26-27-28 septembre 2014

nancy-metropole-nouvelle (1)Le voyage est organisé par Maryse Verfaillie pour l’association Les Cafés Géographiques (de Paris). Il a bénéficié de l’aide précieuse de Nancéiens :
-Jacqueline et Christophe Terrier, membres de longue date des Cafés géo,
-Colette Renard-Grandmontagne, André Humbert et Jean-Pierre Husson, enseignants à l’Université de Lorraine.

Au carrefour des routes européennes, la Lorraine effectue de belles reconversions. Nancy, crée ex-nihilo il y a dix siècles, a bénéficié de grandes richesses naturelles.
Elle a conservé l’écrin forestier de Haye et l’exploitation des mines de sel gemme. Mais les mines de fer sont fermées et les activités sidérurgiques ont pratiquement disparu.
Plusieurs apogées ont laissé à la capitale de la Lorraine un patrimoine architectural exceptionnel : ville médiévale et Renaissance, ville des Lumières (Place Stanislas), ville Art nouveau.
Mais le siècle passé a confronté la ville aux crises industrielles. Aujourd’hui la métropole, coincée entre le talus forestier de la Côte de Moselle à l’ouest et les marais de la Meurthe à l’est, a mené de nombreuses batailles. La reconversion économique s’accompagne de la réhabilitation des périphéries et de projets (mégalomanes ?) en Cœur de ville.

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I   Nancy, patrimoniale : une histoire de villes

Le patrimoine constitue plus que jamais un enjeu fort du rayonnement d’un territoire. Dans sa définition large, il s’intéresse non seulement au bâti, mais aussi aux espaces remarquables qui témoignent d’une manière de vivre.

Victor Hugo disait : « il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient à son propriétaire, sa beauté à tout le monde ».

Nancy a bénéficié de plusieurs politiques d’urbanisme dans son histoire. Mais ce n’est que récemment, en 1996, qu’un secteur sauvegardé a été créé. Il représente 166 ha et assure la préservation de la Ville-Vieille et de la Ville-Neuve.

Ensuite, la création de la communauté urbaine du Grand Nancy a donné un cadre intercommunal à cette démarche.

XI è – XII è : Ville-Vieille et Ville-Neuve, ville médiévale et Renaissance

Au XI è Gérard d’Alsace, duc de Lorraine, fonde le premier castrum, sur une terrasse alluviale à l’abri des caprices de la Meurthe, à l’emplacement actuel du quartier de Saint-Epvre. Des marais cernent le castrum. Le site n’est pas idéal, mais la situation du castrum est stratégique : au centre des possessions éparpillées du fondateur de ce qui va devenir le premier duché héréditaire de Lorraine.

Aux XII è et XIII è, le bourg prospère et s’entoure de fortifications que l’on franchit par deux portes majeures : Porte sacrée au nord et porte Saint-Nicolas au sud. La population s’entasse autour de la commanderie Saint-Jean dressée au bord d’un étang.

Au XIV è, la ville est devenue capitale du duché, les marais sont asséchés, une nouvelle enceinte est nécessaire. Elle cerne ce qu’on appelle aujourd’hui Vieille-Ville et dont il ne subsiste que la Porte de la Craffe.

Au XV è, surviennent les guerres de Bourgogne (1474-1477). Lors de la bataille ultime, Charles le Téméraire est tué devant Nancy et partiellement dévoré par les loups. Le victorieux duc René peut donner un nouvel élan à Nancy. Il ouvre sa capitale aux influences architecturales et artistiques de la renaissance italienne. Son château devient le Palais ducal (1502-1512). Il abrite aujourd’hui le Musée lorrain.

Au XVI è, la ville prospère. De nombreux hôtels particuliers sont édifiés. Une foule de commerçants et d’artisans s’installent. La population passe de 2 000 à 5 000 habitants entre 1500 et 1550.

La Grande Rue témoigne encore de cette époque faste. C’est alors que Chrétienne de Danemark, nièce de Charles Quint et régente du duché fait construire la place de la carrière pour y pratiquer joutes équestres et carrousels.

Si la ville médiévale a largement disparu, il subsiste de nombreux témoins des hôtels particuliers de style Renaissance : maisons de pierre aux larges fenêtres proches du carré, divisées par des meneaux, portes encadrées de pilastres et de colonnettes surmontées d’un fronton orné des armoiries du propriétaire. Des galeries, des loggias, assurent le passage entre les corps de logis. L’hôtel d’Haussonville (1528-43) est aujourd’hui devenu un hôtel cinq étoiles (rue Monseigneur Trouillet).

A la fin du XVI è, la population des faubourgs a beaucoup augmenté et ne peut être ni défendue, ni contrôlée. Les guerres de Religion (1562-1598) décident le duc Charles III à créer une nouvelle ville, au sud de la cité.

Plan Vieille-Ville et Ville-Neuve [attention, le nord est situé à gauche]

Plan Vieille-Ville et Ville-Neuve [attention, le nord est situé à gauche]

La construction de cette Ville-Neuve est confiée à l’architecte italien Jérôme Citoni et aux ingénieurs La Hière et Marchal. Des rues larges, et en damier, sont tracées, qui permettent la circulation de l’air et de la lumière. Les rues Saint-Dizier et Saint-Jean en sont les principaux axes. La Ville-Neuve (60 ha) est dotée d’un hôtel de ville, d’un marché, d’un hôpital et pas moins de 15 couvents s’y installent. Le tout est ceint de  remparts. Nancy compte alors 16 000 habitants.

Mais la Guerre de Trente Ans (1618-1648) ruine Nancy. Les Français occupent la ville qui ne sera rendue aux Lorrains qu’en 1661.

XVIII è : Nancy, ville des Lumières

Sous les règnes de Léopold (1679-1729) et de Stanislas, beau-père du roi Louis XV, les embellissements de la ville reprennent.

Les « deux villes » sont rattachées par une place monumentale, la place Royale, devenue place Stanislas. Ainsi se crée le premier axe historique nord-sud. Des règlements d’urbanisme harmonisent les hauteurs des bâtiments et la disposition des façades (rue des Carmes, rue Montesquieu). Les rues sont pavées et pourvues d’éclairage public.

