlent la nature humide de cette partie de l’univers et sont en même temps des passeurs vers le monde souterrain. Parmi les objets à ne pas manquer dans cette première partie de l’exposition : une petite grenouille en or aux yeux en turquoise (par son coassement, le batracien annonce la pluie, autrement dit la régénération de la terre).
Le difficile déchiffrement de l’écriture maya
C’est seulement à la suite des travaux du chercheur russe Knorosov dans les années 1950 qu’il est devenu évident que les Mayas ont utilisé un système d’écriture pour transcrire leur langue. Commence alors un déchiffrement progressif de l’écriture maya par un grand nombre de spécialistes d’Europe et d’Amérique. Cette écriture de type hiéroglyphique se retrouve abondamment sculptée sur des stèles, des linteaux, des colonnes, etc., modelée dans le stuc, gravée sur de nombreux objets, peinte sur les murs et les codex en papier d’écorce. C’est grâce à l’épigraphie (et à l’archéologie) qu’il est possible aujourd’hui de dévoiler de nombreux aspects de la civilisation maya : une bonne partie de son histoire dynastique et politique, de son organisation sociale et administrative, de ses croyances religieuses, de ses rites et de ses productions intellectuelles.
L’exposition du quai Branly rend largement compte des avancées du déchiffrement de l’écriture maya. En témoignent notamment de magnifiques stèles qui montrent de nombreux glyphes (éléments de base de l’écriture groupés en « blocs »).
C’est l’existence d’une écriture et d’une langue de communication, à côté d’un univers commun de croyances, qui a donné cohésion à la civilisation maya pourtant si diverse dans sa composition ethnique et sa culture matérielle.
L’homme, le divin et le temps
La religion maya est fondée pour l’essentiel sur la répétition des cycles naturels, terrestres et célestes. Elle considère le monde comme un composé d’univers supérieurs et inférieurs entre lesquels sont répartis les hommes en fonction de leur degré de vertu. Ces caractéristiques générales n’ont pas empêché une évolution au cours des siècles. Pendant la période classique (250-900), la personne du souverain concentre la fonction divine, puis progressivement le pouvoir des prêtres s’accentue autour d’une multiplication foisonnante des divinités, toutes liées aux différents phénomènes de la vie. Les prêtres doivent les interpréter et prophétiser sur les cycles passés et à venir, d’où l’importance du calendrier rituel.
A propos des calendriers, les Mayas en ont utilisé une vingtaine en fonction des cités et des époques. Chacun a son usage mais les deux plus importants, qui étalonnent la vie de la cité, sont le sacré (le tzolkin) et celui plus axé sur la vie civile (le haab). Le premier compte 260 jours répartis en « mois » de 13 « semaines » (chacune ayant 20 jours). Le second comprend 365 jours répartis entre 18 « mois » de 20 jours suivis par 5 ou 6 jours additionnels. Toute date est exprimée par les deux calendriers, la coïncidence entre les deux dates se répétait tous les 52 ans, marquant un nouveau cycle.
Autre intérêt de l’exposition qui attire particulièrement les visiteurs : les objets se rapportant au jeu de balle qui puisait ses fondements dans la cosmologie maya.
Des terrains de jeu de balle destinés à accueillir des cérémonies et rituels très particuliers furent aménagés dans de nombreuses cités mayas, la plus vaste découverte ayant été faite à Chichen Itza (près de 100 m de long sur 30 m de large). La finalité de cette pratique sportive avec une balle en caoutchouc consistait à célébrer une cérémonie s’apparentant à une allégorie guerrière qui se terminait par un sacrifice humain, celui… des perdants ! La partie centrale du terrain était considéré comme un accès sacré à l’inframonde ; de plus, cette pratique du jeu de balle entretenait aussi un rapport étroit avec les rites de fertilité et de l’astronomie, rendant hommage au cycle de la vie et de la mort.
Quelques belles pièces de l’exposition
Dans les dynasties royales mayas, les ancêtres, habitant le monde sacré, devaient confirmer le pouvoir de leurs héritiers. Ici, le défunt roi Chaak (troisième de la dynastie) joue à la balle avec le souverain vivant Chapa (cinquième de la dynastie), ils sont prêts tous deux à en découdre. Les glyphes donnent la date de l’événement ainsi que les noms et titres des deux personnages.
Sur cette stèle, un prisonnier entravé s’attend à être sacrifié comme l’indique la bandelette de papier dans son oreille. Son nom est inscrit sur son pagne.
Le site funéraire de l’île de Jaina, près de Campeche, a livré un riche butin funéraire. Parmi les objets mis au jour dans les tombes, des sifflets reproduisant des effigies féminines comme celle-ci qui représente une femme noble.
