Clélia Gasquet-Blanchard © Maryse Verfaillie

Parmi les huit Cafés Géo programmés au FIG 2019, celui-ci a traité d’un sujet novateur qui a beaucoup intéressé un large public présent au bar L’Actuel, samedi 5 octobre à partir de 11h.

 

Les auteures de ce travail :

Clélia Gasquet-Blanchard (EHESP / UMR ESO / CNRS / Université de Rennes, France)

Paula Cristofalo (EHESP / EA MOS, France)

Maud Gelly (CRESPPA-CSU CNRS ; Hôpital Avicenne de Bobigny AP-HP, France)

Marielle LeRumeur (EHESP, CNRS ESO)

 

Le contexte

Les travaux sur les inégalités sociales de santé s’inscrivent rarement dans la sociologie des classes sociales (Gelly, Pitti, 2016) et portent en général sur la santé des classes populaires, voire sur leurs fractions les plus précarisées (Niewiadomski, Aïach, 2008), et sur la santé des personnes migrantes en situation de précarité administrative et sociale (Desgrées du Loû, Lert, 2017 ; Cognet, 2012). Une analyse des effets des rapports sociaux sur les pratiques de santé nécessite une enquête sur les pratiques de santé des classes supérieures, en affinant l’analyse selon la structure des capitaux (économique et culturel) détenus. Si les pratiques sociales, culturelles, résidentielles et matrimoniales de la bourgeoisie constituent des objets familiers pour la sociologie critique (Pinçon, Pinçon Charlot, 2016), les pratiques de santé de cette classe sociale restent peu explorées. En France, les effets des rapports de domination sur les pratiques gynécologiques ont été explorés sous l’angle de la racialisation, (Sauvegrain, 2012, 2013) mais plus rarement dans les rapports des soignants aux classes supérieures.

 

Le projet 

Le projet TRASOPER (trajectoires et rapports sociaux en périnatalité) vise à prolonger ces recherches sur la différenciation sociale et a aussi vocation à répondre à différentes questions :

1) comment l’environnement de vie, la socialisation de genre, de classe, et l’histoire migratoire produisent chez les individus un certain rapport au corps, à la santé, au milieu médical ?

2) comment les professionnel.le.s impliquées en périnatalité différencient leurs pratiques selon leurs propres origines et trajectoires sociales, et selon les origines et trajectoires sociales des usagères ?

 

Ce projet pluridisciplinaire entend contribuer à une sociologie et une géographie critique de la santé, en articulant la sociologie des rapports sociaux, l’exploration sociologique et géographique des enjeux de santé.

 

Nous visons par cette approche à mieux comprendre comment les lieux et les spatialités qui entrent en jeu autour du vécu de la grossesse et de sa prise en charge par les professionnels. Nous nous intéresserons aux rapports sociaux entre patientes et soignants, et comment ils participent à certaines assignations corporelles et de pratiques.

 

La méthodologie de l’enquête est mixte (qualitative et quantitative), le volet qualitatif a démarré en juin 2018 et se poursuit ; le volet quantitatif (une enquête par questionnaire en ligne auprès des personnels des services) est actuellement en cours de réalisation et de traitement.

 

Le terrain et les méthodes 

L’enquête s’est déroulée dans une maternité privée à but non lucratif, réalisant environ 750 accouchements par an. Il s’agit d’une maternité de type 1 (c’est à dire prenant en charge les grossesses physiologiques, non pathologiques) situé dans le département des Hauts de Seine. Cette maternité accueille un public de femmes de classe socio-économique en général élevée.

 

Nous avons réalisé 36 entretiens semi-directifs avec des femmes au cours de l’hospitalisation qui suit ou précède leur accouchement, 12 entretiens avec des professionnels de santé et observer 60 consultations médicales et réunions de service.

 

Les résultats 

L’enquête montre un corpus de femmes des classes supérieures fortement mobiles. En effet, les origines sociales, les capitaux scolaires, les professions et le secteur d’emploi de ces femmes ainsi que ceux de leurs conjoints, de même que leurs lieux de résidence et de villégiature, les situent au pôle économique des classes supérieures, voire au sein des élites économiques fortement mobiles à l’échelle internationale. Pour cette population, la consommation de biens de santé à l’échelle internationale apparaît comme une pratique distinctive qui participe, pour les structures et professionnels qui les accueillent à organiser une prise en charge de qualité à destination des élites. On constate par ailleurs, des mobilités liées à la recherche du bien-être. Néanmoins, cette situation socio-économique privilégiée pour ces femmes, ne doit pas nous faire faire l’économie d’une approche intersectionnelle car on constate des limites relatives aux questions d’égalité entre les sexes et les races chez les élites transnationales.

 

Des exemples très concrets ont été présentés (avec des photos et de courts extraits des enquêtes) au public présent dans la salle, certes peu nombreux mais très attentif.

Mille mercis pour ce travail novateur et enrichissant.

 

Compte rendu réalisé par Clélia Gasquet-Blanchard

et relu par Maryse Verfaillie, octobre 2019

 

Liens permettant d’approfondir le sujet :

http://eso-rennes.cnrs.fr/fr/recherche-1/programmes-en-cours/trasoper-mshb.html

https://www.mshb.fr/projets_mshb/trasoper/5763/

https://journals.openedition.org/cedref/1007#tocto1n1

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/tourisme-medical-ou-tourisme-de-sante