Attaché à la liberté des cultes, Stanislas permet l’installation de communautés juive et protestante. A sa mort, en 1766, Nancy atteint 30 000 habitants. Les bastions de la vieille ville disparaissent au profit du Parc de la Pépinière à l’est et d’une vaste place (le Cours Léopold) à l’ouest. La cour princière du XVIII è a suscité la construction de nouveaux hôtels particuliers faisant appel à des architectes de renom : le Parisien Boffrand, l’Italien Bibiena.

Le duché de Lorraine est intégré au royaume de France. En 1793 Nancy devient le chef lieu du département de la Meurthe.

Fin XIX è – début XX è : de la ville frontière à la ville moderne, Art nouveau et Art déco

Après une nouvelle grande torpeur, la ville se réveille à l’heure de la révolution industrielle, dans la seconde moitié du XIX è. Le canal de la Marne au Rhin (1838-51) puis la ligne de chemin de fer Paris- Strasbourg (1856) font de Nancy un carrefour majeur.

Les conséquences de la défaite française face à la Prusse (1870-71) sont rudes pour les Alsaciens et une partie des Lorrains, mais elles font de Nancy une ville frontière, donc stratégique. Les « optants », ceux qui souhaitent garder la nationalité française, affluent dans la nouvelle « capitale » de l’est de la France. En 30 ans, la population passe de 66 000 à 119 000 habitants. C’est un nouvel âge d’or pour la ville.

Capitaux et industriels génèrent un véritable décollage économique, permis aussi par les grandes infrastructures existantes (voir ci-dessus) ou nouvelles (canal de l’Est reliant la Meuse et La Moselle à la Saône, réalisé entre 1874 et 1887).

Entre la place Stanislas et la gare surgit entre 1906 et 1913, un « quartier d’affaires » avec des rues bordées de banques (siège de ce qui est devenu la BNP Paribas), de restaurants et  d’hôtels. La brasserie Excelsior (de Lucien Weissenburger) possède un mobilier en acajou de Majorelle et des verrières de Jacques Gruber. La Chambre de Commerce et d’Industrie, est très imposante. Pour  sa résidence, la nouvelle bourgeoisie nancéienne, choisit de se faire construire des villas, plus à l’ouest dans le Parc de Saurupt, sur les premières pentes de la Côte de Moselle, frangées de forêts. Cette grande bourgeoisie, issue du monde de l’industrie, adopte très vite les codes de l’Ecole de Nancy, adepte de l’Art nouveau. Initialement, elle est baptisée « Alliance provinciale des industries d’art » et se réunit autour d’Emile Gallé, Victor Prouvé, Louis Majorelle, Eugène Vallin, Antonin Daum, Jacques Gruber, Alexandre Bigot. Ils ont réalisé 400 bâtiments Art nouveau.

Henri Sauvage a construit la villa Majorelle en 1901-02

Henri Sauvage a construit la villa Majorelle en 1901-02


L’Art nouveau est avant tout une insurrection contre tout le fatras des styles « néo » en vogue au XIX è. Son répertoire décoratif est un hymne à la nature : en conséquence, toutes les formes belles seront composées de courbes. Les fleurs (ombellifères), les femmes (lianes ou fatales) les fers forgés en « coups de fouet », les mobiliers (dansants), rien n’échappe aux artistes de cet art. Il faut aussi que l’utile se joigne au beau et il convient d’intégrer dans les œuvres toutes les commodités du siècle et tous les matériaux issus de la révolution industrielle : le fer, la fonte, l’acier, le verre.

Le verre est magnifié. Il permet de faire rentrer la lumière en abondance selon les principes hygiénistes de l’époque. Les façades, souvent en pierre s’ouvrent sur des fenêtres imposantes traitées en vitrail (style Tiffany).

Mais très vite, cet art total devient art totalitaire et donc insupportable. Par les méchantes langues il est nommé « art nouille » Il est oublié jusque dans les années 1980.


Une décennie plus tard, on souhaite revenir à des formes plus sages et plus discrètes.

L’Art déco succède à l’Art nouveau et propose des formes géométriques simples, des toits plats et une décoration réduite à sa plus simple expression. Les architectes majeurs de cette période sont Pierre Le Bourgeois, Jean Bourgon, Marcel Balland, Charles Masson, Jules Criqui.

Entre 1904 et 1913, un plan d’urbanisme est préparé pour mettre fin au développement anarchique de la ville (autour de la gare ou entre Meurthe et canal), où usines et entrepôts prolifèrent entourés de maisons et immeubles ouvriers.

Mais la 1ère GM interrompt ce plan et l’issue de la guerre autorise le retour chez eux des  « optants ». La croissance économique et démographique de Nancy est stoppée net.

Cependant, des lotissements réservés au logement social sont tout de même entrepris par des architectes obéissant à présent aux préceptes de l’Art déco et encouragés par la loi Loucheur de 1928 qui autorise l’Etat à intervenir financièrement en faveur de l’habitat populaire. Des cités-jardins d’inspiration anglaise ou parisienne voient le jour.

II   Nancy aux XX è et XXI è : crise et renouveau

Le retour de l’Alsace et de la Moselle dans la mère patrie à la fin de la 1ère GM change la situation de Nancy, elle remet en cause ses activités de services alors que s’amorce le déclin de l’ère industrielle. Entre crise et renouveau, âge d’or et années de plomb, Nancy n’est plus capitale, elle partage le titre de métropole lorraine avec Metz et dans le cadre européen ses atouts restent limités.

Les crises du premier XX è

Dans l’entre deux guerres, Nancy continue à se développer. L’Ecole de médecine reste à Nancy tandis qu’une nouvelle école est créée à Strasbourg. L’Ecole des Mines est fondée en 1919. La Bourse de Nancy voit le jour en 1922. Le siège des Fonderies de Pont-à-Mousson s’installe à Nancy. La maison Daum se transforme en cristallerie en 1925.Après la 2ème GM, comme partout, il faut reconstruire alors que les pénuries persistent.

Autour de Nancy, les activités industrielles se sont fondées sur la présence de mines de sel à Dombasle-sur-Meurthe, exploitées par Solvay et Rhône-Poulenc et sur celles de mines de fer. Des activités sidérurgiques se sont développées à Pompey par transfert d’usines lors de l’annexion de la Moselle.

