Controverses dans le sud-ouest parisien.
Petite Ceinture ferroviaire de Paris et serres d’Auteuil
Les Cafés géo, samedi 26 septembre 2015 (Denis Wolff)
PC : il ne s’agit pas ici d’un parti politique mais de la Petite Ceinture, voie ferrée construite sous le Second Empire, et qui entourait alors complètement la capitale. Les excursionnistes des Cafés géo ont marché sur les traces de cette voie mythique et ont découvert les serres d’Auteuil et autres équipements parisiens, dont l’histoire récente est assez mouvementée.
Au cours des quelques kilomètres de cette excursion, ils se sont interrogés sur le sort de ces équipements édifiés au XIXe siècle pour transporter les Parisiens, les nourrir (abattoirs), les instruire et même les baigner (piscine Molitor) ! Quelle place, quel rôle leur laissent les acteurs de la vie moderne dans une ville livrée à la spéculation immobilière, où l’espace est rare et cher ?
Nous remercions chaleureusement Jean-Louis Tissier, qui a pris position dès 2010 pour défendre les serres d’Auteuil, Jean-Emmanuel Terrier et Stéphane Dos Santos, respectivement Président et Secrétaire de l’Association pour la sauvegarde de la Petite Ceinture1, ainsi que Bernard et Maryse Verfaillie pour toute l’organisation.
La Petite Ceinture
La Petite Ceinture de Paris est ligne de chemin de fer à double voie de 32 kilomètres de longueur (hors raccordements) qui faisait le tour de Paris à l’intérieur des boulevards des Maréchaux. Aujourd’hui, il en reste 23 kilomètres. Elle comportait 34 gares de voyageurs, 5 gares de marchandises, 2 gares réservées au bétail et 2 gares de triage.
De brillants débuts
Au XIXe siècle, les premières liaisons radiales ferroviaires au départ de Paris sont construites par des compagnies privées : Compagnie du Chemin de fer de Paris à Saint-Germain (qui devient la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest), Compagnie du Chemin de fer de Paris à Orléans, Compagnie des Chemins de fer du Nord, Compagnie du Chemin de fer de Paris à Lyon (qui devient Compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée), Compagnie des Chemins de fer de l’Est…
Mais cette configuration pose un problème aussi bien pour le transport des voyageurs que des marchandises : il y a rupture du trajet à Paris. Par ailleurs, on décide d’ériger de nouvelles fortifications autour de la capitale entre 1841 et 1844 (enceinte de Thiers) : il faudrait donc pouvoir les approvisionner en soldats, en ravitaillement ou en armement depuis l’intérieur de la ville fortifiée.
– En bleu : Mur des Fermiers généraux (construit en 1784-1790, limite de Paris jusqu’en 1860). – En rouge, avec des bastions : Enceinte de Thiers (fortifications construites en 1841-1844 puis détruites entre 1919 et 1929 ; limite de Paris à partir de 1860).
– En vert : Chemin de fer d’Auteuil.
– En orange : Chemin de fer de Petite Ceinture.
– En noir : Autres lignes de Chemins de fer.
Or les compagnies de chemin de fer sont réticentes à réaliser un système d’échange entre elles. Mais, comme l’Etat souhaite relier entre elles les lignes radiales pour permettre les échanges de fret entre les réseaux et desservir les fortifications parisiennes par l’intérieur (pour des raisons stratégiques), il intervient donc en finançant (à environ 45 %) la construction de la ligne de Petite Ceinture qui est ouverte par sections au cours du Second Empire (1852-1869).
Construite à l’initiative des frères Pereire, fondateurs de la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest, la ligne d’Auteuil est une section un peu particulière de la Petite Ceinture. Ouverte en 1954, elle relie alors la gare Saint-Lazare à la gare d’Auteuil. Entre le Pont Cardinet et la Porte Maillot, les communes de Neuilly et des Batignolles offrent aux frères Pereire les quatre hectares nécessaires à la construction du chemin de fer à la seule condition d’exécuter un boulevard de dix mètres de large de chaque côté des voies : c’est l’origine du Boulevard Pereire.
– Au Nord et à l’Est, en bleu foncé, la Petite Ceinture Rive Droite (1854).
– A l’Ouest, en bleu clair, la ligne d’Auteuil (1854).