Cette magnifique exposition présente bien d’autres objets, tous passionnants, parfois intrigants, souvent superbes. Non seulement la sélection des œuvres permet de dévoiler les caractères principaux des Mayas désormais mieux connus mais elle révèle aussi la variété des styles de la trentaine d’ethnies qui composaient cette fascinante civilisation. Enfin n’oublions pas qu’il y a aujourd’hui quelque dix millions de descendants de ces anciens Mayas, principalement au Mexique et au Guatemala. Malgré la colonisation espagnole et l’intégration catholique, ils ont conservé leur langue, leur sens de la communauté et les pratiques cérémonielles issus des temps précolombiens.
Daniel Oster
Pour aller plus loin : le remarquable catalogue de l’exposition (coédition musée du quai Branly/RMN-Grand Palais). Voir également sur le site www.quaibranly.fr la programmation complète des diverses rencontres et activités qui accompagnent l’exposition.
Comment une ou des sécheresses peut être sélective car ne causant problème qu`à la région sud ? Les populations mayas du sud qui sont remontées vers le nord furent-elles chassées par des guerriers d`un autre peuple ? Et pourquoi ces guerriers n`auraient-ils pas occupés les cités conquises ? Enfin , pourquoi les cités non conquises de toute apparence n`ont-elles pas vu les mayas revenir car tout était là ? Que la cause soit guerrière ou naturelle via une ou des sécheresses il y a trop de flou et d`absurdité quelque part ! Les populations du sud auraient monté vers le nord mais seraient aussi descendu vers le sud ce qui , quasiment de facto , exclut la version guerrière car on se serait forcément dirigé en sens opposé pour s`enfuir . Il reste quoi pour expliquer cette anomalie de type imbroglio ? Raisonnons simplement et logiquement : De toute évidence les cités du nord s`en seraient mieux sorti que celles du sud si il y a vraiment eu une ou des sécheresses importantes . Puisque les cités du nord étaient du même peuple , de la même mentalité et même façon de fonctionner alors il faut rechercher une cause forcée qui aurait touché les cités du sud mais pas celles du nord . En quittant les cités du sud les populations , en se dirigeant dans deux directions opposées , nous lancent un message au travers le temps ; « Quelque chose nous force à partir pour ne pas revenir « . Si ce n`est pas un ennemi guerrier ou humain alors cela signifie que ce serait de nature contextuel et peut-être même particulier ! Qu`ont en commun le sud et le nord ? L`absence ou la diminution de pluie . . . . . la grande rareté des lacs et rivières . . . . . et les cénotes . Donc , en cas d`absence d`eau , puisque il n`y a pas d`eau de surface , on est obligés de s`en remettre aux cénotes pour le sud comme pour le nord . Puisque le nord de toute évidence semble s`en être bien sorti alors on doit conclure qu`ils s`en sont remis aux cénotes pour les dépanner , évidemment . Et puisque le sud ne s`en est pas remis alors cela signifierait-il qu`il y aurait eu un problème avec leurs cénotes ? Car si il n`y a plus ou pas assez d`eau venant du ciel et qu`elle est presque inexistante au niveau du sol alors ça expliquerait les problèmes sérieux voire insolubles que les cités du sud auraient eu à faire face si il y avait eu un problème avec leurs cénotes . Voilà ce que je pense : Les cénotes au nombre de entre 8 000 et 10 000 dans cette péninsule du Yucatan seraient presque tous reliés entre eux , ce qui signifierait qu`un problème de contamination dans une centaine de cénotes pourrait se propager par pression et dans un bon rayon à partir de ces cénotes malades . Les tsunamis sont rares sur une vie mais pas si rares si on pense en terme de millénaires . Se pourrait-il qu`au IX ième siècle un tsunami ait entré au niveau du Bélizé (?) assez loin dans les terres basses ( 4 à 8 kilomètres ? voire plus ? ) en apportant des dizaines de millions de litres d`eau salée dans des cénotes ? Et la pression aurait fait le reste en mixant le tout ? Il n`est pas important que l`eau soit aussi salée pour nuire voire ultimement menotter à court ou moyen terme . Même peu salée ça équivaut à un presque cancer . Et , salés , combien de temps faut-il aux cénotes pour redevenir potables ? Donc cette supposition d`un tsunami expliquerait le départ , la montée vers le nord , la soudaine montée économique du nord et le refus ou l`incapacité de revenir dans les cités du sud . L`ajout des populations du sud au nord devenait une force à court terme mais une faiblesse à moyen ou long terme . J`ai déjà écrit sur plusieurs sites .
J`ai eu un flash car j`y connais que dal aux Mayas et c`est par curiosité en lisant quelques sites que l`idée m`est venue car j`ai lu quelque part qu`il y avait environ 90 théories pour essayer d`expliquer cette étrangeté sans qu`aucune ne soit satisfaisante .