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Le déclin commence dans les années 1960 et se poursuit jusque dans les années 1990. La dernière mine de fer ferme en 1993. Une seule mine de sel subsiste actuellement. Ici et là, des friches témoignent de ce passé : grands chevalements fantomatiques, usines aux couleurs de rouille, terrains instables prêts à tous les effondrements (voir plus loin).

Pour le géographe Armand Frémont, un homme incarne à lui seul l’évolution industrielle de la Lorraine. « Jacques Chérèque fut lamineur aux aciéries de Pompey, ingénieur de la sidérurgie, syndicaliste CFDT, puis Préfet délégué chargé de la reconversion de la Lorraine entre 1984 et 1988, enfin ministre de l’Aménagement du territoire pendant quelques années…. Petit homme rieur aux grosses moustaches et au franc-parler, il fut, mieux qu’aucun autre, le métallo de la dernière heure » (voir le compte rendu de l’entretien des Cafés géo avec lui en fin de dossier).

Les atouts actuels

Se dégager des problèmes de reconversion, communs à toutes les vieilles villes industrielles est long et douloureux. S’engager dans les activités tertiaires est tristement banal.

Quelques choix paraissent plus porteurs pour le grand Nancy. En voici trois exemples.

– La principale richesse de Nancy reste son potentiel universitaire et ses nombreuses grandes écoles. La synergie entre le monde universitaire et celui de l’entreprise est certainement l’atout majeur de la ville. Le technopôle Nancy-Brabois et le projet ARTEM en sont les phares. « Le poids estudiantin est important dans l’économie mais aussi pour l’image, l’affichage de la ville dans ses réseaux. L’Université est au cœur du système d’animation de Nancy. En cœur de ville, l’Université forme une force centripète de premier plan et génère le cumul de ressources foncières, humaines et immatérielles qui sont un levain essentiel pour faire évoluer la cité ». (Husson, 2014)

– Le commerce de gros reste un maillon important de l’économie nancéienne. Il s’appuie sur la plate-forme multimodale de Champigneulles-Frouard, située sur le confluent Meurthe-Moselle.

– Le dernier atout est la valorisation des activités liées aux loisirs et au tourisme organisé autour de plusieurs pôles : espaces verts (parcs urbains et forêt de Haye) pôle thermal, patrimoine, musées très nombreux, gastronomie. N’oublions pas les richesses lorraines en la matière : bières, vins gris, mirabelles sous toutes les formes possibles, macarons, bergamotes…. De quoi allécher bien des papilles !

Musée de l’Ecole de Nancy

Musée de l’Ecole de Nancy

C’est le riche collectionneur et mécène Jean-Baptiste Corbin qui a créé au début du XX è, ce musée dédié à l’Art nouveau.

Surchargé et tarabiscoté à souhait, il est l’un des rares musée a présenter les œuvres dans un cadre d’époque ayant échappé à la mode du tout aseptisé. La salle à manger réalisée en 1903 par Eugène Vallin est sans doute la plus spectaculaire des œuvres qui y sont réunies, à moins que vous ne préfériez le lit Aube et Crépuscule de Gallé, orné de papillons géants. Il faut se promener dans le jardin exotique qui offre au regard des Ginkgo biloba, des ombelles et un bassin modern style ainsi qu’une chapelle ornée d’arums.

 L’eau, omniprésente est atout tout autant que contrainte

Fig. 1 Carte des inondations de la Meurthe (Simon Edelblutte)

Fig. 1 Carte des inondations de la Meurthe (Simon Edelblutte)

Nancy a été créée dans un environnement à priori inhospitalier. Le nom même de Nancy signifierait marais (nant) selon la racine celtique.

De nombreux cours d’eau dévalent les pentes des coteaux pour rejoindre la Meurthe, rivière imprévisible du fait de ses crues spectaculaires. Le débit de la Meurthe à Nancy peut varier de 5m3 / sec à 10 000 m3/seconde !

Jadis elle était utilisée pour le flottage des bois en provenance des Vosges, mais elle n’était navigable qu’au-delà de Nancy, en direction de son confluent avec la Moselle. Puis le canal de la Marne au Rhin qui la double devint la principale voie navigable

Pendant longtemps les quartiers proches de la Meurthe et la place Stanislas furent victimes des inondations. Il a fallu l’endiguement et la régularisation de la Meurthe dans les années 1980 pour espérer les vaincre. Le lit fut approfondi et les berges aménagées.

Jean-Pierre Husson fait une belle synthèse de la Meurthe et des marais avoisinants dans la revue Le pays lorrain, écrit en 2007 avec Etienne Martin : « une eau défensive, nourricière, mise au service des transports, … une eau festive qui rehausse le prestige de l’urbanisme au temps des Lumières ».

Ponts et franchissements, écluses et chemins de halage se sont multipliés lors de la révolution industrielle, entre Meurthe et canal, créant un deuxième axe nord-sud à l’est de l’axe historique.

Coupe de la Côte de Moselle La France des Villes, Maryse Fabriès-Verfaillie et Pierre Stragiotti [Bréal]

Coupe de la Côte de Moselle
La France des Villes, Maryse Fabriès-Verfaillie et Pierre Stragiotti [Bréal]

La contrainte topographique est réelle. La ville est cernée, à l’ouest et au nord par des coteaux abrupts et boisés qu’il faut choisir d’ignorer ou d’escalader, lorsque l’espace urbain se démultiplie après la 2GM.

III   Les grandes opérations urbanistiques de Nancy

Tous les projets se font désormais dans le cadre administratif du Grand Nancy, communauté urbaine et humaine.

Plan de l’aire urbaine La France des Régions, Maryse Fabriès-Verfaillie et Pierre Stragiotti [Bréal]

Plan de l’aire urbaine
La France des Régions, Maryse Fabriès-Verfaillie et Pierre Stragiotti [Bréal]

A   Rénovation ou réhabilitation dans les quartiers centraux et péricentraux

Le centre-ville devenu insalubre au regard des normes qui s’imposent dans les années 1960 est partiellement abandonné par ses habitants au profit de la maison individuelle ou des tours d’habitation construites en banlieues.