– Au Sud, en vert, la Petite Ceinture Rive Gauche (1867).
– Au Nord-Ouest, en rouge, le raccordement de Courcelles (1869).
La nouvelle ligne de Petite Ceinture est rapidement utile pour les marchandises comme pour les voyageurs (durant la guerre de 1870, elle sert à transporter huit cent mille hommes de troupe !). Son trafic est de 5 millions de voyageurs en 1878 et, en 1900, la Petite Ceinture en transporte 39 millions, record lié à l’Exposition universelle (un train toutes les dix minutes dans chaque sens aux heures de pointe). On reconstruit alors la gare Avenue du bois de Boulogne (baptisée Avenue Foch aujourd’hui) pour accueillir les souverains ou chefs d’Etat étrangers. La capacité de la ligne devenant insuffisante, on construit à une quinzaine de kilomètres de Paris la Grande Ceinture, essentiellement pour le transport des marchandises (157 kilomètres, ouverture en 1877).
Concurrence du métro et fermeture de la ligne
A partir de la fin du XIXe siècle, on construit le chemin de fer métropolitain de Paris, c’est-à-dire le métro. La première ligne est ouverte en 1900 et, en 1913, il existe déjà un véritable réseau (10 lignes, 91 kilomètres au total). C’est un grand succès car les lignes sont centrales, le matériel électrique, moderne, est plus rapide et plus confortable que la traction vapeur ; enfin, la tarification plus simple et plus compétitive (celle de la Petite Ceinture prenait en compte le nombre de stations compris entre le point de départ et le point d’arrivée).
Sur la Petite Ceinture, si le trafic de marchandises continue à augmenter, celui des voyageurs ne cesse de baisser, d’autant plus qu’on diminue la fréquence des trains (20 minutes en heure de pointe, mais parfois une heure entre deux trains aux heures creuses).
En 1934, on décide de fermer la ligne au trafic des voyageurs ; on la remplace par la ligne de bus PC qui offre une plus grande fréquence de desserte et un plus grand nombre d’arrêts intermédiaires. Cependant, la ligne d’Auteuil, électrifiée par rail latéral en 1925, continue à fonctionner jusqu’en 1985. En 1962, on démolit le pont-viaduc d’Auteuil (reliant la porte d’Auteuil au port de Javel) et on le remplace par le pont du Garigliano exclusivement routier : la Petite Ceinture est ainsi coupée entre Auteuil et Grenelle.
Malgré cette fermeture, des trains de jonction circulent entre la gare du Nord et la gare de Lyon (La Flèche d’Or, le Flandre-Riviera…) jusqu’en 1993. Le trafic de marchandises reste important à l’Est et au Sud de la ligne ; la Petite Ceinture dessert les usines Citroën de Grenelle, les abattoirs de Vaugirard… Après leur fermeture dans les années 1970, il ne cesse de diminuer. En 1993, c’est la fin du trafic de marchandises sur la Petite Ceinture.
Quel avenir pour la Petite Ceinture ?
Aujourd’hui, la ligne de Petite Ceinture subsiste en continu entre le boulevard Victor et la Porte de Clichy (23 kilomètres) mais il n’y a plus de circulations de trains ; la végétation s’installe spontanément créant des habitats propices à la petite faune ; la Petite Ceinture devient un lieu de refuge pour la diversité sauvage et un corridor écologique permettant la circulation des espèces (cf. cette vidéo).
Ses emprises (voies ferrées, gares…) appartiennent toujours à RFF (Réseau ferré de France devenu SNCF Réseau en 2015) qui surveille les voies et les entretient (cet entretien est réalisé par des associations d’insertion locale et professionnelle qui emploient des salariés en cours d’insertion ; voir un exemple ici). Cependant les gares sont le plus souvent affectées à d’autres usages que le transport : restaurants…
L’accès des piétons à la Petite Ceinture est interdit (la plupart des accès sont grillagés ou murés) mais cette interdiction est loin d’être respectée. Il y a même eu un campement en 2013 (évacué en mars 2014), puis un nouveau en 2015, entre la porte de Clignancourt et la porte de la Chapelle.
Quelques sections sont cependant ouvertes au public (nous excluons naturellement les aménagements au dessus des tunnels) :
– en 2007, dans le 16ème arrondissement, 1,2 kilomètre entre l’ex-gare de Passy (près du métro Muette) et l’ex-gare d’Auteuil, les rails étant enlevés depuis 1993 ; cette section est louée par la Ville de Paris à Réseau ferré de France, toujours propriétaire du terrain ; l’achat de ce terrain par la Ville n’a pas abouti, buttant sur une question de prix ;
– en 2013, dans le 15ème arrondissement, 1,3 kilomètre entre la Place Balard et la rue Olivier de Serres, avec des aménagements légers et réversibles (convention d’aménagement en promenade pour une durée de 7 ans à partir d’août 2011) ;
– en 2015, dans le 13ème arrondissement, 532 mètres dans le secteur de la Poterne des Peupliers (près de l’ancien cours de la Bièvre).
Les projets sont nombreux et la question du devenir de la Petite Ceinture revient régulièrement dans l’actualité parisienne. On peut distinguer les projets ferroviaires (ligne de métro, de tramway, de tram-train, voire de vélos-rail…) et les projets verts : promenade plantée (parc linéaire ou coulée verte), piste cyclable… Ces derniers posent cependant plusieurs problèmes : il y a des tunnels (celui des Buttes-Chaumont a plus d’un kilomètre de long) et de longues parties sont en tranchées. Par ailleurs les coûts sont élevés : dans le 15ème arrondissement, pour 1,3 kilomètre, l’aménagement a coûté 5,6 millions d’euros, le loyer annuel est de 100 000 euros et les frais annuels de maintenance des ascenseurs de 40 000 euros !
En avril 2015, la Ville de Paris et SNCF Réseau signent un protocole dont le préambule insiste sur l’ADN ferroviaire de la Petite Ceinture qui, « propriété de SNCF Réseau, fait partie du réseau ferré national, à l’exception d’un tronçon à l’Ouest, entre Auteuil et la Muette dans le 16e arrondissement (…) ». La Ville de Paris et SNCF Réseau confirment leur volonté que soit préservée sa continuité et la réversibilité des aménagements qui pourraient y être réalisés, afin de ne pas obérer les potentiels de transport dans le futur.
Un secteur en transformation : de la Porte d’Auteuil à la Porte Molitor
Le quartier de la Porte d’Auteuil à la Porte Molitor fait l’objet de nombreux projets de restructuration qui, pour la plupart, ont été contestés et le sont encore. Les riverains disposent d’appuis solides en raison de leur situation sociale ; on pense notamment aux habitants de la Villa de Montmorency (il s’agit en fait de tout un quartier), communauté fermée depuis sa création en 1853.
Tout près de cette Villa, au Nord de la gare d’Auteuil, la municipalité parisienne a décidé de profiter de réserves foncières libérées par la SNCF pour construire trois tours de logements sociaux (peu nombreux dans cet arrondissement). Après cinq ans de procédures judiciaires, les travaux ont démarré (2015).
La rénovation du stade Jean Bouin a été contestée, mais moins durement : le projet de Rudy Ricciotti (architecte du MuCem à Marseille) a été adopté. Il s’est agi, pour l’essentiel, de construire un stade de rugby de 20 000 places (projet de 2007, début des travaux en 2010, inauguration en 2013).
Le devenir de la piscine Molitor a également donné lieu à d’âpres débats. Construite en 1929 par l’architecte Lucien Pollet, elle est réalisée dans un style Art déco inspiré des paquebots. Elle comprend alors une piscine couverte (33 mètres de long) et une piscine à l’air libre (50 mètres à l’origine, aujourd’hui 46) qui se transforme l’hiver en patinoire. Cette piscine, fréquentée par nombre de personnalités a accueilli des défilés de mode, des galas nautiques… C’est là que le bikini a fait son apparition, en 1946 (voir ses quarante ans en 1986).