La ville tente de redynamiser son centre en engageant brutalement, sur la place Thiers, à proximité de la gare, une tour d’affaires et une opération Joffre-Saint-Thiébault (1960-63) qui associe logements, parkings souterrains, bureaux et écoles. Elle fut suivie, dans la Ville-Neuve, au milieu des années 1970 de la construction du centre commercial Saint-Sébastien. Cette politique de « table rase » fit hurler dans les chaumières. Il s’en fallut de peu que la brasserie Excelsior, joyau de l’Art nouveau ne soit elle-même détruite. A l’étroit, dans un territoire aux limites géographiques inchangées, Nancy doit pourtant se renouveler. Il faut donc se débarrasser des quartiers anciens et des friches industrielles, tout en sauvegardant ou en réhabilitant des bâtiments « marqueurs » et en les associant à des architectures modernistes. Cependant les dernières décennies n’ont guère attiré les stars de l’architecture contemporaine, Nancy ne s’infligeant que des tours éparses et peu convaincantes (voir à la fin du dossier le compte rendu de l’entretien avec Françoise Hervé).

1) Un secteur sauvegardé est mis en place à partir de 1996  en Vieille-Ville.

Il bénéficie de règles strictes visant à protéger un patrimoine bâti ou non. Il s’étend actuellement sur environ 160 ha et c’est l’un des plus vastes de France. L’espace public est devenu lieu de mise en scène pour le bonheur des touristes autant que pour celui des Nancéiens. Le patrimoine sauvegardé comporte 3 types de bâti.

Les portes

Place forte aujourd’hui démantelée, Nancy a cependant conservé plusieurs portes : porte de la Craffe au nord, flanquée de deux tours et doublée vers l’extérieur de la porte de la Citadelle encore enchâssée dans des murs de fortification ; portes Saint-Georges et Saint-Nicolas qui donnaient accès à la Ville-Neuve et Porte Royale, érigée comme un arc de triomphe et qui sert de communication entre les deux villes. Toutes ces portes d’entrée s’accompagnaient de places cernées de bâtiments publics et ornées d’arbres.

Les places

Les places majeures sont celles du XVIII è : Stanislas, de la Carrière et de l’Alliance, auxquelles il faut ajouter la place Saint-Epvre et la place Charles III récemment rénovée.

 

La place Stanislas (« Stan » pour les Nancéiens) fut réalisée par Emmanuel Héré entre 1752 et 1756 pour relier les deux villes. Elle a été restaurée en 2005 et classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Ses grilles sont admirables.

Autour d’une place immense de 124 m sur 106, aujourd’hui piétonne s’ordonnent 4 pavillons symétriques : hôtel de l’Intendant Alliot (devenu Hôtel de la reine), hôtel des Fermes (devenu opéra en 1909), collège de médecine (devenu musée des beaux-Arts, agrandi en 1999 d’une aile contemporaine, et pavillon Jacquet resté propriété privée. Le sud est fermé par l’hôtel de ville, le nord s’ouvre par un arc de triomphe sur la place de la Carrière. Cette place, tout en longueur se termine par deux hémicycles qui encadrent le Palais du Gouverneur édifié par Germain Boffrand et Emmanuel Héré. Il a servi de préfecture, de quartier général militaire avant de devenir musée.

Grilles de la place Stanislas et tour fâcheusement édifiée

Grilles de la place Stanislas et tour fâcheusement édifiée

Les parcs

Un quart du territoire du Grand Nancy est encore boisé, grâce à la présence toute proche de la forêt de Haye.

Le parc de la Pépinière a été créé sur l’impulsion de Stanislas en 1765. Il s’étend sur 23 ha en plein cœur de la ville. Aujourd’hui public, les Nancéiens s’y promènent le dimanche (comme nous, membres des Cafés géographiques) pour admirer la roseraie, le kiosque à musique, le parc zoologique ou la statue de Claude Gellée, dit le Lorrain, (par Rodin -1892).

Le parc Sainte-Marie fut propriété bourgeoise avant de devenir en 1905 un jardin public à l’anglaise. Il accueillit l’Exposition internationale de l’est français, témoin de l’apogée du dynamisme industriel et paradoxalement du chant du cygne de l’Ecole de Nancy. Il subsiste une maison villageoise alsacienne et une porte monumentale métallique réalisée par les aciéries de Pompey.

2) La réhabilitation du quartier Les Rives-de-Meurthe

Canal de la Marne au Rhin dans Nancy

Canal de la Marne au Rhin dans Nancy

Dans les années 1990, les friches industrielles et ferroviaires –ancienne gare de triage Saint-Georges-  et l’habitat dégradé de ce quartier du XIX è sont réhabilités sous l’égide des urbanistes Rémy Butler puis Alexandre Chemetoff. Le long du canal de la Marne au Rhin, des silos et des moulins abritent aujourd’hui des logements, le chemin de halage est devenu promenade urbaine, un jardin d’eau a été créé devant une Ecole d’architecture futuriste. Une nouvelle ligne de tramway relie le quartier au centre-ville.

 

L’école d’architecture

L’école d’architecture

Un quartier d’affaires de 300 ha est en cours d’édification avec à terme 75 000 m2 de bureaux. Trois grandes écoles sont déjà présentes, celle d’architecture déjà citée, l’ENSGSI (Ecole nationale supérieure en génie des systèmes industriels) et EEIGM (Ecole européenne d’ingénieurs en génie des matériaux). Un Technopole Renaissance devrait voir le jour.

3) Le projet de l’Eco Quartier Nancy Grand Cœur

Nancy Cœur de Ville

Nancy Cœur de Ville

Confié à Jean-Marie Duthilleul, architecte-urbaniste, ce projet (en rouge sur le document) a une emprise de 15 ha. Une réhabilitation du quartier de la gare est en cours, car l’arrivée du TGV en 2007  lui a donné une centralité accrue.

Devant la gare, la place Thiers n’est encore qu’un trou béant. Le projet prévoit un parvis haut,  piétonnier, et offert aussi aux circulations douces, tandis qu’un parvis bas sera réservé aux parkings et aux autres circulations. Les 4 lignes de tram et bus du réseau Stanway, qui desservent les banlieues, s’y croiseront. Une ZAC (zone d’aménagement concerté) de 12 ha doit accueillir des bureaux, des logements et des services. Elle bénéficiera d’un Quai Vert, pour la balade urbaine.