En 1989, la piscine est fermée. Le ministère de la Culture refuse les projets immobiliers de la ville de Paris. Elle subit alors de nombreux dégâts : intempéries (les murs tombent en ruine), pillages et, enfin, les effets d’une rave party (2001)… Un nouveau projet de la municipalité parisienne est finalement accepté (2008, débuts des travaux en 2011). Selon la mairie, on refait une construction « proche de l’originale », mais les défenseurs estiment, au contraire, que l’ensemble est en grande partie détruit. Le complexe construit est confié au groupement Colony pour un bail emphytéotique de 54 ans. Comprenant un hôtel de luxe, un restaurant, un bar, un club privé…, il ouvre ses portes en 2014. Seuls les clients de l’hôtel (400 à 800 euros la nuit) ou de ce club (cotisation de plus de 3000 euros par an) peuvent profiter de la piscine…
Mais le projet d’extension du stade de tennis de Roland Garros et les menaces sur les serres d’Auteuil ont provoqué des débats encore plus vifs.
Jardin des serres d’Auteuil
Le jardin des serres d’Auteuil est un jardin botanique ; c’est l’un des quatre pôles du Jardin botanique de la Ville de Paris avec le Parc de Bagatelle, le Parc floral de Paris et l’Arboretum de l’école du Breuil (dans le Bois de Vincennes).
Les jardins et les serres ont été construits par l’architecte en chef du service des Promenades et Plantations de la Ville de Paris, Jean Camille Formigé. Le jardin est organisé autour d’un vaste parterre à la française. On y remarque notamment une fontaine ornée du haut-relief en pierre de la Bacchanale de Jules Dalou et un mur de soutènement des terrasses orné de quatorze mascarons en fonte galvanisée d’Auguste Rodin.
Les cinq serres principales, réalisées dans le style 1900 (armatures de fonte, peintes en bleu-vert), donnent sur cet espace central. La grande serre est divisée en trois espaces climatiques différents : un jardin tropical (chaud et humide), une palmeraie (plus sèche) et une orangerie (un peu moins chaude). Les serres referment plus de 6000 espèces végétales et notamment des arbres remarquables. Pour plus de détails, se reporter au livre de Jean-Christophe Ballot et Sophie Nauleau (Pour le jardin des serres d’Auteuil, Gallimard, 2015).
En 1968, le jardin est amputé par la construction de l’échangeur d’Auteuil et du boulevard périphérique. Puis, à partir de 2010, une partie des serres est menacée par un projet d’extension du stade de Roland Garros qui, avec une superficie de 8,5 hectares -moitié moins que les sites des autres tournois du grand chelem de tennis-, manque indubitablement d’espace. Face à cette situation, trois projets émergent (à Versailles, à Marne-la-Vallée et à Gonesse) qui offriraient chacun une superficie de plus de 30 hectares pour les tournois. En 2011, la Fédération française de tennis (FFT), soutenue par la mairie de Paris, préfère pourtant d’agrandir le stade actuel : 5 hectares de plus, en rognant en partie sur les serres d’Auteuil pourtant classées Monuments historiques.
(Les serres chaudes seront détruites si le projet d’extension de Roland Garros est réalisé) |
Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont signé une pétition tandis que Jean-Louis Tissier rédige un article dans Libération et obtient l’appui du dessinateur Cabu. Les défenseurs des serres proposent de réaliser l’extension du stade par la couverture de l’autoroute de Normandie en tranchée, mais la FFT n’entend pas modifier son choix. Après une longue procédure judiciaire dont les résultats ont déçu les opposants, cette affaire n’a pas encore connu son dénouement.
Des abattoirs de Vaugirard au parc Georges Brassens
En 1859, on décide de supprimer les cinq abattoirs parisiens existant et de les remplacer par l’abattoir général de la Villette : les travaux commencent peu après et le nouvel abattoir ouvre en 1867. Puis, à la fin du XIXe siècle, on érige les abattoirs de Vaugirard construits par Ernest Moreau au lieu dit des Morillons. Ils comprennent, d’une part, rue des Morillons, les abattoirs généraux ouverts en 1898 qui possèdent des échaudoirs réservés à l’assistance publique de Paris et, d’autre part, rue Brancion, l’abattoir hippophagique (ouvert en 1904 à la suite de la fermeture de l’abattoir de Villejuif) et un marché aux chevaux (ouvert en 1907 à la suite de la fermeture du marché aux chevaux du boulevard de l’Hôpital). Les animaux arrivent essentiellement à la gare des abattoirs sur la ligne de Petite Ceinture située à leur bordure. Photographies anciennes des abattoirs en cliquant ici.
En 1966, on décide de fermer les abattoirs de Vaugirard qui cessent leur activité entre 1976 et 1978 avant d’être en grande partie démolis entre 1978 et 1985. Il ne reste aujourd’hui que les portes monumentales ornées d’un cheval, les deux pavillons d’entrée avec les deux taureaux réalisés par Isidore Bonheur et provenant de l’Exposition universelle de 1878 au Trocadéro, le campanile ou beffroi du marché à la criée et la halle du marché des chevaux où se déroule les samedis et dimanches depuis 1987 un marché du livre ancien et d’occasion.
Ouvert en 1985, le parc Georges Brassens se trouve sur l’emplacement des anciens abattoirs. On lui a donné le nom du poète compositeur interprète (1921-1981) qui a vécu dans le quartier à partir de 1966, rue Santos Dumont (il avait habité auparavant vingt-deux ans « chez Jeanne », Impasse Florimont, 14e). Le parc est décoré de statues et bustes : L’Âne de François-Xavier Lalanne, Le Porteur de viande d’Albert Bouquillon et, naturellement un buste de Georges Brassens d’André Greck. Notons aussi la présence de ruches, de vigne et… du Monfort-Théâtre : inauguré en 1992, il porte le nom de Silvia Monfort, décédée en 1991. Photographies du Parc Georges Brassens sur ce site.
Conclusion
Cette excursion d’une journée a permis de découvrir des paysages jusqu’alors ignorés par la plupart des participants. Elle a également suscité nombre de réflexions. D’abord, que faire des équipements construits à Paris au XIXe siècle pour transporter les Parisiens, les nourrir, les instruire, les baigner, leur faire pratiquer du sport… ? Doit-on les détruire, les conserver, les adapter à la vie contemporaine et comment ? La réponse ne peut être globale et varie selon lieux et les équipements : voies ferrées, stade, piscine, serres et jardins, abattoirs, usines (les excursionnistes ont déjeuné près des anciennes usines Citroën du Quai de Javel, aujourd’hui transformées en jardins)… Les débats peuvent être vifs… et se poursuivre devant les tribunaux. Un bâtiment doit-il être privatisé pour être sauvegardé (cf. piscine Molitor) ?
Cela dit, tout le monde semble d’accord pour sauvegarder les espaces verts et pour en créer si possible en raison de leur insuffisance flagrante ; ainsi, la création du Parc Georges Brassens a été fort consensuelle. Mais les riverains, tels ceux de la Petite Ceinture, peuvent aussi défendre cette approche par effet Nimby2 : ils se sont largement opposés et s’opposent toujours à son utilisation pour le transport ferroviaire, même léger (tramway, tram-train…), en raison des nuisances (bruit…) que cela pourrait provoquer. Et que dire des habitants d’Auteuil qui refusent la construction de logements sociaux dans leur quartier ?
Nous nous sommes également interrogés sur les conflits d’usage. Dans une des villes les plus denses du monde, tous les acteurs sont à la recherche d’espaces nouveaux. Et, face à de légitimes besoins d’extension, on peut être tenté d’aller en « piquer » chez le voisin, surtout si on obtient l’appui de la mairie de Paris et/ou du gouvernement ; l’exemple de l’extension de Roland Garros, qui menace les serres d’Auteuil, est significatif. De manière plus générale, les citoyens peuvent s’interroger : quelle place, quel rôle leur laissent les acteurs de la vie moderne dans une ville livrée à la spéculation immobilière, où l’espace est rare et cher ?
Denis Wolff
Petite Ceinture : chronologie
– A partir de 1837 : Premières liaisons radiales ferroviaires au départ de Paris construites par des compagnies privées (les gares seront érigées plus tard ; d’abord des embarcadères) :
– 1841-1844 : Construction de nouvelles fortifications autour de Paris (enceinte de Thiers).
– 1852-1869 : Ouverture de la Petite Ceinture au trafic des voyageurs et des marchandises (32 km). Ligne d’Auteuil ouverte en 1854.
– 1860 : Paris annexe plusieurs communes voisines et s’étend désormais jusqu’aux fortifications.
– 1877 : Ouverture de la ligne de Grande Ceinture (157 km).
– 1900 : Année du plus fort trafic de voyageurs sur le Petite Ceinture (39 millions de voyageurs).