Le centre Jean Prouvé en 2014

Le centre Jean Prouvé en 2014

Le projet phare de ce quartier est un gigantesque Centre des Congrès de 19 000 m2 inauguré tout récemment. Il utilise le Centre de Tri Postal construit dans les années 1970 par Jacques André et Claude Prouvé (famille de Jean Prouvé) et est agrandi par un bâtiment de verre dû à Marc Barani et Christophe Presle. Belle réalisation de prestige.

Ce quartier s’inscrit dans une « démarche de développement durable »… expression très à la mode !

4) Le projet Grand Nancy Thermal

En 1909, près du parc Sainte Marie, où se tient l’exposition internationale, un forage fait jaillir de l’eau à 36 °. C’est le début de l’histoire thermale de la ville. Une piscine ronde, résolument Art nouveau, voit le jour en 1900. La valeur thérapeutique de l’eau est reconnue, pour le traitement de l’arthrose. Actuellement, un complexe Bien-être, Forme, Détente et Santé est engagé, avec les équipes médicales du  CHU de Nancy.

B   les nouvelles logiques urbaines des quartiers périphériques

A l’issue de la 2GM, comme partout en France, la crise du logement impose l’extension de l’espace urbain. Partout surgissent des tours et des barres d’habitation. Nous prendrons ici l’exemple emblématique du quartier du Haut du Lièvre

1) Dans les années 1960, en bordure du plateau, a été construit le Haut du Lièvre

Rénovation urbaine Plateau de Haye

Rénovation urbaine Plateau de Haye

La construction du quartier (1957-1971) a été confiée à Bernard Zehrfuss, premier grand prix de Rome et auteur du siège de l’Unesco à Paris. Les deux barres du quartier,  le Cèdre bleu  et le Tilleul argenté sont alors les plus longues d’Europe (24 entrées au Cèdre bleu et 18 entrées au Tilleul argenté) et elles sont dotées d’un confort inconnu à l’époque : chauffage central, ascenseur, vide-ordures, etc. Elles appartiennent aux réalisations dites fonctionnalistes. Début 1970, le quartier a accueilli 12 590 habitants.

Fig. 2 Plateau du Haut-du-Lièvre en 2007

Fig. 2 Plateau du Haut-du-Lièvre en 2007

Fig. 3 Le plateau du Haut-du-Lièvre, en 2010

Fig. 3 Le plateau du Haut-du-Lièvre, en 2010

Fig. 4 Le Haut-du-Lièvre : le Cèdre Bleu en 2012 (Anne Mathis)

Fig. 4 Le Haut-du-Lièvre : le Cèdre Bleu en 2012 (Anne Mathis)

La rénovation du quartier de grands ensembles du Haut-du-Lièvre à Nancy a été conduite dans le cadre de la loi Borloo et soutenue par l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU). Cette rénovation a permis de modifier le paysage urbain et de produire un écoquartier. La trame urbaine originelle a été conservée mais le quartier a été dé-densifié et s’est dilaté en conquérant les anciennes carrières Solvay exploitées sur le plateau par le groupe chimique Solvay et abandonnées en 1983. Les espaces « libérés » ont été recyclés construisant un paysage végétalisé par de nombreuses plantations (75 000 végétaux ont été plantés). Le quartier renommé « Plateau de Haye » prolonge désormais la ceinture verte nancéienne

Le plateau de Haye, aménagé dans les années 2000 par Alexandre Chemetoff intègre, dans une trame verte de près de 120 ha -avec grand parc central-, les bâtiments anciens (Tilleul argenté, Cèdre bleu, tour panoramique) et nouveaux réalisés sur le site dont le zénith réalisé par Denis Sloan en 1993, et le nouveau centre pénitentiaire de forme panoptique ex urbanisé.

Une controverse subsiste cependant : ce quartier est présenté par ses concepteurs comme un modèle de réhabilitation, une réussite qui doit changer l’image du quartier, au profit de ses habitants. Mais y installer une prison véritablement horrible, cernée de lieux de relégation dans des bois peu sécurisés… est-ce bien raisonnable ?

2) Le plateau de Brabois et le pôle estudiantin de Nancy

Fig. 5 Brabois : CHU, hippodrome  et technopole (2007)

Fig. 5 Brabois : CHU, hippodrome  et technopole (2007)

L’épisode fondateur de l’histoire universitaire de la ville est l’installation en 1752 d’un collège de médecine dans l’un des quatre pavillons de la place Royale. Le deuxième épisode majeur, lorsque la Lorraine est rattachée à la France, est la fermeture de l’université jésuite de Pont-à-Mousson et son transfert à Nancy en 1768. Les quatre facultés (arts, droit, théologie, médecine, sont dispersées dans la ville au gré des bâtiments disponibles, avant d’être regroupées dans un « palais universitaire » construit autour de la place Carnot. En 1824 est créée l’Ecole royale forestière et en 1864 est fondée la faculté des lettres et des sciences.

Enfin, après la guerre de 1870, la faculté de médecine de Strasbourg est accueillie à Nancy.

A la toute fin du siècle sont créés des instituts techniques d’initiative locale : institut chimique, école de brasserie, institut anatomique, institut de géologie, école des beaux arts sous l’influence de l’Art nouveau. Ils sont regroupés au nord de Vieille-Ville, avec le soutien financier d’industriels tels que le chimiste Solvay. L’Université a d’abord grandi pour servir et soutenir l’essor industriel, fournir les cadres  indispensables à cette croissance attractive et enfin participer au rayonnement  artistique qui éclot à Nancy après 1871 et amplifie ses effets entre 1890 et 1914, dans un contexte  de forte croissance et de progrès technologiques

Après la 2GM et surtout à partir des années 1970, l’explosion des effectifs exige la création de sites périphériques, qui accompagnent la création de ZUP et d’un CHU.

Le plateau de Brabois accueille dès 1976 un technopôle qui accueille 1/3 des 45 000 étudiants de la ville, abritant un pôle santé, un pôle universitaire et un pôle de recherches en hautes technologies.

3) ARTEM (pour ARt, TEchnologie et Management) conjuguera une vocation urbaine et universitaire à l’horizon 2015-20120. Le projet a été confié à l’agence Nicolas Michelin.

Ce projet de « campus urbain » associe l’Ecole des Mines, l’Ecole nationale supérieure d’art, le groupe ICN-Ecole de management et l’Institut Jean Lamour.  Il s’agit de regrouper les « métiers créatifs » imaginés dans l’esprit de l’Ecole de Nancy en un seul lieu.

Ce projet se situe dans le quartier Blandan-Haussonville (parcelle d’un seul tenant de 8 ha de l’ancien quartier Molitor). Il s’implantera sur d’anciennes casernes promises à destruction. Il sera relié par une galerie ouverte au public, au centre ville en passant par Nancy Thermal et par le parc Sainte-Marie.

IV   Nancy et son environnement proche

1) Deux métropoles dans une diagonale du vide

«  Je suis marqué par cette origine lorraine, de façon curieuse. Comment dire cela ? Un Lorrain a une idée de la France qui n’est pas celle des autres. Un Lorrain a la France dans le dos. Il est appuyé contre elle. Être lorrain, c’est être vigilant ». Fernand Braudel.

Terre de passage, cent fois ruinée, il faut attendre 1776 pour que la Lorraine soit entièrement déclarée française. Depuis, par deux fois, elle a été scindée en deux au profit de l’Allemagne et en fonction (partiellement) du dualisme linguistique. Cette frontière hésitante et mouvante est largement responsable de l’écartèlement régional.

Nancy n’a supplanté Metz qu’après la guerre de 1870. Les rivalités, après la 2GM sont restées tellement vives qu’en 1964 les aménageurs ont décidé la création pour la Lorraine d’une métropole d’équilibre d’abord tricéphale avec Thionville, cœur d’une sidérurgie encore prospère, puis seulement bicéphale. Distantes de 60 km, reliées par autoroute, voies ferrées, et dotées d’un aéroport commun, Nancy et Metz ont pourtant choisi de s’ignorer.

Aujourd’hui leur poids démographique est comparable, avec des aires urbaines avoisinant les 400 000 habitants. Nancy et Metz sont « des jumelles qui ne se ressemblent ni ne s’aiment » (Armand Frémont).

Mais les deux métropoles souffrent avant tout d’être les seuls points forts d’une Lorraine toujours en grave difficulté et à l’image négative. En dehors de l’axe mosellan, la densité peut s’effondrer autour des 20 hab/km2 (dans la Meuse).

En outre, si la nouvelle carte des régions imaginée en 2014 voit le jour, avec une grande région Est coiffant l’Alsace, la Lorraine et Champagne-Ardenne, nul ne sait comment sera choisie la nouvelle super capitale… Nancy ?

Une nouvelle controverse anime nos intervenants au sujet de la population de Nancy. Il est vrai qu’il y a de quoi se perdre !

La commune de Nancy compte 105 382 habitants, mais l’aire urbaine (zonage défini et délimité par l’Insee) compte 434 565 habitants (délimitation 2010). Y sont intégrées les communes dont au moins 40 % des actifs ont leur emploi dans l’agglomération.

Par ailleurs le Grand Nancy ou Communauté urbaine du Grand Nancy  compte 256 246 habitants. C’est une construction politique qui n’a de correspondance ni avec les UU ni avec l’aire urbaine.

L’ UU (unité urbaine) de Nancy  offre des chiffres qui sont sujets à discussion.

Le périmètre des UU est évalué selon des indicateurs fournis par l’INSEE (pourvoyeur de statistiques et de photos aériennes), l’IGN (pourvoyeur de photos satellitaires) et des instances politiques. Il se fonde d’abord sur la continuité territoriale des habitations.

En 1975 et 1999 on a utilisé les photos aériennes alors qu’en 2010 on a eu recours aux images satellitaires. Le recours au traitement de l’information par l’IGN a conduit à réduire de l’UU de Nancy.

Selon la délimitation de 1975, l’UU de Nancy compte 24 communes et 280 569 habitants.

Selon la délimitation de 1999, l’UU de Nancy compte 37 communes et 331 363 habitants.

Selon la délimitation de 2010, l’UU ne compte plus que 28 communes et 286 108 habitants. Onze communes sont retirées dont Ludres et sa zone d’activités. La ville passe ainsi du 15è au 22 è rang national (alors que Metz passe du 16è au 21 è rang national).

Actuellement, les Nancéiens proposent une correction faisant de Nancy une UU de 41 communes et de 335 841 habitants.

2) La vallée du sel et des industries du sel

Fig. 7 Vallée de la Meurthe depuis Art-sur-Meurthe, vers l’est (2007)

Fig. 7 Vallée de la Meurthe depuis Art-sur-Meurthe, vers l’est (2007)

La photo aérienne (Fig.7) rend bien compte des paysages du segment de la vallée de la Meurthe au sud-est de Nancy, au pied du talus d’une petite cuesta lorraine (cuesta du Lias). L’impact visuel le plus fort est celui qu’imposent les vastes bacs de décantation des industries chimiques du sel (Dombasle, La Madeleine). Ces nappes géométriques ne se manifestent, au sol, que par des talus souvent garnis d’un boisement artificiel, parfois rachitique.

Sur une quinzaine de kilomètres, le ruban de la vallée est occupé de façon intense par des foyers industriels, des cités ouvrières, des voies de communication et même une vieille cité dominée par sa basilique qui met une note d’archaïsme dans un paysage de la révolution industrielle.

Fig. 8 Saint-Nicolas-de-Port et Varangéville vus vers le nord. 2012)

Fig. 8 Saint-Nicolas-de-Port et Varangéville vus vers le nord. 2012)

Ce contact de deux époques est bien représenté sur la photo (fig. 8)  prise perpendiculairement à la vallée, du sud vers le nord, de Saint-Nicolas vers Varangéville. La vieille ville compacte, dominée par la basilique, fait face aux installations de la saline de Varangéville avec ses longs bâtiments et son énorme meule de sel gemme. Les deux ensembles contrastés sont séparés par le faisceau formé par la Meurthe, la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg et le canal de la Marne-au-Rhin.

Les faciès industriels ont été mis en place, progressivement à partir du milieu du XIXe siècle grâce à la présence du gisement salifère contenu dans les horizons géologiques du Keuper (Trias supérieur, – 230 à – 220 Ma). Si le sel est extrait dans la région depuis la préhistoire, l’exploitation moderne n’a commencé dans la vallée de la Meurthe que dans le premier quart du XIXe s. Le développement postérieur a bénéficié de plusieurs facteurs favorables, géographiques, technologiques et même géopolitiques.