– 1900-1913 : Ouverture des dix premières lignes du métro de Paris (91 km).
– 1934 : Fermeture de la Petite Ceinture au trafic de voyageurs à l’exception de la ligne d’Auteuil (et création de la ligne de bus PC).
– 1962 : Démolition du pont-viaduc d’Auteuil, remplacé par le pont du Garigliano. Petite Ceinture coupée entre Auteuil et Grenelle.
– 1985 : Fermeture de la ligne d’Auteuil.
– 1988 : Une partie de la ligne d’Auteuil (entre Avenue Henri Martin et Porte de Clichy) est intégrée à la ligne C du RER (Champ de mars – Pontoise).
– 1993 : Fin du trafic de marchandises sur la Petite Ceinture.
– 1993 : Les rails de la ligne d’Auteuil, section Auteuil – Avenue Henri Martin, sont déposés.
– 2007 : Ouverture d’un parc linéaire (1,2 km) sur la ligne d’Auteuil, entre l’ex-gare de Passy (près du métro Muette) et l’ex-gare d’Auteuil (16ème arrondissement).
– 2013 : Ouverture d’un parc linéaire (1,3 km) sur la Petite Ceinture dans le 15ème arrondissement, entre la Place Balard et la rue Olivier de Serres, avec des aménagements légers et réversibles.
– 2015 : Ouverture en septembre d’un parc linéaire (532 mètres) sur la Petite Ceinture dans le 13ème arrondissement dans le secteur de la Poterne des Peupliers. (?)
Petite ceinture : bibliographie, filmographie…
D’autres références sont disponibles sur le site : http://www.petiteceinture.org
Bibliographie
– Jacques REDA et Marc SORANO, Le chemin de fer de Petite Ceinture de Paris, 1851-1981, Périgueux, Pierre Fanlac, 1981, 127 p.
– André JACQUOT, Daniel ADAMOVITCH, 130 ans de trains sur la ligne d’Auteuil ou de la ligne d’Auteuil à la VMI, Valignat (Allier), Editions de l’Ormet, 1987, 112 p.
– Pierre LAEDERICH, La Petite Ceinture de Paris, Valignat (Allier), Editions de l’Ormet, 1991, 96 p.
– Bruno CARRIERE, La saga de la petite ceinture, Paris, Ed. »La Vie du rail », 1992, 288 p.
– Jean-Pierre RIGOUARD, La petite ceinture, Saint-Cyr-sur-Loire, A. Sutton, 2002, 128 p.
– Anonyme (?), 1934 : la fin de la Petite Ceinture, Historail, n°23, octobre 2012.
– Clive LAMMING, Paris au temps des gares, Parigramme, 2011, p. 67-69.
Mémoires universitaires
– Paul FUNKELSTEIN, Le chemin de fer de la petite ceinture de Paris, Thèse sous la direction de René CLOZIER, Université de Paris, 1948, 112 p.
– Jean-Maurice BERTON, Histoire d’une ligne de chemin de fer dans Paris. La Petite Ceinture et le syndicat des compagnies (1851-1934), Thèse diplôme d’archiviste-paléographe, Paris, Ecole nationale des chartes, 1988.
– Pascale D’ANFRAY-LEGENDRE, Le chemin de fer de petite ceinture, ou la ligne et le périmètre, DEA sous la direction de Aleth MALVERTI et de Bruno VAYSSIERE, Université Paris-Est Créteil Val de Marne, Institut d’urbanisme, 1990, 100 p.
Romans et nouvelles
– Pierre CHRISTIN, Annie GOETZINGER, La voyageuse de la petite ceinture, Dargaud, 1985.
– Max ALHAU, Le chemin de fer de petite ceinture. Nouvelles, Cognac, Le Temps qu’il Fait, 1986 (rééd. 1999 ?)
– Nicolas CHAUDUN, Le promeneur de la Petite Ceinture. Récit de voyage, Actes Sud/Paris-Musées, 2003, 175 p., 19 €.
– Mouloud AKKOUCHE, Manuel ALCANTARA, Petite Ceinture. Nouvelles de la périphérie, Paris, Arcadia, 2006, 15 €
Vidéos
– Documentaires de François GODARD (ne pas confondre avec Jean-Luc !) :
François GODARD, Train spécial, 1994.