Fig. 9 Carte des sondages salins du plateau de Haraucourt (Géoportail)

Fig. 9 Carte des sondages salins du plateau de Haraucourt (Géoportail)

Fig. 10 – Les effondrements du plateau de Haraucourt (2008)

Fig. 10 – Les effondrements du plateau de Haraucourt (2008)

L’exploitation du sel n’est pas strictement cantonnée dans la vallée ; les couches salifères sont atteintes aussi depuis le plateau qui domine la vallée au nord (voir carte fig.9) avec des conséquences qui pourront être observées (fig10). Deux procédés principaux sont utilisés : l’extraction minière du sel dans des galeries et l’extraction de saumure obtenue par injection d’eau dans les couches salifères. Les utilisations multiples du sel peuvent être classées en deux grandes catégories : les usages alimentaires et les utilisations à des fins industrielles ; les produits dérivés sont élaborés dans les deux usines de la vallée, celle de Solvay à Dombasle, celle de Novacarb, à Laneuville-Devant-Nancy sur le site dit de La Madeleine.

3) Saint-Nicolas de Port

Depuis l’antiquité, les grands axes de communication sont les cours d’eau. La ville de Port (sur la Meurthe) croît bien avant Nancy et en 1600 sa population est plus importante et plus riche que celle de la capitale ducale.

Le culte de Saint-Nicolas a pris naissance ici à la fin du XI è, le chevalier Aubert de Varangéville y ayant déposé une phalange du Saint évêque. Une basilique fut construite pour abriter la relique et les pèlerins affluèrent de toute l’Europe. Le patron des marins est donc ici à l’honneur depuis près de mille ans. Il est devenu aussi le patron de la Lorraine et des enfants.

La Basilique

La Basilique

Une  première église est consacrée au saint au début du XII è. Après sa victoire face à Charles le Téméraire en 1477, le duc René décide de faire édifier un édifice plus imposant. La construction de la basilique commence en 1481 en pierre calcaire blanche. Elle est inaugurée en 1544 et consacrée en novembre 1635.

Joyau du gothique flamboyant, les dimensions de la basilique surprennent par leur taille et par la hauteur des deux tours (plus de 80 m). Elles sont coiffées de clochers à bulbes.

Particularité visible dès l’entrée : l’axe de la nef n’est pas rectiligne mais accuse une déviation de six degrés vers la droite, d’où l’utilisation de travées et voûtes non orthogonales pour conserver une homogénéité visuelle.

A l’extérieur coté nord, six loges ouvrant sur la rue des fonts étaient destinées au commerce.

Au cours de la guerre de trente ans, elle subit un grand incendie qui détruisit la toiture et le mobilier. Réparée, elle est détériorée lors du bombardement de 1940 et sera restaurée grâce au legs de Camille Croué Friedmann.

Friches industrielles

Friches industrielles

La ville a aujourd’hui 7 700 habitants et un passé industriel qui a laissé beaucoup de friches : brasserie (fermée en 1986), grands moulins sur le canal de la Marne au Rhin, filatures qui ont employé 900 salariés en 1931, imprimerie fermée en 1990. Seule usine à fonctionner encore, celle des salins.

Canal, voie de chemin de fer et usine des Salins du Midi et Salins de l’Est

Canal, voie de chemin de fer et usine des Salins du Midi et Salins de l’Est

4) Le carrefour Pompey-Frouard

Deux bassins ferrifères ont été exploités en Lorraine, mais la dernière mine a été fermée en 1981. Ils ont en partie alimenté de grandes unités sidérurgiques dont celle de Neuves-Maisons, au sud et celle de Pompey-Frouard, au nord de Nancy. Les aciéries de Pompey ont fourni le fer puddlé de  la Tour Eiffel.

Site de Pompey en 1986 (date de la fermeture)

Site de Pompey en 1986 (date de la fermeture)

Fig. 12 – Site sidérurgique de Pompey démantelé, en 1990

Fig. 12 – Site sidérurgique de Pompey démantelé, en 1990

Fig. 13 – Le site de Pompey requalifié en 2008 (Parc d’activités de Nancy-Nord)

Fig. 13 – Le site de Pompey requalifié en 2008 (Parc d’activités de Nancy-Nord)

La SNAP (Société Nouvelle des aciéries de Pompey) a cessé de produire en 1986. A la fin des années 1980, le défi de la reconversion est considérable : traiter d’importantes friches industrielles, reconvertir in situ en attirant « de belles étrangères » et en diversifiant le tissu industriel. En moins de dix ans, le passé sidérurgique est effacé du paysage mais pas des mémoires (voir le compte rendu de l’entretien avec Jacques Chérèque à la fin du dossier).

5) La forêt de Haye

Fig.14 – Forêt de Haye ; de la base de l’OTAN à la ZA de Velaine-en-Haye, en 2007

Fig.14 – Forêt de Haye ; de la base de l’OTAN à la ZA de Velaine-en-Haye, en 2007

Le massif de Haye correspond pour l’essentiel au revers de la côte de Moselle. D’ouest en est, on passe d’une altitude de 250m sur la lisière ouest du massif à celle de 361m à la ferme Saint-Jacques, lieu de l’ultime défrichement agricole réalisé sur le haut du revers. Jusque vers 1960, l’agglomération n’atteint jamais l’orée de la forêt. Partout subsistent des espaces de transitions qui perdurent sous diverses formes (espaces ouverts cultivés ou pâturés, par exemple autour des fermes Saint-Jacques et de Clairlieu, zones enfrichées, là où les vignes ont périclité).

Depuis toujours, l’agglomération de Nancy vit en lien avec le massif de Haye, tout à la fois territoire en connivence avec l’agglomération toute proche et également clôture de l’horizon à l’ouest. Le massif forestier a rempli quatre fonctions : nourricière, cynégétique, stratégique et productrice de bois de feu. L’histoire de ce massif ne peut ignorer les effets de la partition de 1871. Nancy devient ville ouverte. Le système défensif mis en place par le général R. Séré de Rivières renforce le rôle des places fortes de Verdun, Epinal, Belfort et Toul. La défense de cette dernière s’appuie sur la côte, les buttes et avant-buttes et enfin sur le massif de Haye qui abrite des champs de tir, des espaces destinés aux entraînements. L’Armée défend la pérennité de la couverture forestière (Reitel). Puis en 1951, 520 ha de surface forestière sont concédés à l’OTAN pour établir une base américaine. Après le départ de ces forces, l’espace fut restitué au ministère de l’Agriculture et partagé en trois secteurs : une ZA de 260 ha (dont 170 sont classés en zone UX) (fig. 14 [cl. AH & CRG, 15 avril 2007), une zone de loisir qui couvre 230 ha et enfin 20 hectares qui abritent l’école qui forme les techniciens forestiers (centre national de formation ONF de Velaine-en-Haye)

L’unité pédo-géologique du massif explique l’actuelle dominante historique de la hêtraie. Une futaie alors très régulière, mature, exposée aux flux d’ouest a subi les effets désastreux du passage de la tempête Lothar, en décembre 1999 (Weisrock, Husson). L’essentiel des parcelles a été laminé par la tempête

Depuis 2009 est entamée une procédure de classement du massif en forêt de protection. Cette procédure apparaît très novatrice, voire presque inédite car jusqu’à maintenant ce type de classement concerne avant tout des espaces menacés par l’érosion torrentielle.

Biblio : Husson JP, 2009, «Le classement en forêt de protection du massif de Haye » in RGE, vol. 49/2-3 (en ligne)

Voici à présent les comptes rendus des entretiens obtenus le samedi 27 septembre par Les Cafés géographiques auprès de deux personnalités au tempérament affirmé. Qu’elles en soient chaudement remerciées.

Jacques Chérèque nous a accordé un long entretien sur le site de la Communauté de communes de Pompey.

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Il a rappelé son parcours en insistant sur les difficultés quotidiennes de la reconversion.

– Comment expliquer à des ouvriers qui affirment : « mon grand-père était sidérurgiste, mon père était sidérurgiste, je suis sidérurgiste, et mon fils sera sidérurgiste » que le site de Pompey n’a pas d’avenir et qu’il faut le fermer ?

– Comment convaincre des patrons de venir s’installer sur la friche de 250 ha alors qu’il faut au préalable assurer des formations ? Une première tentative auprès de dirigeants d’industries de hautes technologies a lamentablement échouée…

– Comment s’assurer de l’appui des hommes politiques à tous les niveaux, alors que la colère et l’exaspération grondent et grondent encore ?

Jacques Chérèque a 86 ans, c’est aujourd’hui un homme serein. Après 17 années de travail aux aciéries, des années passées à la tête du syndicat CFDT, puis une carrière d’homme politique, il a été adulé et honni, accusé de trahison et séquestré par deux fois. Mais, il l’affirme, son bilan est positif. En 1986 il y avait 5 500 emplois sur le site de Pompey. Actuellement il y a à nouveau 5 500 emplois.

– Politiquement, il a obtenu que le site soit entièrement rasé (cela a donné du travail aux Lorrains) puis il l’a fait protéger afin de garder la maîtrise du foncier. La requalification complète du site, l’aménagement de nouvelles zones d’activités in situ ont été confiés à un établissement public foncier, le EPML devenu EPFL en 2001.

– Socialement le combat fut très rude. Les sidérurgistes ont obtenu la retraite à 50 ans et des indemnités conséquentes. Il y eut des conséquences négatives car les femmes des sidérurgistes ont commencé à travailler (dans les nouveaux établissements du site) alors que les hommes se morfondaient à la maison, plus ou moins dépressifs, devenant parfois alcooliques. Il y eut des conséquences positives. L’argent obtenu a permis d’acheter la maison de la cité ouvrière où ils vivaient, de consommer  plus de services  (attirant des commerces). Parfois des familles sont parties en vacances, ont voyagé…

– Economiquement, le site est aujourd’hui largement occupé par 250 nouvelles entreprises : métallurgie, papeteries, haute technologie médicale, etc.… Tout est beau et propret. Rien dans le paysage actuel n’évoque le passé. Mais dans le cœur des Lorrains, ce souvenir est aussi tenace que la ténacité de Jacques Chérèque. Pour s’en convaincre on peut lire son ouvrage « La rage de faire »,  Editions Balland, 2007.

La rage de faire, c’est aussi celle de Françoise Hervé, rencontrée dans les superbes salons de l’hôtel de ville de Nancy.

Figure emblématique de la vie politique nancéienne, personnalité la plus atypique, elle a été et reste « le poil à gratter » des conseils municipaux successifs à travers ses engagements pour la défense du patrimoine et de l’environnement.

La rage de Françoise Hervé, c’est de garder la mémoire du passé. Son combat a été de sauvegarder des bâtiments marqueurs de l’espace nancéien, en particulier la brasserie Excelsior, brillante réalisation de l’Art nouveau, menacée par la politique de la table rase de la municipalité de l’époque.

Elle raconte, avec autant de ferveur que Jacques Chérèque, comment, par tous les moyens (affiches, manifestations, création de petits commandos et du mouvement « Victoire pour Nancy ») elle a obligé les édiles municipaux  à se convaincre de l’intérêt de la conservation du patrimoine : intérêt en termes d’image pour la ville et intérêt économique à travers les retombées du tourisme.

Un grand merci à ces deux  combattants convaincus et convaincants, de nous avoir accordé un peu de leur temps.

Ce court séjour en Lorraine a essayé d’en montrer la diversité. Atouts et handicaps continuent de se télescoper dans une farandole sans fin puisque la réforme territoriale en germe en cet automne 2014 suscite bien des interrogations.

Maryse Verfaillie

Ce compte rendu a été relu, corrigé et enrichi par Colette Renard-Grandmontagne & André Humbert et par  Jacqueline & Christophe Terrier.
L’ensemble des figures (de 1 à 14) nous a été offert par Colette Renard-Grandmontagne et André Humbert. Toutes les photos aériennes sont AH & CRG.
Les photographies ont été prises par Maryse & Bernard Verfaillie.

Bibliographie : Le patrimoine du Grand Nancy, Pierre Gras, Editions du patrimoine, CMN, 2012