François GODARD, Petite Ceinture, Petite Campagne, 1998.
François GODARD, Paris : un désir nommé tramway, 2000.
– Jean-Philippe CORRE, La Parenthèse urbaine, 2009.
– Amélie MAOUS et Richard PROST, La Belle aux Voies Dormantes, 2010.
Films
– Georges MELIES, Panorama pris d’un train en marche, 1899 (la ligne de Vincennes entre les gares de Reuilly et les fortifications).
– Henri VERNEUIL, Des gens sans importance, 1956 (le personnage joué par Jean Gabin habite près de la Petite Ceinture, rue des Orteaux, dans le 20e arrondissement).
– John FRANKENHEIMER, Le train, 1964 (plusieurs scènes tournées dans la gare marchandises de la Glacière-Gentilly).
– Jean-Pierre MELVILLE, Le Samouraï, 1967 (se situe dans la gare d’Orléans-Ceinture, rebaptisée Masséna).
Alexandre de Humboldt, Victor Hugo et Julien Gracq,
des auteurs pour Auteuil
« Je me suis référé déjà à l’expérience de ma jeunesse, j’ai rappelé comment l’aspect d’un dragonnier colossal et d’un palmier éventail dans une vieille tour du jardin botanique de Berlin, a déposé en moi le premier germe de l’ardeur inquiète qui m’a poussé irrésistiblement vers les voyages lointains.
Si dans la serre où sont abrités les palmiers de Loddiges, ou dans celle que le noble monarque, enlevé à la Prusse il y quelques années a fait construire dans l’île des Paons, près de Postdam comme un témoignage de son amour pour la simple nature ; si, dis-je, par un brillant soleil, on abaisse ses regards du haut de la plate-forme sur ces nombreux palmiers qui à l’élévation des arbres joignent la souplesse des roseaux on est pour quelques moments complètement dépaysé. On croit être transporté dans le climat des tropiques, et que du faîte d’une colline, on contemple un buisson de palmiers.
Aussi est-il un des plus beaux fruits de la civilisation européenne, qu’aujourd’hui il soit possible à l’homme dans les contrées les moins favorisées, de goûter grâce au collections exotiques une part des jouissances que va chercher le voyageur, souvent au prix de bien des périls, dans la contemplation immédiate de la nature. »
Alexandre de Humboldt, Cosmos, 1844.
« Voilà ce que c’était que le jardin d’hiver. Un poète l’avait peint d’un mot: « on a mis l’été sous verre. »C’était une immense cage de fer, à deux nefs en croix, grande comme quatre ou cinq cathédrales et revêtue d’une vitrine gigantesque. Quand on y entrait l’oeil se fermait d’abord dans l’éblouissement d’un flot de lumière; à travers cette lumière on distinguait toutes sortes de fleurs magnifiques, des arbres étranges avec les feuillages et les attitudes des tropiques et des Florides, bananiers, palmiers, lataniers, cèdres, larges feuilles, énormes épines, branches bizarres tordues et mêlées dans une forêt vierge… »
Victor Hugo, Choses vues, février 1849.
« Où que j’aille aujourd’hui encore si l’occasion s’en présente, si j’ai dans une ville inconnue une heure à perdre, une dérive complaisante m’entraîne, au long des rues, vers ces placides enclaves chlorophylliennes, cernées de nos jours malheureusement par la ronde des moteurs, et lorgnées de près par les résidences de béton et les tours à multiétages qui transparaissent tout autour d’elles à travers le feuillage des cèdres et des catalpas. Je vois dans ces arches de Noé végétales comme autant de modestes porte-trésors, battus de partout, malmenés, comprimés par la marée de l’urbanisation industrielle, mais dont la déflagration végétale explosive un jour réensemencera les cités abandonnées. »
Julien Gracq, La forme d’une ville, 1985.
1 L’Association pour la Sauvegarde de la Petite Ceinture de Paris et de son Réseau Ferré (ASPCRF), fondée en 1992, a pour but de développer la connaissance de la Petite Ceinture de Paris (son histoire, son environnement…). Favorable à la préservation de son infrastructure, elle milite pour la réactivation d’un service métropolitain de voyageurs sur son tracé.
2 Acronyme de l’expression Not In My BackYard, qui signifie pas dans mon arrière-cour.